Seule dans cette chambre qui lui semblait par moment si vide, si sombre. Assise sur un lit dont la chaleur ne pouvait la réconforter. Prise au piège de peurs qui ne la quittaient jamais lorsque le soleil se couchait. La noirceur qui ramenait les démons. Et parfois, elle ne pouvait plus dormir. Effrayée, elle contemplait les silhouettes à travers la fenêtre. Si elle s’était assoupie un moment, ce fut de courte durée. Le cauchemar l’avait réveillé. Corps et esprit encore troublé, elle n’arrivait plus à fermer l’œil sans craindre de replonger dans l’horreur.

Et lorsqu’elle n’en pouvait plus, qu’elle sentait les larmes caresser ses pupilles et la terreur glacer son sang, elle se levait. Fuyait cette chambre. Parcourait les longs couloirs. Voulant calmer ce cœur meurtri. Ses pas déambulaient. Une marche sans fin pour éclaircir son esprit. Mais un chemin qui la ramenait toujours au même endroit. Devant sa porte qu’elle grattait délicatement de la main pour annoncer sa présence. Trop souvent, la même rengaine, la même routine. Et la voix s’élevait finalement pour glisser dans la nuit. Si douce, tel un murmure si facilement oublié, si facilement perdu. « Orion ? » Prénom qui la rassurait, auquel elle s’accrochait. Faisant vibrer son être, s’affoler son cœur en secret.

La porte qu’elle entrouvrait ensuite, pièce dans laquelle elle s’infiltrait. Telle une ombre. Subtile et silencieuse. Elle se glissait jusqu’à son lit. Habitude si ancrée en elle maintenant. Qu’elle ne pouvait changer. Qu’elle refusait de changer. Lorsque le sommeil se dérobait à elle, lorsque la peur l’empêchait de se reposer, qu’elle ne pouvait plus endurer cette chambre oppressante qui était la sienne. Elle se retrouvait ici. À s’avancer pieds nus sur le sol froid d’une nuit noire. Ayant parcouru un chemin sombre dont les ombres s’amusaient à l’inquiéter. Se promener pour chasser ses démons et vouloir finalement retrouver son réconfort. Son lit à lui. Ses bras à lui.

Se faufiler sous la couverture, s’asseoir à ses côtés. Jambes pressées contre elle-même. Corps glacé par la peur, tremblant par l’anxiété, dans l’attente de voir s’il était réveillé. Elle cherchait sa chaleur, sa présence. Et si elle s’imposait, elle attendait toujours un peu avant de se blottir. Même si toute son âme ne cherchait qu’à se sentir rassurée. Le mouvement lui indiqua qu’il avait conscience de sa présence et ce fut la voix délicate, presque craintive qu’elle demanda. Prête à briser sous les images et les peurs encore si vivantes devant ses yeux. « Orion. Hold me. Please… »

Les larmes qu’elle refusait de laisser couler mouillaient malgré tous son regard. L’envahissait de tristesse, de détresse. Indices limpides sur sa nuit difficile, sur la hantise dont elle était la proie. Regard qui se voulait fuyant, mais qui se reportait toujours sur celui qui pouvait la calmer. Et l’attente presque impatiente qu’il s’occupe d’elle. Égoïsme qu’elle ne pouvait empêcher lorsque son univers devenait un océan sombre prête à l’engloutir. Elle avait besoin qu’on lui dise que tout allait bien. Que tout irait bien. Elle avait besoin qu’il lui dise.

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Au détour d’un obscur abîme, gît en ces lieux noirâtres une âme déchue. rongée par la culpabilité en personne, cette chair se révèle putride et nauséabonde.  

pourtant, cette silhouette attire.
cette silhouette intrigue.

orion — une appellation peu commune. souterrain, idyllique ; ce terme ne s’accroche vraisemblablement pas à la psyché du môme s’en encombrant. lui, ce foutu chevalier noir au sourire tranchant.

scrivener — un patronyme, quelques lettres assemblées. il est connu des cercles privés ; des âmes autrefois vierges ayant décidé d’embrasser des actes sardoniques. car l’erreur effraie, l’interdit déchaîne — et les remords s’installent.


orion l’avait bien compris, lui. qui sait manipuler, qui sait faire de ses congénères ce dont il désire. parce qu’il n’a besoin de rien — ni de personne. il se sert quand il le faut, quand il n’a pas le choix. avant d’oublier, de délaisser ; parce que c’est ainsi qu’il aime exister.

・・・・・・・・

tard ;
nuit noire.

il est rentré dans la nuit, à se traîner jusqu’à son lit. la journée avait été longue ; foutrement longue. tout ce qu’il voulait, c’était se reposer. là, s’oublier — se perdre dans les droits de morphée. le royaume des songes est retrouvé avec vélocité.

the night is dark,
and full of terrors.

sa nuitée est calme ; nul mirage ne vient encombrer ses pensées. il doit se reposer, c’est tout ce dont il a besoin — jusqu’à se faire réveiller. là, une porte qui grince. ça le tire de sa tranquillité ; prestance qui bouge ⸻ se mouve. la respiration qui se fait plus forte, éveil soudain. la tête dans l’brouillard, interrogations refoulées par une envie de sommeiller.

« hm.. » — qu’il énonce, comme si ça voulait dire quelque chose. la sensation de ses draps qui bougent, du matelas qui s’affaisse. il flotte entre deux mondes ;  à refuser d’ouvrir les yeux. il n’a que quelques heures de sommeil à son compteur. parce qu’il arpente trop les rues à la nuit tombée. parce qu’il doit se présenter à la morgue pour travailler. parce qu’il ne peut repousser certaines insomnies éhontées.

« alright. » ; le temps que l’information frôle son cervelet. le bras qui passe autour de la silhouette qui s’est invitée ⸻ à venir la serrer. il n’a aucune idée qu’elle est sur le point de pleurer ; de céder. qu’elle aimerait qu’il lui donne plus d’attention, qu’il l’écoute.


leora le connaît. elle sait que ce n’est pas contre elle. c’est dans sa nature, il n’est pas prévoyant. il faut tout lui demander, lui quémander. il ne sait guère deviner — môme à la compréhension limitée.  

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Il faisait sombre. Nuit noire, nuit détresse. Tout autour les ténèbres et l’obscurité. Une pointe dans son cœur, peut-être aussi. Qui enveloppait la douceur d’une toile de méfiance. Mais avec lui, elle laissait craquer cette façade. Se montrer vulnérable, sensible. Triste et apeurée. Demandé comme une enfant effrayée, perdue. Chercher le réconfort, avoir besoin de l’obtenir. Un besoin viscéral pour son bien-être, pour sa tranquillité.

Fleur délicate difficile à rassurer si la confiance ne pouvait régner. Orion comme seul repère. Comme seule étoile qui la guidait dans la nuit. Malgré les sombres vérités, les sordides réalités dont elle ignorait encore beaucoup. Oh, mais même si. Si elle savait. Leora ne lui tournerait pas le dos. Jamais. Lien étroit, fort. Qu’elle refusait d’abandonner. Amour déchiré et blessé, mais vivant. Risquant de briser ce qui lui restait de bonheur tant qu’elle ne se serait pas retrouvée. Tâche ardue, difficile, pour ses cicatrices encore douloureuses. Alors elle s’accrochait. Au risque de causer sa propre perte.  

Lorsqu’elle sentit les bras autour d’elle, d’un Orion à moitié endormi qui répondait à sa demande, elle éprouva une pointe de soulagement. Son cœur était un peu moins troublé, semblait retrouver une certaine assurance. D’être en sécurité, d’être accompagnée. Un soupir tremblant lui échappa, cherchant à ramener le calme dans son être. Puis, elle se blottit. Comme elle aimait tant le faire. Visage qui cherchait à s’installer dans le creux de son cou, elle sentait son souffle chatouiller sa peau. Elle resta ainsi, immobile, durant quelques secondes. Profitant de la chaleur, de la présence. Avant de ressentir ce désir de parler, car les cauchemars étaient encore si près lorsqu’elle fermait les yeux. Elle avait besoin d’un peu plus. « I didn’t see you today. Were you busy? » chuchota-t-elle doucement. Parler pour ne pas s’enfermer dans ses inquiétudes. Et s’intéresser à lui, car il restait une immense partie de son univers.

Elle s’éloigna alors légèrement. Pour tenter d’observer son visage dans la pénombre. Traits qu’elle connaissait par cœur. Ses doigts caressèrent gentiment sa joue. Geste léger, pour ne pas trop déranger et pour constater. « You’re sleepy. I’m sorry I woke you up. If we can just stay like this for a bit, I’ll feel better. » Et elle se blottit à nouveau. Son corps qui cherchait toujours à éloigner le froid qui la terrifiait parfois. « I need you to stay with me. » murmura-t-elle doucement. Ses lèvres frôlaient sa peau et elle ferma un moment les yeux. Les larmes n’avaient pas complètement quitté ses pupilles, les faisant briller sous la tristesse et la désolation.

Elle se demanda si elle devait partir, retrouver sa chambre et laisser Orion se reposer. Il avait l’air épuisé. Mais elle ne pouvait s’y résoudre, car dès qu’elle repensait à cette chambre glaciale, elle sentait la panique lui revenir. Les cauchemars se riant d’elle, l’attendant à bras ouvert dans son lit qu’elle avait une nouvelle fois abandonné. « I don’t want to leave. » Les mots la quittaient. Réflexion qui n’était partagée qu’à moitié, car entre les pensées et les paroles, elle se perdait par moment. « I… I’m scared. That you’ll disappear. Again, I dreamt... And I… I can’t. I… » Elle se tut un bref instant. Pour reprendre ses esprits, se calmer. Porter une main à ses yeux pour en essuyer une larme. « I’m sorry. I should stop talking, you’re trying to sleep. » Ne pas vouloir s’imposer, pourtant ne pas pouvoir faire autrement.

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le noir ; une nuance adulée. les ombres qui dansent, qui sont désirées. elles ne sont que chimères, une ode aux abîmes trop souvent oubliées. dans ces amas noirâtres, il se complaît. l’obscurité est adorée ; obsession éhontée.

parce qu’il n’a jamais été la lumière, orion. oiseau de nuit dont les frasques diurnes d’une percée lui donnent la nausée. les ténèbres ; un nid douillet. il préfère s’y aventurer, s’y noyer. à jamais — pour s’oublier.

la tête plongée ,
dans les eaux glacées.

il s’y baignait — perdu. les abimes étaient à ses yeux ce que le spleen était pour les poètes. inspiration, désolation. il rêvait de s’y reposer —— à jamais. les paupières sont lourdes ; morphée ne cesse de l’appeler.

calme amputé ;
e n v o l é.

par les dires d’une âme perturbée. « i was at the morgue all day long. » ; qu’il marmonne. l’envie de s’assoupir est forte. le marchand de sable ne l’a pas épargné ; ayant eu la main forte.

« you should stop talking, that’s right. and you should at least try to sleep, but we both know it’s not gonna happen. »

éternel recommencement. il sait ce qu’il en est, orion. l’idée d’un sommeil réparateur quitte ses pensées ; et la prestance s’élève. là, assis dans son lit. il s’étire, les paumes qui viennent ferment frotter ses paupières. « ok, i’m awake now. » — l’œillade floue. ce n’est pas la première fois, ni la dernière. il est redressé ; à farfoupyer dans le tiroir de sa table de chevet.

« here’s for you. » — une tablette de chocolat. délaissée sur les draps, le temps d’émerger de songes qu’il n’a fait que frôler. « i’m listening. and you should take a blanket, i'm not a great option to warm you up. » ; l’corps aussi froid que les cadavres qu’il dépèce. « was it the same nightmare as usual ? »

il le sait ,
la nuit sera longue.

inexistante.

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Oh, elle devrait vraiment. Elle devrait se taire. Elle savait. Elle voulait. Pourtant les mots quittaient ses lèvres malgré elle. Car elle en avait besoin. Affreusement incapable de rester silencieuse. Besoin de se changer les idées, de partager et de penser à autre chose. La voix d’Orion lui parvenait sous forme de marmonnement, répondant à ses questions malgré la fatigue qui l’habitait. Et si elle savait qu’elle le tirait du sommeil avec chaque syllabe qu’elle prononçait, elle ne pouvait s’en empêcher.

Voilà qu’il se relevait, qu’il se réveillait pour de bon afin de lui accorder l’attention qu’elle requérait. Car il savait, Orion, qu’elle n’allait pas s’endormir de sitôt. Encore en proie de ses terreurs. Elle le fixait alors qu’il farfouillait dans le tiroir. Le temps de se redresser à son tour qu’il lui offrait une sucrerie. Qu’elle saisit délicatement pour en détacher une bouchée. Le chocolat était doux sur sa langue. Agréable sensation qui voulait chasser l’amertume de sa nuit. « Thank you » murmura-t-elle doucement, reconnaissante de l’attention.

Il la connaissait, Orion, quand elle était comme ça. Difficile pour elle de le laisser tranquille. La peur la poussait à quémander, à se faire rassurer. Une partie d’elle se sentait toujours mal, une autre triste. Parce qu’elle s’imposait à lui. À toujours l’obliger de s’occuper d’elle. Et elle n’arrivait pas à faire autrement. Elle le voudrait, parfois. Commencer à moins dépendre de lui. Lui permettre de se reposer, sans se soucier de ses cauchemars à elle. Malheureusement, lorsqu’elle était coincée dans cette noirceur, elle avait bien de la difficulté à rationaliser, ne pouvait que fuir les ombres.

« You know I don’t mind. You feel warm to me, always. But fine. I’ll get a blanket. » Mots prononcés doucement, vérité qu’elle rappelait, mais la réalité restait qu’elle ne pouvait réellement ignorer le froid. Alors, elle quittait le confort du lit dans lequel elle avait l’habitude de se réfugier. S’approchait de la couverture pliée sur un meuble, qui l’attendait sagement. Qui était là pour elle, pour la réchauffer lorsqu’elle cherchait réconfort dans la chambre de son meilleur ami.

Chaleur sur les épaules, emmitouflée jusqu’au cou, elle retournait à sa place initiale. Se glisser sur le lit, se rapprochant d’Orion. Mais elle ne répondit pas tout de suite à la question. Son regard s’attarda vers ses mains. Cherchant à repousser la douleur, la détresse et la peur qui figurait dans ses iris. Silence qui s’installait. Même s’il savait, Orion. Parfois, Leora voulait faire croire que ce n’était pas si mal, qu’elle n’allait pas si mal. What a mess she was, really.

Puis, elle hocha la tête. Simplement. Oui, c’était toujours le même. Tremblement léger dans son corps et la nuit qui lui faisait soudainement si peur à nouveau. Mais elle tenta de se calmer et respirer. Elle laissa ensuite sa voix briser le silence qui s’était installé. « It is. » Ce même cauchemar qui la hantait si souvent. Celui où elle avançait dans ce couloir sombre. Une faible lumière qui filtrait sous l’une des portes, et cette voix étouffée qu’elle entendait. Une voix qu’elle reconnaissait à tous les coups. Et elle avait alors si peur. Elle voulait courir, s’enfuir. Et pourtant, elle continuait d’avancer. Orion était là, toujours. Dans cette pièce. Elle le savait. Et lorsqu’elle poussait la porte... Tourbillon d’horreur devant ses yeux. Et ce rire qu’elle détestait. Ce visage qui la hantait et qui l’accueillait, qui s’approchait. « Why do I always open the door…? » Elle ferma les yeux. Pour chasser les larmes qui menaçaient de couler. L’effroi la rendait tremblante sous les images qui repassaient dans sa tête. « But… There was something different this time. » Et elle se tut. Incapable de poursuivre. Un frisson la parcourut et elle dut prendre un moment.

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