nudityCe qu’elle faisait ici - dans son cas “foutait” - si on lui posait la question, Nyeleka Krane répondrait sans aucun doute que ce n’était pas vos histoires. La réponse la plus probable qui connaissait quelques variations.
En cas de bonne humeur par exemple. D’humeur à plaisanter et à sortir la blague du siècle. ça pouvait devenir une histoire à gerber debout du type histoire d’amant.e, nostalgie de l’endroit partagé pour un joli souvenir dont ses pensées ne parvenaient pas à se défaire, besoin de rien envie de toi et autres conneries du genre. De grands classiques qu’elle ne pratiquait pas et puisque certains n’étaient pas particulièrement dingues de ses réponses classiques du genre :
─ “Des mina pizzas, ça s’voit pas ?”
Comprendre ici qu’elle était en train de faire ce qu’elle avait l’air de faire. Des fois, quand quelqu’un semblait se baigner, il se baignait tout simplement.

Une version plus détaillée, et plus sanguinaire, où il était question de son boulot était bien sûr envisageable. Mais avait-on vraiment envie de l’entendre l’histoire de cette énième expédition qui faisait chuter l’âge moyen de l’espérance de vie chez une femme dans son cas ?
Sans doute que non. La violence n’était pas passionnante pour tout le monde. En ce qui la concernait, elle le serait peut-être à conter autour de quelques verres où elle pourrait se vanter d’être la meilleure.
Mais maintenant, si elle avait un détour par ici, pour retirer des saletés qu’elle aurait pourtant tant appréciées ramener à un Kaëden en guise de second cadeau d’anniversaire, c’était bien pour goûter à la tranquillité d’un endroit où elle n’avait jamais croisé personne ces deux fois précédentes où elle y avait mis les pieds.

C’est vrai, des fois, souvent, ce qu’elle préférait chez l’humain, c’est quand il n’était pas là. Plus que leur présence, elle savourait leur absence et ne pas avoir à faire semblant d’écouter le flot de conneries qui pouvait parfois franchir leurs bouches. Chez un certain type d’individus, c’était même un langage. Le con ou l’abrutin, voir le débilos, était une langue couramment parlée à Vélaris et plus particulièrement dans certains quartiers dont on tairait les noms.
Petit indice, son père, fier représentant du peuple ancestral des crétins finis, venait de l’un de ces quartiers.
On ferait donc l’effort de la comprendre. Oui, la solitude, c’était cool.

Bref.
Arrivée en ces lieux particulièrement apaisants une vingtaine de minutes plus tôt, elle avait abandonné ses effets, la totalité de ses effets, en moins de deux minutes avant de glisser ses jambes dans la surface de l’eau. Fraicheur bienvenue et savourée sur des jambes endolories par les derniers combats, accueillie avec un soupir avant de se laisser couler un instant.
Comme les fois précédentes, elle l’avait pensé… l’endroit était un paradis à garder jalousement.
Si un jour la vie d’ermite devenait trop tentante, ce serait définitivement une place envisagée pour l’exil. ça ne prendrait que quelques pancartes “attention, sorceleuse méchante” à l’entrée. Une idée divertissante presque envisagée quelques secondes plus tard, assise sur un bord à savourer les précieuses dernières minutes.

Et c’est tandis qu’elle avait remonté ses cheveux grossièrement pour les attacher qu’elle avait dressé la liste d’invités pour sa pendaison de crémaillère.
Profonde satisfaction que de constater qu’elle était pathétiquement courte.
Lucidité de la réduire l’instant suivant sous la réflexion qu’un Kaëden ne pouvait trainer ses augustes pieds en ces lieux.
Impossible de lui envoyer un de ces machins pour riches où leurs pieds ne touchaient pas le sol…

Elle en était là, à se rendre à l’évidence, aux différentes problématiques quand on fréquentait une princesse - autrement dit à se foutre intérieurement de la gueule de Kaëden - quand une atmosphère différente lui avait fait relever la tête. Une sensation étrange dans sa nuque. Une impression. Faible, mais pas assez pour ne pas finalement tourner la tête et fouiller l’endroit du regard.
Puis poser celui-ci sur un visage.
Croiser d'autres yeux.
S’étudier.
Ne rien dire.
Il était en train de la mater non ?

Vague pensée. Pas si importante pensée.
Il y avait plus important quand un visage se remettait dans vos souvenirs encore trop frais. Quand vos neurones faisaient facilement 1+1 et que le pervers devenait…
[En raison d’un trop grand nombre d’insultes, d’une vulgarité excessive et d’images de violence précédant des scènes de meurtre, cette partie a été censurée]
… de petit escroc !
Voilà, petit escroc seulement, c’était bien. C’était poli. Il n’était pas si petit mais pour la qualité de sa marchandise, c’était bien un petit homme.
En version courte ?
Ce … [ndlr : même motif de censure]
… en version plus lisible ?
Ce fumier lui avait vendu de la mauvaise “boomass” ! Sans rire, elle avait failli crever à cause de ce con !
De sa faute pour avoir fait confiance à un vendeur à la sauvette ?
…
Elle préférait acheter ailleurs. Fureter dans des quartiers moins riches. Quitte à dépenser…
Ok, est-ce qu’on pouvait censurer ce passage pour cause de présence d’organe qui bat ? Merci.

BREF
Elle avait acheté chez lui.
Il lui avait vendu de la merde.
Elle avait manqué de crever.
Elle l’avait cherché sans le trouver.
Et voilà que maintenant le hasard l’amenait ici pour la mater ?
… ok, y’avait pire comme image avant sa mort.
« Salut. »
…
…
Salut ? Et pas “Tu vas crever” ? Cette fois c’était sûr, cette grotte était si apaisante qu’elle rendait les gens sympas ! On lui payait un emménagement pour l’année !

Elle ne s’était pas rhabillée. Elle ne s’était pas levée. Elle n’avait même pas bougé. A part ce regard furtif jeté en direction de ses affaires.
« C’est pas très joli de venir ici pour se rincer l’oeil. »
S’il partait en courant elle pouvait lui balancer un caillou. C’était un peu brutal comme entrée en matière pour des explications. En général, la conversation prenait toujours des allures de confrontation, c’était compliqué d’avoir un vrai débat.
En général ? Parce que ça lui était déjà arrivé de balancer un caillou pour dire “salut on discute ?”
Une fois seulement. Avec un certain Noah ou Thomas… quelque chose en “a”, elle ne s’en souvenait plus très bien.
Pauvre homme.

nudityElle se souvenait encore avec précision de cette fameuse journée. Cette petite virée shopping où son regard avait fini par tomber sur cette fameuse bombe qui avait bien manqué de lui coûter la vie.
Elle entendait encore la voix du marchand. Elle était capable de citer certains de ses mots. Dans sa tête, sans trop forcer, résonnait encore cette fantastique publicité qu’il lui avait faite sur l’objet.
Impossible d’être déçue. Explosion garantie. Une bombe de qualité… qui n’avait pas fait mouche, ou boom dans son cas.
Il y avait eu un instant de flottement lorsqu’elle l’avait balancé. Un peu de fumée. Un blanc. Et la sensation que même cette créature s’était foutue de sa gueule. Comme un “sérieusement ?” dans son regard voir un “Qui m’a envoyé une amatrice pareille ? Respectez-moi, envoyez moi au moins un peu de challenge”. Fierté blessée et pas moins heurtée malgré la mort de la bête qui avait pu lui baver tout son saoul dessus avant qu’elle ne l’éventre.
Malheureusement pour elle, ou surtout pour le marchand quand on y réfléchissait, ce jour-là, elle n’était pas seule. Et sur le retour, elle avait bien capté quelques phrases moqueuses du genre “On amène pas des jouets par ici Krane. Si tu veux faire de la dinnette, reste chez toi”. Evidemment et même s’il manquait une dent à l’audacieux, elle n’avait pas décoléré.
Et c’est donc baveuse, et bien dégueulasse, qu’elle était retournée à l’endroit où elle avait acheté cette bombe des enfers, prête à donner plus de travail aux dentistes du coin.

Avec un air de meurtre dans le regard, elle l’avait cherché celui qui se présentait à présent à elle, sans succès.
Elle y était même retournée le lendemain et le surlendemain. Elle s’était renseignée. Mais personne n’avait semblé volontaire à l’aider dans son meurtre.
Une chance ?
Toujours pour le marchand.
Si sa colère n’avait pas eu le temps de retomber un peu, elle serait déjà debout et lui aurait collé son poing dans la gueule malgré sa nudité. Puis elle l’aurait noyé, un peu… pas trop, mais un peu quand même. Juste histoire de sauver sa fierté. Il ne serait pas dit qu’il était possible d’escroquer Nyeleka Krane et de s’en sortir indemne.
C’était de la légitime défense en somme.
En quelque sorte… pas certain que la justice accepte ses arguments.

En plus d’être un voleur, l’homme était impoli.
Comment est-ce qu’elle avait pu se laisser berner ?
Un truc dans ses yeux. Un air de bouffon un peu mignon. Tragiquement vrai.
Plus navrant, plus vexant, se rappeler que de base, elle avait toujours pensé qu’il valait mieux dépenser son argent dans ce coin-là.
Mais s’en vouloir de sa naïveté aujourd’hui encore n’arrangeait pas le cas du voyeur.
Bien au contraire.
Et tandis que ses yeux évaluaient ses options pour revenir toujours sur lui, elle avait bien pensé qu’il était hors de question de le laisser filer sous peine de ne peut-être plus jamais retomber sur lui.
Jour de chance. Et il fallait qu’elle soit nue. Tant pis. Si elle devait lui courir après sans habits, elle n’était plus à ça près.

Le duper. Lui faire croire qu’elle ne se souvenait pas. Lui faire un peu de charme. Gagner du temps.
Se lever. Lui coller son poing dans la gueule. Exiger des excuses et un dédomagement ?
Plus simple. Technique moins prise de tête qu’elle aurait dû mettre en pratique sans attendre.
Il avait nié. Puis il avait filé sous…
En vrai, il était un peu con Personne non ?
« Hey ! » inutile de l’apostropher. Inutile également de prendre ce caillou pour s’apprêter à le lancer. Aujourd’hui, y’avait un espèce de truc nommé karma dans l’air qui lui avait ramené son voleur sur son cul. Arrivée grandiose dans le ridicule qui lui avait fait reposer son caillou comme si elle n’avait jamais voulu l’assommer.

« … »
Silence. Regard jugeur. Petite envie de se moquer, autant l’avouer. Mais s’affaiblir pour un bouffon, il n’en n’était pas question… « T’as oublié quelque chose ? » … ou pas entièrement… « Des excuses peut-être ? » ouais ce serait pas mal pour commencer. Peut-être qu’elle ne le noierait pas s’il y mettait un peu du sien.
Sinon, t’es toujours nue. Une fringue peut-être ?
Un truc pour parler en gagnant plus de crédibilité ouais.
Elle pouvait. Ou elle pouvait faire les quelques mètres qui les séparaient, s’asseoir près de lui, le cogner et lui dire “tu t’excuses”. Le temps que son coccyx se remette, elle pouvait non ?
D’une poussée sur ses mains, elle était retournée à l’eau l’espace de quelques secondes. Une faible distance à parcourir pour trouver une place assise près du marchand, toujours les jambes à l’eau, le manque gênant de vêtements persistant… à priori pas pour elle…
« ça ne t’ennuie pas ? » courir, un excellent verbe du troisième groupe à mettre en pratique pour lui sans doute.

Son regard en avait retrouvé un autre.
Oui, c’était ça… un air de bouffon un peu mignon. Pauvre conne qu’elle était, on achetait jamais au mignon du marché même s’il avait quelque chose de sympathique « Je te préviens, si tu regardes ailleurs que dans mes yeux une seule fois, t’es mort. » mais il n’allait pas mourir quoiqu’il arrive ?
…
…
C’était vraiment une conversation civilisée entre deux adultes ?
Fallait voir.
Lui coller finalement une claque derrière son crâne pour faire sonner les cloches puis le tirer par le lobe de son oreille, c’était une salutation par chez elle ?
« T’as sérieusement cru que tu pouvais m’arnaquer et que j’te retrouverai pas ? » alors, en théorie Nyel, tu l’as pas vraiment retrouvé. C’est comme le précieux avec Gollum, il est venu à toi. Mais allons-y, faisons genre on est trop balèze pour pister les marchands « Tu me vends une bombe de merde et après tu disparais ? » y’a un truc qui s’appelle l’instinct de survie chez les humains. C’est fascinant et c’est un concept contre lequel il est difficile de lutter. Genre, son oreille maintenant, elle aimerait bien que tu la relâches pour exister sans faire 3 centimètres de plus.