Un manteau blanc recouvre Velaris. De son point de vue, Aska Feyn contemple ce paysage qui rend presque la ville uniforme. Personne n’est épargné par le froid, même si certains en pâtissent plus que d’autres. Sa main de ferraille réajuste son manteau abîmé, et il plonge son nez dans le tissu qui lui sert d’écharpe. Tout a l’air paisible, presque trop. Comme si la neige cherchait à dissimuler les balafres de la bataille qui avait fait rage quelques semaines plus tôt. Les conflits ont cessé, mais combien de corps sont emprisonnés dans la glace ? Et si l’on déblaie la neige, combien de bâtiments retrouvera-t-on en mille morceaux ? Tous ces débris que la poudreuse dissimule, tous ces nouveaux orphelins qui encombrent les restes de refuge… Ce n’est pas un manteau dont Velaris s’est paré… mais un linceul de glace.

Aska aussi a failli y rester. Le foulard usé retenant son bras de chair en témoigne. La douleur de son os brisé le lance encore, et la peur de ce souvenir le dévore. Il revoit la créature froide lui agripper le bras, il revoit la lueur cruelle dans le fond de ses yeux injectés de sang… Il revoit la Mort.
C’est un miracle qu’il soit encore là. Ou une malédiction.
Car à présent que la vie reprend, il faut aussi rebondir. Le Feyn a perdu beaucoup cet hiver, et pas qu’un bras. Si la guerre fait fructifier les commerces d’armes, le froid a grandement ralenti l’économie. Quant à son stock, Aska en a perdu une grande partie en quittant sa planque. Aujourd’hui, il erre sans quitter sa besace, son coffre à trésors… et tout ce qui lui reste. Mais il va se refaire, Aska. Doucement, il remet la machine en route. Mais il lui faut de la matière première, des ingrédients pour ses poisons et ses bombes.
C’est ce qu’il vient chercher ici, à l'extrémité dû monde. Aska s'est peu aventuré au-delà des limites de Velaris : déjà car, d'un côté il y a le Fold et tous ses dangers, et de l'autre, l'inconnu et ses dangers. S'il se trouve loin du premier, il s'est rapproché du second qu'il craint presque tout autant car il met en péril tous ses principes de prudence. Et si de prudence il devrait redoubler, surtout quand la chance n'a pas été de son côté ces derniers temps, il a besoin de sortir de sa zone de confort pour espérer se relancer. Alors, Aska poursuit la route sinueuse de Butcher Road, bravant la montagne pour mieux s’enfoncer dans la forêt. Puis vient le dernier arbre familier, la limite qu’il ne franchit presque jamais. Un pas de plus et voilà qu’il s’engage vers les Ruines d’Orseis. La neige qui habille les morceaux de pierres délabrées donnent un aspect éthéré et inquiétant à l’endroit… Mais le zaunard continue, prudemment, marchant à couvert, analysant sa route. Il sait où il va. Dans sa tête résonne des indications précises.
Si la zone est située loin du Fold et semble abandonnée, il sait que les mines qui s’y trouvent sont encore largement exploitées par Celestia, et donc surveillées. Aujourd’hui, ce ne sont pas des monstres qu’Aska doit se méfier, mais des hommes. Aussi, le fouineur prend des chemins dérobés jusqu’à son objectif qu’il mettra encore plus d’une heure à atteindre.

Toutefois, alors que la statue brisée d’une femme émerge dans son champ de vision, Aska s’arrête. C’est ici. Le buste pointe vers une cavité dissimulée par le lichens. Après s’être assuré qu’il était bien seul aux alentours, Aska s’approche et constate qu’elle est bien là : l’entrée vers ce boyaux abandonné de la mine. Son contact n’a pas menti. Et s’il dit vrai encore, alors en son ventre, il trouvera les ressources qu’il cherche : cristaux, fleurs rares, minerai précieux.
L’excitation et la peur enserre sa gorge. La découverte et l’exploration lui fait autant envie qu’elle l’effraie… Mais on lui a assuré que c’était sans danger - outre les risques d’éboulements. Alors, doucement, le Feyn écarte la végétation pour observer le trou. Celui-ci s’enfonce dans les ténèbres. Un lourd silence règne. Alors Aska sort une torche de sa besace et illumine les paroies sombres. Rien. Rien si ce n’est une légère membrane soyeuse qui recouvre le mur un mètre plus loin. Aska fronce les sourcils, incapable de d’identifer ce phénomène. Alors, il avance sa main de ferraille et effleure la fine couverture. Et soudain, c’est un nouveau son qu’il perçoit depuis les entrailles du trou. Comme un crépitement affolé. Des chauve-souris ? Non. Ce n’est pas le son familier de leurs battements d’ailes. C’est autres choses. Quelque chose qui grouille… Aska dirige la lampe vers le fond, avançant d’un pas prudent…
Fffrsh.
Une ombre passe. Effrayante. Monstrueuse.
Aska pousse un cri étranglé et tombe en arrière, sur le cul. Tout s’éclaire. C’est un nid. Un nid d'araignées. Comme s’il n’avait pas eu sa dose avec la Kikimorrhe.
Le Feyn se redresse et s’échappe aussitôt du trou, déboulant derrière les lichens et retombant dans la neige. ❝Eh merde…❞ Des putains d’arraignés. Et pas petites ! Cette info-là, il ne l’a clairement pas eu… Comment va-t-il faire…?
Dans son état, il ne peut clairement pas se risquer dans ce genre de piège. Doit-il rebrousser chemin…? Le désespoir s’abat sur lui tandis que sa main insensible au froid s'enfonce dans la poudreuse. Aska Feyn n’a ni le courage, ni la grosse épée d’une Sorceleuse…

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Garde de son épée en main, sa précieuse, Nyeleka s’avance sans douter de la direction.
Aucun danger à signaler pour l’instant, et pourtant sa main se resserre sur la pourfendeuse qu’elle a fait sienne des années en arrière.
Elle se resserre, non pas avec méfiance, mais avec un sentiment bien différent, étrange…
… un sentiment qui la ferait sans doute passer pour une psychopathe si on pouvait lire en elle maintenant.
Oui, c’est bien de l’amour, une affection certaine en tout cas pour son bien le plus précieux récupéré quelques heures en arrière.
Perdu pour un Pankratz, rendu par le même. Aucune dette ne vient donc s’ajouter à une ardoise qu’elle n’a, de toute manière, jamais pris la peine d’entamée. Aucun écrit n’y figure et les mots en seront toujours absents.
Pourtant, sur ce coup-là, elle a bien failli sacrifier son arme la plus aimée mais également son gagne-pain.
L’histoire de la “presque perte”, elle ne la connait pas vraiment.
L’introduction dont elle a écrit les premiers mots, oui : une épée offerte pour soigner celui qui lui a fait vivre les débuts de l’un de ses pires cauchemars.
Et puis la fin, ce matin-là, sous un Elan pas peu fier qui lui rend le sacrifice fait pour ces beaux yeux.

La Krane ignore qu’un Aiwenor a été envoyé à la recherche de son trésor par l’inutile fiancée d’un Pankratz.
Elle ignore qu’un secrétaire dévoué a tout fait pour ramener la tranchante à sa patronne qui s’est empressée de la rendre à son promis.
Pour elle, elle doit de serrer à nouveau son épée à un Elan qui n’a pas voulu porter cette culpabilité là.
C’est grâce à lui si aujourd’hui, elle peut se remettre plus correctement au travail.
Grâce à lui si une heure plus tôt elle a ouvert les portes d’une riche boutique pour prendre une commande de venins de huit pattes à priori fort utiles à son commerce.
Pas de chance, le contrat plus juteux de la veille lui est passé sous le nez… mais qu’importe dans le fond, la sorceleuse a juste besoin de dégourdir ses muscles après ces dernières semaines compliquées.

N’importe quoi aurait fait l’affaire… tant que dans l’affaire, il y a du du sang, des tripes et des boyaux ?
C’est un peu ça.
Se changer les idées. Oublier les tracas du quotidien. Et se refaire un peu financièrement ?
Accessoirement, ce ne serait pas du luxe.
On en est même bien loin, du luxe, dernièrement.
Clope allumée en chemin, au moyen d’un briquet qui a pris également sa place dans ses objets fétiches, elle s’empoisonne les poumons sur les derniers pas.

Des épineuses, ce n’est pas compliqué d’en trouver si on sait où chercher.
Et elle sait. Si la situation n’a pas évolué, les mines d’Orseis pourraient bien lui offrir mieux que les joyaux que ce type de Zaun n’a pas réussi à en tirer.
Le sage a rebroussé chemin. La survie lui a permis d’en parler. Ses oreilles traînantes la poussent aujourd’hui à tenter sa chance dans le coin.
Quelques pas encore, et cette petite routine appréciable sera pourtant bousculée par un faiseur de bombes dont elle n’a plus entendu parler depuis le jour où il a, peut-être pour la première fois de sa vie, honoré l’une de ses dettes.

C’est d’abord un juron qui lui parvient.
Si les sourcils se froncent de son côté, soupirant d’avance de faire une rencontre là où sa solitude se portait bien, le souffle ne franchit ses lèvres qu’ensuite.
Un cul dans la neige, ce n’est pourtant pas la position favorite de Personne qui lui permet de le reconnaître, mais bien le visage qu’elle reconnait quelques secondes avant le soupir, quelques secondes avant de planter son épée dans la poudreuse, loin ou pas trop de sa cuisse.
…
…
Quoi ? Il faut toujours soigner ses entrées. Pourtant, si l’envie la prend aussitôt de le taquiner « Si tu songes à un surnom pour tes mémoires, Cul par terre, ça t’irais pas mal. J’prends pas de droit d’auteur, c’est gratuit.» son regard qui décline vers un bras de chair amoché lui fait d’abord ravaler une suite.
Pas de commentaire sur le sujet, un miracle, et elle préfère tirer sur sa clope en l’étudiant quelques secondes de plus du regard avant de le porter sur le trou « Hum. » hum et c’est tout ?
« T’as réservé ? Ou tu permets ? » de la pointe de l’épée, elle désigne l’entrée sans lui demander s’il vient de faire une sortie en fanfare ou s’il n’ose tout simplement pas y foutre un pied.

Son épée rengainée, elle se perd un instant à jouer les grands seigneurs en lui tendant sa main libérée… mais de laquelle la saisira t’il si le mâle n’est pas un de ses accrocs à la fierté qui tienne stupidement à leur indépendance même quand ils se trouvent sur leur séant ? « Décide toi, j’ai bloqué le créneau de 10 à 11. »

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❝Irhk !❞ Son coeur s’arrête. Il a tout juste eu le temps de voir la lame briller du coin de l’oeil… avant que celle-ci ne se plante dans la neige. Non. Beaucoup trop près de lui, en vérité. Le palpitant repart à tout rompre et sa cage thoracique se soulève en saccade paniquée. Il aurait pu en crever de peur. Mais alors qu’il s’attend à voir, non pas une araignée géante, mais un garde ou un pacifieur qui l’aurait repéré, c’est une crinière blanche qui l’éblouit et l’étourdit. Elle se tient là, debout et fière, à moins d’un pas de son cul trempée par la neige. Elle est là, moins d’une seconde après qu’il ai pensé à elle. Aska cligne des yeux. Quelle est cette sorcellerie ? Serait-il devenu gifted en une nuit ? A-t-il reçu le don - ou la malédiction - de faire apparaître tout ce qui lui passait par la tête ?
Il marque une pause.
Sorceleuse. Araignée. Kikimorrhe. Fléau du Fold.
Stop. C’est une malédiction. Une terrible malédiction.
Il prie pour redevenir un simple zaunard estropié. Puis la voix de la Sorceleuse le tire de ses pensées fantasques. Cul par terre ? Voilà une autre tentative d’humour qu’il ne comprend pas chez elle. M’enfin, il préfère quand elle plaisante que quand elle le menace… C’est déjà assez effrayant de retomber sans cesse sur elle…
… Quoiqu’il fut bien content qu’elle lui sauve la vie ce jour-là.
Alors il ferme la bouche - qui demeurait ouverte et lui donnait cet air ahuri jusqu’ici - et il renifle, presque vexé. Doucement Aska, ne prend pas trop la conf’... ❝Aska… Je m’appelle Aska… Pas “Personne” ou “Cul par terre”...❞ C’est qu’elle a l’air d’y tenir à lui donner des surnoms à la con. Et il ne tient pas spécialement à donner son prénom à tout va, il songe qu’il ne vaut mieux pas donner un pseudonyme à la guerrière. De toute façon, il n’a plus l’intention de se risquer à l'arnaquer : il a eu son compte. Surtout qu’elle semble avoir un don pour le retrouver…
Et la suite le laisse confus et perplexe. S’il suit du regard son épée avec méfiance, il ne comprend pas… Pourquoi veut-elle se rendre là dedans…? ❝Euh… je… ❞ Il se tait et regrette. Elle va encore se moquer de lui. Non pas que le Feyn soit un monstre de fierté, mais il commence étrangement à la connaître… ou pas ?
Cette fille - ou peu importe ce qu’elle est - est une énigme.

Ce n’est pas l’ego qui le fait hésiter à saisir cette main, mais la méfiance. Comme si la toucher était dangereux. Son côté sauvage et menaçant ne plaide pas en sa faveur… Mais Aska finit par attraper sa main, de sa seule disponible. Sa main de fer est certainement glacée mais il n’a rien d’autre à lui tendre.
Il étouffe un hoquet de surprise tandis qu’elle le remet sur ses pieds. Elle est si forte qu’il a l’impression d’être une poupée de chiffon au bout de son bras. Quelle terrifiante sensation… Puis il se souvient du poid de son épée chérie…  
Elle a beau avoir l’air petite et frêle, cette fille est une redoutable guerrière : une Sorceleuse.

❝… excuse moi mais… pourquoi tu veux aller là dedans ?❞ Aska marque une nouvelle pause, le temps de déglutir et oser poser cette question risquée : ❝… Tu me suis…?❞ Cela fait des semaines qu’ils ne se sont pas revus mais la coïncidence est quand même étrange. Voire inquiétante. ❝… je te jure, je t’ai rien volé… …. et j’ai rien volé à personne !❞ ajoute-t-il précipitamment au cas où la Sorceleuse fait partie des forces de l’ordre.

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Aska. Il s’appelle Aska.
Du moins, c’est comme ça qu’il prétend s’appeler le A(s)ka Personne, Cul par terre et autres surnoms que la rancoeur des gens qu’il avait pu escroquer avait bien voulu lui donner.
Un sourire passe sur ses lèvres, et elle le regarde un instant, silencieuse.
« Va pour Aska tout court alors. » pas si mal comme prénom. ça ne lui va pas si mal au teint en tout cas.
Mais est-ce qu’ils sont là pour faire enfin les présentations ?
Non. Autrement, elle aurait enchaîné sur son prénom qui n’est jamais prononcé tandis qu’elle s’intéresse à cette fameuse cavité qui a renversé le cul d’Aska au sol.
Position à priori classique pour lui… mais il ne serait pas plus insisté là-dessus. Pour le moment du moins.

En attendant, elle l’aide à avoir l’air un peu moins ridicule en lui tirant vers le haut sans efforts apparents avant d’en revenir au problème principal.
Manque de crescents.
Besoin argent.
Et besoin violence beaucoup.
Pour autant, elle ne se voit pas répondre de façon aussi simpliste au curieux qui l’interroge porter sur le trou « En fait oui. » elle le suivait ? Comment ça elle le suivait ?
Parce que c’était un voleur qui n’avait rien volé à personne à priori.
Maintenant, Nyel, “ma grande”, si tu pouvais arrêter de traumatiser cet enfant
« Tu me plais Aska. » pardon ? « Je ne savais pas trop comment te le dire, alors voilà…. » … est-ce qu’elle trouvait ça marrant ?
…
Bah. Un peu. Son sens de l’humour la séduisait elle-même c’était déjà beaucoup.

« Pour le boulot. Moi sorceleuse. Moi tuer. » c’est bien Krane. Ramène chasse maison et arrête embêter Personne « J’ai besoin de venin de mini huit pattes. » les araignées, ça commençait à être un peu leur truc ou c’était elle « J’y peux rien moi, si on arrête pas de se tomber dessus. Même si techniquement, j’aurais dû au moins te tuer. J’ai décidé de te laisser le temps de préparer tes adieux. » trop aimable.
C’est qu’elle l’aimait beaucoup son briquet depuis qu’il s’était retrouvé entre ses doigts, elle lui devait bien ce sursis.

En attendant, c’était pas le tout. Mais elle avait du boulot. Chose que ses pieds qui se rapprochent de l’entrée semblent dire avant de se figer à quelques pas pour se retourner vers l’homme aux bombes qui n’explosaient que lorsqu’il ne le fallait pas « Bon tu viens ou tu passes ton tour ? J’ai pas tout mon temps. »
…
Interdiction de lancer des bombes. De se tenir trop près. Il pouvait respirer, parler peut-être un peu. Ou mieux encore, lui filer une commande qu’elle lui ramènerait comme ça elle ne l’avait pas dans les pattes.
Ou y aller tout seul et se faire tuer ?
ça non. C’était les personnes sympas qui pensaient comme ça. Elle, elle n’était pas une personne sympa.

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