☾⭒ the mind of a wounded heart

Leora ne se dévoile pas. Touche de mystère qui l’entoure, qui ne se laisse pas approcher facilement. Qui refuse qu’on puisse lire en elle. Car elle ne fait pas confiance aisément. Incertaine, elle appréhende la trahison, ne lui permet pas de l’atteindre de nouveau. Cachotière, certaines vérités sont bien mieux gardées sous silence. Elle ne partage pas beaucoup Leora. Elle ne ment pas, mais contourne les sujets, évite avec adresse, avec politesse. Sans méchanceté, sans mesquinerie. Car chaque pièce d’elle-même qu’elle offre au monde est une chance d’être dévoilée, blessée, brisée. Un manque de confiance envers les mots et les gestes d’autrui. Qui ne l’empêche pas malgré tout de tendre une main pour aider.

Si elle est fuyante, si elle se dérobe, elle ne souhaite pas l’horreur de ce monde. Leora est sensible. Personnalité tranquille, une force douce qu’on ne voit pas, mais prête à s’élever pour son entourage, pour ceux auxquels elle tient, pour les rares qui ont su gagner sa confiance. Leora est loyale, une parole d’or qui ne sera jamais rompu. Promesses qu’elle n’oublie jamais, qu’elle soutient jusqu’au bout.

Parfois songeuse, facilement perdue dans ses pensées. Longeant les longs couloirs, des réflexions et murmures qui la tiennent réveillée, qui l’empêchent de dormir. La peur qui la domine toujours, les cauchemars qui s’amusent à la faire trembler. Mais l’espoir existant qui la pousse vers l’avant. Qui l’empêche de complètement s’effondrer lorsqu’elle est proie à ses craintes profondes. Une seule qui revient sans cesse la hanter. La peur de se retrouver à nouveau victime d’un monstre auquel elle avait finalement échappé. Et les souvenirs qui la font frissonner à tous les coups.

Un brin rêveuse, vouloir découvrir les petits plaisirs et chasser la détresse. Vouloir comprendre le monde et ses beautés. Caméra à la main, elle a toujours adoré capturer d’une image la nature les entourant, ou les gestes et visages qui arrivent spontanément. Voir pour comprendre, observer pour mieux analyser. Joie qu’elle a toujours retrouvée dans ce médium, et sentiment qu’elle tente de retrouver. La paix, le calme qui l’envahissaient lorsqu’elle scrutait le monde au travers de la lentille de son appareil.

Se montrer réconfortante, comme un baume. Toujours cette douceur, ce charme inconscient qui passe inaperçu. Elle aime avec passion, Leora, mais cherche à contrôler les émotions fortes qui souhaitent s’emparer d’elle, la déstabiliser. Refus de se laisser dominer par celles-ci. Un combat qu’elle perd néanmoins trop souvent, et elle se retrouve à la merci de sa vulnérabilité.

Une rancune tenace lorsqu’on la blesse, lorsqu’on la trahit. Amitié qui se brise et qui devient émotion négative. Qu’elle entretient malgré elle. Leora pardonne difficilement. Et elle se protège, elle est prête à voir l’hypocrisie tout autour. Un monde qu’elle voudrait pourtant beau, mais qu’elle sait avare et violent. Prêt à lui briser les ailes si elle baisse sa garde.

Some say build bridges, I prefer to keep the other side at bay

01 ; DAWN OF A LIFE Née dans la complaisance. Richesse et facilité qui berçaient son enfance. Un foyer composé d’une mère et d’elle. Elles deux à braver ce monde qui les entourait. Une femme qui resplendissait aux yeux de la petite. Qui était tout ; puissance et bonté, justice et amour. Un respect immense, une admiration qui fleurissait. Mais grandir toujours dans l’ombre de cette vaillante image. Elle était l’enfant de. La fille de. Jamais considérer pour ce qu’elle était, mais pour les accomplissements de celle qui l’avait élevé. Fière malgré tout, elle ne réalisait pas encore que le regard se portait derrière elle et non sur elle. L’habitude se créait. D’être comparée, d’être jugée. D’être considéré par le nom de sa mère, que le sien soit oublié trop souvent. Mais agissements sans conséquences pour elle à l’époque.

Une mère qui aimait, mais qui s’épuisait. Une solitude qui finit par la peser, la maladie qui la gagnait avec les années. Leora ne le vit pas. Pas tout de suite. Malgré les soupirs. Une famille lointaine, qui ne participait pas. Leora n’avait jamais su pourquoi. Mais les souvenirs semblaient teinter le regard de sa mère d’une tristesse qu’elle ne comprenait pas par moment.


02 ; INTO THE NIGHT À ses huit ans, elle rencontra ses grands-parents pour la première fois. Pour se voir présenter un secret, un artefact. Bien gardé, bien protéger. Recevoir un pouvoir qui la complétait. Magie qui l’enveloppait, qui la saluait dans l’obscurité. Voix qui s’élevait, faible. Qu’elle était la seule à entendre, à comprendre. Ombre qui l’entourait, formes qui changeaient et constatation qu’elle y était pour quelque chose. Les ténèbres se montraient à elle. Promesse d’être liée à jamais. Pouvoir qu’elle détesta au début, prisonnière de la nuit, les monstres lui semblaient si près.

Recroquevillée dans son lit, elle se cachait. Couverture étant un mince rempart pour l’éloigner de ce rire qui s’amusait de sa faiblesse. Qui lui murmurait à l’oreille, qui lui racontait des histoires. Plusieurs semaines à tenter de se fuir. Avant d’accepter cette vérité, cette obscurité. De comprendre que c’était une partie d’elle qu’on lui présentait. Tendre la main vers cette entité qui fusionnait avec son ombre. Écouter les mots, entre vérités et mensonges. Apprendre à connaitre celle qui la suivait, celle qu’elle contrôlait. Ne plus se laisser effrayer.


03 ; MONSTER ON YOUR DOORSTEP C’était soudain pour elle. Comme une apparition. Incompréhension et doute qui s’étaient écoulés en elle en rencontrant ce nouveau visage. Un homme dans leur vie. Que sa mère lui présentait fièrement. Mais la sensation qu’il ne fallait pas. Qu’elles ouvraient la porte au danger. Le sentiment d’insécurité dès qu’il se trouvait près d’elle. Pourtant, il souriait. Il se montrait gentil. Mais chaque geste, chaque mot lui sonnait faux. Empoisonné. Hypocrite, criait silencieusement l’ombre à ses côtés. Mais Leora ne dit rien. Aucune contestation, aucun refus. Car pour la première fois depuis des années, elle voyait de nouveau sa mère briller.

Se retrouver au second plan ne la dérangeait pas. Habitude ancrée, elle avait simplement réalisé que sa place prenait moins d’ampleur. Qu’elle était parfois dans le chemin. Alors, elle s’éloignait. Mais sans jamais rester trop loin. Garder un œil sur celui qu’elle n’aimait pas, qui prenait sa place auprès de sa mère. Et peu à peu, il avait pris en confiance, en arrogance. Comme si l’endroit lui appartenait maintenant, comme si cette famille était devenue sa propriété. Position du maître de maison qu’il endossa sans l’accord de personne. Mais la maladie empêchait sa mère d’y remédier, Leora la surprit même à le remercier. Ne voyait-elle pas ce sourire méprisant et prétentieux sur ses lèvres ? Cette avidité dans ses yeux ?

Si Leora avait le malheur de contredire, de contester, elle se voyait enfermer au sous-sol. Sans lumière, sans repas. Détresse sur les joues et tremblement dans son petit corps. Parfois, elle se demandait si elle devait en parler. Mais osait-elle briser les illusions de sa mère ? Alors que celle-ci pouvait enfin se reposer, se concentrer sur son métier, sur ses procès. Avocate qui refusait de laisser son poste tant que la maladie ne l’emporterait pas complètement. Elle n’avait pas vu sa mère si heureuse depuis plusieurs années. Pouvait-elle la priver de ce bonheur ? Quelques nuits passées dans la froideur du sous-sol valaient peut-être la peine si elle pouvait revoir le sourire sur les lèvres de sa mère.


04 ; LIKE A DAYDREAM Jeune fille délicate, réservée. À ne jamais se laisser trop approcher. Car les injustices dominaient, elle le savait. Procès qu’elle avait vus, histoires d’horreur qu’elle avait entendues. Un sourire qui pouvait s’avérer traitre, des mots qui pouvaient blesser. Les mensonges étaient partout, même au creux de son propre foyer.

Crainte de se lier avec les autres, et pourtant, c’était en toute simplicité qu’elle se rapprocha de ces deux personnes. Deux noms qui la marquèrent, qui l’apaisèrent. Comme si tout n’était qu’un mauvais rêve. Et le temps passé avec eux était léger, amusant. Elle s’y plaisait. Avec Orion et Elvira. Et si sa place restait dans l’ombre de celle qu’elle accompagnait, elle ne le remarqua pas. Habitude. Et si son intérêt se portait vers celui qui attirait différemment son regard, ce n’était pas elle qui attirait le sien. Habitude. Pincement au cœur, mais c’était ses deux amis. Elle voulait et devait se montrer heureuse pour eux. Temps agréables qu’ils passaient ensemble. Chez elle. Dans cette demeure immense qui lui paraissait si étouffante, qui pouvait être appréciée comme avant. Secrets qu’elle ne racontait pas, car elle voulait oublier, ne pas gâcher le plaisir.


05 ; DARKNESS AS A FRIEND Année 2015. Commençant doucement, comme une bouffée d’air frais. Elle y croyait, elle le souhaitait. Malheureusement, année qui tourna rapidement au désastre. Lente descente aux enfers. La santé de sa mère qui dégénérait avec les mois, les semaines. L’humeur de Leora qui devenait maussade, triste et désespérée. La maladie s’aggravait. Jusqu’à clouer au lit. Jusqu’à retirer la vie. Journée fatidique. Son repère qui disparaissait, qui l’abandonnait. Mais elle n’était pas libre de vivre sa peine, elle se retrouvait face à la fourberie.

Richesse de sa mère qui se retrouva dans les poches de ce beau-père qu’elle avait détesté dès le premier jour. Sa garde qui lui revenait maintenant. Misérable Leora. Car sentiment réciproque entre eux ; il ne l’aimait pas, elle était dans ses pattes. Plus régulièrement, elle se vit enfermée au sous-sol. Parmi les ombres. Et elle sanglotait dans la noirceur. Ne sachant plus ce qui adviendrait d’elle. Espoir qui s’effritait. Crainte qui s’affirmait. Et les murmures qu’elle devait faire taire avant de perdre la tête. Mais elle ne savait plus si elle préférait rester au sous-sol, pour ne pas se retrouver entre ses griffes. L’étrangeté de se sentir plus en sécurité ici qu’à l’étage. Se sentir coincé et ne pas savoir comment s’en sortir. Comment en parler.


06 ; DOUBLE CROSS Un jour où tout changea. Une simple promenade en forêt que Leora prit comme une chance de souffler, de s’éloigner de l’oppressante demeure dans laquelle elle habitait. Avec Orion comme seule compagnie. Elle se sentit apaiser un court instant. Trouva presque le courage de lui parler de sa situation. Mais le tonnerre qui grondait soudainement, les nuages qui pleuraient. Retour à la maison qui se vit forcé, qu’elle redouta, qu’elle tenta de retarder. En vain. Et le courage se perdit sur ses lèvres.

Ils devaient se dépêcher à rentrer, avant d’être trempé, mais un spectacle les attendait. Une réalité dont ils ne se doutaient pas. Surprise et dégoût. Incompréhension d’abord, refus d’accepter. Et pourtant. Le sourire présent sur le visage d’Elvira alors qu’elle se trouvait dans les bras de ce monstre leur donnait toute la vérité. Haut-le-cœur et décision prise de ne pas laisser cet homme salir ce que sa mère avait construit. Elle ne le laisserait pas fuir avec l’argent. Compréhension de ses intentions qu’elle n’avait pas voulu accepter. Elle n’avait pas voulu croire qu’il avait manipulé sa mère jusqu’à la dernière seconde.

Elle comprit que si la confiance se gagnait difficilement, elle se brisait en un instant. Car ce sentiment qu’elle ressentait, cette trahison, venait de celle en qui elle croyait. La colère peut-être qui poussa les décisions suivantes. Aviser les parents d’Elvira. S’arranger pour qu’elle disparaisse. Elle et sa fierté. Elle et sa langue pendante. Elle et son hypocrisie.


07 ; PRAYING TO BE SAVED Nouvelle qu’elle apprit dans un fouillis de papiers oubliés ; l’héritage lui reviendra à ses dix-huit ans. L’espoir qui transparait, liberté qu’elle pourrait bientôt toucher. Mais effervescence de courte durée lorsqu’elle surprit une conversation téléphonique. L’homme le savait aussi, que Leora hériterait de tout. Son évasion gâchée, une seconde solution s’imposait. Celle de la marier. L’horreur la figea un instant, puis elle avait pris la fuite. Une seule personne qui avait encore sa confiance. Orion à qui elle raconta tout. D’abord incohérente, affolée par cette possibilité. Se calmer par la suite, lui expliquer. Tout. Depuis le début. Ce qu’elle n’avait jamais dit, ce qu’elle n’avait jamais exprimé sur ses craintes. Partager sa douleur l’apaisa un moment. Mais l’anxiété était bien réelle quant à son avenir. Car elle ne savait plus Leora. Ce qu’elle devait faire pour se débarrasser de toute cette peur. De cette impression que sa vie lui échappait. Qu’elle ne pouvait pas faire ses propres choix. Ce fut Orion qui lui proposa une porte de sortie. Qui proposa de la sauver. De la protéger. Sanglots entre les remerciements et soulagement qui glissaient sur ses joues. Leora avait beaucoup pleuré ce jour-là.


08 ; WEDDING BELLS OR DEATH KNELL Si les circonstances avaient été différentes, si sa vie n’avait pas été un désastre, c’était un événement qui l’aurait enjoué, qui l’aurait fait sourire et donner des papillons. Car elle ne pouvait nier, Leora, qu’elle l’aimait. Elle aimait Orion. Mais rien n’était bien à l’instant. Rien n’était beau. C’était pour l’aider, pour la protéger qu’il la mariait. Et elle lui en était reconnaissante. Consciente de la vérité. Orion lui offrait l’échappatoire dont elle avait désespérément besoin. Et elle lui faisait entièrement confiance.

Une nouvelle qui enragea cependant l’homme. Car ses plans tombaient une nouvelle fois à l’eau. À cause d’elle. La rage fut si violente que Leora prit peur. Il attaqua Orion. Il criait, il vociférait. Meurtre dans le regard, il n’avait qu’une intention. Celle de se débarrasser du nouveau marié. Et Leora paniqua alors qu’elle voyait la scène se dérouler. Aucun temps pour réfléchir, un vase se retrouva entre ses mains, qu’elle fracassa sur le crâne de cet être immonde. L’homme d’être sonné un bref instant avant de se jeter sur elle. Le cri lui échappait et Leora se débattait. Avec force et furie. Avec peur et détresse. Et dans la confusion, dans l’urgence, ce fut Orion qui vola une vie. Liquide qu’elle vit se déverser et corps qui s’effondrait. Tremblante et confuse, elle courut vers Orion, s’assura qu’il allait bien. Avant que la réalisation ne tombe. Regard de Leora qui se posa avec frayeur sur le sol. Et la décision partagée d’appeler la police.  

Mais un corps qui disparait. Une horreur qui restait en liberté. Une vérité qui glaça le sang de Leora. Car il était furieux, il était dérangé. Et elle était certaine qu’il reviendrait pour elle. Pour se venger. Et elle avait peur, si peur.


09 ; CAGED BY NIGHTMARE Année sombre, année trouble. Sentiment de crainte, d’égarement. Elle ne savait plus Leora, elle se cachait. Incapable d’affronter la réalité. Enfermée, renfermée. Lumière du soleil qui filtrait à peine entre les rideaux tirés. Les silhouettes qu’elle ne reconnaissait pas l’effrayaient. Bruits et craquements qui jouaient son imagination, qui attisait sa folie. Et Orion, le seul à pouvoir la garder sur terre, la calmer, la rassurer. Terreur nocturne qui l’empêchait de rester seule. Elle se raccrochait à lui. Elle se glissait dans son ombre. Rassurée de l’avoir à ses côtés. Un début d’année à errer, à se cacher. À craindre pour sa vie et celle de son ami.

Un matin froid, un vieil album photo qui lui tombait sous la main. Images qu’elle avait photographiées, souvenirs d’un temps où tout était plus calme, plus paisible. Fouiller ensuite dans ses boîtes, dans ses affaires pour retrouver la caméra. Pour se rappeler la sensation entre ses doigts. Reprise de la photographie. Pour retrouver une tranquillité qu’elle connaissait. Pour soulager un peu sa peine et son effroi.

Elle osa mettre le pied dehors après ce qui lui semblait des semaines, des mois peut-être. Photographier le ciel, les branches, les insectes. Ce qui se trouvait dans le jardin, sur sa propriété. Ne jamais réellement s’éloigner, car la peur ne l’avait pas quitté.


10 ; WISHING TO FLY LIKE A BIRD Un après-midi, découverte d’un oiseau blessé. Qui ne chantait plus, qui ne volait plus. Tristesse qu’elle pouvait comprendre. Elle choisit de l’aider, de le soigner. S’en occuper et réaliser qu’elle pouvait faire quelque chose pour cet animal. Peut-être pouvait-elle faire quelque chose pour elle. Souhaiter un monde meilleur où elle pouvait sortir, où elle pouvait chasser la peur.

Mais comment. Comment faire ? Pour se reprendre en main après tout ce temps. Courage un peu brisé, mais qu’elle cherchait maintenant à reconstruire. Encourager par les chants d’un petit oiseau qui avait repris ses ailes. Et elle voulait faire de même. Recherche de soi, de ce qu’elle voulait. Orion toujours présent pour la rattraper en cas de besoin, pour l’aider en cas de perte. Elle décida de retourner aux études. Sans précipitation, sans brusquerie. Commencer doucement pour se réhabituer à ce monde qui lui faisait encore si peur.

Décision de suivre dans les pas de sa mère, de rendre justice et égalité. Peut-être le pourrait-elle. Pouvait-elle essayer ?