Elle est si belle, Fay, lorsqu’elle sourit.
Lorsqu’elle pleure, aussi.
A tout heure du jour et de la nuit.
Elle irradie. ˚ ༘✶ ⋆｡˚ ⁀➷

Du feu sacré, pur medley de toutes les pierres volcaniques qui existent, qui s’en approche doit se préparer à l’ e x p l o s i o n ; c’est dans les nuances feutrées de sa voix enfantine qu’il perçoit le magma en fusion, verve-brasier ignivome en constante ébullition, elle est tempête Fay, à contre-courant. Lui se laisse porter par ses vents contraires, souffles violents dans lesquels il pourrait s’éparpiller si elle n’était pas son point d’ancrage ((envers et contre tout)), l’admiration qu’il lui porte n’a pas de limite - aucune - car dans sa folie, elle est constante Fay, ses bourrasques d’envie sont toutes motivées par cette volonté de se démarquer, d’ e x i s t e r ; différemment des autres, des siens, du reste du monde. Elle est unique, elle le revendique et Solar ne peut qu’acquiescer car cela est vrai. Elle est unique, Fay.

Son babillage continu habille les soirées, les nuits sont plus fraîches lorsqu’il les passe à ses côtés, bercées d’une généreuse aménité, et même si ce qu’elle raconte est souvent dénué de sens et semble sans importance ; il y a dans l’acharnement qu’elle y met une certaine forme de passion qui le fascine. Fay, aux prunelles ((meurtrières)) éclatantes, dont le visage s’anime de mille expressions différentes suivant les émotions ; il pourrait se perdre dans toutes ses nuances, Solar, hypnotisé par l’éclat vénitien dont elle se pare ; voguer sur les ondulations permanentes de ses discours qu’il pourrait réciter par cœur ((tant de fois entendus, tendre litanie retenue)) ; sursauter parfois à ses changements brutaux d'humeurs, secousses-tsunamis qui le surprennent toujours ((l'épatent)), tant il est dingue de ses contrastes. Fay-bourrasque, ouragan-maelström puissant ((le traîne par le fond)), le noie dans ses explications diluviennes. Elle est sa reine.

— Tu m'écoutes, Sol ?
Je n'écoute que toi.
˚ ༘✶ ⋆｡˚ ⁀➷

Rendez-vous impromptu à la frontière des mondes, Midrias s'étend derrière le mur et de sa superbe, elle offre à Ketterdam des rêves colorés à la nuit tombée. Si le vide s'étends à leurs pieds, c'est vers les néons brillants que leurs yeux sont tournés ((en suspens)) ; sylphide-espérance danse sur le fil de la vie, Solar suit. Elle parle, elle parle et il écoute. Symphonie classique aux rythmes sans anicroches, perpétuelle mélodie cadencée par ses propres ponctuations, Solar sourit. Leurs jambes étendues et pendant dans le vide ((testeurs de gravité)), sur le pont suspendu qui flotte dans les airs, l'intimité est toute relative mais qu'importe ? Au bout du monde, sur les terres désertiques, au milieu des foules chaotiques ; son cœur ne trouvera le repos qu'en présence de son âme sœur. Elle est le rêve inavoué, le fantasme chéri, l'être désirée, l'âme bénie.

Dodeline de la tête, l'amoureux transi qui couve de son regard tendre la jolie... Il acquiesce, Solar, comme à l'accoutumée ; souffle la fumée de la cigarette embrasée en déformant ses lèvres sèches pour exécuter un rond parfait qui se diffuse au milieu des néons ; fier de sa performance, il sourit avant de retourner toute son attention vers elle. Prunelles mordorées qui la dévisagent intensément, et le geste doux de sa main qui vient effleurer le visage précieux ((gracieux)) pour replacer l'une de ses mèches de cheveux ((cliché)). ─ T'as mangé ? Elle a maigri, Fay. C'est léger mais Solar voit tout la concernant ; se garde-t-il bien cependant de lui faire la réflexion, méfiant du retour de bâton, aussi l'alternative subreptice est la meilleure option. ─ J'aurais dû apporter des snacks. La culpabilité aussitôt trouvée : la sienne, c'est forcé. ─ On prendra un truc en redescendant. Pour se faire pardonner, Solar, de ne pas avoir tout anticipé lui qui doit la choyer.

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— C’est la parade planétaire ! Vénus est en conjonction inférieure, Jupiter la chanceuse et Neptune la rêveuse se rencontrent en Poisson, l’éclipse lunaire en Scorpion, toutes les étoiles sont de notre côté, je te l’avais dit Sol, que cette année, c’est mon année !

Elle énumère les phénomènes astronomiques du bout de ses doigts manucurés, sa voix mélodieuse et enfantine ne semble jamais vouloir s’épuiser. Elle est comme ça, Fay. Elle parle fort mais jamais excessivement, agite ses mains dans de grands gestes théâtraux mais reste toujours gracieuse.

— C’était un truc de dingue, la vidéo a atteint le million de vues en quoi, à peine 24H ? Le million Sol, tu te rends compte ? Je le sens, au plus profond, juste là…

Son réquisitoire se tait quelques secondes, elle joint ses deux mains sur son coeur, clôt ses yeux débordant d’astéroïdes lumineux et inspire profondément.

— Je sens que tout va changer, que je vais enfin obtenir la reconnaissance que je mérite. Tu imagines… Ne plus avoir besoin de laver les vieilles planches pleines de mites du magasin, on pourrait aller où on veut, même dans les plus grandes tours de Celestia, genre… Celle là, tu la vois ?

Pirate au coeur ambitieux de toutes leurs richesses, elle désigne de l’index l’un des immeubles les plus imposants et brillants de la ville céleste, sa lumière abondante se reflète dans ses orbes rêveuses. On pourrait y aller, ensemble. Mais Fay le sait, Solar se fiche pas mal de l’arcane lovée d’azur, il n’a pas besoin qu’on lui dise où est sa place. Souvent, elle se demande pourquoi il la laisse déblatérer ses babillages des heures durant, pourquoi il ne la stoppe pas ou ne la gronde pas lorsqu’elle dépasse les bornes. Ses bras se croisent sur la rambarde qui protège leurs corps de l’immensité du vide, et sa tête s’y pose mollement. Le visage se tourne vers lui, dont le profil se découpe parfaitement dans les jeux de lumières esquissés par les halos arc-en-ciel donnant mille couleurs aux cascades et à ses yeux. Il est beau, mais n’en a aucune idée. Le silence se fait roi quelques secondes, c’est rare pour elle, c’est même angoissant, sauf quand il est là. Elle a appris à aimer le mystère et l’omission avec lui, elle se rappelle d’après-midis entières dans un mutisme tranquille, à lire et à ranger les bouquins trésors du magic shop. La fumée se pare de couleurs resplendissantes lorsqu’il la recrache en cercle, la tableau qui se dépeint sous ses yeux est d’une beauté sans pareille, elle extirpe par instinct son téléphone pour filmer la scène, mais se ravise aussitôt. Elle se l’est promis, lorsqu’elle est avec lui, le monde peut bien s’arrêter de tourner. Elle vous dira que si elle met son téléphone en silencieux uniquement lorsqu’elle est avec lui, c’est parce que y’a rien d’intéressant à publier de leurs instants, mais en réalité ça lui fait du bien, d’exister simplement à deux.

Un long soupir lui échappe ((fatiguée d’avoir encore trop parlé et de ne toujours pas réussir à percer ses intentions)), elle remercie la pénombre de cacher ses joues rosissantes à son geste qu’elle aurait du considérer comme fraternel, puis Fay étant Fay, laisse ses yeux rouler exagérément dans leurs orbites à la question souvent évitée. Elle ne répond pas, ne veut pas lui mentir, préfère laisser le doute s’installer. Elle sait d’avance qu’il appréciera sûrement pas ce nouveau régime ultra trendy consistant à se nourrir que de pommes et de raisons pendant une semaine, appréciera sûrement pas non plus la dramatique histoire de l’évanouissement en cours de danse, et le fait qu’elle ait tellement hurlé sur la nana qui lui a fait avaler un sucre qu’elle a fini par partir en pleurant. Et toi, t’as dormi cette nuit ?, répond-elle en s’amusant à imiter sa voix dans une exagération à peine moqueuse, avant que sa paume ne se pose délicatement sur sa joue, et que son pouce vienne redessiner le contour inférieur de son oeil. Avec des cernes pareilles, j’espère au moins que tu passes de nuits de folie…

Et si son sourire mutin laisse penser qu’elle est bien téméraire et insolente, c’est pourtant les remords qui l’éprennent aussitôt. Elle ne se comprend pas trop, pourquoi est-ce qu’elle a ses pulsions incontrôlables de méchanceté avec lui, pourquoi les mots sont si acides quand il ne fait que prendre soin d’elle et l’aimer ? Pourquoi est-ce qu’elle ressent le besoin viscéral de savoir avec qui il les passe, ces fameuses nuits, pourquoi est-ce qu’elle ne peut s’empêcher de désirer qu’il ne soit qu’à elle, quand elle passe son temps ailleurs. ((aller voir ailleurs, pour voir si tu es là))

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