Le chaos a disparu des avenues de Midrias grâce au travail des équipes mobilisées nuit et jour. Se débarrasser des corps des nombreux défunts et retrouver leur famille n’a pas été de tout repos pour la main d’œuvre et l’administration. Seuls les professionnels liés aux pompes funèbres ont vu leur compte bancaire s’affoler. Néanmoins, pas au moins de créer de nouvelles passions car les dirigeants cessent de rappeler à quel point Midrias est un lieu sûr. Comme si elle comptait autant que la fabuleuse Célestia... Aucun temps accordé aux habitants pour se remettre de leurs chagrins, l’apparence du quartier a été privilégiée par les grands penseurs. Sûrement pour montrer leur réactivité à défaut d’avoir brillé dans l’organisation d’une fête nationale. Sécurité, un mot dont ils doivent encore chercher la définition. D’ailleurs, Kaëden est peut-être stupide de proposer un rendez-vous, ici. C’est pour lui un moyen de faire la paix avec sa camarade, de déposer les armes (encore une fois). Revenir sur les terres qui les ont séparés quelques semaines plus tôt, c’est une illustration de la poésie qui coule dans les veines du pacifieur. Une image beaucoup trop jolie pour une demoiselle qui ne fera aucune remarque à ce sujet. Excepté peut-être un reproche sanglant sur son comportement pas très altruiste. Enfin, le garçon ne va pas s’en plaindre. C’est que les critiques de Nyel ont commencé à lui manquer, ces derniers temps... Après tout, elle reste plus agréable que cette nouvelle compagnie. Parler chiffons, parler fleurs, parler fiançailles. Franchement, il ne sait pas comment il a réussi à garder son repas dans son estomac. Tout lui donne la nausée, encore plus que ses monstres qui ont failli le manger tout cru. Comme quoi, le chaos a encore ses marques par ici...  Il a même réussi à contaminer sa vie privée.

Est-ce en compagnie des créatures maléfiques que Naëlah a décidé de revenir en ville ? Il se pose naturellement la question quand il agite le fond de son verre. Son agacement se lit sur son visage, les sourcils froncés avant d’interpeller le barman d’un ton autoritaire. Quoi ? Il est obligé de le supplier pour avoir le droit à une nouvelle tournée ? Décidément, les bars de Ketterdam sont bien plus notables. A ce rythme, Nyeleka va se vanter de connaître les bonnes adresses. A défaut d’avoir celles des parfumeries du pays. Perdu dans ses pensées, il écoute même plus la petite. Est-ce qu’elle est en train de lui parler même ? Il n’est pas en mesure de le vérifier. Il préfère se mettre à grogner après avoir ingurgité le contenu de sa nouvelle tournée dans un temps record. Il a envie de faire la fête et le pauvre jeune homme sans cervelle rattache ce concept à l’alcool. Pas question de pleurer sur son sort. Les femmes de son entourage pleurent suffisamment ses fiançailles, regrettant de ne plus pouvoir jeter leur dévolu sur lui... C’est une aberration de ruiner le célibat de Kaëden Draigwen. Peut-être qu’il pourrait en profiter un petit peu avant de recevoir cette bague de fiançailles à sa taille. Les délinquants qu’il capture ont un boulet à leur cheville. Lui, il aura ce foutu bijou ridicule. Jetant un coup d’oeil autour de lui, il est envahi par une vague de testostérone quand son regard se pose sur la silhouette de sa comparse... Effectivement, il devrait arrêter de commander de nouvelles tournées. De toute façon, s’il ne détourne pas le regard rapidement, la demoiselle risque de le priver de ses yeux et autres conneries. Par chance, Kaëden tente de se rattraper de façon très hasardeuse. “ Krane. T’as un train de retard. “

Cacher ce sourire que sa fierté ne saurait voir.
Nier les traces évidentes de la bonne humeur affichée à la sortie de son appartement.
Trouver, quelque part sur la route, la force invincible de sa mauvaise foi pour changer son visage et lui faire adopter une expression plus classe, proche du blasée et au minimum de la définition qu’elle se faisait de “la classe”.
Parce qu’avoir l’air trop heureuse de revoir un Draigwen, ça faisait, à son sens… un peu gamine, pas mal navrante et… trop attachée quand on prétendait être une grande je-m’en-foutiste niveau relations ?
C’était un peu l’idée.
Et pourtant, les personnes qu’elle avait croisées en sortant de ce qui était loin de se définir comme un nid douillet, auraient pu en témoigner. Nyeleka Krane était d’une bonne humeur évidente.
Après avoir parfois été d’une humeur massacrante ces derniers temps ? Les mauvaises langues qui avaient pu l’entendre râler au cours des dernières semaines auraient sans doute eu quelques remarques déplaisantes à lui faire. Du moins des remarques blessantes pour la fierté qu’elle n’avait pas encore retrouvée aux portes de Midrias.

Les plus lourdeaux, eux, ils n’auraient rien trouvé de mieux à faire que de se moquer d’un “Tu vas retrouver ton mec ?”
Mais, fort heureusement, elle n’avait dit à personne que ce soir elle voyait celui qui avait occupé le sujet râlage de ces derniers jours.
Tout ça pour ça
Voilà ce qu’un omniscient aurait pu dire.
Raccrocher déception et agacement pour se pointer au rendez-vous avec un sourire sur les lèvres, oui, ça avait quelque chose de pathétique dans le monde des fiertés excessives.
Qu’on se rassure toutefois, ou peut-être, la Krane comptait probablement râler, se plaindre un brin balancer quelques pics ?
…
Au moins, elle n’avait pas pour projet de se ramener et de balancer un “Tu m’as manqué” et ça c’était pas mal !
…
Surtout qu’il ne lui avait pas réellement manqué.
Pas vraiment.
Pas trop.
Passons.

Qu’importe les excuses qu’elle avait trouvées et qu’elle se trouverait, elle était finalement arrivée sur les terres du drame.
Probable légère concentration devant la porte avant de la pousser, juste histoire de pas avoir trop l’air d’une débile sans doute, et la voilà à chercher le coin le plus pailleté pour repérer sa princesse. Repérage aisée, installation simple et début sur thème de faisons comme si de rien était.
Finalement, pour la Krane, comme pour le Draigwen, c’était assez simple. Personne ne viendrait leur souligner qu’ils étaient sans doute trop cons pour avoir ce type de conversation sans se sentir mal à l’aise.
Boire et bavasser, c’était encore plus simple.
Boire, c’était en tout cas si facile. Un verre ça descendait tout seul. Et evidemment, elle n’avait aucune honte à laisser son am… prince à paillettes commander des verres.

Elle en était à défendre ses bars de Ketterdam vs l’ambiance du coin, à défendre sa mère patrie elle qui avait pourtant été conçue dans la richesse, quand il lui avait semblé perdre l’attention du bellâtre.
Attention ceci dit retrouvée peu de temps après « … » quoi ?
…
Le fruit de son imagination, ou l’impression que la chaleur qui se dégageait d’un verre avait pu égarer un instant le regard de princesse « Excuse-moi, j’ignorais qu’on était déjà en plein dans ton EVJF et qu’il fallait se saouler jusqu’à atteindre la phase club de striptease, argent de poche perdu dans un dessous et qui est cette personne endormi dans mon lit. » et c’est ainsi que le verre face à elle fut vidé d’une traite « Mais puisqu’il faut souiller tes paillettes et que je t’ai pas prévu de tenue ridicule à porter pour aller poser des questions stupides à des passants… laisse moi au moins t’offrir la partie striptease » la stripteaseuse non ? Parce que là, ça risquait de porter fortement à confusion. Surtout que trouver une stripteaseuse, dans le quartier, la mission était plus compliquée.
Vraiment, Midrias… symbole de l’ennui.

Dans une cérémonie de mariage, les époux s’engagent à respecter les devoirs conjugaux mais est-ce que ces obligations fonctionnent pour les unions arrangées ? Lui qui aime pourtant avoir un comportement droit, il devrait s’étonner à avoir de telles réflexions. Jurer fidélité lui semble évident, mais maintenant qu’il va devoir se priver de certains plaisirs dont il n’a pourtant pas l’habitude, il se demande s’il ne devrait pas revoir son jugement. Il aurait dû profiter de la présence des femmes plus souvent. S’il n’est pas non plus à plaindre, ses fiançailles et son futur statut risquent de le mettre à l’amende. C’est toujours pareil. On réalise notre chance uniquement quand le vent s’apprête à tourner. Est-ce une bonne excuse pour lorgner sur le corps de la sorceleuse ? Drôle de projet qui finit par le décontenancer quelques secondes plus tard. S’ils sont incapables de se considérer comme des amis, ce n’est pas une manière. Il tente de se rattraper, en faisant semblant de rien, comme toujours. Il ne faut pas oublier que le Draigwen est un véritable lâche. Est-ce que la demoiselle risque de mettre les pieds dans le plat ? Il ne veut pas s’excuser mais il mentirait si son avis ne comptait pas. Il a toujours eu ce besoin d’être approuvé, pour ses dires et pour ses actions. En ce moment, se sentir rassuré est d’une denrée rare, surtout quand ça devient de plus en plus nécessaire. C’est bien le cœur du problème quand on commence à perdre pied.

Il arque un sourcil, ne s’attendant pas à une telle réplique. Est-ce qu’elle l’a aperçu son regard ? Est-ce qu’un voile de luxure s’est agité dans ses yeux ? Impossible sauf si le contenu de ces cocktails est étrange et provoque des sensations de chaleur. Il gratte son front rapidement avant d’échapper un rire. Il est déjà fatigué. C’est le risque d’avoir commencé l’échauffement sans elle. Nyelaka va avoir un train de retard et risque de fort s’amuser si les langues finissent par se délier. Il n’y a plus qu’espérer que Kaëden ralentisse le rythme pour éviter de lui donner cette opportunité. “ Tu viens de gâcher la surprise. “ Mais apparemment, il aurait dû finir de la laisser parler. Lui offrir la partie striptease ? Elle devrait faire attention à ses mots car il y a de grandes chances que le pacifieur tombe dans le piège. “ Pas besoin de glisser de pourboire dans ton soutif Etam que tu as trop bien rembourré ? “ Il esquisse un sourire moqueur avant de reprendre avec une voix plus sérieuse, rendant le tout flippant. “ Je ne savais pas que tu voulais tant souiller mes paillettes. “

C’était bien pratique.
Ce truc qu’ils avaient entre eux.
L’art d’esquiver les vraies conversations. Cet accord silencieux de ne pas se rendre plus gênants qu’ils ne l’étaient déjà.
Ni Kaëden. Et encore moins elle, n’aborderaient le sujet de cette dispute qui avait pourtant un peu trop occupait ses pensées à son goût.
Ils allaient boire, parler de tout sauf de ça, et même s’égarer sur le sujet de son enterrement de princesse à paillettes.
Qu’est-ce que devenait un homme composé de paillettes lorsqu’il se mariait ?
Juste question, qu’elle aurait pu formuler pour la blague, si elle n’avait pas préféré s’égarer dans le terme du striptease et des prédictions « Non, ça c’est que la partie évidente de cette soirée si d’autres verres sont commandés. » évidente ? Vraiment ? Payer une stripteaseuse ou faire des économies ?
Ok, peut-être qu’il y avait un peu d’égarement là-dedans. Égarement qui ne serait de toute évidence pas banni au vue de sa main levée et de l’ordre d’une autre tournée.

« Moi ? » regard rapide en direction de sa poitrine et tête qui se secoue pour nier « C’est un domaine où je ne trompe pas sur la marchandise. » pas la peine, inutile, elle était satisfaite de ce qu’elle avait, là où elle l’avait. Elle aurait même pu pousser à prononcer quelques mots vulgaires à destination des oreilles paillettées, mais elle savait se tenir un minimum pour leurs retrouvailles, à priori. Pourtant, c’est vrai, elle aurait pu dire qu’elle misait tout sur son talent. A la place, elle avait préféré mettre en avant un grand sens de l’observation « Du coup si c’est cette analyse que ton regard avait y’a quelques secondes…  » … donc faire comme si de rien était pour une dispute, c’était ok ? Mais là-dessus, on avait aucune honte à ne pas faire semblant ? « …sache qu’il n’y a pas de tricherie à détecter » fallait croire… et c’est après un verre réceptionné, et vidé, pour rattraper la trop grande avance de son camarade qu’elle avait ajouté « En plus je prends pas de pourboire, je préfère me faire payer en alcool. » et ça osait dire que ça voulait souiller des paillettes ? Quand on brillait autant de strass, on n’était pas supposé salir nos mains dans des dessous non ? « T’es trop pur pour ma vie Draigwen, c’est hors de question que tu te maries en étant digne de ta tiare. » trop pur, trop pur, c’était vite dit… ses paillettes avaient su se plonger toutes seules dans le bain du scandale.

Comment dire ? Ces deux spécimens sont incapables de se prendre dans les bras ou de s’insulter pour fêter leurs retrouvailles ? Concernant les insultes, c’est devenu le train-train quotidien depuis que leurs routes se sont croisées. Quant à la première option, celle-ci n’est pas retenue au profit d’un regard dévié sur une silhouette qu’il n’avait jamais pris soin d'étudier. Pourquoi maintenant ? Être fiancé ne devrait pas générer une telle situation mais le pacifieur avait bu et il ne savait plus trop ce qu’il voulait. Pour autant, il remercie secrètement la jeune femme pour le remettre dans le droit chemin : celui de la lucidité. C’est vrai. Si on se concentre sur sa poitrine, on peut vite comprendre que Nyeleka serait une mauvaise tricheuse. Disons que le niveau est similaire à celui des arguments de la belle, c’est-à-dire très faible. Mais justement, est-ce que ça ne veut pas plutôt dire l’inverse ? “ J’en suis arrivé à la même conclusion. “ Pourquoi nier ? L’aîne Draigwen s’étonne plutôt de ne pas avoir été victime de ses violences. Peut-être que la demoiselle a appris à être distinguée dans les lieux publics alors qu’elle suggère un strip-tease. Si le jeune homme devait débourser en enchaînant les tournées, il espère qu’elle aura un minimum de jugeotte pour ne pas offrir ce spectacle à tout le monde. Il a beau être riche, il en veut pour son argent... Ferait-elle une bonne candidate ? Décidément, tout ne tourne pas rond ce soir. Kaëden a un mouvement de recul. “ Rassure-toi. L’argent des Draigwen n’est pas connu pour être sale. On fabrique et on vend des armes, rien de plus. “ Toujours de la légitime défense, jamais des plans d’attaque. A parler ainsi, on pourrait le juger facilement de mauvais menteur. Le pacifieur finit par lâcher un rire amusé par ses propres remarques. Il pose son regard sur Nyeleka. “ Tu crois vraiment que je suis un homme pur ? “ Une belle image qui lui colle à la peau. Ce n’est pas pour lui déplaire au fond. A leur âge, les femmes n’aiment plus les bad boy. “ C’est pour ça que je suis un homme bon à marier. Je te donnerais quelques tips si t’es sage... Je suis un homme pur et généreux. “ Il prend son verre en main et le tend vers elle. “ Mais toi. Je pense que tu n’es pas aussi délurée que tu le prétends. “ Il affiche un sourire moqueur. “ Exemple. Tu dis que t’es forte au tir alors que t’es naze. Beaucoup de blabla, peu d’actions. “  

« ça je sais. Vos crescents sont aussi pailletés que vos gueules. » est-ce que de l’argent gagné en vendant des armes pouvait être pailleté ?
Quelle importance ? Le joli sourire de Kaëden l’était.
Oulah. Cette pensée très limite lui indiquait peut-être que l’alcool faisait enfin son effet sur elle.
Quoique. ça se buvait comme du petit lait. Les reproches ici, elle devait sans doute les faire à l’attitude du Draigwen. Vague idée qui lui avait presque fait hausser les épaules. La suite, de toute manière, l’avait trop divertit pour se laisser aller à la réflexion de cette étrange soirée.
Un rire. Puis sa tête s’était secouée « Non, j’admets. Pas complètement. Toi t’es dans la même catégorie que moi. T’es un dépravé. Version princière, mais dépravé quand même. » est-ce que c’était une forme de compliments ?
Evidemment. Dans ce Monde, il valait mieux éviter le côté des purs. De son avis, vu de très loin, on devait s’y emmerder. Tellement, qu’elle n’avait jamais voulu y goûter. Franchement, elle n’était pas intéressée par ses délires de sauver son âme, un esprit sain dans un corps sain, et blablabla. Le discours classique soporifique. « Mais. » puisqu’il y avait un mais « T’es quand même beaucoup plus pur que moi. Ce qui fait de toi un être malgré tout trop pur. Désolée, je sais. ça fait mal.  »

Pauvre Kaëden…
Il allait se marier, avoir des enfants…
…
Il allait avoir des enfants ? Genre des petits trucs qui l’appeleraient “papa”... oulah… pourquoi est-ce qu’elle pensait à ça ? Clairement, elle était trop sobre. Elle devait chasser cette image à tout prix… « J’arrive pas à croire que tu vas te marier. » pour de vrai… ouais… c’était terrible. Elle avait même envie de le plaindre… est-ce que si ses parents étaient restés du bon côté du mur, elle aurait subi ce truc de mariage arrangé ?
Peu de chance. Être sorceleuse la sauverait non ?
Instant pour remercier sa pauvreté tout de même, le verre est pris - volé - sans se demander s’il lui offre en guise de paiement. Ne vient-elle pas de parler de cette monnaie ? Trop tard, le verre avait été vidé, puis reposé sur la table.

Elle aurait bien eu besoin de ça pour digérer les insultes suivantes.
Voilà. De quoi se retrouver. Comme une envie de lui en coller un.
« Un, je vise très bien Monsieur j’ai sauvé ton cul. » hum… est-ce reparler de cette soirée était une bonne idée.
Définitivement, non. Elle ne l’avait pas retrouvé pour se prendre la tête avec lui… admission difficile - impossible - du manque évident que l’homme pailleté apportait à sa vie par son absence « Deux. Désolée, mais je suis encore plus délurée que je le prétends. Si on fait brûler les impurs, j’suis la première sur le bûcher. » depuis quand y avait t’il un concours sur le sujet ? « Peut-être, je dis bien peut-être t’emballes pas, que tu vises mieux que moi, un peu. Mais pour le sexe, j’suis la numéro un. » un clin d’oeil pour accompagner la confiance et elle agitait son verre vide devant lui pour qu’il le remplisse.

Dans la division mec dépravé trop pur, Kaëden semble y trouver sa place. Il ne saurait lui narrer ses histoires les plus rocambolesques sans plusieurs nouvelles doses d’alcool. A vrai dire, il compte bien épargner les détails à sa camarade car d’après elle, ses folies sont bien plus extrêmes. Possibilité qui laisse le garçon dubitatif. C’est qu’ils ont tendance à faire une compétition sur tout et sur n’importe quoi. Et d’un autre côté, certaines choses méritent de demeurer secrètes, comme leurs points de vue sur le comportement de l’autre, durant la dernière bataille. Victimes de celle-ci, tous les deux ont mis du temps pour pouvoir se parler librement. Sont-ils en train de le faire actuellement ? Pouvoir parler de tout ne semble pas encore être possible. Leurs orgueils les empêchent de se faire pleinement confiance ou de se pardonner. Mais ce n’est pas l’heure de faire de la psychologie de comptoir. Il a beau lire énormément, le jeune homme atteindra rapidement ses limites dans ce domaine.  

“ Moi non plus. “ Lui qui est si loyal envers ses parents, commence à réaliser l’impact d’un tel évènement dans sa vie. Si l’union n’est pas digne d’une grande histoire d’amour, il devra respecter des devoirs. La liste promet d’être longue. Kaëden se perd dans ses pensées, quelques instants. Un mélange de regret, d’inquiétude et d’incertitude motive son regard à se plonger dans son verre. Nyel devait lui changer les idées. Pourquoi enchaîne-t-elle les piqûres de rappel si ce n’est une volonté de nuire ? Il s’efforce à garder le rythme de leurs échanges et la taquine à son tour. “ Tu seras peut-être la première sur le bûcher car t’es une sorcière. Et non pas pour une autre raison. “ A son rictus, le pacifieur semble fier de sa trouvaille. Comme quoi, l’alcool délie les langues et permet d’entendre des blagues plutôt fâcheuses. Il esquisse un sourire en coin. Non pas en rapport à ses supposés de talent au lit, mais plus pour l’aveu. “ C’est vrai... T’es la meilleure. Rien que t’entendre dire : tu vises mieux que moi, ça me donne presque la trique. “ Il pouffe de rire et interpelle de nouveau le barman pour commencer une nouvelle tournée. Il ne les compte plus maintenant. Puis, il fait signe à Nyeleka de s’approcher de lui. “ Tu devrais te retourner. A parler aussi fort, je crois que tu as un candidat. Tout à fait ton genre. “ Un vieux gus avec une barbe pas très bien entretenue. Il y a de grandes chances que les miettes du dîner soient coincées dans ses poils. Il lui fait un clin d’oeil avant de reculer et de boire une gorgée. Il marque un nouveau temps d’arrêt. “ C’est quoi ? L’alcool ou la cigarette qui réduit le taux de fertilité ? “ Kaëden soupire. “ Je ne sais plus ce que je raconte, je crois. “ Il passe sa main sur son front. “ Cet alcool est vraiment fort, putain. “    

Et oui.
Kaëden Draigwen, le prince aux paillettes, va bel et bien se marier dans un futur proche. Le dire à haute voix ne conjure pas le sort, malheureusement, il a même cette tendance à le rendre un peu plus concret, réel… voir menaçant.
Elle s’y fera. Fallait bien que ça arrive un jour.
N’empêche que… ça lui fait bizarre. Presque comme si cet évènement amorçait le début d’une liste de prédictions encore pires qui ne manqueraient plus de suivre maintenant que son ami avait la bague au doigt.
Dans le fond, c’était un peu le cas.
ça amenait un goût de futur, et elle n’avait jamais vraiment aimé ce temps.
Parce qu’elle brûlerait sur un bûcher et que Kaëden serait papa.

« Je brûlerai la première parce que tout en moi est condamnable. Sois pas jaloux, j’te ferai porter mes cendres. » une jolie urne sur la cheminée de son futur foyer. C’est sûr qu’un tel cadeau avait de quoi vous toucher. Un truc un peu voyant peut-être. Quelque chose qui jurait avec sa décoration parfaite. Une urne impossible à rater en somme.
Mais méritait-il seulement de se rappeler qu’il l’avait supportée dans sa vie pendant des mois ?
Pas si sûr. A en juger par le regard qu’elle venait de lui lancer, plus tellement même.
Ses cendres se rapprochaient d’une tête de goule offerte à un Pankratz
« Je sens comme une ironie pas si douce qui chasse ma bonne humeur. » ouais, quelque chose dans le ton de sa voix… ou bien son rire. Un truc qui lui donnait presque envie de le rendre eunuque celui qui ne bandait pas vraiment… quand un autre le faisait ?
Evidemment, sans discrétion, aucune, la sorceleuse s’était retournée pour voir un promis qu’elle avait analysé quelques secondes du regard sans se soucier de lui envoyer un message contradictoire.
Puis, elle s’était à nouveau tournée vers son compagnon de soirée, s’était penchée sur la table, et lui avait soufflé en retour « Je craque. Sois mon témoin. » … remarque pas très crédible sans doute et encore moins quand ses fesses retrouvaient sa position pour laver ses yeux d’une ou deux gorgées « Fais gaffe, te marier te fait voir l’amour partout. » vraiment, pas du tout son style.
Et c’était quoi son style ?
Réponse à passer sous silence. Aisé de ne pas se questionner quand le Draigwen rentrait dans un discours qui ne faisait aucun sens au point de faire froncer les sourcils à une Krane « J’crois que dans ton cas, t’es au point où l’un comme l’autre te fera plus de mal. » douce revanche pour sa visée ? « Pourquoi ? » … mais revanche qui n’avait pas tenu le temps de la curiosité.
Dangereuse curiosité quand l’alcool était de la partie. Un coup à vous plomber l’ambiance quand on n’y prenait pas garde.