stre solaire s'éteint, les filles de la nuit envahissent le crépuscule et pourtant elles peinent à briller dans le ciel de Ketterdam. Peinent à réchauffer le regard clair de l’héritier De Rass. Mais il a rendu sa couronne. Tronqué ses diamants, ses bijoux pour un peu de tranquillité. Juste un peu. Train-train quotidien qui l’apaise, et les clients qui ont des airs de déjà-vu. Le temps passe, s’efface, s’égrène tandis qu’il reste affalé sur le comptoir. Soirée tranquille. Et la torpeur douce qui le prend lui permet d’oublier les derniers abus de l’amour paternel. Doigts qui s’agitent et amusent le lapin noir qui le suit toujours, il triture le ruban que l’animal pelucheux voudrait garder autour de son cou. Moment étrange d’innocence qui dénote de son minois fracassé. Il ne l’a pas loupé. Coupure saillante sur l’arête de son nez, organe fracturé de ce poing rempli d’affection douloureuse. Il ne se regarde pas trop dans le miroir Afanasiy. Pas sûr d’aimer l’affliction pesante qui traine sur ses traits. Et lorsque deux heures sonnent la fin de son service, il se traine. Prince des rues. Il prend son temps pour rentrer, conscient que seul le silence lui répondra lorsqu’il passera la porte de son chez-moi. Studio dans l’arcade, au-dessus des lumières et du bruit, les marches sont montées une à une, et dans son ombre la lassitude de devoir retourner à Celestia quand l’aube cruelle amènera un soleil rouge. Clef qu’il tourne dans la serrure, et la main qui s’arrête, presque surpris de voir la porte déjà déverrouillée. Capuche de son sweat qu’il rabaisse un peu plus sur les hématomes et autres coupures, il pousse la porte avec lenteur. « Who’s there? »

a stupéfaction n'aurait pu être plus saisissante qu'à l'instant où Naïm pénétra dans le modique logement où il avait été invité. Partout où ses yeux se posaient, l'étonnement ravissait ses pupilles rutilantes, et dans cet étalage de la plus grande simplicité, il se sentait oisillon hors du nid, dépaysé à n'en savoir que penser. Tout ici lui semblait extrêmement petit. Habitué des lofts immenses et des villas de luxe, il lui était inconcevable de penser pouvoir vivre dans un endroit aussi minimaliste et rudimentaire. Le mystère englobant les yeux d'argents persistait encore et, au lieu de s'éclaircir, celui-ci ne faisait qu'épaissir d'improbables et de surprises. Qu'Afanasiy puisse se sentir mieux ici plutôt que dans son palace célestien n'avait absolument aucun sens, si l'on réfléchissait essentiellement par rapport au matériel ; mais Naïm n'ignorait pas la couardise du père De Rass dont la main leste frappait plus durement la réalité. Cela dit, si la fuite était une tactique qu'il connaissait bien pour l'avoir lui-même pratiquée plus d'une fois, il avait peine à croire qu'entre ses murs trop fins, suintants de moisissures, Fonya pouvait trouver un réel réconfort. La voix de la voisine perçait sans aucune difficulté, et l'intrusion était des plus cocasses quand elle s'adressait d'une voix mielleuse à ce qui semblait être un vieux matou (théorie qu'il préférait avant tout autre, refusant d'imaginer qu'une personne puisse se tenir à la place du chat dans son esprit). Une unique fenêtre, donnant sur une ruelle passante, illuminait la pièce de nuances zinzolines tout en offrant un vis-à-vis des plus intrusifs et s'il fut tenté d'en fermer les volets en bois poreux à plusieurs reprises, il s'y refusa de justesse, ne souhaitant pas avoir l'impression de refermer son propre cercueil. Il finit par se trouver une place convenable, et geeker sur son téléphone en maudissant la mauvaise connexion, sursautant lors des coupures (trop) fréquentes d'arcane. Allongé sur le lit, naïm ressassait leurs dernières conversations pour tenter de comprendre l'état d'esprit de son petit ami bien trop éloigné de tout ce qu'il avait connu jusqu'à présent ; et un monde semblait séparer leurs points de vue, ce qui venait ternir son moral et modérer son enthousiasme. après plusieurs heures d'attente, la lassitude s'était finalement emparée de lui et il dardait son regard sur l'écran de son téléphone diffusant l'une de ses séries enregistrées, sans y prêter une réelle attention, ses pensées tergiversant sans répit pour mieux le vider de son énergie. il sursauta à la voix d'afanasiy qu'il n'avait pas entendu arriver et ce, malgré les nombreux craquements des marches (mais il y avait tellement de bruits nuisibles ici) ; son téléphone se perdit dans les draps et tout son corps se raidit. « Here ! it's me, naïm.. wow, you're coming so late... i was beggining to think you'll not come... » le corps s'étire, marque la fatigue avant qu'il se lève et aille à sa rencontre, allumant la lumière pour mieux le voir et enfin trouver réconfort à sa pénible attente. tactile, il ne se refuse pas un câlin et repousse sans ménagement la capuche venant assombrir le visage de son ange, lui masquant l'éclat argenté de ses yeux si particuliers. « aren't you tired... oh... wow.. what... your face babe !» il ne peut cacher son étonnement à la découverte de son visage marqué par les coups. peau hyaline rubéfiée, aux teintes violines et écarlates répandues çà et là, autour de ses pommettes et tempes.  « what did happen ? is it here ? at work ?  should we call the cops ? are you okay ? it must hurt !! » et il ignore encore, naïm, qu'il fait ainsi face au quotidien de son bien-aimé et qu'il ne peut rien, véritablement, y changer. pire, qu'il en est sûrement responsable.