Évidemment
Réponse sincère. Réponse qu’elle aurait dû formuler sur l’instant. Elle est même très simple cette réponse, elle ne se compose que d’un seul mot.
Oui. Bien sûr. Évidemment qu’elle aurait pleuré si on lui avait retiré son petit frère.
Plus d’une larme. Un océan pour annihiler entièrement sa fierté.
Sans aller jusqu’à la guimauve, ou l’excès, il y avait quantité de choses à répondre maintenant à un petit frère qui réclamait sa part de démonstration.
La violence, c’était plus facile à montrer.
L’amour en revanche… c’était un discret signe de tête et un regard qui s’intéresse à l’architecture de cette ruelle.
L’amour, c’était gênant. Et pourtant, pour Qiorah Krane, dans son coeur, il y en avait bien en une quantité illimitée.
« Dis pas de conneries, t’es pas mort. » mais on se reprend, et on le réprimande même un peu de mettre des telles idées à l’oral. Interdit de crever, c’était marqué sur son front depuis la naissance.

Passons sur l’inestimable valeur d’un simple t-shirt.
Passons sur cette première fuite dans l’industrie du textile.
La blessure est vaguement pansée avant que la seconde fuite n’intervienne.
Dramatique.
Déplorable.
On pourrait presque aussi dire pathétique.
Il y avait quantité de qualificatifs à la situation et tous avaient pour point commun d’être péjoratif.
« Hum, ça c’est parce que t’es trop naïf. T’y connais rien en personnes à problèmes. » ouais, la preuve Nyel, il est même en train de te parler. Le jeune garçon - devenu homme ? -  ne tient clairement pas à sa vie…
Pourtant, c’était vrai. Si elle n’était pas intervenue plus tôt, le plus jeune des Krane serait toujours plongé dans une conversation sans sang, tripes et boyaux.
« Eux ? Ils puaient les problèmes jusqu’à Celestia. » merci pour le cours…

… Mais le cours ne fait pas fuir la vraie conversation malheureusement.
Du moins, Qiorah n’est pas stupide… chose qu’il faut être pour tomber dans ce premier panneau… et les autres qu’elle a plantés en chemin pour “faire genre”.
T’es cramée Krane. Foutue comme on dit !
Evidemment qu’il sait… elle le suivait. C’est tout. Point. A la ligne.
Inutile de mentir sur le sujet.
« T’es toujours un enfant » en théorie, comme en pratique : non. Il était classé dans la catégorie jeune adulte. Difficile à admettre, et pourtant réalité prouvée par sa simple date de naissance.
« Pourquoi tu veux que j’te suive au juste ? » juste admets-le.
Pourquoi c’est si compliqué ?

De toute évidence, vu la réponse du benjamin de la famille, c’est mort pour les excuses bidons de toute évidence.
Les faits parlent d’eux-mêmes.
Coupable. Elle est coupable.
Et avec les circonstances aggravantes de ne pas avoir cherché à communiquer….
« … » qu’est-ce qu’elle est supposée répondre à ça ?
Parce que je suis stupide Qio, tu le sais bien
C’était un début.
Parce que je suis pas trop formée pour tous ces trucs
Évidence.
Parce que tu me manques.
Paradoxe. Et pourtant vérité. Ce n’est pas cohérent. Et pourtant, c’est bien l’une des raisons de sa maladresse.
« J’te suivais pas… » mensonge. Évident mensonge. « J’étais dans le coin, c’est tout. » bornée sa stupidité…
A nouveau, ses yeux se détournent vers quelques pierres pour décorer une façade…
J’ai pas osé…
Et ses pensées formulent l'honnêteté. Un aveu de trouillarde qu’elle n’ose pas dire à haute voix.
« Mais c’est vrai que je ne serais pas venue… » souffle plus sincère pourtant, même s’il reste basé sur un mensonge… « J’aurais bien aimé. » allez… ça devenait bancal par ici. Son bateau prenait l’eau. La mer de la gêne s’engouffrait déjà dans les cales « T’as grandi… un peu. » diversion et changement de sujet tout aussi bancal que son radeau.
Pourtant, faut l’admettre, il a grandi, pas qu’un peu. Sauf qu’elle l’a déjà constaté en le suivant… une fois ou deux.
Vu de près ceci dit, elle constate qu’il la dépasse d’un peu moins de vingt centimètres. Qiorah Krane est un adulte… et elle n’était pas là le jour où ça a commencé.

Un signe, un signe d’amour – s’il vous plait. Parce qu’après tant de temps sans voir sa sœur, Qiorah en a besoin. Parce que face au manque d’amour certain qu’on lui montre au quotidien, il en a besoin. Peut-être est-ce trop demander à Nyel – il ravale sa salive attendant des mots rassurants qui ne viennent pas. Qio essaie de ne pas s’en formaliser, c’est Nyeleka après tout, il sait comment elle fonctionne. Tant pis ; il n’aura pas ses petits mots d’affection et son câlin un jour. Peut-être. Ou peut-être pas. Pas si Nyel décide de les faire tuer avant en se mêlant de ce qui ne la regarde pas. PARCE QUE OUI, enfin non. Non, non, certes – il n’est pas mort. Mais il aurait pu, ok. Et uniquement – excusez-moi de le resouligner – par la faute de sa sœur. Alors celle-ci a beau insisté que ses interlocuteurs étaient problématiques (bon ok Qiorah l’avoue), ils étaient calmes et sous contrôle jusqu’à ce que Nyel se pointe. Qio se demande si finalement ce n’est pas sa sœur qui pue les problèmes jusqu’à Célestia – mais n’a aucune envie de se lancer dans ce débat avec sa sœur chérie. Le healer se contente de soupire espérant que cela suffira à faire comprendre à Nyel qu’elle est parfois légèrement épuisante ; et il vient juste de la retrouver. Et si l’ainée peut être butée comme une mule, c’est malheureusement pour elle un trait de famille. Les yeux plissés, il revient sur sa question initiale la question importante. « Je suis pas un enfant. » insiste-t-il parce maintenant c’est un adulte et il va même à l’académie, tout seul comme un grand ! Une chose anodine, mais pour un garçon comme lui qui a vécu enfermé entre quatre murs la plupart de son temps, c’est une grande victoire. Tout comme celle de se retrouver face à sa sœur, quelque chose qui aurait jamais été possible s’il avait pas un tant soit peu de liberté. Il est si heureux de voir sa sœur mais Qio ne comprend pas. « Je répète ma question, Nyeleka. Est-ce que tu me surveillais ? Comme les pa – ». Pourquoi se retrouvent-ils dans ces conditions ? Si Nyeleka savait où il était, si elle avait la possibilité de lui parler, d’être avec lui… Pourquoi ne l’a-t-elle pas fait avant ? – Rien n’a de sens, et même si Qio veut de tout cœur croire que sa sœur est là pour le voir et non pour autre chose, il doute. « Toi aussi ? » ; il n’a pas le droit de mettre sa sœur et ses parents dans le même sac. Ce n’est pas juste de sa part, pas après ce qu’a vécu Nyel. Mais ce n’est pas non plus juste de le surveiller de loin ainsi, alors qu’il crève d’envie de parler de tout et de rien à sa sœur. Toujours – hier, aujourd’hui et demain. Parce que c’est sa sœur, qu’il l’aime et que, et que – sans elle, la vie a été un enfer. Oui, c’est un grand garçon maintenant mais tout le monde continue de le traiter comme un gamin. « Hm, mais vous m’en donnez pas l’impression. » . Qiorah est peut-être un émotif mais même là, dans la légère colère qu’il ressent, même dans la trahison qu’il subit… Il a envie de raconter sa vie à Nyeleka – le moindre détail. « Si j’avais su que tu me suivais, je serais venu te voir Nyel. Parce que je suis content de te voir, très content… » explique-t-il en reniflant, il retient ses larmes parce que c’est un homme maintenant il ne peut pas pleurer devant sa sœur ainée. Ce n’est pas l’envie qui manque, cela dit. « Mais je sais pas si c’est réciproque… » continue-t-il dans un chouinement pitoyable qu’il aurait préféré éviter. « Pourquoi t’as pas venu ? Tu m’as manqué…, tu me manques depuis toujours. » – ok, il se laisse un peu aller avec ses émotions. À tout moment, Nyel prend la fuite parce que les larmes et les émotions ce n’est vraiment pas son truc et qu’il lui fait peur avec tous ses sentiments. Mais qui peut lui en vouloir si toute la sensibilité perdue des Krane est réussi en son petit corps de healer ?

Si. Il est toujours un enfant. Evidemment que si.
Ce n’est pas quelques années qui vont changer la donne.
Et un mot qui se commence mais ne se termine pas ?
Son visage se renfrogne. Dans son regard, il y a comme une menace, un genre de “T’as pas intérêt à finir ce mot Qiorah Krane ou ça va mal se passer”.
C’est pareil pourtant. Elle a compris où il venait en venir.
Elle n’est pas comme eux.
Elle n’est même pas eux.
Le nom Krane, elle le porta davantage pour des raisons géographiques que par lignée… et ça doit en arranger que trop peu. Oui, même aujourd’hui, quand la famille ne brille plus tellement dans les hautes sphères.
Alors c’est vrai, elle aimerait autant qu’un “” ne vienne pas la mettre de fort méchante humeur.

« Non. » le non est ferme, contrarié… et pourtant. Sur ce coup là, Qiorah n’a pas spécialement tort… en réalité, sur les coups d’avant non plus mais passons…
C’est vrai, elle le surveillait non ?
Et sa meilleure - et surtout unique défense - serait de dire que c’était différent.
Pas franchement la meilleure des réparties.
Elle aurait tout intérêt à gagner quelques niveaux vu l’ambiance dans cette ruelle….
Gênante…
… beaucoup plus pesante.
Et quoi ?
Sincère Nyel. ça s’appelle sincère. C’est un truc dont les gens font parfois preuve pour exprimer leurs sentiments

C’est aussi un truc qui peut faire de la peine quand on ne trouve pas la même chose en face.
« … » la Krane croise les bras. Prétexte pour laisser ses doigts presser sa peau… et aussi parce qu’elle ne sait pas trop quoi faire de ses mains maintenant. Son coeur panique un peu, c’est le genre de trucs qu’il n’a pas le droit de faire normalement.
Pendant une fraction de secondes, trop courte, son regard crie même un genre à l’aide. Comment on fait ?
Les sorceleurs, ça n’éprouve rien.
Garder la légende en tête… c’était toujours la meilleure excuse d’être réputée pour faire partie des gens pas tout à fait humains… même pas du tout humains.

Alors en théorie, maintenant, elle aurait le droit de soupirer.
Oui, en théorie, elle aurait pu le juger et tourner les talons.
Mais à la place, elle fait ce truc… l’une de ses mains se tend, et vient se poser sur le dos de Qiorah… qu’elle tapote, doucement… une fois, deux fois… même trois.
C’est pathétique et pitoyable.
Son petit coeur qui n’est pas supposé battre se serre… et elle a même envie de s’excuser. ça lui traverse même l’esprit de presser ce dos pour lui faire un câlin.
Qu’est-ce qu’elle risque ? Il n’y a personne ici et c’est son petit frère.
…
Son petit frère est un horrible démon qui la rend stupide… enfin, d’une manière différente qu’elle ne l’est d’habitude.
« J’sais pas trop… comment on s’y prend. » qu’est-ce qu’elle vient de marmonner au sol la personne cool ?
Qu’on lui pardonne sa confession aux pavés, c’est pas eux qui répéteraient grand chose…
A qui est-ce qu’il pourrait dire que le dos est finalement pressé. C’est un peu brusque sur le coup, cette manière qu’elle a d’amener le corps du petit frère contre le sien… puis sa main tapote une quatrième, une cinquième et une sixième fois.
Est-ce qu’elle a vraiment manqué à Qiorah ?
Alors la septième fois, sa main se contente de glisser doucement dans un dos, et c’est pas si mal comme geste de réconfort.
Pourtant, intérieurement, c’est la panique totale.

C’est vrai qu’il a grandi Qio… il est encore plus doué pour lui faire cramer tous les neurones.
C’est un peu l’ennemi juré que nommerait sa fierté… ouais…
Heureusement, vu qu’elle ne part pas en courant, c’est pas sa fierté qui porte ses jambes à ce moment-là.

Ils n’ont pas les codes les Krane, c’est un point sur lequel tout le monde est d’accord – ou presque. Leurs parents ou plutôt ceux qui étaient censés l’être ne leur ont pas donné toutes les clés pour être normaux (ou en tout cas sur le référentiel humain). Alors ils n’ont pas toujours les bons mots, les bonnes réactions – ou pire encore, les bonnes émotions. Parfois, un vicieux mixe de tout à la fois ou plutôt de rien. Sur l’échelle familiale, il se trouve que le cadet est peut-être le moins pire – pour un gamin qui a passé le plus clair de son temps entre quatre murs à être traité comme une poule aux œufs d’or, finalement il s’en sort pas si mal. Ou peut-être bien qu’il ne s’agit que d’une illusion dans laquelle il se baigne au quotidien pour se rassurer. Peut-être… Sûrement… Mais sur l’échelle du manque de doctrines communes avec le reste de l’existence, c’est bel et bien l’aîné pour sûr qui détient l’oscar. Si dans les yeux de Qiorah, Nyel a toujours été parfaite, sa grande sœur d’amour qu’il aime de tout son cœur – il est clair qu’aujourd’hui, il voit une faille dans la matrice. Pire encore ; un point commun avec les autres individus de la famille qu’il tente à détester. Cela le tue d’y penser, de comparer et de constater mais… Nyeleka semble l’avoir suivi. Cette fois pour sûr, et Qio est convaincu que ce n’est pas la première fois. Et s’il ravale ses mots avant qu’il ne soit trop tard, leur sens éclate dangereusement – créant le premier éclat sur la confiance qui lie les deux Krane. Dans le « non » de sa sœur, Qiorah entend bel et bien un aveu qui lui brise le cœur – et aussitôt une multitude de pensées lui traversent l’esprit. Aussi noires que blanches, souvent floues. Bientôt, les pensées deviennent des mots, et qu’importe si Nyel l’a suivi finalement… Qu’importe, quand sa sœur est enfin à ses côtés. Le healer marmonne ses phrases dans un mélange d’accusation et  de soulagement – les émotions au bord du cœur. Parce que derrière sa carrure d’ours, il y a bel et bien un cœur d’artichaut que Nyel met à mal – la même qu’il risque de faire fuir avec ses yeux mouillés. Alors il se retient de jouer à la fontaine devant sa sœur, ne voulant pas prendre le risque de la voir à nouveau disparaitre. Il tente en tout cas – avec plus ou moins de succès. Jusqu’à la première tape dans le dos -  le premier signe d’affection, qui signe aussi la dernière résistance. Qiorah renifle une fois, deux fois clignant des yeux pour observer sa sœur qui semble plus que mal à l’aise. Les tapes dans le dos continuent – Qiorah grimace, un sourire déformé par les larmes qui brûlent contre ses pupilles. Encore des tapes. Comment on s’y prend pour faire quoi ? Pour parler à son petit frère ? Pour le saluer après plusieurs années d’absence ? Pour réagir à ses mots ? À ses larmes ? Comment on s’y prend pour gérer ses propres émotions ? Qiorah ne sait pas de quoi Nyeleka parle, il n’en a aucune idée – sûrement à cause de ses propres sentiments qui s’entrechoquent dans sa tête et dans son cœur. Il ne sait pas et pourtant, il a la réponse pour chacune des possibilités, pour chacun des doutes de sa sœur. Alors après une grande inspiration, il jette ses bras (musclés, oui) autour de la sorceleuse dans une étreinte imposée. « Comme ça, Nyel. On fait comme ça… » - un câlin, un peu serré. Un peu trop, que le commun des mortels n’auraient que très peu appréciés mais Nyeleka ne craint rien contre cette petite démonstration d’affection et de force. Rien de physique en tout cas, émotionnellement parlant… Qiorah ne préfère pas se prononcer. Mais une chose est sûre ; il ne compte pas lâcher sa sœur. Il a plusieurs années de papouilles à rattraper. Ces câlins pleins de gêne que Nyel déteste, Qio les adore. Ils lui ont manqué, tous les jours. Et même s’ils ont changé (Nyel a toujours été aussi petite ?), le cadet y retrouve le même confort – alors il fond en larmes une bonne fois pour toute. Il resserre (encore, faut bien prouver qu’on est un homme fort malgré la crise de larme ok ?) sa prise autour de la figure figée de sa sœur, frottant son visage plein de larmes tout partout comme un chiot abandonné. « Tu m’as manquééééééééé. » - peut-être bien qu’il va lui répété jusqu’à ce que Nyeleka lui dise qu’il lui a manqué aussi. Pas de sa faute si c’est un enfant, pardon adulte, qui a besoin d’amour.

Instant de malaise. Instant causé par son talent social à priori.
Au moins la Krane provoque le miracle d’essayer un truc. Pas très adroite, sans doute. Mais la tentative est là…
C’est pas comme ça que ça marche.
Et pour ce genre de trucs, les retrouvailles tout ça, elle n’a pas suivi de formations. On ne lui a en tout cas jamais réellement appris.
Heureusement, sur ce point, elle a un petit frère plus débrouillard.
La voie, il lui montre et ça semble bien plus parlant sous sa version.
Est-ce que son frère a une sacrée poigne dans les bras ?
Ou est-ce que son coeur est juste trop faible ?
Un rythme anormal, irrégulier en tout cas, se met à jouer avec bien plus de panique dans sa poitrine.
Pas de tentative d’évasion, juste le choc quelques secondes - ou plutôt la panique - et la sensation étrange qu’elle ne sait pas trop nommer.
Pourtant, c’est assez simple…
Elle est juste à sa place.
C’est pas si compliqué que ça à comprendre.

« …. » oui, ça doit être comme ça qu’on fait… parce que ça fait soupirer de soulagement… et que sa main tapote pour la septième et dernière fois avant de se décider à se fixer dans un dos où elle se presse d’abord avec timidité…. avant d’oser y aller un peu plus fort.
Le sentiment est plaisant.
Plus que plaisant, d’accord.
Son coeur a beau jouer la cavalcade, elle se sent… bien ?
Quelque chose comme ça.
Pas de public, sa fierté est sauve. Non pas pour le câlin, mais peut-être bien pour la teinte que prend un instant ses pommettes. Illusion d’optique. De toute manière, personne n’a rien vu, inutile donc de se préparer pour son procès.
Elle lui a manqué.

Oui. Elle a manqué à son petit frère.
Est-ce l’ombre d’un sourire qui passe sur ses lèvres avant qu’elle ne les morde ?
Peut-être bien, ça aussi.
Il y en a sans doute un deuxième. La morsure n’était pas assez forte la première fois. La niaiserie, ça doit mieux se punir si on veut conserver un semblant de fierté de la guerrière.
Pourtant, là, contre son torse - Qiorah n’était pas plus grand qu’elle avant ? Pas si grand… - elle marmonne des mots qu’une audition experte sera déchiffrer comme suit : « Toi aussi… tu m’as manqué… » … vraiment beaucoup manqué même… elle aussi, elle aurait pu rajouter quelques “ééééé”... mais, si son frère est sympa, il ne le notera pas ou pas trop.
Avouer ce problème partagé a pour conséquence de laisser finalement son autre bras l’entourer pour resserrer sa seconde main dans le bas d’un dos.

C’est pas si terrible Nyel.
Dans le jargon, on appelle ça un câlin.
Les gens en font beaucoup. Vraiment, il n’y a pas de quoi rougir. Aimer fort quelqu’un, c’est un truc que fait le coeur… à priori, même dans ton cas.
Quantité de mots dans ses pensées… oser en prononcer d’autres seraient un peu fort. Pourtant, elle met du temps à récupérer son air et à lui laisser le sien.
Mais c’est bien au sol qu’elle ajoute d’une voix moins discrète « Comment tu vas ? » avant de regarder le bout de la ruelle.
Les gens observateurs diront qu’elles n’assument pas.
Ceux de mauvaise foi y verront le regard de quelqu’un de protecteur.
C’est vrai, on ne sait jamais, on pourrait les avoir suivis.

L’affection pour les nuls. Qiorah songera à investir dans un manuel d’utilisation ou de formation pour le prochain anniversaire de sa grande sœur – très tout, il a plusieurs anniversaires à rattraper, il peut bien se permettre d’en ajouter un de plus à la liste qu’il se construit mentalement. Parce qu’il est clair que Nyel n’est pas dans son élément, que le cadet l’a forcé à poser un pied hors de sa zone de confort en forçant sa prise de catch son étreinte sur elle. Mais qu’importe. Qiorah a trop d’émotions qui débordent pour les contenir et ne pas les partager. Et s’il sait que Nyeleka n’est pas une adepte des câlins, il s’étonne de ne pas se faire rejeter (peut-être de voler sur quelques mètres, même)  et de ne même pas sentir son aîné se débattre entre ses bras. Même après plusieurs instants, après la phase de « fige », Nyel reste immobile. Si bien que Qiorah s’apprête même à se redresser pour lui demander si tout va bien. Pas le temps, un soupir (de soulagement ? wouah.) l’arrête et c’est bel et bien une main qui se presse à son tour doucement dans son dos. Est-ce que sa sœur est en train de lui retourner son câlin ? Pincez-le qu’il soit convaincu de ne pas rêver de ce beau moment improbable. « Oh. » - une onomatopée qui traduit toute son attitude physique ; ses lèvres entrouvertes, les yeux écarquillées sous le choc. A-t-il bien entendu ce qu’il pense qu’il pense et qu’il ne croit pas avoir entendu ? Peut-être bien. Peut-être bien que oui, même. Qiorah est un peu près sûr que c’est la première fois qu’il entend sa sœur prononcer ces mots – un triste constat en somme mais une belle première fois également. Il regrette presque ne pas avoir eu l’occasion d’enregistrer cette phrase si rare, pour pouvoir en profiter à l’infini. Une seconde main se pose contre ses omoplates, et le sourire du cadet est de nouveau dévoré par un sanglot. Sa sœur lui fait un câlin après des années d’absence et elle avoue qu’il lui a manqué. L’instant est à noter dans les archives, mais une chose est sûre : il est précieusement noté dans le cœur du cadet. Qio a souvent rêvé de ce moment de retrouvailles – sans vouloir y croire à la fois – et dans tous les scénarios, il n’a jamais été aussi parfait qu’aujourd’hui. Un avis, qu’il assume être très subjectif puisque éviter de peu la mort aurait pu ne pas être sur la check liste de leurs retrouvailles en toute honnêteté. Mais l’heure n’est pas à la réécrire du livre de famille ou des contes Krane – la timide voix de l’aîné le ramène sur terre. Comment va-t-il ? Très souvent, il ne préfère pas y penser ; ne pas se poser la question et avancer. Se dire qu’aujourd’hui est bien qu’hier, ou en tout cas pas pire qu’il y a quelques années. Puis, il n’est pas à plaindre ; pas le plus malheureux, pas le plus heureux. En se focalisant sur le positif, comme il a l’habitude de faire, on s’accommode. « Ca va ! » car la narration serait trop longue autrement. Puis aujourd’hui est un très bon jour, il a retrouvé Nyeleka. « Je vais à l’académie ! » - chose que Nyel sait sûrement déjà (vu que madame le suit). Mais s’il insiste sur ce point, ce fait anodin pour la plupart, c’est principalement parce que c’est une chose qui aurait été inimaginable lorsque les deux gamins ont été séparés. Apprendre, se cultiver, se sociabiliser, s’ouvrir au monde – rien de tout cela n’était écrit dans la vie qu’on lui écrivait à l’époque. Pas maître de leur destin un seul instant – que ce soit Qiorah, ou Nyel. « Et toi ? Qu’est-ce que tu deviens ? » ; c’est presque gênant pour un frère et une sœur d’avoir cette conversation – cette impression d’être deux étrangers l’un pour l’autre. Ca le dérange, et Qio peine à accepter qu’il est obligé de poser la question à sa sœur.