01 Un passé célestien. Fil d'or d'une existence tissée par les mages de Célestia, un jeune garçon avait longtemps reposé dans le berceau de sa jeunesse choyée. Des parents amoureux et une jeune sœur aimée. Monde vénéré, monde à part, surélevé dans le cœur de l'enfant, n'avait-il pu prévoir la chute et les dégâts. Trop haut, il avait été placé... trop haut.

02 Les mirages du fold. Reconnue comme pierre d'édifice d'une structure idolâtrée, c'est la mère Sternbough qui, dans d'étranges circonstances, quitta premièrement les siens sans crier gare. Il n'y avait eu jamais eu de mots capables d'égaler les peines de Nikolaï. Cette âme en deuil, encore crédule, se persuadait être la plus blessée. Celle-ci même ne savait-elle pas qu'à ses côtés, un cœur bien davantage affaibli se prédisposait à tomber entre les mains d'un culte ancien duquel le monde lui-même se cachait. Promesses décousues, folles à songer, le père y dévoua jour et nuit à s'y perdre. Qui guidait ses pas au-delà des désirs assombris par le manque, la perte et le doute ? Or des frontières de Célestia et de ses larges bras protecteurs, une route embuée de larmes et d'illusions s'ouvrait à la famille endeuillée. Jeune enfant que restait encore Nikolaï, comprit-il déjà que plus jamais son foyer ne saurait étreindre ses nuits. Mère couveuse, jeunesse heureuse, il n'en resta plus rien. Zaun concentrait l'odeur de ses méfaits passés et à venir. Nikolaï lisait en ses habitants des crimes que le monde avait tenté de lui dissimuler. Monde réel, monde cruel ? Epaules voûtées, il se méfiait. Regard cloué, il esquivait.

Si je ne vois pas, ils ne voient pas. Si je ne lis pas... Peuvent-ils me lire ?

Une minute de trop à penser, à peine un souffle avant le cri, et c'est sa jeune sœur qui, emportée par l'obscurité et ses sbires vaquant, disparut à son tour. Les mirages d'un culte pervers s'effondrèrent, en fut il de même pour le père.

03 Père, fils et sacrifice Une figure était à terre. Genoux éraflés par la chute, un modèle fissurait ses principes et ceux de sa descendance. La brume épaisse s'évanouit, laissant deux esprits entachés s'effriter l'un sur l'autre.

"Pourquoi nous avoir emmenés ici ?" "Je voulais sauver ta mère." "Mais tu ne l'as pas sauvé et Aelaina a été kidnappée." "Je suis désolé." "Ca m'est égal que tu le sois. Ramène ma sœur. Ramène Aelaina... Ramène-la !"

De lâches pensées furent prononcées, Danamebi en fût témoin. Peut-elle raconter, dès lors, que c'est le père qui demanda à quitter le quartier diffamé, source de malheurs qu'il ne peut encore qualifier. Le fils se blessa par la suite à le retenir de ses bras fébriles. Il frappait de ses poings, suppliait le plus grand d'aider l'enfant que, malgré lui, il demeurait. Façonné ignorant de ce monde instable - effrayant - Nikolaï ne se sentait capable de rien. Ses larmes ne cessaient de couler et inconsciemment, en témoigne la nuit, il gémissait. Jamais en cette courte existence ne s'était-il senti aussi seul et impuissant. Porté par les bras de son père qui tentait de l'extirper des rues sombres, il réalisait sa solitude. Son propre pouvoir était un reflet de sa passivité. Observateur de Célestia, admirateur des plus accomplis, il n'avait jamais cherché à devenir, à son tour, le combattant investi d'une mission. Son regard humide floutait un sol entachée de douleurs passées. Les paupières du garçon peinaient à ne pas se clore d'épuisement. Esprit rêveur, il aspirait secrètement à la facilité d'un sommeil par lequel ses problèmes sauraient trouver leurs paires : les solutions. Fuir dans un confort illusoire où univers familial ne saurait être atteint d'aucun mal. Inatteignable souhait, Nikolaï ne retrouva jamais la délicatesse de Morphée et de ses bras desquels on l'a extirpé. C'est dans des conditions obscures - sûrement miraculeuses en un sens - que les deux survivants trouvèrent refuge à Ketterdam. Traitres parmi les mages, la discrétion était de mise. Le jeune garçon endeuillé portait sur ses épaules des maux qu'à son âge il ne savait encore qualifier. Rancœur et mélancolie s'affaissaient sous une colère elle-même dissimulée par une évidente impuissance. Spectateur du monde, Nikolaï ne songeait plus à l'avenir, plongeait dans un passé à la conclusion bâclée et injuste. Il ruminait en silence mais, faute de moyens, s'interdisait à agir. Refoulant jusqu'à le pardon d'un père condamné à qui il ne restait rien, ce ne fut pas une seule larme qui tomba des joues de Nikolaï lorsqu'un matin, posé sur la table, une lettre concentra en quelques mots l'insuffisance et le désespoir d'un chef de famille destitué.

"Je chercherais toujours à vous réunir."

04 Bataillon d'exploration. C'était un nom prestigieux, un nom tout aussi admiré que redouté pour des raisons pourtant comparables. Celles-ci même avaient permis à l'adolescent, âgé dès lors d'une quinzaine d'année, de trouver une voie dans laquelle se noyer. Jeune homme studieux à qui le monde ne demandait rien mais qui secrètement quémandait le monde, avait trouvé raisons à se battre peu de temps après que son père l'ait laissé démuni à son compte. Ses professeurs ne dissimulaient pas l'inquiétude croissante portée sur un étudiant à l'intellect envié, que Ketterdam aurait rayonné d'élever parmi les siens. Rêves éphémères, désirs nébuleux, admiration déplacée ? La cause restait publiquement un mystère, et ses conséquences impérissables. Engagé le plus tôt, Nikolaï obtint en un temps oublié - ignoré - sa majorité et, ainsi, la promesse de parcourir les contrées du Zaun une nouvelle fois. Chance ambigüe par des cicatrices rapiécées, seule la revanche d'un combat saboté animait ses pas. Homme passif, spectateur depuis ses plus tendres années, Nikolaï n'avait pour ainsi dire jamais su prendre position sur le monde. Le sien, tout au plus, avait tissé les fils à sa place, assurant ainsi son rôle d'ennemi. L'ennemi des fléaux.

05 La Confrérie de la Nuit Eternelle. Voici ainsi l'inéluctable route qu'entama le jeune homme. Le fold, source de frénétiques conflits, contre lequel des quartiers hiérarchisés avaient pour souhait de se liguer, avait emporté sa sœur et mis un terme à une enfance adulée. Si Nikolaï n'avait jamais réellement su porter un drapeau, s'élever pour un camp et se battre pour des idées, savait-il néanmoins tirer partie de ces positions collectives desquelles il se faisait maître. Faible, passif, torturé, silencieux et impuissant il ne pouvait plus être. Convertis en moteurs pour les gardiens d'une paix illusoire, il utilisait ses forces et ses désirs personnelles, ne s'arrêtant qu'une fois la colère atténuée. Deux choses, principalement, savaient raisonnablement motiver ses coups. La première était la soif de justice. Publiquement, les autres figuraient sa raison. Protecteur, défenseur et fervent inquisiteur du monde, il prônait sa stabilité mais n'en portait guère l'affection. Aux plus sombres instants, seuls comptaient ses démons. Quant à sa seconde motivation, abritait-elle un nom pour lequel il saurait se retourner en combat. Kidnappée plus jeune encore, séparée des siens dans ses plus faibles jours et désormais haï pour ce qu'elle était devenue, Aelaina n'était probablement plus aujourd'hui.

Mais...

Si le destin était autrement bâti, aucun de ses compères n'aurait autorisation de menacer par l'arme blanche, arme sacrée des combattants de Célestia, la tête dépouillée de sa famille jadis adorée parmi eux.

Imposteur né, ange idolâtré au visage masqué, rien ne sut faire dévier ses pas du malheur qu'il causa à une espèce entière. L'homme applaudi pour ses crimes poursuivait des desseins dont il n'était pas possesseur, et qui cessèrent à la rencontre prédisposée d'un fléau à l'aura licencieux. Symbole de la faille d'un système imparfait, le loup-garou déclaré sous une sphère lunaire avait permis à Nikolaï la possibilité d'atteindre les racines d'une organisation embryonnaire, prometteuse par son ambition naïve mais contestable sur d'innombrables points. Elle était, pour ainsi dire, l'avocate du diable, structure étrange au nom superflue, la défenseure des intérêts primaires des fléaux duquel il figurait leur ennemi. La lame d'une épée déjà bien fissurée s'abima sur un sol mystérieusement noirci. Nikolaï était tombé dans les bras tendues de sa propre faiblesse longuement refoulé, apprenant que sur le trône de ces idéaux extravagants que son titre jurait de démanteler, c'était sa jeune sœur contaminée qui adjurait à son tour justice en son nom et en celui de sa nouvelle espèce.

06 Protecteur des fléaux. Dix années s'étaient écoulées au sein de la Confrérie de la Nuit Eternelle. Fidèle à des convictions momentanément égarées, l'ancien explorateur d'un bataillon ennemi jurait aujourd'hui de défendre sa sœur et les principes qui l'attisait. Le monde auquel Aelaina aspirait était celui que l'ainé Sternbough s'était donné pour objectif de lui faire parvenir. Ses rôles au sein de l'organisation furent nombreux. Sa polyvalence ne jurait que par ses masques qu'au sein de Célestia il poursuivait à blanchir au nom d'une lignée à restaurer. Le père, bouc émissaire de fictions, était présumé mort et coupable des malheurs de sa propre famille. Echafaudée en victime, celle-ci reprenait doucement sa place auprès des siens, tel un mouton noirci par l'exil parmi la pâleur de privilégiés béats.