❝ Qu’est-ce que tu as fais ? ❞

❝ Qu’est-ce que tu as fais ? ❞

❝ Qu’est-ce que tu as fais ? ❞

Il se souvient de l’odeur du sang. De son goût dans la bouche. Cet horrible goût.
La vision trouble. L’obscurité qui l’engloutit. Le fracas et le silence.

Tout disparait. Tout s’évapore. Il disparait.
Les ténèbres le dévorent.
L’esprit s’efface. L’oublie devient son salut.

Partie I

Les cris déchirent la nuit. Dans l’hôpital résonne toute sa douleur tandis qu’on s’agite autour de la source. Chaque fibre de son corps s’emploie à délivrer son fardeau trésor. Sa dernière œuvre. Le ton monte autour d’elle. Elle ne voit pas le lit pourpre prêt à l’accueillir. Un ultime hurlement, long, suppliant puis faiblissant. Un moment de flottement. Une éternité. Puis un cri, perçant, vibrant. Il remplace ceux de sa mère que le silence recouvre désormais comme un linceul.
Une vie pour une vie.
La première que Kieran Sköll a pris.


Des cris d’enfants s’élèvent. Des pleurs, des supplications aiguës. Un rugissement rauque couvre un instant les plaintes.
« C’est de ta faute ! C’est de ta faute !! »
C’est une tempête qui se déchaîne. Des pleurs, des cris et maintenant des coups.
« Pardon ! … Pardon…. !! Arrête… pitié… ! »
Les sanglots noient les mots. Un claquement effroyable résonne. Puis un autre hurlement, ivre de colère, ivre de chagrin, ivre de cette énième bouteille de bière qu’il vient de jeter à la figure du petit garçon qui ne sait plus comment se recroqueviller. Tasser dans un coin, il voudrait se faire plus petit. Il voudrait disparaître.
« C’est de ta faute ! C’est toi qui l’a tuée ! »
C’est de sa faute, c’est lui qui l'a tuée et c’est pour ça qu’il prend ces coups. Ses bras maigres, couverts de bleus ne suffisent plus à protéger son visage couvert de larmes. Et puis un nouveau cri et des pas précipités s'ajoutent au vacarme.
« Arrête ! Laisse le tranquille ! Papa lâche le ! »
Et tout s’arrête. Parce qu’un ange est arrivé. Son ange. Quand elle lui dit que c’est fini, c’est fini. Il la croit. Il se laisse porter. C’est fini. Jusqu’à la prochaine fois.

Hati. C’est le prénom de l’ange. C’est sa définition de refuge. Quand elle lui sourit, les nuages s’écartent. Son ciel devient bleu. Quand elle attrape sa main frêle dans la sienne, il n'a plus froid, il n'a plus peur.
L'Amour, c'est Hati qui lui donne.

C'est elle qui le lui reprendra.

La richesse est facile à feindre. Le luxe, une fragile façade contre la misère. Quant aux remparts qui font la fierté de la haute-ville, ils ne sont qu’une illusion de sécurité. Depuis sa fenêtre où il observe l’inaccessible, Kieran se prend parfois à penser que le monde est plus doux par-delà les portes. Naïf enfant.
A l'entrée, les factures s'empilent. Le frigo se vide. Le froid s'installe. Parfois, leur oncle passe et la chaleur revient. Un temps. Il n’est pas sûr de comprendre, Kieran. Il ne le cherche pas. Les adultes sont effrayants.
Il ne trouve de réconfort qu'en Hati et les histoires qu'elle lui raconte. Les autres qu'elle projette sur le vieil écran de papa. Ils s'évadent tous les deux.


Il fait froid. Moins que chez eux. Le vent frais qui les pousse en avant, à s’enfoncer plus loin sur ce chemin inconnu, lui donne un sentiment de liberté ardent. La ville est lumineuse au loin. Elle semble briller deux fois plus que derrière les murs. Qu’importe de quels malheurs on se protège ici, tout a l’air plus simple qu’à la maison. Personne ne les cherchera. Peut-être que son papa remarquera l’absence de Hati, qu’il a toujours chéri plus que lui. Mais Hati est près de lui. Pas avec Papa. Avec lui. Kieran sourit. Tout va bien. Tout ira bien.
Leur nouvelle vie leur tend les bras. La Liberté est si belle.
Mais personne ne lui a dit qu’elle durait si peu…

Les cris. Le sang. La douleur qui foudroie son corps malingre.
Cette nuit, la Lune a maudit le jeune Sköll.
Une mauvaise rencontre. Un destin auquel il ne peut échapper. La Liberté a un prix, ce soir, Kieran en paie une partie. Sous le regard terrifié de son aînée, la Bête l’a fauché. Ses râles inhumains et féroces, ont déjà fait fuir la maigre foule. L’espoir est mort, mais en ce jour, c’est l’innocence d’un enfant que l’on tue.
Sa survie n’a rien d’un miracle. C’est une malédiction.

Partie II

❝ J’ai peur… ❞

❝ Hati… Je t’en supplie… aide moi… ❞

❝ J’ai mal… Hati…  ❞

C’est une chance que tu t’en sois tiré.
Il n’avait jamais entendu cette phrase parce que personne n’osait parler de chance. Un loup-garou. L’attaque s’était passé si vite que même Hati, encore sous le choc, mais miraculeusement indemne, avait été incapable d’expliquer à leur père ce qui s’était passé. Ils étaient de retour chez eux. Ils n’avaient même pas dépassé les premiers quartiers de Ketterdam.
Kieran avait été transporté à l’hôpital le plus proche et s’il en ressortit bien vite, la plaie ne laissait aucun doute. Tous savaient quel fardeau les Sköll allaient désormais devoir porter.
Le reste du mois qui suivit fut consacré à l’aménagement du sous-sol et son renforcement. Il fut question d’y contenir Kieran à chaque pleine lune. Et plus les nuits passaient, plus l’angoisse l’étouffait. Et chaque matin, la haine qu’il lisait au fond des iris de son père étaient plus grande. Plus intense. Il ignorait pourquoi il ne s’était pas débarrassé de lui immédiatement.
Quelle erreur… Il aurait dû l’abandonner. Il aurait dû le tuer.


« Ne t’inquiètes pas. Je serais là. »
Bêtise et Bonté sont jumelles. Rien, toutefois, n’aurait pu faire changer Hati d’avis. La pleine lune approchant, elle avait vu son jeune frère en proie à de plus en plus terribles tourments. La peur bien sûr, mais il y avait autre chose. Une douleur sournoise qu’il ne savait pas décrire. Et ce sentiment… un gouffre qui grandissait à l’instar de la lune, semblant vouloir l’engloutir. Ces coups qu’il avait mis dans cette porte… poussé par la douleur ou… la colère ? Kieran, qui n’élevait jamais la voix d’ordinaire pour ne pas provoquer le courroux de Papa, avait osé lui tenir tête, tenté de lui rendre les coups… pour mieux se prendre une raclée ensuite. « Hati… qu’est-ce qui m’arrive…? J’ai peur… j’ai si peur… » Elle lui avait tenu la main, toujours si petite et fragile… mais sa poigne lui avait semblé plus forte que jamais.
Elle formula quand même cette promesse. Je serais là. Et quand le dernier jour commença à tomber, tandis que Papa emmenait Kieran au fond du sous-sol et lui attachait le pied à la poutre centrale, solidement renforcée, tout comme les portes avaient été blindées, elle se tapit là, dans un coin obscure et s’y laissa enfermer. Et alors que les premiers rayons de la lune pleine caressèrent Velaris, Hati murmura : « Ne t’inquiètes pas. Je suis là. Je serais toujours là, Kieran. »

Les crocs déchirent la chair ; brisent les os.
Les larmes se mêlent à la rivière pourpre qui imprègne le sol ; ses pattes ; sa fourrure.
Le hurlement du Loup monte depuis la cave.
Il signe son premier meurtre.
Et le second de Kieran Sköll.

❝ Qu’est-ce que tu as fais ? ❞

❝ Qu’est-ce que tu as fais ? ❞

La porte ne s’est ouverte que le lendemain. La Lune avait fait place au Soleil, mais au sous-sol, tout était toujours aussi noir. A peine eut-il ouvert, que Glenn Sköll eut un terrible pressentiment. L’odeur poisseuse du sang embaumait la cave. Au milieu de celle-ci, gisait deux corps. Toutefois, seul celui de Kieran remuait faiblement, tremblant, au-dessus du cadavre de sa soeur. Les chaînes brisées.


« Laisse-moi sortir ! Ouvre la porte ! Papa ! Laisse-moi sortir ! »
Les tambourinements durèrent un jour entier avant de faiblir. Les supplications se firent plus irrégulières mais pouvaient soudain retentir, dans des cris hystériques, durant une dizaine de minutes, avant de s’éteindre. Ce ne fut que le lendemain que Glenn Sköll délivra son fils, assoiffé, affamé, dans un état si piteux qu’il le crut mort. Il l’espérait.
Malheureusement, l’enfant vivait encore.
Kieran resta dans son lit les jours suivants. Sans savoir que sa porte était fermée à clé. Sans savoir qu’en bas, il retournerait bientôt. Glenn Sköll avait la solution. Le chagrin, la peur et la folie la lui avaient soufflé. Une prison. Non. Une cage. C’était ce qu’il fallait pour la Bête qui l’avait privé de sa fille. Pour la Chose qui avait pris la vie de sa précieuse femme.
Son œuvre achevée, il traîna Kieran jusqu’à la cave, ignorant ses cris, ses suppliques à s’en déchirer les poumons. Il l’abandonna une fois de plus sur le sol froid. Là où elle était morte. Là où le sol portait encore sa trace. Des barreaux solide le protègerait de la Chose. Il continuerait à lui apporter de la nourriture mais au fond, il espérait un jour l’oublier…
Qu’il crève sans qu’il n'ait à porter le fardeau de sa culpabilité.


Le temps est un traître. L’obscurité, une compagne mais jamais une amie. Dans le noir, il appelle. A l’aide. Hati. Quelqu’un. Mais personne ne vient. Sauf Papa. Une fois par jour - il croit, il ne compte pas ; parfois, le temps est plus long - avec un plateau. De la nourriture sans saveur. De l’eau. Parfois, quelques mots. « C’est de ta faute. Tu m’y obliges. » Au début, il supplie. Puis, il finit par arrêter. Il ne parle plus. Sauf pour crier, parfois, quand il se réveille d’un cauchemar. Le problème, c’est que les cauchemars le traquent même quand il ne dort pas. Parfois, il l’entend.

Ne t’inquiètes pas, Kieran. Je suis là.
Où ? Hati ? Je ne te vois pas… Hati…
Je suis là, Kieran. Je serais toujours là.

Au début, il la cherche. Mais quand il la trouve…

Kieran. Je suis là. Je sUiS lA….

Elle gît là. Au sol. Dans son sang. Et lui.. Ses mains… Ses griffes ? Le goût dans sa bouche…

Mon s a n g.
Ta   f a u t e.

Quelque chose l’attrape. Le tire vers le fond. Les ténèbres glacées. Il hurle sans voix. Hati. Hati ! Pardonne moi ! Et tout est noir. Le silence. Le vide. Puis de nouveau sa voix. Les cris. La terreur. Tout recommence. Rien ne s’arrête. Une semaine passe… L’hystérie le gagne. Un mois s'écoule… La raison le quitte et toute envie de lutter s’efface… Puis, un an…

Dans l’obscurité, une Bête.
Du coin sale où elle gît, son faible grondement résonne.
L’agonie est lente. Le ventre vide a cesser de crier famine.
Elle attend la fin. Elle tarde à venir. Quand une infime étincelle de raison lui revient, l’animal songe : “Les dieux m’ont oublié.” Peut-être parce que, dans cette cage, au fond de ce sous-sol, ils ne le voient pas.

tw : suicide
Miracle ou Malédiction… Les caprices du destin demeurent parfois indéchiffrables.
Ce jour-là, Reim Sköll s’est rendu à la piteuse résidence de son plus jeune frère, poussé par la silence que ce dernier offrait depuis presque un mois. S’ils n’ont jamais été très proche tous les deux, son devoir d’aîné l’empêche d’ignorer la précarité dans laquelle Glenn Sköll vit depuis la mort de sa femme. Il pense à ses enfants. Cette dernière année où il a refusé chacune de ses visites…
Ce jour-là, c’est le silence qui lui répond. Un silence assourdissant. Il entre malgré tout - peu importe la méthode, un pressentiment le presse. Et dès lors que la porte s’ouvre, la Mort le prend au nez. Il se précipite et découvre ce qu’il reste de son cadet dans un fauteuil miteux. Reim rend son déjeuner. Le choc manque de l’emporter, de lui faire au moins tourner les talons. Il couvre son visage mais avant de fuir - il pense aux enfants ! - il voit ce journal… Vieilli, tâché de sang. Il l’ouvre, y découvre l’écriture frénétique, presque illisible de Glenn Sköll… Il tourne les pages jusqu’à la dernière entrée et y déchiffre ses derniers mots.

Je ne peux plus continuer. Ce sale monstre m’a tout pris. Je ne peux plus. Je veux me reposer près d’elles. J’ai ▆▆▆ Hati dans le ▆▆▆. ▆▆ est resté dans la cave. J’espère qu’il est déjà mort.
▆▆▆▆ plus vivre.

La cave. Devant ses portes blindées, Reim Sköll sent son estomac vide se tordre. Que va-t-il découvrir dans ces entrailles ? Aucun son. Aucun signe de vie. La Mort règne en ces lieux.
Il ouvre. La puanteur, bien que rebutante, le pousse paradoxalement à s’enfoncer dans le sous-sol. Ses yeux s’habituent peu à peu à l’obscurité, devine une cage. L’effroi l’oblige à marquer une pause… jusqu’à ce qu’il distingue entre les barreaux, une silhouette si ratatiné qu’il aurait pu ne jamais la voir. La Mort plane.
Prudent - méfiant -, Reim Sköll se rapproche. Il ne reconnait ni sa nièce, ni son neveu… pourtant… Le cadavre respire ? La Mort l’étreint. Bientôt, il ne restera rien de ce foyer.
Rien ? Non. Reim Sköll ne le permettra pas. La Mort, il la chasse et délivre la misérable créature de son emprise. De sa cage.
Ce qu’il en reste.
Rien.

Partie III

« Kieran ? Tu ne dors pas ? »
L’adolescent secoue lentement la tête. Il ne daigne pas la regarder. Ses yeux sont fixés sur l’écran à peine éclairé. Un générique défile.
« Il est tard, il faut que tu ailles au lit. Monsieur va se fâcher s’il te voit encore debout à cette heure-ci. »
Il ne bouge pas. Il n’a pas encore la force d’afficher ce sourire narquois qui le définira si bien plus tard. Monsieur, son Oncle - Reim Sköll - est un homme strict. Et dans sa demeure - bien plus grande et riche que celle qu’il a connue  - il y a aussi des règles strictes. Kieran Sköll n’est pas l’adolescent le plus rigoureux  ; il est parfois négligent, parfois même absent. Mais quand son Oncle se fâche, sa voix grondante qui fait ployer l’échine des domestiques, ne soutire même pas un frisson à Kieran. Son oncle, il ne se fâche pas comme son père. De ses traits qui s’effacent peu à peu de sa mémoire fébrile, il n’en retient que la colère… et la terreur qu’il lui inspire. Kieran ne craint pas son Oncle comme il craint son père. Mais il ne cherche pas non plus à le provoquer. Il sait qu'il a de la chance d’être ici, qu’il doit être reconnaissant que l’héritier Sköll l’ai adopté il y a quelques mois. Il le sait parce qu’on le lui répète souvent.
« Allez Kieran, prends tes cachets, et au lit. »
Il regarde les pilules que la gouvernante lui tend. Il y en a beaucoup à prendre. Ça apaise son sommeil. Enfin, c’est ce qu’on lui a dit. Ca ne marche pas toujours. Certaines nuits - trop de nuits - il se réveille encore en hurlant, tourmenté par des cauchemars ; ceux qui tentent de remplir le brouillard opaque dans sa tête. Il est resté longtemps à l'hôpital Kieran. Un spécial, le genre qu’on paie cher pour garantir que les secrets des puissants restent bien des secrets.
Et il en a un de secret. Un que la Lune ne lui permet pas d’oublier.

Non.
Non. Pitié. Pas là-dedans.
Pitié. Pas ça. Pitié. Je ne veux pas y retourner.
J’ai peur. Non. Pitié. J’ai peur !
Non !

Kieran….

Non ! Pitié ! Je ne veux pas… !!

Kieran aime vivre ici. Il croit. Kieran s’exprime peu. Le peu de mots qu’il prononce sont généralement de courtes requêtes. Il demande un film. Puis un autre. Et c’est tout. Mais il préfère être ici qu’à l'hôpital ; que chez son père ; que dans la cave.
Kieran aime vivre ici. Mais quand la Lune se remplit, quand ses yeux la fixe avec appréhension, alors, il déteste tout. Tout et tout le monde. Il ne veut plus voir personne ; rejette le moindre contacte ; grogne et aboie sur les pauvres gouvernantes. Il veut fuir. Loin de tout. Loin de cette nuit qui l’emplit d’effroi. Il veut fuir avant qu’on l’attrape et qu’on l’enferme dans cette pièce…
Pitié… Non…
Malgré les promesses de son oncle qu’on viendra l’y chercher dès le lendemain ; malgré la lumière qui reste allumée ; malgré l’illusion d’un mobilier pour rendre cette prison moins atroce, Kieran hurle. Il hurle à la mort. Il hurle à plein poumons. Il se débat, griffe, mord… Le Loup lutte mais toujours, il finit enfermé.
Pitié…

Il ne veut plus y aller. Il ne veut plus l’entendre.
Car la lumière finit toujours pas s’éteindre. Et tandis que les ténèbres se jettent sur lui… sa voix lui siffle des m a l é f i c e s… et sa fourrure se tâche de sang.

Les applaudissements fusent jusqu’à la scène. On siffle joyeusement. On l’acclame. Mais pas lui. Cet autre. Qui foule les planches et sourit ; qui ment au public pour son bon plaisir.
Il y a dans cette ( m a s c a r a d e ), quelque chose de rassurant.

Le théâtre.
C’est la première demande que Kieran formule à son Oncle. La première en dehors des films qu’il quémande ; des supplications de ne plus l’enfermer à la pleine Lune.
La requête est surprenante et dans la demeure célestienne, on s’interroge : ce gamin presque muet et inexpressif la moitié du temps veut faire du théâtre ? En silence, on se moque. Derrière son dos, on affirme qu’il a perdu les dernières miettes de raisons qui lui restaient. Lui, le pauvre gosse chétif qu’on aurait très bien pu ramasser dans la crasse de Zaun, rêve soudainement d’être sous les feux de la rampe ? Eh bien, voilà la première comédie qu’il pourra jouer.
Reim Sköll accueille la demande, d’abord perplexe. Mais puisque si peu de chose semble animer l’enfant, et puisqu’il ose en espérer beaucoup de sa part plus tard, alors, il accepte. Et Kieran rencontre son premier amour : le jeu. Celui du paraître et du semblant. Celui du mensonge et de la manipulation. Celui du rêve et de l’évasion. De cette relation, il se construit ; se fait dépendant. Il se raccroche, se relève… et érige de nouveaux remparts. Bien plus beaux et solides que ceux de Midrias.
Désormais, derrière le masque, il avancera en ce monde. La tête haute, le sourire dessiné par ses soins.

Kieran… Tu as oublié…
Non.. ! Jamais !
Tu as oublié… Tout ce que tu as fait…
Non, je n’ai rien fais… Ce n’est pas moi… Ce n’est pas ma faute…
Tu mérites ta cage, Kieran.

Il attend. Là, dans l’ombre, il attend qu’on prononce son nom. La voix claire et exagérément enjouée de la femme l’annonce enfin.
« Il est peut-être la nouvelle étoile montante de Velaris ; vous l’avez découvert dans la série (...), ou sur les planches dans la comédie musicale (...) ; ce soir, pour son premier rôle au cinéma,  il nous fait l’honneur d’être notre invité ! Veuillez accueillir, Monsieur Kieran Sköll ! »
Les applaudissements enregistrés envahissent le plateau et lui s’avance, d’un pas droit, a s s u r é. La lumière est braquée sur lui mais il plisse à peine les yeux. Son sourire est parfait. Tout comme son rôle. Il connaît déjà le texte par coeur.

Tu es heureux ?
Je ne sais pas…
Tu as le droit à tout ça ?
Je ne sais pas…
Mais qui aimerait un monstre, Kieran ?
Arrête …
Qui aimerait un ▆▆▆ ?
Non ! Tais-toi ! C'est faux !  Je n'ai rien pu faire… je n'ai pas su… te protéger…. Et le loup….

Nous a tous dévoré.

Ce n'est pas grave, Kieran. Tu sais, moi,

je resterais toujours avec toi.

　    


Les médias le décrivent comme une personne posée, très calme et souriant. Bien que ses apparitions et ses prises de paroles publiques se font rares, on relève l’humilité de ses discours. On dit de lui qu’il est un jeune homme discret et réservé, qui ne cherche pas la lumière des projecteurs au-delà de la scène sur laquelle il se produit.
En vérité, si l’acteur vit bel et bien pour son art, il profite assez de sa popularité. Il joue de ses charmes, en abuse allègrement. Mais qui pour le blâmer ? Jeune, il a vite compris que ses jolis traits étaient un atout et que ses premiers rôles, il les devait à sa belle gueule. Il n’a toutefois pas lésiné sur le travail. Plus doué pour exprimer des émotions qui ne sont pas les siennes, Kieran s’est forgé un beau masque à l’apparence impeccable et sa bouche siffle avec prudence les belles paroles qui servent tous ses caprices. Tout n’est que jeu pour lui et la vie est une scène permanente. Un rôle qu’il ne quitte jamais…



Derrière les  m e n s o n g e s  et les faux sourires, il y a cette personnalité écorchée ; ce gamin instable qui n’a plus la force de lutter pour quitter sa cave. D’un naturel solitaire et réservé, cette année d’enfermement aura achevé d’assécher son coeur qui n’a connu que trop peu de tendresse. Il n’estime rien ni personne en dehors de l’art qui l’a sauvé. Jouer pour fuir ce qui est trop vrai et s’éloigner de la chose qu’il déteste le plus au monde : lui-même. Son reflet brisé. Celle d’une bête maudite. Mais surtout celle de ce gosse qui hurle encore la nuit, assaillit par des cauchemars qu’il ne déchiffre plus ; rongé par des souvenirs tronqués, volontairement scellés dans les plus sombres coins de son esprit.  



Son bourreau et son gardien. Redouté et source de tous ses malheurs, le Loup en lui est destructeur. Animal sauvage qui exprime sans retenu ses instincts primaires telles que la colère ou la peur, son influence devient plus forte à l’approche de la pleine lune. Kieran se fait alors plus agressif, s’isole davantage et grogne à tout bout de champ. Son caractère déjà brute s’amplifie sans limite et connaît l’apothéose aux premiers rayons de l’astre de nuit. La folie meurtrière gorge alors ses pupilles écarlates et la Raison disparaît jusqu’à l’aube.
Toutefois, quand la cohabitation est permise, il n’est pas si rare que l’homme embrasse de lui-même sa forme lupine. Comme une autre forme d’armure, faite de crocs et de poils. Il a l’air moins faible ainsi. Moins m i s é r a b l e. Et au fond de cette cage, c’est sous cette peau de loup qu’il s’est réfugié souvent…




≈ ☾ ≈ Les souvenirs concernant son année d’enfermement et les évènements qui la précèdent sont très flous voire opaques. Il dit être incapable de s’en rappeler et rejette toute bribe de mémoire qui referait surface. Il se raccroche alors aux seuls faits que son Oncle lui a rapporté : un loup-garou les a attaqués, emportant sa sœur et infectant Kieran, ce que son père n’aurait pas supporté. Et c’est dans ce mensonge qu’il s’est conforté depuis…

≈ ☾ ≈ En dépit de sa mémoire défaillante, il garde de cette année plusieurs traumatismes à commencer par la phobie des espaces clos. Une terreur qu’il a mis de longues années à surmonter et dont il n’est toujours pas complètement guéri. La simple idée d’entrer dans un bâtiment fermé le terrorisait. S’il y arrive aujourd’hui, il est toutefois impossible de lui faire emprunter un ascenseur, descendre dans une cave et il refuse de prendre le métro. Les pièces sans fenêtre l’angoisse encore beaucoup et il peine à y rester longtemps.

≈ ☾ ≈ Après avoir été recueilli par son Oncle, Kieran est resté plusieurs mois à l’hôpital. Ayant passé les dernières semaines de sa séquestration sans s’alimenter ni boire, c’est à moitié-mort qu’on l’a retrouvé. Il est probable que sa survie ne soit dû qu’à sa condition de loup-garou…

≈ ☾ ≈ Il a fallu de long mois, voire des années à Kieran pour se réadapter en société - bien que son caractère et ses traumatismes ne lui permettront jamais de s’intégrer parfaitement. Le théâtre lui a néanmoins permis de faire semblant…
Il a reçu une éducation scolaire à domicile et poursuit encore aujourd’hui des études - à la maison des Sköll - sur l’entreprise familiale.

≈ ☾ ≈ Il est sous médication permanente pour calmer ses troubles, particulièrement la nuit. Les cauchemars rendent son sommeil abominable et le repos lui est rarement accordé naturellement. Son état fluctue beaucoup et semble aller de paire avec la Lune… Lors des plus sombres périodes, il est pris de crise de démence, acculé par des voix et des hallucinations. Ces épisodes entraînent très souvent la destruction du mobilier autour de lui.

≈ ☾ ≈ Son Oncle a refusé qu’il vive seul, même après que son état se soit “stabilisé”. Cependant, Kieran a fini par obtenir un compromis et une dépendance s’est vue aménager pour lui. Il demeure ainsi au sein de la résidence tout en satisfaisant son besoin de solitude.
≈ ☾ ≈ Plus jeune, la constante présence des domestiques lui était très pénible. Aussi, elles ont consigne de travailler chez lui en toute discrétion et de ne jamais croiser Kieran sauf si celui-ci les demande.

≈ ☾ ≈ Son oncle a continué à l’enfermer durant les soirs de pleine lune jusqu’à ses 20 ans. Ne supportant plus de rester dans un endroit clos, Kieran l’a supplié et il a été décidé qu’il serait envoyé chaque mois au-delà des murs. Le Loup choisit alors une forêt où se perdre et il erre dans les bois jusqu’au lever du jour…

≈ ☾ ≈ On pourra toutefois noter un incident ayant eu lieu une nuit dans la Haute-Ville où le Loup s’est trouvé libéré sans qu’il n’y ait de traces d’effractions. Si l’on a déploré aucune victime et que son identité est restée secrète, la maison des voisins s’est faite saccagée….
La faute peut-être à la voisine qui faisait joujou avec ses portails….


≈ ☾ ≈ Reim Sköll, aîné de la famille et oncle de Kieran, est l’héritier de l’entreprise familiale SK. Industry, grand nom de l’innovation technologique basé sur l’utilisation de l’Arcane, notamment dans le domaine du transport et autres gadgets. N’ayant jamais pu avoir d’enfant, Reim souhaite que Kieran reprenne la suite de l’entreprise, toutefois, conscient de son instabilité émotionnelle, il le laisse mener sa carrière d’acteur pour le moment, seul domaine professionnel où son neveu semble s’épanouir.

≈ ☾ ≈ Si les Sköll ne manquent pas de pouvoir économique, la chef de famille souhaite toutefois étendre son influence. Or, s’ils ont l’argent, les Sköll n’ont pas la magie. Dépourvu d’artefact, ce facteur absent pèse lourd dans la balance du jeu de pouvoir. C’est pour cette raison que Kieran s’est vu fiancé à Luana Aiwenor, voyante et détentrice d’un pouvoir familial. De cette façon, les Sköll s'assurent une puissante lignée sur tous les tableaux.


≈ ☾ ≈ Si son amour pour le cinéma lui vient de sa défunte soeur qui, pour le consoler, lui mettait toujours un film, cet héritage vient à l’origine de leur père, propriétaire d’un vieux vidéo-club et détenteur de tous ces trésors audiovisuels.

≈ ☾ ≈ Il a naturellement commencé par le théâtre puis, l’influence de son oncle et de son réseaux aidant, combinant à la belle gueule du petit loup, Kieran s’est rapidement vu offrir des rôles de plus en plus intéressant jusqu’à obtenir ses premiers rôles dans des séries puis, la consécration au cinéma.

≈ ☾ ≈ S’il garde encore des cicatrices sur le corps qu’il est trop tard pour soigner, la plupart sont retirés informatiquement à l’écran pour ses films ou ses photos. Parfois, elles sont conservées quand le rôle est approprié.
Les nouvelles blessures sont systématiquement soignées par un.e healer.

≈ ☾ ≈ Il a joué dans plusieurs comédies musicales, ce qui implique qu’il a appris à danser et chanter. S’il n’a pas d’affinité ni de talent particulier pour le chant, la danse en revanche s’est révélé comme une seconde passion. C’est probablement l’art dans lequel il s’exprime avec le plus de sincérité…
≈ ☾ ≈ Il a commencé par le classique. Oui, il a porté des collants. Oui, il t’emmerde Pankratz. Aujourd’hui, il s’est ouvert à d’autres styles et pratique régulièrement pour se défouler.


≈ ☾ ≈ Il renforce le cliché du riche qui n’accepte pas le non et qui obtient tout ce qu’il veut. Toutefois, ses caprices excessifs tiennent davantage de sa nature lupine que de sa classe sociale.

≈ ☾ ≈ Il a la fâcheuse tendance de détruire ce qu’il tient trop longtemps dans ses mains, particulièrement lorsqu’on l’interview

≈ ☾ ≈ Il a essayé plusieurs drogues pour calmer ses cauchemars et ses hallucinations. Certaines ont mieux marché que d’autres ; certaines qu’il use encore aujourd’hui, plus ou moins ponctuellement. Tout est bon pour apaiser les maux de son esprit.

≈ ☾ ≈ Sans surprise : il fume. Des trucs plus légaux. Des trucs qui noient ses poumons. Des trucs apaisent un peu les nerfs qui se tendent trop facilement.

≈ ☾ ≈ Dès qu’il a eu “un peu” d’argent, il a investi dans une salle de cinéma privée chez lui. Il y passe sûrement trop de temps mais s’y enfermer devant un film et son meilleur remède contre les crises.

≈ ☾ ≈ Il a quelques contrats de mannequinat mais tous ont pour close de ne jamais dévoiler ses jambes. Au quotidien, il porte un pansement ou un bandage pour masquer sa cicatrice. Peu de monde connaît son secret et s’il est lui-même prudent à ce propos, son Oncle s’assure que les langues restent bien liées.