So, what were you watching last night?" une conversation banale à la table des hydra, un midi. karma a été convié au repas, pour son plus grand déplaisir (à lui comme à elle). il doit rendre des comptes sur ses grandes avancées scientifiques, qu'on ne le finance pas pour rien. elle ne l'a pas revu depuis le bal des grâces — et ne s'en porte pas plus mal. parfois il lui semble encore que des doigts viennent serrer son cou et cherchent à l'étouffer. mais elle a tenu sa promesse : elle n'en a pas parlé.

ce qui ne signifie pas qu'elle a signé pour ne plus le torturer.
"a documentary about a famous strangler from zaun. he killed like, five women." de l'autre côté de la table, juste en face d'elle, karma s'étouffe sur sa poêlée de yellow windfoots. "it's horrible ! why would you watch something like that? and if you're not tired, you should practice instead."

(...)

quelques minutes plus tard, monsieur et madame hydra se lèvent pour aller boire leur café dans l'un des salons auxiliaires, rien que tous les deux. reine comme karma savent pertinemment ce que cela signifie, pour l'avoir vécu des dizaines de fois : à présent qu'ils ont cuisiné le zaunard l'air de rien pendant le repas, ils vont débriffer loin des oreilles curieuses pour déterminer si, oui ou non, il est parvenu à la hauteur de leurs attentes. karma et reine restent seuls à l'immense table de l'immense salon principal. nappe blanche, brodée, petits gâteaux à étages (après tout, il ne faudrait pas trop manger non plus), théière importée hors de prix, café dans des petites tasses en porcelaine toutes ornées de dessins faits à la main par un artiste daeri très en vue. dessins un peu vieillots, trouve reine, des danseuses en bleu clair, représentées avec des traits fins, comme s'il ne fallait pas trop appuyer avec le pinceau. elle les fixe quelques secondes, le silence entre elle et karma se prolonge. les servants le personnel commence à vaquer à ses occupations, et bientôt ils sont seuls dans la pièce.

elle croise les jambes, très à l'aise (très fière d'avoir perdu du poids ! encore presque deux kilos de moins. asan sera réjouit) et sirote son café serré et sans sucre, jugeant karma au dessus du liquide noir et de ses fumées. "i've got something for you." qu'elle avoue finalement, se penchant à gauche pour atteindre son sac posé sur la chaise d'à côté. elle en sort une boite rectangulaire ornée d'un logo familier : la marque de téléphonie la plus en vue et la plus chère du moment. "but i can only give it to you if you promise that you'll never lay a hand on me again." elle utilise le ton de la rigolade, elle fait passer ça pour une blague. mais elle est sérieuse ; parce qu'au bal, elle a eu peur. pendant deux ou trois secondes, sincèrement peur.

Il n'a eu de cesse d'y penser depuis le bal. a eu de quoi cauchemarder pour toute une vie — de ses doigts autour du cou de reine au poids mort abandonné au fold, comme une brusque et violente descente aux enfers venue ponctuer son périple à travers les aléas d'une existence constellée de tourments. et karma a refoulé les idées noires, oh, il s'est convaincu d'avoir des problèmes plus importants que celui d'avoir attaqué reine hydra au terme d'un bal de délices, mais l'évidence lui revient à la figure aux moments les plus inopportuns ; toujours sans crier gare, entre deux réflexions ou à un rare moment de repos.

il se tient occupé — parce qu'il a trop à faire pour s'accorder le temps d'une pause, mais aussi parce qu'être occupé l'empêche de trop laisser vagabonder ses pensées — à en avoir le souffle coupé, le sommeil éparse, les rotules en lambeaux ; il se tient occupé à en avoir la nausée, les yeux bordés de cernes violacés, mais il ne peut rien aux divagations qu'induit l'excès de fatigue. et entre deux tasses de thé il y repense encore.

à sa main enserrant ce cou délicat.

ce n'est pas qu'il soit surpris de lui-même. ce n'est pas qu'il ait fait vœu de ne jamais lever la main sur une femme. à zaun, hommes et femmes sont des adversaires similaires, le danger rôde et ne porte aucun genre — et au sein de sa fratrie les bagarres éclatent à tout moment ; mais c'était la première fois qu'il laissait éclater sa rage contre un·e celestien·ne. la première fois qu'il laissait exploser le gisement de rage latente qu'il nourrit depuis des années à l'encontre des habitants de la haute, celle dont babylon et lui avaient fait leur cheval de bataille, chevaux de troie infiltrés malgré eux au cœur de la haute-ville et avides de la dépouiller de ses richesses. c'est la première fois qu'il s'en prend à un individu de cette société corrompue, la haine et des envies létales au ventre, la première fois qu'il répond par la violence aux propos et actes lourds de mépris et de discrimination dont on le gorge depuis ses 13 ans. c'est la première fois qu'il cède aux pulsions qu'il a senties enfler si longtemps sans jamais réellement les laisser percer. dans son milieu ce n'est pas grand-chose ; dans celui-ci, c'est une tragédie, un acte barbare aux accents de crime. et karma slalome entre tentatives de dédramatisation et évidence de ses torts, finit toujours par se fustiger car il le sait : rien ne peut excuser ce qu'il a fait.
le repas est une agonie, dans son entièreté. parce que le festin n'est pas partagé avec sa fratrie, parce qu'il n'est que prétexte pour le cuisiner sur ses avancées, parce qu'il pourrait être synonyme de fin de ses subventions, parce qu'il se déroule face à reine dont les piques méritées traversent la table telles des flèches empoisonnées. tout est pesant et les pensées de karma suivent le couple hydra hors de la pièce, son don tend vers leur échange dans l'espoir de glaner par instinct la conclusion à laquelle ils viendront. i've got something for you, reine l'interrompt dans ses pensées. il a un temps de réaction, avant de revenir à l'instant : what?

((sa main sur son cou))

la question est prononcée sur le ton de la défensive, crispée, car il s'attend à une attaque méritée.

((sa main autour de son cou))

mais tout ce qu'elle sort, c'est un téléphone au prix surélevé et une pseudo plaisanterie vouée à se rassurer. elle fixe karma, qui fixe la boîte, et il sait d'office que si elle la lui offre réellement, il la revendra et s'achètera quelque chose de moins cher, et donnera la différence à sa famille. c'est un peu rien pour elle, une immensité pour lui, et l'écart entre eux se creuse un peu plus à ce geste qu'elle fait à la légère et qu'il ne pourrait jamais s'accorder. le silence s'installe, il est lourd et déplaisant.

c-can we, commence-t-il d'une voix faible avant de se racler la gorge pour recommencer, plus décidé, et d'offrir : take a walk with me. il essaye de ne plus penser aux hydra, ses pensées sont pleines de reine et de son méfait, dont il ne sait que faire, car karma n'a jamais su s'excuser. maintenant serait un bon moment pour apprendre.

ils se lèvent avec réticence, la confiance n'existe pas entre eux. n'a jamais eu sa place et ne la trouve certainement pas à cet instant. le téléphone est confiné loin des regards, karma n'ose le regarder, n'ose la regarder. aussitôt que le vent printanier vient échouer contre leurs traits, il sort une cigarette, les mains tremblant un peu de nervosité. hyper conscient des yeux de reine sur lui, de sa posture défensive, ses bras croisés comme ce soir-là. about the other night, il commence tout bas, regard rivé au sol. i'm not good with apologies but i really didn't want things to go that far. il réfléchit sérieusement à toutes les formulations qui lui viennent, les écarte une à une : je ne sais pas ce qui m'a pris sonne faux — il ne connait que trop bien la colère qui l'a bouffé ; je ne voulais pas serait mentir éhontément — la pulsion était horriblement sincère. i guess what i'm trying to say is… i'm sorry for hurting you. i'm not saying it because of the cellphone. i've been thinking about it. a lot. l'aveu formulé n'est pas aussi apaisant qu'on le prétend.  

Take a walk with me.” elle cligne des yeux une fois, deux fois. elle s’attendait à tout sauf à ca. “a walk… with you?” qu’elle répète un peu bêtement, incrédule. elle et karma n’ont jamais eu de moments comme ça — de petites balades apaisées dans les magnifiques jardins des hydra, bras dessus bras dessous. (elle se doute qu’en réalité, ils ne se toucheront pas. elle ne veut pas prendre son bras. elle ne veut pas qu’il prenne le sien. elle veut une distance de sécurité imposée et méritée.) “alright” qu’elle abdique finalement, après quelques secondes de combat intérieur, “alright.” i’m giving you a chance, qu’elle pourrait rajouter. c’est sous-entendu, dans le bruit de la chaise quand elle se lève.

lorsqu’ils marchent dans les allées impeccables où rien ne dépasse, le vent frais est agréable mais elle croise les bras. ce n’est pas de froid.

“about the other night.” oh, no, qu’elle pense immédiatement, don’t talk about it. please don’t talk about it. “i’m not good with apologies but i really didn’t want things to go that far.” elle s’arrête dans l’allée, le regarde comme si elle le voyait pour la toute première fois. ils se connaissent depuis des années, et jamais elle ne l’a entendu s’excuser. karma savage est plutôt du genre à serrer les dents de rage et relever la tête de fierté. “i guess what i’m trying to say is… i’m sorry for hurting you. — you’re… sorry?” l’information ne veut pas monter jusqu’à son cerveau. “you? karseis karma savage? you’re sorry? — i’m not saying it because of the cellphone. i’ve been thinking about it. a lot.” elle hoche la tête et regarde ailleurs. les fleurs qui commencent à éclore, roses et blanches. “i- i’ve been thinking about it. a lot.” qu’elle répète après lui, s’appliquant toujours à fuir son regard. “for some reason i got terrified. the way it escalated so quickly. the way i insulted you. the way it took me too long to react when you aimed for my throat. the way i have a power that is supposedly offensive but that i only use on stage. the way i’m supposed to protect my crimson girls but i can’t even protect myself. the way i was supposed to keep princess alive.” elle se remet à marcher, bredouille : “i guess i’m sorry too. i don’t know. i have absolutely no idea what i’m doing these days.” petit rire jaune, souvenirs de son enfance, quand on lui disait toujours quoi faire, et qu’elle appliquait les demandes à la lettre, qu’elle était la fille parfaite. qu’elle n’avait pas à penser par elle-même, seulement marcher en croisant les pieds sur les podiums, seulement tenir la main de princesse en permanence. et maintenant elle est leader, a été votée leader, une histoire de caractère fort, une histoire de fille qui sait où elle va, mais dans sa carrière uniquement. “thanks for apologizing. can you swear it will never happen again?”