FLASHBACK 18.02 ✦✧ 7 days before,,

i'm not doing it. mains sur la console, regard fermement vissé sur l'écran géant, neomä s'entête. it's a silly game, not my thing, ajoute-t-il dans un soupire agacé, avant de mettre son jeu sur pause pour fixer soleil d'un air las, and you know what i think about us being seen together, soleil. il sait, pour les masques, les pouvoirs usés pour les rendre anonymes, la quasi certitude de n'être reconnus par quiconque ; mais à la seule idée de s'extirper de leur bulle de secret son cœur s'affole. craintes erronnées mais persistantes, qui lui collent à la peau sans qu'il ne puisse s'en défaire — la possibilité d'être vu le terrifie. i'm not doing it, répète-t-il en guise de point final à la discussion en reprenant sa manette ; et cette fois soleil abdique.

23.02 ✦✧ 1 month after,,
la soirée se décline en rires, illusions et verres alcoolisés assortis de quelques rails de poussière d'euphorie. dans les excès neomä se perd, perd les effluves du malaise qui l'étreint ; le poing s'est refermé sur son cœur un mois plus tôt, à l'instant où a claqué la portière de soleil, et il ne s'est pas desserré, depuis.
ils ne se sont pas revus, depuis.

ce soir, beaucoup se prêtent au jeu auquel il refuse comme chaque année de prendre part : ni bout de parchemin ni indices ne viennent troubler sa soirée et, dès que des regards croisent le sien, il s'assure de se détourner avant de prendre le risque de reconnaître quiconque. c'est que neomä est superstitieux, à ne pouvoir s'empêcher d'accorder un certain crédit aux vieilles croyances. vraies ou fausses, on ne sait jamais, mieux vaut ne prendre aucun risque plutôt que se voir affubler d'une pseudo âme-sœur.

pourtant, quand des traits lui semblent familiers au travers de cette foule de corps sans visages, il demeure un instant figé ; figé à le fixer, le regarder simplement exister, soleil dans toute sa splendeur. la panique se fraye un chemin vertigineux dans ses veines, précipite sa paume autour d'une bouteille. il ne veut pas songer au regard qui l'a troublé l'espace de quelques infinies secondes, aux lèvres si souvent mordues qu'il les reconnaitrait les yeux fermés, aux traits ciselés sous le masque dont les secrets lui sont levés avant minuit. l'oubli l'entoure de son étreinte, sous forme liquide, et il patiente jusqu'à ce que sonnent les douze coups pour enfin se détendre. gonna find some company for the night, annonce-t-il à ses comparses du soir avant de s'éclipser sur un clin d'œil.

le parfum des pevinelles embaume les jardins extérieurs et il se penche sur un coup de tête pour en attraper maladroitement une, qu'il arrache ((arrache, motte de terre et racines inclues)). le bruissement de pas derrière lui le fait se retourner et la surprise s'épanouit sur ses traits, de recroiser soleil. elle est réciproque, mais il lui tend la fleur. you wanted flowers the other day, qu'il justifie en se redressant, le sang si épicé d'alcool qu'il en tangue sur ses appuis.

Il met son masque sans s'attendre à rien ; il est célibataire de nouveau. doré, le masque, comme ses cheveux, avec un soupçon de rouge — comme ses anciens cheveux. dans la foule il cherche des yeux esfir, sans la trouver. il aimerait voir sa lune bleue poindre entre ses grands yeux. lui faire un signe de la main. puiser de la force dans ses mèches roses et ce sourire qui remonte jusqu'aux prunelles qu'ils partagent tous les deux.

mais quand il sort un peu après minuit, il ne l'a toujours pas trouvée. il a laissé derrière lui ses amis de la soirée, un peu désintéressé. une envie de fumer étrange, un stress étrange. au milieu de la nuit, sous les étoiles, seul et seul — avant de voir un con bourré qui titube. il soupire, voudrait ignorer l'âme en peine comme l'égoïste qu'il est et tourne le regard quelques secondes, avant de se résigner ; il est incapable de laisser ce type alcoolisé tout seul dans les jardins du palace.

quelques pas dans sa direction lui suffisent pour reconnaître la silhouette. neomä n'a pas voulu participer, il le lui avait dit, il l'avait prévenu. quand ils étaient ensemble. ou plutôt — quand ils étaient "ensemble". quand ils se "fréquentaient". il ne sait pas comment le formuler, même s'il s'agit de sa tête, après tout, et qu'il pense bien ce qu'il veut. il pense qu'ils étaient ensemble s'il le veut. même si neomä ne serait pas d'accord, même s'il démentirait, secouerait la tête de droite à gauche. ((il prétend qu'ils n'étaient rien mais soleil se souvient, pourtant — de la main de neo restée sur la vitre lorsqu'il a démarré, essayant de ne pas jeter de coup d'oeil dans le rétroviseur).

"what are you doing here?" il pensait que neomä ne viendrait pas — mais c'était idiot, car refuser de participer à la mascarade des masques ainsi qu'à ces histoires d'âmes soeurs ne signifiait pas pour autant que le grand neomä snyder passerait à côté d'une soirée, lui l'incorrigible amoureux des fêtes alcoolisées. alcoolisé, d'ailleurs, il l'est en effet ; il empeste l'alcool à plein nez, et de loin. soleil devine qu'il y a autre chose, aussi. entre ses traits tirés et ses entrainements intensifs, probablement quelques rails alignés sur une table basse. l'alcool et la drogue sont surement les raisons qui le poussent à tendre vers soleil un brin de magnifiques pévinelles, arrachées à leur terre native sans ménagement. "killing flowers." constate soleil, répondant à sa question précédente. il reste froid — glacial. droit comme un piquet, sans esquisser un geste pour prendre la motte fleurie que neo lui tend. il a en lui leur rupture : la rage, la peine, la douleur d'avoir dormi seul pendant un mois. sans les horribles draps noirs de neomä qu'il avait fini par supporter, sans l'odeur de neomä qu'il avait fini par porter.

"you wanted flowers the other day" se défend neomä. et c'est vrai — soleil se souvient encore parfaitement de cette conversation. "yeah. when we were together." qu'il assène, campés sur ses positions : ils étaient ensemble. mais une petite partie de lui ne peut pas s'empêcher de capituler, de tendre la main vers le cadeau et de se saisir délicatement de sa fine tige. il essayera de la replanter chez lui, se dit-il. il voit déjà sa place : sur le cadre en bois du lit, dans sa chambre. "you're fucking drunk" qu'il constate lorsque neomä titube légèrement, le rattrapant par le bras par réflexe. alors leurs yeux se croisent — ceux de soleil protégés pour le masque rouge-doré, ceux de neo éclatés par les substances. d'un doigt sous le menton il lui redresse la tête pour mieux en analyser les pupilles dilatées. "are you on drugs?" il déteste la pointe d'inquiétude qui s'invite dans sa voix, sans lui en demander la permission. déteste être incapable de planter neomä, dans ce jardin drapé de romantisme pour l'occasion. "i guess you don't have a ride." il connaît les habitudes de conduite de neomä snyder ; il avait les mêmes, lui aussi, avant d'aller en prison. elles leur ont couté cher ; enfin, plus cher à arkham qu'aux autres.

plus cher à arkham.

"come with me." le second soupire de la soirée vient directement des abysses. il traine neomä jusqu'à sa voiture, garée entre d'autres bolides de luxe sur le parking du palace. "i was about to leave anyway." qu'il se justifie, l'air de dire : ne pense pas que j'écourte ma soirée pour toi. "come on, get in." il ouvre la portière, s'installe sur le siège conducteur, attache sa ceinture et, par des gestes résultants de l'accident, vérifie plusieurs fois de suite qu'elle est correctement bouclée. puis il enclenche celle de neomä ; et c'est étrange, cette proximité. c'est étrange, se pencher vers lui ainsi. un mois en arrière, la situation aurait dérivé : il l'aurait embrassé, serait monté sur ses genoux, lui aurait rappelé qu'il n'avait rien à craindre grâce aux vitres teintées. personne pour les voir se déshabiller sur les sièges et s'aimer. le petit secret de neomä snyder bien gardé, sa petite honte personnelle bien cachée.

il ne conduit pas depuis longtemps ; essayer de se remettre de l'accident est récent.
il ne conduit pas depuis longtemps ; quelques minutes à peine, lorsque neomä lui dit se sentir mal. ils s'arrêtent sur le bas-côté, sur un pont un peu trop fréquenté. la route partant de la baie les fait longer toute la côte ; la vue sur la mer est imprenable mais le détour un peu long, et ils arriveront à la frontière midriaise avant de pouvoir repartir vers le centre de celestia. face à un neomä déconfit qui avale de grandes goulées d'air marin et semble prêt à dégobiller, il propose : "we can stop at my house. it's closer." il s'adosse à la voiture, regarde son ancien amant payer les écarts de sa soirée et, via un effort surhumain, s'empêche d'aller lui caresser le dos et lui murmurer des mots doux.

yeah. when we were together. we were not- qu'il entame d'une voix trainante, avant de renoncer dans un soupire. give it back. et puisque soleil se fait glacial, neo tend la main pour rattraper son offrande, mais ses phalanges glissent à peine sur celles de soleil que celles-ci s'échappent déjà. give it back! il rit plus qu'il ne râle, plaisante plus qu'il n'ordonne, neo a toujours eu l'alcool plutôt joyeux, au contraire d'un soleil sobre dont les traits tirés témoignent d'une peine tenace. proximité troublante. snyder détourne le regard, manque de perdre l'équilibre en faisant un pas en arrière et arkham le rattrape. you're fucking drunk. maybe. are you on drugs? maybe. i guess you don't have a ride. i'm okay mom, qu'il réplique, can drive myself just fine. haussement d'épaules de celui qui n'a rien appris de leurs erreurs passées, rien conclu des déboires qui constellent leur histoire. come with me. the party just started, qu'il se plaint, mais la poigne de soleil sur son bras le réchauffe délicieusement, lui tire un frisson de délice coupable. don't you wanna stay for a bit, il demande néanmoins, ennuyé d'être rapatrié si tôt. i was about to leave anyway. aren't you un fun guy, ironise neomä en retour.

trop enivré pour s'apercevoir qu'il s'agit de la première fois qu'ils se retrouvent à nouveau dans la même voiture, depuis l'accident. car soleil s'est montré réticent jusque-là à rejouer cette scène, assez petty en dépit de leur réconciliation pour préférer qu'ils empruntent des véhicules séparés, et neo ne s'est jamais fait prier pour cela — n'est-ce pas étrange après tout, d'être régulièrement vu sur le siège passager d'un autre homme ? sa paranoïa l'abandonne pour une nuit, ses réflexions trop atrophiées par les consommations pour lui permettre de s'inquiéter de détails. son organisme aussi, bouleversé. il n'a plus été si mal depuis longtemps, accoutumé qu'il l'est au point que sa résistance se soit étoffée avec les années. ce soir pourtant rien ne passe, peut-être parce qu'il a réellement abusé. peut-être parce qu'il abuse réellement depuis un mois, à ne trouver le sommeil que dans l'oubli. we can stop at my house. it's closer. ngh, qu'il répond simplement, courbé en deux, la nausée au bord des lèvres. elle ne vient pas pourtant, et c'est encore pire, de garder cette sensation, ce poids sur l'estomac qui refuse de disparaître.

s'il ne faisait si glacial il piquerait une tête dans l'immensité noire qui semble l'appeler. mais à peine tente-t-il de se dévêtir que soleil l'en empêche, proposant qu'ils se réfugient chez lui. m'kay, marmonne un neomä grognon. can't believe you made me leave early. i haven't left a party before 5am since… i don't even remember. il tente d'y réfléchir mais tout lui échappe comme de l'eau glissant entre les doigts. 5 heures, l'heure fatidique à laquelle l'adrénaline s'épuise, mais aussi l'heure drainante à laquelle le sommeil le fuit. l'heure à laquelle il a plus d'une fois manqué d'appeler soleil, avant de se l'interdire. what are you gonna do about that, qu'il demande armé d'un sourire en coin à la con. gotta entertain me now baby. c'est ambitieux pour son état, ambitieux pour leur statut, et le refus de soleil ne tarde pas tandis qu'il se gare. had to try, il hausse les épaules avec une nonchalance irrespectueuse, tarde à quitter l'habitacle comme il pose la tête contre le siège et s'efforce de comprendre les étranges mouvements du monde. il lui faut un moment pour parvenir à s'extirper du véhicule, suivre soleil à l'intérieur, découvrir pour la première fois l'endroit où il vit. un sifflement lui échappe à la vue de l'élégance de l'endroit, du grand escalier comme suspendu dans le vide sur fond de décor crème et bois. nice place, qu'il reconnait avant de simplement s'affaler au sol, assis contre le mur. don't worry i won't get sick, il marmonne les yeux mi-clos, sent refluer quelque peu le malaise dont il a passé le pic. how have you been, qu'il demande au terme d'un long silence durant lequel il s'est presque assoupi. missed me? voudrait-il ajouter, mais il s'abstient. fierté oblige. se fend d'un : it's been… how long? like, two weeks?

un mois. presque exactement, à quelques jours et heures près, mais il préférerait se damner plutôt qu'avouer qu'il le sait.