ils sont les deux faces d'une même pièce, les épaules larges pour porter le fardeau des tragédies ayant décimé leur famille. là où karma s'est plongé à corps perdu dans des études qui ne le passionnent pas, en quête de solutions pour soigner locke et d'un métier prometteur, raven a tout sacrifié lui aussi à sa manière, renonçant à tout rêve d'avenir pour rejoindre le gang auprès duquel ils sont endettés. karma lui en a voulu pour cette folle impulsion, mais jamais les désaccords ne se sont réellement dressés entre eux, tensions mourant bien vite face à la gravité de leur situation. ils sont indissociables et faits de paradoxes : si karma est grande-gueule mais réfléchi, raven a les mots plus calmes et les actes plus impulsifs. tous deux donneraient tout et n'importe quoi pour leurs proches, férocement possessifs et protecteurs.

arrivé jeune dans le gang, raven a commis des erreurs, s'est attiré des ennuis, des ennemis. il a d’abord eu pour rôle de transmettre d’une main à l’autre des colis au contenu douteux ; les pacifieurs, les rares fois où ils l’attrapaient, étaient forcés par son âge à le laisser repartir libre. mais il y a eu la fois de trop — il ne saura jamais ce qu'il a perdu, quel échange n'a pas été mené à bout, interrompu par la poigne d'un pacifieur qui récupéra le butin ; il ne saura jamais, mais ce qu'il sait pour sûr, c'est que la prix à payer fut la santé de locke. locke que des brutes ont attrapé peu après et étouffé sur des baies démoniaques, poison du fold. locke qui porte depuis une malédiction, devenu daemonis en rétribution pour sa faute. la culpabilité ronge raven, depuis, et il lui passe tout, à locke, excuse tout, pardonne tout, en une vaine tentative d'alléger un peu le chagrin qui le dévore.

elle est la plus petite, celle à qui on cache les choses, celle à qui on ne se confie pas ; celle qu'on protège de tout, quitte à l'envoyer étudier et vivre loin, celle qu'il faut sauver à tout prix. alors pendant longtemps raven n'a été que ça : le grand-frère protecteur qui, comme les autres aînés, décide de l'avenir de dusk sans vraiment se soucier de ce qu'elle en pense. jusqu'à ce qu'elle le voie sous un jour nouveau. c'était il y a quelques mois — elle enchaînait les disputes avec karma au sujet de sa décision de sacrifier les études au profit du hoverball, et elle s'était réfugiée sur le toit, un soir, regrettant sa décision de passer le week-end à la maison. elle s'est essuyé rageusement les yeux lorsque raven l'a rejointe, refusant de le laisser la voir pleurer, mais il n'y a pas eu de morale, pas de reproches, pas de mots durs. il y a eu de la compréhension, enfin, une accalmie, enfin. il lui a assuré qu'il la comprenait, qu'avoir des rêves était permis et qu'elle avait tout son soutien ; ébauche d'une discussion à cœur ouvert qui l'a rapprochée de ce grand-frère dont les fardeaux l'avaient, jusque-là, tenue éloignée.

crépite en raven une rancœur inavouée, sentiment qu'il s'efforce de refouler avec honte. elle persiste, pourtant, tenace : il en veut à dawn d'être partie, de les avoir laissés lorsqu'ils étaient gamins (2006). il lui en veut de n'avoir pas été là quand le gang s'est montré à leur porte, de n'avoir pas été là à cet instant terrifiant où il s'est retrouvé à seul à se dresser entre eux et sa fratrie, à peine âgé de 11 ans. elle est revenue peu après, oui ; mais trop tard. et même s'il ne dit rien, il pense qu'elle sait. qu'elle le ressent, toutes ces fois où il challenge d'une voix calme mais dure ses décisions, où il remet en question ses choix. toutes ces fois où il exprime son désaccord et laisse entendre qu'elle a tort. ils évoluent sur une corde raide, l'un comme l'autre, férocement attachés l'un à l'autre et pourtant divisés par les non-dits. et il la sent se tendre, se tendre ; consciemment ou non, il attend l'explosion.