with /  @Afanasiy De Rass  — ketterdam, bar dans Arcade Passage & 18.07.22 ; 18h06 (ic, pinterest)

“Don’t abandon me. Please.”
La sportive en pleine course contre la montre avale les kilomètres pour passer les murs avant leur fermeture, et il se répète en boucle les quelques mots lus juste avant de prendre la route, de cet échange lunaire, tant espéré et tant désespéré ; qu’il n’a jamais su interpréter correctement les signes, Naïm, persuadé que Fonya ne céderait pas, jamais. La veille, la colère dictatrice avait pris le dessus et rayé de sa liste le nom de l’héritier ; comme s’il pouvait l’oublier aussi  simplement que cela, lui qui hantait toutes ses nuits ; silver eyes ou l’ange-démon dont il n’était jamais vraiment rassasié, obsession à foison. Coup de colère, et l’arrêt brutal qui avait provoqué des réactions en chaîne. Bien sûr qu’il avait remarqué la publication sur momento, bien sûr qu’il avait guetté depuis la veille son téléphone et ses notifications ; maudissant plus qu’il ne le fallait son frère-poison de venir s’immiscer dans cette relation rien qu’à lui, pour une fois rien qu’à lui. Vision idyllique qui était à présent tâchée, et Afanasiy qui ne cessait d’évoquer les secrets qu’il commençait à craindre ; car Naïm ressentait des choses désormais pour l’héritier, allant jusqu’à lui faire prendre des risques en dépit de son statut d’éminent célestien comme sortir au-delà des murs une fois de plus. Pourtant, redoutait-il bien Ketterdam et ses ruelles froides, son absence de visibilité et sa froideur générale ; ici, le pire pouvait survenir de partout, il ne se sentait pas en sécurité. Imaginer Afanasiy, seul et alcoolisé dans cet endroit blasphématoire, l'inquiétait déraisonnablement. Depuis combien de temps faisait-il cela ? Se réfugier dans ces rues crasseuses dépourvues d’humanité ? Et pourquoi ? Les secrets qu’il évoquait constamment devaient renfermer une partie du mystère, et Naïm craignait la révélation presque tout autant qu’il la désirait.

“Les murs ne se rouvrent qu’à 9h demain matin, Monsieur. Vous ne pourrez plus revenir cette nuit, vous êtes sûrs que votre course ne peut pas attendre demain ?” Remerciant le pacifieur chargé des contrôles, Naïm s’engage sur la passerelle et verrouille toute possibilité de retour avant le lendemain, sa voiture rutilante s’engage dans les dédales de Ketterdam, en direction de l’Arcade Passage et du bar dont il se souvenait, comme une intuition. Il sera là, c’est sûr.. Et lorsqu’il pousse la lourde porte du bar, aussitôt ses yeux le trouvent, fondent sur sa proie, comme une évidence même. Arythmie refait des siennes. Le souffle déraille. L’abdomen se serre. Alors, il s’avance et glisse une main sur le corps inanimé de l’héritier qui semble endormi, contre un lapin et une bouteille aux trois quarts vide. “Vous êtes son ami ?” Demande la barmaid, se sentant concernée par son sort. Naïm hoche la tête, assure “Je m’occupe de lui”, et il s’installe sur le tabouret à côté, lisse du dos des doigts son doux visage. “What am i supposed to do now, hm ? Take care of you ?” Il pousse un léger soupir, lui replace une mèche soyeuse derrière l’oreille et se met à chercher des hôtels dans le coin sur son téléphone. S’ils doivent passer la nuit ici, autant se mettre au plus vite à l’abri.

with /  @Naïm Sa'Adar  — ketterdam, bar dans Arcade Passage & 18.07.22 ; 18h06 (ic, pinterest)

Boys like us have a bloody history.
Maybe we are meant to bleed.
Maybe we are meant to burn.
I wish I knew how to rise from ashes.

Abandonné. Le mot résonne comme une plainte stridente entre ses côtes et la réalisation brise les mots délicats de son corps détraqué. Marionnette fantasque. Il l’a cherché. Afanasiy l’a cherché. Pourtant réalité absurde et corrosive à regarder bêtement ces quelques mots, lancés là sans délicatesse, explosant sa cage thoracique dans un attendu grotesque. Il le savait Fonya. Il ne le savait que trop bien. Et il ne peut que ramasser idiotement les morceaux du palpitant qui s’est attaché. Comme des morceaux de verres, cristal explosé et les larmes qui ne peuvent recoller l’organe battant. Il n’aurait pas dû s’attacher. Non. Il n’aurait pas dû. Et tandis qu’il prend son téléphone, son lapin, ses pas résonnent dans le manoir tombeau. Les cris du patriarche aussi. Corps qu’il secoue, sans concevoir que la violence ne changera pas grand-chose à son état. Secret gardé, et des assurances qu’il offre contre quelques coups avant de pouvoir s’échapper. Loin. Le plus loin possible. Funambule maladroit, le fil entre Celestia et Ketterdam est mince, et il n’a pas vraiment sa place. Carcasse qu’il traine rêveur aux orbes argents assombris. Carcasse qu’il traine jusqu’à trouver repos dans la basse-ville, là où rien ne peut l’atteindre. Là où il n’est pas Afanasiy de Rass, mais juste Fonya. Le gamin de la laverie. Celui qui donne un coup de main lorsqu’on lui demande. Celui qui a les mains tendues vers les autres et les sourires faciles. Photo laissé sur les réseaux comme un coup de poing dans l’eau. Attitude basse et pathétique, l’impression d’être un gamin qui n’a pas quitté le bac à sable. Mais le silence en réponse est éloquent. Il n’en a plus rien à faire de lui. Bien. Très bien. Qu’importe son état, le choix est fait, et il ne peut que s’y plier. Ce n’est pas plus mal non ? Secrets gardés, et l’assurance de rester en vie un peu plus longtemps. Gamin qui soigne ses plaies dans l’arrière salle de la laverie, blessures physiques plus faciles à panser que celles du myocarde. Il a l’habitude en plus. Doigts qui découvrent des hématomes en bouquet et qui se demande bêtement si c’était le prix à payer pour fuir la maison quelques jours. Juste quelques courses d’Hélios. Juste ça. Le temps de se remettre. De ramasser les derniers fragments de l’endocarde, de tout bazarder dans un coin et de s’assurer que le masque tienne. De s’assurer que plus rien ne l’atteindra.

Bravado et orgueil en superbe, pour autant il ne faut pas plus d’un jour pour noyer ses peines dans le spiritueux. Bar connu, le coin est tranquille, comme une barrière naturelle contre le monde et les effluves d’alcool qui l’entoure comme l’étreinte qu’il s’est toujours refusé. Verres qui s’enchainent comme une habitude inconnue et les messages qui défilent sans qu’il ne prenne conscience de ce qu’il fait. Lâcheté en étendard et pourtant l’organe battant qui rythme ses secondes de ‘come back’ sans qu’il n’y croie un seul instant. Brumes pesantes, et il assure, juste se reposer un instant Afanasiy. Corps en signal d’alarme, il se recroqueville l’enfant de Morphée. Serre son lapin contre lui, et tente de retenir ses larmes lorsque l’une des pattes tapote contre sa tête. Espoir que ça ira. Non. Mais on fera semblant. Comme toujours. Toucher fantôme, comme une main qui caresse son dos. Toucher fantôme et des mots qu’il entend à peine. Corps tourmenté par l’esprit égaré, même son sommeil ne montre nulle clémence. Brouhaha alentours, et le voilà qu’il tend une main, aveugle du monde autour. « Another one. » Demande désespoir, qu’on noie son chagrin, le myocarde aussi. Demande triste, qu’on achève ces sentiments trop lourds, ceux qui ne devraient pas être là. Afanasiy pourquoi pleures-tu ? Parce que je l’aime.


Sometimes I wonder if all my wings and bones are stitched to yours in such a way, that we rip each other apart as soon as we try to break free.