le punch de trop

May 2022 ↠ Ketterdam ─ Plutus

with / @Azriel Krane On pouvait avoir dépassé sa vingtaine, être sorceleuse, ne pas avoir eu d’enfance au point de ne pas connaître la définition du mot… et parfois donner l’impression d’avoir 7 ans, 7 ans et demi tout au plus.
C’était le cas de Nyeleka Krane certains jours de la semaine, une à deux fois… pas plus… pas trop… de plus en plus en réalité ?
Comme une addiction qui l’appelait. Un irrésistible besoin de céder malgré toutes les voix qui pouvaient lui souffler de ne pas le faire, de se tenir loin, de rester dans sa petite routine de sorceleuse qui prétendait se moquait de tout sauf de l’argent qu’elle pouvait se faire sur tel ou tel contrat.
… qui prétendait si mal ces fameux jours de la semaine où tout le hasard du Monde n’aurait pas pu justifier le fait qu’elle tombe nez à nez avec un Krane.
Aucune crédibilité.
Sans doute.
Pourtant, des excuses, elle en avait préparé des tas dans sa tête si jamais un jour ça arrivait.

Le petit manège durait depuis un moment maintenant.
A son retour à Ketterdam, elle n’avait jamais poussé la porte de l’endroit où elle avait passé cette enfance qui n’en n’était pas une.
Elle s’était contentée de l’observer, de loin.
Elle en avait trouvé un. Elle s’était tenue à distance. Elle s’était contentée de l’observer, de se laisser hypnotiser par les années qui étaient passées sur les traits d’un benjamin.
Et puis elle avait cherché l’autre. L’aîné. Et quand son regard l’avait finalement trouvé, elle ne l’avait pas plus abordé que le premier.
A distance, c’était toujours à distance. Quelques minutes. Parfois moins. Mais jamais trop. Une routine presque douloureuse qui s’était mise en place dans sa vie. Elle nierait l’adjectif. Elle nierait l’addiction davantage encore.

Et pourtant, ce soir-là, après sa journée, elle était encore venue face à la devanture d’un bar.
Parfois, elle se contentait de rester plantée là, suffisament loin, les yeux à guetter d’éventuelles sorties pour espérer l’apercevoir.
D’autre fois, elle partait après un simple coup d’oeil. Si forte. Si fière. Ses meilleures fois sans l’ombre d’un doute.
Et puis parfois, la faiblesse, le besoin, l’envie, poussaient l’audace à franchir le seuil d’une porte, à se trouver un coin et à commander un verre.

C’était pathétique non ?
Se satisfaire quelque part à penser qu’elle avait bu un verre dans le bar d’Azriel. Se dire, qu’à un certain point, un point à peine visible, elle était pendant quelques instants une partie de sa vie.
C’était tordu.
Elle était tordue oui. Aveu bref et rapide dans ses pensées qui préfèraient se programmer sur les ondes de la mauvaise foi.
Il y avait une version plus fière. Celle où elle prétendrait pourquoi ne pas boire ici ? Il était sympa ce bar ! L’identité du proprio n’avait rien à voir là-dedans, l’endroit était public ! Si elle avait envie de boire un verre ici, alors elle buvait un verre ici !
… et pourtant, quand elle rentrait ces soirs-là, son coeur semblait un peu plus lourd pour elle qui n’en possédait pourtant pas….

Ce soir-là, elle avait même décidé d’en boire deux. Déception de voir qu’il n’était pas là, elle avait rangé sa prudence pour en commander un troisième au bar avant de se résoudre à entrer.
Une histoire de pochtrons.
Quelque chose comme ça. Une bagarre avait éclaté avant qu’on la serve. Tentation de s’offrir une distraction en s’en mêlant, elle avait choisi discrétion et réserve en soupirant « Les gens ne savent plus boire, c’est dramatique. » aucun niveau oui.
Mais elle ne voulait pas plutôt se concentrer sur le sien à s’éclipser ?

Le voilà ce moment problématique.
Ce moment pour regretter ses choix de vie sur le sentier de l’imprudence… sous un regard qui se tourne trop tardivement sur une masse de géant remarquée du coin de l’oeil, une masse de géant qui descend les dernières marches et l’hypnotise un instant de trop…
Azriel Krane. Dans toute sa hauteur.
Et bientôt vu de trop près si elle ne bougeait pas.
Quelques secondes. Rien que quelques secondes et elle prenait la fuite oui.
Un pas ou deux et ses pieds se décideraient à manoeuvrer les siens vers la sortie.
Après tout ce temps, il ne me reconnaîtra même pas
Tentante pensée qui met la couleur de ses yeux, pas tant portée, volontairement de côté.

Le punch de trop

May 2022 ↠ Ketterdam ─ Plutus

with / @Nyeleka Krane _ L’idiot était loin d’être aveugle. Après toutes ces années et l’envie de sortir le jeune frère des enfers dans lequel ils avaient tous les trois vécu ; pourtant les garçons l’avaient eu moins difficile que la dernière ─ victime de son don ; victime d’un père qui n’étaient qu’un monstre sous un masque humain. D’une famille qui n’avait supporté la perte d’une richesse conséquente mais surtout du nom terni par le nouveau quartier où ils avaient fini. L’argent et le succès avait pourtant souri de nouveau à l’aîné, profitant de ce nouveau business qui l’élevait au-dessus de ses géniteurs détruits. Ce n’était pourtant pas assez. Il gardait en lui le désir de retrouver les enfants, frère et sœur si chers à son cœur malgré le silence qu’il gardait sur ses réelles pensées.

Les yeux levés sur une silhouette féminine ( c’est qu’il surveillait les devants de son bar ) ; plusieurs fois de retour sur le même lieu. Les yeux levés d’espoir de retrouver un passé qui ne leur avait appartenu. Rattraper le temps perdu n’était pas dans ses plans car jamais il ne pourrait réparer les erreurs du passé. Seulement, l’idée de créer un meilleur avenir trônait dans sa caboche depuis sa fuite du domaine familial. L’idée de s’en sortir et offrir une vie ; une vraie à ceux qui chérissait tant. Égoïste, froid et sanguinaire. Des termes qui revenaient beaucoup pour qualifier le jeune homme ─ tous jaloux de son succès. Des mots qui ne le touchaient guère car jamais il en oublier les raisons de cette montée. Désireux de retrouver la notoriété d’antan, désireux d’offrir une vie meilleure pour ses cadets ; il était ainsi difficile de l’arrêter à l’égoïsme. Réducteur de sa personne et pourtant l’image qu’il offrait au monde.

Le paradoxe parlait pour lui cependant. A l’abri des regards, du haut de son premier étage où la pièce n’était pas occupée, mais où la salle cachée derrière gardait un secret qui le poussait dans l’illégalité. La tendresse entre ses doigts alors que ses iris posés sur les plantes dont il s’occupait exprimaient beaucoup d’amour pour celles-ci. Une passion inavouée, brisant cette image d’homme froid qu’il tentait de garder pour décourager les plus braves. Feuille par feuille, l’amour qu’il leur donnait était à l’image de celle qu’il ressentait pour cette famille restante. Néanmoins il fut rapidement perturbé dans tache. Trompé par le bruit qui provenait de la salle au rez-de-chaussée ; une bagarre qui démarrait. Un scandale dont il se passerait bien sur son territoire, lui qui préférait faire profile bas. Le roi des lieux descendit alors les escaliers. Le regard dur, le visage fermé il dégageait ce sentiment de dominance qui faisait taire tous les clients présents. Quelques pas vers la perturbation ; quelques mots alors que le manque de contrôle laissa s’échapper l’empathie de son don. Rapidement les fauteurs de troubles se calmèrent pour partir dans une angoisse sans précédent. Si l’un démarrait une crise de panique, l’autre s’était accroupi dans un coin à demander pardon. Bien.

Un épisode de la soirée rapidement oublié alors que Azriel posa un regard sur le reste de la salle, s’excusant de la gène créée. Il offrait même pour l’occasion un shooter pour toutes les personnes présentes ; mais seulement un. Puis les pas le portèrent vers là où son cœur se trouvait. Repérée au loin lorsqu’il s’était montré, jeune femme à la silhouette si changée mais qu’il reconnaîtrait entre mille. Jeune sœur qui représentait toute sa vie. S’approchant de la famille, son regard détourné vers le barman derrière le comptoir qui commençait déjà à préparer les dizaines de shots. « Tu n’en mets pas pour elle. » Précieuse princesse de sa vie, l’alcool n’était jamais une solution et il redoutait l’envie de la faire boire plus que ce qu’elle n’avait déjà pu le faire. Depuis combien de temps était-elle là, même ?
Le patron tira le tabouret à côté de la demoiselle, s’asseyant sans aucune gêne comme s’il retrouvait une meilleure amie qu’il avait quitté seulement la veille. « t’as pas fui cette fois. » Il n’avait pourtant aucun commentaire à faire sur la situation, pas lorsque lui-même n’avait pas cherché à la retenir. Pourquoi donc ? Si Nyeleka n’était pas bien à ses côtés jamais il ne la forcerait à rester. « t’as bu combien de verres cette fois, prends de l’eau. » Comme par magie, les souhaits du roi des lieux durent exhaussés et le verre d'eau fut apporté aussitôt.

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May 2022 ↠ Ketterdam ─ Plutus

with / @Azriel Krane L’espace d’une courte seconde, un bref instant avant qu’elle ne détourne les yeux, il lui avait semblé croiser un regard qu’elle n’aurait jamais dû croiser.
La fierté avait dû le supporter, mieux l’ignorer, mais l’organe dans sa poitrine en avait précipité les battements.
En un soupir, puis une inspiration, elle avait tenté de contrôlé la faiblesse inavouable, définitivement honteuse.
Lève toi et tire-toi de là
Un ordre judicieux qu’il fallait bien mettre en pratique.
Mais il y avait également cette voix qui était faiblement venue couvrir le silence ambiant de la salle.
ça fait dix ans.
Oui… dix ans.
Il n’y avait aucune chance pour qu’Azriel la reconnaisse…
Alors pourquoi bouger ?
Elle pouvait prendre ce troisième verre, profiter de quelques regards distraits pour voir le visage de son frère de plus près, et partir de ce bar comme la simple cliente qu’elle était.
La couleur de ses yeux…
Ce n’était qu’un détail. Des sorceleuses, il y en avait bien d’autres….
Trop peu en réalité….
Lève toi et tire-toi

Un ordre répété tandis que son regard fixait la bonne direction : celle de la sortie.
Définitivement celle qu’elle devait emprunter elle qui n’avait jamais été réellement Krane.
Une place de loin, dans le fond, à peine visible dans la vie de ses frères, c’était celle qui lui allait bien non ?
C’était celle qu’on lui avait appris à occuper en tout cas.

Un brouahaha transformé en silence. Un homme repenti. Son regard avait bien fini par se poser sur ce dernier.
Mais la réflexion sur un patron respecté, elle ne se l’était pas faite quand, pour évaluer la distance qui les séparait encore, son regard s’était posé sur un visage quelques secondes avant qu’une voix du passé, plus adulte mais reconnaissable, la privait d’alcool.
« …. » c’était un peu tard maintenant pour se lever et se tirer.
Piégée par sa propre connerie, elle n’avait rien fait, même pas prononcé un mot tandis que le patron tirait un tabouret pour s’asseoir à côté d’elle.
Dans sa tête, il y avait eu cet instant de flottement… parce que les mots prononcés semblaient irréels.
Pas la privation du précieux breuvage, non.
Le ton avec lequel elle était punie plutôt… et ce qui se cachait en dessous les mots… tapi dans l’ombre de faux espoirs qu’elle prétendait ne pas avoir.
Evidemment, qu’elle se moquait qu’Azriel la reconnaisse ou non… qu’est-ce que ça aurait pu lui faire ?
….
A elle qui avait ajouté ce bar dans sa routine parce qu’elle espérait apercevoir le patron quelques secondes….

Fuir ? Elle jamais ?
Laisse moi boire morveux
Ou quelque chose comme ça.
Des choses à répondre pour l’attitude, il y en avait des tas… sans forcer. Les pirouettes de ce genre, ses barrières les avaient mises en tête des armes défensives.
« …. »
Alors pourquoi aucun mot ne sortait de sa bouche tandis que l’aîné des Krane lui suggérait un précieux breuvage à base exclusivement d’eau ? Précieux breuvage qui avait atterri devant elle et qu’elle avait fixé l’espace de quelques secondes, de trop longues secondes pour se donner une raison de ne pas avoir à le regarder lui.

Dans le jargon des faibles, on appelait ça un bug ?
Est-ce qu’elle en était la victime récurrente ?
Elle ? Nyeleka Krane ? Jamais !
C’était juste la matrice qui déconnait ce soir… plus tard, elle se trouverait bien une raison pour garder la tête haute.
Maintenant…
Maintenant il la prenait par surprise, c’était plus compliqué. Les ”j’aurais dû répondre ça”, ils viendraient ensuite.
Elle s’était au moins redressée, son dos en même temps que sa dignité. La confusion, elle l’avait ravalée pour ne pas la laisser voir sur ses traits, et finalement sa main avait repoussé un verre sur le comptoir pour le placer devant son aîné « Je bois pas de ça, je suis allergique. » … une plaisanterie, le retour de la pirouette stupide, tout sauf répondre à la mention de fuite… pas de ça chez elle !
Pourtant, il n’avait pas tort.
Fuir, elle n’avait pas arrêté de le faire ces derniers mois… à chaque fois qu’elle avait été trop proche de se faire voir…
… de toute évidence, elle ne l’avait pas fait si bien…
Bien joué Nyel !
Ou comment avoir l’air conne en dix leçons… mais au lieu de se demander combien de fois était-il parvenu à la remarquer, l’obsédante question avait continué à trotter dans sa tête.
Il me reconnaît vraiment ?
Dix ans… c’était long dix ans…
« Et puis, j’ai déjà passé ma commande avant que tu te pointes. » son troisième verre « Mon premier verre, bien que je ne vois pas vraiment en quoi ça te regarde. »

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May 2022 ↠ Ketterdam ─ Plutus

with / @Nyeleka Krane _ C’était si agréable, si appréciable ; cette notoriété dont le patron faisait preuve. Respecté par le personnel, respecté par les clients. Il était ( presque ) redevenu ce roi à la couronne si grande, si brillant qu’elle en aveuglait plus d’un. Perché sous un rayon de soleil lumineux ─ bien en contradiction avec les ténèbres qui rongeaient son cœur depuis de nombreuses années. Les racines féroces de la haine et l’insatiabilité du fruit du démon qu’il était devenu. Pourtant ce roi avait un semblant de royaume :: PLUTUS, lieu qu’il avait bâti de ses propres mains pour l’élever où il en était à présent. Un bar moderne qui attirait clients réguliers et occasionnels dans lequel son âme et ses goûts imprégnaient tous les murs et meubles.

Cependant, cette notoriété et ce pouvoir si important aux yeux du garçon n’étaient rien comparé à cette figure féminine posée dans son bar. Une silhouette bien connue et pourtant changée mais une âme qui l’attire ; jouant de son affection et cet amour inconditionnel qu’il éprouvait pour la demoiselle depuis tant d’années. Il lui refuse l’alcool, dans un semblant de rôle qu’il aurait dû endosser bien plus tôt ( était-il vraiment trop tard déjà ? ), dans cette envie de préserver l’image qu’il gardait gravée en tête depuis l’enfance. Jeune femme innocente ─ si seulement il savait à quel point il se trompait.
L’étrange silence qui lui répondait était perturbant. Des pensées d’insécurité se glissaient dans la tête d’Azriel. L’avait-elle oublié ? Les années étaient passées ─ dix ans sans nouvelle ; dix années durant lesquelles ils avaient tous deux disparus pour revenir entièrement changé. « personne n’est allergique à l’eau, arrête tes couilles. » Une réponse dure, tranchante mais à l’image de ce qu’il avait toujours été.

Les deux êtres assis l’un à côté de l’autre pour une familiarité si dérangeante. La gène était présente, elle aussi. S’invitant à cette danse de non-dits et autres fourberies de cette mascarade dansante. « je pouvais pas le savoir que tu avais déjà ton verre, comme d’habitude tu n’en prends jamais autant. » Il savait. Beaucoup. Son royaume surveillé ; alors qu’il se nourrissait de connaissance pour alimenter son pouvoir. Rien ne lui échappait jamais dans ces lieux où il y régnait en maître.
Un simple signe de la main ─ un ordre silencieux, puis le barman qui s’arrêta dans sa distribution de shots gratuits pour apporter un verre à son patron. Toujours la même chose ; fidèle aux heures auxquelles il les prenait. Un alcool d’un brun révélateur de son identité servi avec un glaçon pour une dégustation qu’Azriel appréciait de plus en plus. « bois ton eau, ça te fera du bien. » La complicité brisée par leur disparition interminable, les mots étaient préférables dans ce cas. Pourtant certains réflexes persistaient et, doucement, la main du propriétaire se déposa sur le haut du crâne de la jeune sœur ; geste tendre et témoin de toute son affection pour Nyeleka. Avait-il au moins ce droit ? Après tant d’années sans nouvelle et un abandon du jeune frère qu’il regrettait à chaque instant de son existence ; impatient de pouvoir le sortir enfin de l’enfer familial. Sa main figée alors se retira plus rapidement. Hésitant ; peu désireux d’assumer que rien n’avait changé ( tout avait changé ). « depuis quand tu bois autant ? » Une manière de rattraper le passé, d’en comprendre les changements.

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May 2022 ↠ Ketterdam ─ Plutus

with / @Azriel Krane Mal à l’aise
Elle détestait ce sentiment.
Elle détestait sentir que cette confiance inébranlable qu’elle tentait de montrer à chaque souffle qu’elle prenait dans ce monde misérable, n’était pas si forte que ça.
Elle aurait dû se tirer
Pensée de sauvetage un peu tardive pour sa fierté… ou bien pour sa lâcheté.
Se retrouver face à Azriel maintenant… clairement, elle n’avait pas prévu ça en se pointant dans son bar ce soir.
ça pouvait sembler étrange.
Voir complètement débile.
Mais c’était bien une fuite de plus qui était au programme.
Elle se pensait si maligne…
Tellement intelligente, tellement plus forte.
Elle se voyait, comme à chaque fois, voler quelques moments de la vie d’Azriel dans ses yeux et se tirer comme si elle ne s’en n’était jamais approchée.
Mais il avait été trop rapide…
… ou elle avait été trop lente.
Au choix.

Dix ans.
Dix ans sans le voir de si près. Sans entendre sa voix si bien que maintenant… sa voix qui démentait une allergie « Si du coup, moi. » … qu’elle avait soutenue dans toute sa connerie.
Il était devenu si grand Azriel. Il l’était déjà à l’époque. Qu’ils soient assis ne l’empêchait pas de se savoir si petite à côté de lui.
Comme une petite soeur qui se laisse couver ?
Elle l’était sa petite soeur.
Mais couver ? Ce n’était pas plutôt son rôle à elle ?
Si. C’était elle qui devait prendre soin d’eux. Et pas l’inverse.

Elle avait essayé, à sa manière. De loin. En envoyant de l’argent à Elan.
Elle aurait aimé pouvoir faire plus.
« ... » … et maintenant, elle aurait aimé entendre qu’il ne connaissait pas tant ses habitudes que ça ?
Elle avait manqué de discrétion à ce point ?
Depuis combien de temps est-ce qu’Azriel savait ? Combien de fois l’avait-il remarqué alors qu’elle traînait dans les parages ?
C’était agaçant… être plus nulle que ce que l’on pensait…
Elle était agaçante elle… « Qu’est-ce que t’y connais à mes habitudes ? » … à faire comme si ce n’était pas évident malgré tout.
Butée. Bornée. Têtue. Des synonymes y’en avait d’autres.

T’es obligée d’être autant sur la défensive ?
…
C’était compliqué. Elle l’était toujours… compliquée oui….
Son regard s’était perdu un instant sur le contenu d’un verre au liquide bien moins clair que le sien « Et toi t’as le droit à autre chose que de l’eau ? » il était plus vieux, mais elle était pourtant majeure. Réfléxion qu’elle aurait pu faire si elle n’avait pas bu le contenu de son verre d’eau cul sec avant de le laisser frapper la surface du bar d’un « Satisfait ? » satisfaite d’être débile ?
Pas vraiment.
Mal à l’aise. Encore et surtout.
Elle s’était figée à cette main sur sa tête et son coeur en avait loupé plusieurs battements.
Elle s’était détestée. Si fort.
Trop faible. Une sorceleuse n’avait pas de coeur… alors pourquoi est-ce qu’il se manifestait maintenant en accélérant la cadence ?
Parce que c’était Azriel
Evidemment.

« Depuis que j’ai plus 12 ans ? »
Mais pas depuis 10 ans ?
Son premier verre c’était quand ?
Une soirée de solitude profonde comme une autre sans doute.
Prends de ses nouvelles. Profites-en
Ouais…
…
« … »
…
Elle en avait envie. Terriblement envie d’en profiter…
« Tu…. »
… mais elle n’avait jamais eu ses diplômes en relations sociales et, en plus de ça, elle n’avait même pas le droit à la boisson pour l’aider !

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May 2022 ↠ Ketterdam ─ Plutus

with / @Nyeleka Krane _ C’est qu’elle ne perdait pas le nord la demoiselle. À répondre de la sorte à son grand-frère qui pourtant faisait ressortir l’évidence d’une situation. Idiot qu’il était ; il n’était même pas capable de se souvenir si elle avait toujours été aussi cassante. N’avait-elle pas été toute adorable il fut un temps ? Sûrement lorsqu’ils étaient tous les deux encore si jeunes ; si innocents. Pourtant, il avait toutes les raison d’en penser le contraire, avec la manière dont leurs parents l’avait prise à part, dont ils l’avaient élevée ─ cruelle réalité devant laquelle il n’avait pu qu’être impuissant. Mais il avait changé. La notoriété avec ; et le pouvoir du fléau qui coulait dans ses veines ─ marques cachées par les tissus :: toujours. « ok alors, t’es allergique à l’eau maintenant. » Il n’avait plus l’âge pour les chamailleries et si elle affirmait être allergique à l’eau alors soit. Cela faisait tellement d’années qu’ils ne s’étaient pas adressés ainsi la parole alors qui pouvait le confirmer ? Ce monde était tellement fou que tout pouvait arriver et qui était Azriel pour prétendre connaître sa jeune sœur.

Et cette réalité elle la lui recrachait en pleine figure. Elle n’avait pourtant pas tort ; idiot qu’il était à tenter de jouer aux grands frères bienveillants alors qu’il les avait simplement abandonnés sous l’excuse de l’impuissance. Il était vrai, qu’au fond ; il n’avait aucun droit. Un enfant devenu monstre qui avait lâchement abandonné sa famille, laissé le petit frère aux mains des démons qui les avait détruit. Il disait avoir couru après une solution pour les aider ─ devenir plus puissant. Complètement. Il s’en était presque livré au diable si ce concept existait seulement. Mais ce n’était pas suffisant ; rien ne l’était d’autant plus qu’au final :: n’avait-il pas simplement fui ? Lâche qu’il avait été, il s’était échappé de cette famille aux parents toxiques, abandonné tout le monde derrière et perdu les contacts avec cette sœur qu’il chérissait pourtant tant. Ainsi, non. Il ne pouvait prétendre connaître les habitudes de la demoiselle. Il ne la connaissait pas du tout même ─ étonné de cette attirance pour l’alcool. Partie était cette jeune fille innocente. Tous, ils avaient changé. « t’as raison. » Retirée était cette main donnant de l’affection ; geste tendre qui se voulait rassurant, bienveillant mais sûrement malvenu au moment présent. Il n’en avait plus le droit, il n’était plus ce grand frère :: il avait échoué dans le rôle et ne méritait pas de le reprendre un jour. Alors, il se redressa, replaçant ce masque froid du patron de Plutus qu’il portait au quotidien. Un homme puissant qui avait refait une humble fortune à partir de rien. Un homme respecté et apprécié mais aussi craint.

« c’est mon bar, j’ai le droit à ce que je veux. J’ai vingt-sept ans surtout. » L’approche imminente de la trentaine. Si c’était un cauchemar pour beaucoup, c’était une libération pour Azriel qui voyait dans l’âge la sagesse qui l’accompagnait ( mais surtout la notoriété et la puissance ). Au moins, la demoiselle avait fini son verre d’eau. Bu dans un silence de la part du plus âgé ; rassuré qu’un peu de liquide qui n’était pas de l’alcool finisse dans l’estomac de la jeune sœur.
Puis de nouveau ce rappel de l’absence. Comme un poignard qui venait continuellement percer le cœur fermé du propriétaire. Saignant à jamais, ne laissant pas une seconde pour souffler et le trou béant qui, jamais ne pourrait se refermer. Mais dans tous ces ténèbres ( peut-être ) qu’Azriel pouvait y déceler une lueur d’espoir. Une hésitation, simplement un mot mais derrière l’envie de pousser la communication. Que pouvait-il répondre, seulement. Lorsqu’il ne méritait aucun des mots qu’il avait sur le cœur ─ lorsque sa sœur ne méritait pas cette hypocrisie de la part d’un grand frère disparu. « je te dérange peut-être ? » Aucune colère ou quelconque sentiment négatif n’était dans sa voix ; ce n’était pas une attaque mais simplement l’inquiétude qui parlait. Sirotant le whisky petite gorgée par petite gorgée ─ sûrement aurait-il dû prendre un shot pour que les effets de l’alcool l’agressent plus rapidement. Survivre aux reproches de sa jeune sœur ; il n’était plus réellement son grand frère, n’est-ce pas ? Cette famille complètement éclatée avait peut-être cessé d’exister aux yeux de la demoiselle :: chose totalement compréhensible.

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May 2022 ↠ Ketterdam ─ Plutus

with / @Azriel Krane « Oui. » allergique à l’eau. Tu parles. Il aurait mieux valu qu’elle soit allergique à sa propre connerie maintenant.
…
….
……….
Ouais. Elle voulait bien l’admettre, ce n’était pas franchement brillant comme premier échange après tout ce temps.
Pourtant, malgré sa mauvaise foi légendaire, elle avait bien cette petite voix en elle qui lui répétait de faire un effort.
Chasser le malaise. Dire un mot ou deux. Quelque chose d’un peu moins con que ce qu’elle avait pu sortir jusque-là.
Ok, elle s’était fait cramer. C’était comme ça. C’était la vie. Fallait bien que ça arrive un jour non ? Elle ne comptait tout de même pas jouer les fantômes tout sa vie et le regarder faire la sienne d’aussi loin ?
…
Elle n’en savait rien. La suite, elle n’y avait jamais réfléchi. Penser au futur, c’était un truc pour lequel elle n’avait jamais été très douée de toute manière.

Surtout quand on n’en n’avait pas tellement. Penser à trop de lendemains, quand on les voyait en un si petit nombre, c’était idiot.
Et alors ? Pourquoi ne pas en profiter pour nouer ces liens qui leur faisaient défaut maintenant ?
Pas de parents. Azriel était bien là. Il n’avait pas l’air de vouloir la fuir ou de la regarder comme le démon de la famille.
C’était un bon moment non pour commencer à rattraper le temps perdu ?
« ... » … mais elle ne savait pas quoi dire. Elle ne savait pas par quoi commencer à part des conneries qui n’abimaient pas sa fierté.
« ça reste aussi majeur que moi…. » ne cherche pas Nyel. C’était de l’eau ou rien maintenant. Même pas un peu d’alcool pour se donner du courage.
Il allait falloir faire sans… de toute évidence….

Prononcer un mot et se raviser.
Chercher dans sa tête et ne rien trouver.
Et finalement laisser l’occasion à son aîné de poser une question qui avait eu le mérite de faire franchir un nouveau mot à ses lèvres.
« Non. »
Il ne la dérangeait pas.
C’était elle qui était dérangeante.
Mais il aurait pu l’arranger en menant la conversation ?
Il n’avait sans doute pas grand chose à lui dire…
Et elle ?
…
Des sujets de conversation, il y en avait des tas.
Un petit effort. ça ne prenait qu’un tout petit effort.

« Il est sympa… ton bar… » cinq mots. C’était bien. Un compliment même.
Banal. Affreusement banal.
« T’as réussi, c’est cool…. »
Et un deuxième compliment… qui ne sonnait même pas comme un reproche.
Pourtant, elle ne les avait pas jalousé un peu parfois ? Ses frères qui avaient le droit d’être des Krane plus que elle ?
… c’était pas si bien d’être de cette famille…
La reconnaissance de ses parents, elle ne courait plus après depuis des années.
Elle avait sa propre vie maintenant.
Elle n’était pas si mal que ça.
Le vide lui plaisait. Ouais. Qu’est-ce qu’elle aurait pu avoir envie de changer ?

Parfois. Pas si souvent que ça.
Elle se disait que ça aurait pu être sympa… de simplement être leur soeur.
Parfois. Encore moins souvent que ça.
Elle se demandait si elle l’avait été un peu….

Le punch de trop

May 2022 ↠ Ketterdam ─ Plutus

with / @Nyeleka Krane _ La gène entre les deux était palpable ; bien trop présente à tel point que même le serveur de l’autre côté du comptoir qui finissait à peine à servir les derniers shots les regardait curieusement. Pourtant, jamais il ne pourrait penser s’exprimer sur la relation de son patron avec la demoiselle ─ bien trop peureux de subir la colère du plus âgé. Mais les regards continuaient de se perdre, parfois quelque peu inquiets, parfois surpris. Car rares étaient les fois où Azriel s’installait pour une discussion sans grand fondement avec quelqu’un. Soit c’était pour le travail, soit pour des échanges ( donc un autre travail ), mais jamais pour parler de la pluie et du beau temps. Il arrivait aussi qu’il ramassait des chats de rue, égarés ; leur offrant un toit dans son bar et un peu de nourriture, des jeunes enfants qui auraient tout perdu. Là était une conséquence de sa culpabilité. A trop penser avoir abandonné sa famille, il redonnait espoir aux autres dans le secret. Finalement, il n’était peut-être pas tant un monstre.

Les échanges maladroits se poursuivaient ; l’auto-flagellation du grand frère avec. Persuadé d’avoir échoué dans son rôle, qu’il ne méritait plus un tel titre. Il avait changé, sûrement trop changé. Mais les souvenirs subsistaient, et le rappel de la majorité ; dans un calcul mental rapide, fut compris. « t’as vingt-et-un ans, c’est vrai. » S’il avait changé de vie, il n’oublierait jamais celle d’antan. Celle à Celestial :: ( désir absolu d’y retourner ) :: ni même celle qu’il avait partagé avec sa chère sœur et petit frère. Mais le rappel de l’âge s’accompagnait avec le rappel des années qui les avaient séparés ; bien trop longtemps. De sa faute, sûrement. Alors qu’il n’avait pas cherché à retrouver de suite la demoiselle, alors qu’il avait préféré plonger dans les ténèbres à pactiser avec les démons pour revenir plus fort. Mais à quel prix.

La maladresse bien trop palpable. Pour un propriétaire qui se demandait si sa présence aux côtés de la plus jeune était de trop. Sûrement désirait-elle passer le reste de la soirée dans la solitude de ses pensées, à continuer de l’observer de loin. Peu désireux de devenir cet homme envahissant, revenant comme une fleur après tant d’années, il suffisait d’un mot et sa silhouette disparaissait. Un mot qui ne vint jamais, pour laisser la place à son contraire. Rapidement, une chaleur qui s’installa dans la poitrine meurtrie du démon. Un sentiment de bien-être, chaleureux ; seulement le pouvoir d’un mot. Le pouvoir que possédait Nyeleka sur son frère.
Il n’eut même pas le temps d’une réponse, d’un remerciement que la jeune sœur parla de nouveau. De nouveau cette chaleur, l’espoir naissant dans la poitrine d’Azriel ; un espoir qui pouvait rapidement devenir destructeur cependant. « merci. » Le regard fuyant, sûrement trop gêné pour assumer ses propres ressentis mais la fierté primait sur ses traits, et le bonheur de recevoir des compliments de la part de celle qu’il chérissait tant. « il a ouvert y’a trois ans, peut-être plus. » Une journée d’ouverture des plus surprenantes, attirant les premiers curieux, les premiers clients réguliers. « c’était difficile─ mais oui, il fonctionne bien. » Il lui épargnerait les détails de sa construction, les sacrifices et les souffrances qui allaient avec ─ son changement de condition. « tu veux faire un tour à l’étage ? Promis je te laisse boire après. » Des retrouvailles maladroites, mais des retrouvailles quand même alors que Azriel cherchait à recréer un semblant de normalité entre les deux :: mais jamais rien ne l’avait été par le passé pourtant.