01 Il y avait toujours eu cette petite main qui tenait la sienne. D’aussi loin qu’il pouvait s’en rappeler. Glissé dans la sienne, les doigts fins de l’enfant qu’il souhaitait plus que tout protéger. De ce monde en déchéance, de ces parents indifférents, de ces regards insensibles et méprisants. Il se l’était promis. De ne jamais le laisser se faire atteindre par les difficultés, par les injustices. Il s’était promis de se tenir vaillant, d’être ce bouclier qui empêcherait toute douleur de l’atteindre. Ce petit frère qui était son étoile. Son espoir. Qui le gardait sain d’esprit, qui lui permettait d’avancer. Celui qui lui apportait une joie dans toute cette noirceur, une touche d’innocence dans toutes ces horreurs. Il affronterait le monde entier juste pour lui permettre de garder ce sourire précieux. For you, I was ready to do absolutely anything. You always were the only family I had.

Ensemble contre tous. Car même si le monde entier les refusait, ils n’étaient pas seuls. They had each other. Une complicité, une douceur qu’ils voulaient garder. Chercher comment affronter ce monde pour préserver son bonheur. Une recherche d’aventure et de liberté qui gonflait en lui. Besoin de plus que ce que cette vie lui proposait. Le refus de rester ici pour toujours. Vouloir offrir un monde meilleur à son frère. Lui permettre de s’épanouir loin de l’angoisse. Réflexion du comment s’en sortir encore flou pour l’adolescent qu’il était. Mais les pensées sur ce qu’il souhaitait, sur ce qu’il désirait se définissaient. Par de doux moments d’observation d’une vie d’ailleurs. Ciel qui s’étendait au-dessus de leur tête et les nuages qui les faisaient rêver.

One day, we’ll leave this place. Together. What about flying in the sky? Or sailing on the sea? Far away from here. Would you like that ?  

Optimisme qu’il voulait lui partager de quelques mots, espoir qu’il voulait voir éclairer son regard et se refléter ensuite dans le sien. Car c’était tout ce qu’il avait, des espoirs, des souhaits silencieux. Croire qu’ils pourraient s’en sortir. Le désirer si fort. Souvenir de l’insouciance. Les désillusions qui voulaient pourtant l’écraser, le désespérer. Sans qu’il ne puisse l’accepter.  


02  Et lorsque cette lumière lui avait été retirée, la noirceur ne lui avait semblé que plus étouffante. Sentir qu’il se noyait, qu’il sombrait. Seed of darkness, seed of hatred. Les regarder comme les abominations qu’ils avaient toujours été. Affirmation de leurs monstruosités. Ces parents dont le seul espoir était de les voir servir à quelque chose. La déception qui s’affichait en réalisant que le premier ne menait à rien, mais l’avidité pour le deuxième qui pourrait apporter un profit certain. Petit frère gifted. Celui qu’il avait voulu protéger des griffes de ces adultes infâmes. Aussi longtemps qu’il avait pu. Rester discret, supplier lorsqu’on les remarquait, chercher à traverser la tempête, à le cacher aux autorités. Mais parents las, qui n’y mettaient aucun effort. Qui s’encombrait de ses demandes. Petit frère qui prenait un tout autre intérêt maintenant que les comptes en banque s’amenuisaient. Que l’argent venait à manquer. Choix simple pour se remplir les poches. Vendre à Célestia cet enfant. Amour qui volait bas dans ce foyer. Lorsque les troubles, lorsque les inquiétudes s’affichaient, la décision de se débarrasser des pions inutiles était beaucoup trop rapide. Aucun moyen de rejoindre ce frère pour lequel il s’inquiétait tant. Univers coupé de Célestia. Interdiction pour lui de le chercher, de lui parler.

Sa raison d’être disparu. Chercher à se rattacher à quelque chose. Adolescence mal-aimée. Ruelles comme terrain de jeu. Refus d’autorité. Seul moyen pour lui d’attirer l’attention était de causer les problèmes. Parents indifférents, à ne lui accorder aucun regard. Ombre dans la maisonnée dont ils voulaient oublier l’existence. À force d’être ignoré, rejeté, il avait appris à faire des vagues. Pour que les regards se posent enfin sur lui, pour lui prouver qu’il existait vraiment. Haine profonde pour ceux qui avaient vendu son frère sans un regard en arrière, pour ceux qui niaient sa présence. Décision d’en faire baver à ceux qui étaient l’origine de sa peine, de ses blessures. Poids des mots et de l’indifférence qui pesait. Qui lui déchirait le cœur. Froideur d’un endroit à l’amour absent. Alors, recherche de mauvaises compagnies. Enfer qui ouvrait les portes à son abandon. Rentrer en pleine nuit border de Pacifieurs. Réveil de ceux qui se devaient de répondre à sonnerie. Un sourire défiant sur les lèvres du garçon. Rage dans les yeux de ces parents. Et parfois, lorsque la goutte semblait de trop, c’était les coups. Pour le remettre à sa place. Toujours encaissé, car parfois, il préférait encore recevoir l’attention, qu’importe la forme qu’elle pouvait prendre, plutôt que de rester fantôme dans son foyer. Useless boy. You should have been born gifted too, to at least bring something. You can’t do anything worth our time. Just go play in the street and let us be.


03 Petit appartement qu’il occupait avec quelques jeunes. Bâtisse abandonnée, tout comme eux. Solitaires, oubliés. À la frontière de Zaun, il se retrouvait. Lorsqu’on le foutait à la porte, incapable de supporter sa présence, énerver de voir sa carcasse trainer d’une pièce à l’autre. Ou lorsqu’il en avait marre du silence et des rares regards plus blessants que les coups. Déambuler sur des chemins égarés. Aucune destination réelle. Passer le temps. Vision floue de son univers qui n’avait aucune signification. Futur qui s’étendait dans l’oubli. Pourtant un reflet qui commençait à se rappeler à lui. S’isoler, les laisser l’écarter, n’était-ce pas s’avouer vaincu ? Rebellious mind. Refus de l’ordre établi, de se trouver proie de ceux qui voulait asservir.

Vie parsemée de choix. Désir de quitter cet endroit. Se sauver de cette crevasse béante dans laquelle la noirceur se propageait. Facilité de le souhaiter cependant. Pouvoir sur sa vie qui semblait lui échapper. La réalisation qu’il lui fallait plus qu’une simple envie. Ce qui faisait tourner le monde était la richesse. Celle qu’il n’avait jamais connue, qu’il avait aperçue de trop loin. Nécessaire pour espérer changer son univers, pour espérer se sortir de son malheur. Commencer en bas de l’échelle avec un petit emploi dans un cabaret. Pour l’entretien, pour le nettoyage. Quelques pièces amassées qui s’empilaient trop lentement. Frustration devant ses maigres gains qu’il gardait jalousement pour lui. Puis, l’opportunité d’aider en cuisine. Quelques pièces de plus qui s’ajoutaient. Mais toujours trop peu pour espérer se payer un aller simple loin d’ici.


04 Célestia. Quartier aux apparences nauséeuses pour celui qui n’avait rien. Regard revêche qu’il posait sur tout. L’air des bas-quartier qui l’accompagnait, détonnait dans les parures artificielles de la Grande Ville. Sentiment de l’étranger. Haine qui l’habitait, et pourtant prendre sur soi. Avancer sans provoquer malgré les murmures qui lui hérissaient l’humeur. Une raison derrière sa présence. Après ces années d’errances, prendre la décision de défier l’ordre établi. Vouloir retrouver ce petit frère précieux. S’assurer qu’il allait bien. Que personne n’avait étouffé son étoile. Souhaiter qu’il brillait toujours aussi fort. Qu’il n’avait pas été écrasé par l’avidité de Célestia, par leur ambition de contrôle des résidus magiques. Recherche à l’aveuglette, sans savoir par où commencer, vers où se diriger. Quête vaine, cependant. Car il n’était personne, Nerian, entre ces immenses bâtisses. Entre ses allures trop ordonnées. Il détonait et ne faisait confiance à aucune parole qu’il entendait. Réalité qui différait de la sienne. Luxure du faux et présomption qui le dépassait. L’endroit trop grand, les indices n’étaient jamais tombés sous ses mains. Il ne l’avait pas retrouvé. Sentiment d’impuissance qui le noyait de nouveau. Entre la tristesse et la colère. Le désespoir devant son incapacité à y faire quoi que ce soit. Ça lui faisait encore si mal, à Nerian, de n’avoir pu le protéger alors qu’il lui avait promis. Chaque jour, il s’en voulait un peu plus. Il se détestait un peu plus. Espoir qui s’émiettait. Where are you little brother ? Tell me you’re ok. Tell me you’re not hurting. Please. Il ne pouvait que prier pour son bonheur, souhaiter qu’il soit plus heureux qu’il ne pouvait l’être avec lui. Au fond, n’était-ce pas une bénédiction pour lui d’avoir quitté le foyer dans lequel ils étaient malheureux ? Essayait-il de se convaincre lorsque la culpabilité l’empêchait de fermer l’œil. Maybe you’re better off without me. You should be. I’m a mess. Always was. You were the one to keep me on the right path. Can you fly freely now or did they try to cut your wings?


05  Falling for you was too easy. I was too deep in love before I realise how f*cked I was. Ce n’était pas prévu. Ça n’aurait pas dû. Pourtant, la réalisation avait sonné bien trop tard. Les sentiments déjà bien ancrés, les désirs qui frôlaient leurs lèvres. Absurdité de ses émotions flagrantes, impossible à nier. Et le mot qui s’imposait. Prince célestien qui avait causé cet émoi. Se laisser tenter, se laisser aimer. Exaltation de l’avoir à ses côtés, dans ses bras. Douceur caresse. Moments intimes qui n’appartenaient qu’à eux. Nerian y avait cru, pour un moment. Mais le monde autour qui continuait de tourner, de soulever cette incongruité. Un père furieux dans le portrait, car pour lui, Nerian était un problème. Enfant des rues de Ketterdam. Moins que rien. Refus total d’accepter leur réalité. Bonheur qui ne devait pas être, car l’égoïsme de ceux d’en haut dominait tout. Famille célestienne qui détestait ce fauteur de trouble, celui qui avait ravi le cœur d’un héritier. Désenchantement cruel. Et la fuite comme solution évidente lorsqu’il avait été mis face aux menaces, à une violence différente de celle qu’il connaissait. Il n’était pas du genre à se plier, Nerian. Mais la situation semblait le dépasser de si loin. Ne sachant pas comment y réagir. Autorité détestée qui promettait sa perte, pouvoir qu’il n’avait pas Nerian. Comment empêcher l’inévitable. Lui qui ne savait pas comment aimer. Qui ne le méritait peut-être pas. Alors, un dernier au revoir. Le serrer contre lui une dernière fois. Entendre sa voix appelée son nom une dernière fois. Avant de disparaitre pour ne jamais le revoir, ne jamais lui reparler. Cœur qui s’effritait de cette dernière rencontre. Qui voulait presque le convaincre de ne pas l’abandonner. Et pourtant. La décision prise. Des raisons qu’il ne lui donna pas à cet amour. Il allait seulement s’éclipser. Aimant à problèmes qui ne pouvait causer que le malheur. Il n’était pas prince charmant, Nerian. Il n’était pas preux chevalier. Il n’était que le lâche qui deviendrait le vilain. S’arracher le cœur était peut-être plus facile que de se battre pour le faire vivre. I can’t stay because I can’t save you. I don’t even know how to save myself.


06 Retour dans sa misère, dans sa disgrâce. Sa vie comme les ruines qui l’entouraient. Encore plus sombre, encore plus malheureux qu’avant. Son passage là-haut, là où il n’aurait pas dû se laisser séduire, l’avait rendu misérable. Il s’était rendu misérable. Méprisable. Retour dans ses habitudes, dans ses amertumes. Travailler à nouveau pour d’autres, avec la haine au ventre. Problèmes qu’il causait dans son sillage, provocations qu’il animait et l’innocence qu’il affichait ensuite. Il n’était jamais le premier à en venir aux poings, mais il affrontait sans crainte. Sourire cynique, narquois contre ses lèvres. Essuyant le sang d’une main nonchalante. Provocateur, Nerian. Détestable. Recherche qui tournait en rond, qui le désespérait de faire quelque chose.

Une nouvelle opportunité qui lui tomba un jour sous la main. Livraison qui se tenait en silence dans le labyrinthe de ruelles qu’il connaissait. Indifférence pour celui qui les détestait tous. Paquet pour lequel il n’avait aucun intérêt autre que l’argent qu’il pourrait lui rapporter. Ne rien savoir pour pouvoir s’évader plus rapidement par la suite. Se battre pour cette liberté désirée. Comprendre comment frôler l’illégalité sans jamais s’y faire prendre. Sans jamais se laisser enchaîner. Il ne laisserait personne avoir la main mise sur sa vie. I once trusted too much in my capability to do something when I had no power. And I paid the price of my foolishness. I won’t make the same mistake again.


07 Quelques verres de trop pour lui délier la langue. Mécontentement et désespoir étalés en éclat contre le comptoir. Car les journées se ressemblaient, s’écoulaient. Sans ce changement qu’il souhaitait tant. Fuir cette réalité, cette vie des bas-fonds. Coin du bar pour oublier. S’enfoncer dans la chaleur de l’alcool, noyer ses sentiments pour la nuit. Compagnie qu’il avait pensée insignifiante, avec qui il échangeait sans intention autre que de déverser son insatisfaction. Puis, une question lui avait été envoyée soudainement. Sur ce qu’il cherchait si désespérément, sur ce qui le rendait instable, impatient.

I’m looking for a way out. A way out of this f*cking place I hate. Leaving everything behind. Not ever looking back. Everyone here just expects me to roll with their shits? No f*cking way. I won’t.

Liquide qui lui brûlait de nouveau la gorge. Effronté, sauvage. À bout de courir sans atteindre ce but. Son désir partagé d’une voix brusque. Et dans les méandres de l’alcool, il avait reçu une proposition. Une tournure surprenante que prenait la discussion et l’impression d’un rêve éveillé. L’espace d’un temps, il avait réellement espéré. Avant de comprendre que dans sa réalité, cette éventualité semblait impossible, inimaginable. Et après la lueur d’espoir qui avait caressé son regard, c’était maintenant une touche de lassitude qui prenait place. Déception de s’être fait avoir, car il ne pouvait pas y croire.

You’re trying to fool me, aren’t you ? Or I’m dreaming. Did I fall asleep on the counter? I’m so done with it.

Soupir de celui qui ne voulait plus espérer. Qui ne pouvait pas se donner cette chance. Se faire remettre en face de sa réalité par la suite était toujours plus contrariant que d’accepter ce qu’elle était. Pourtant, la proposition était réitérée. Really…?  Échange de regard en essayant de comprendre. Brève hésitation, mais Nerian n’était pas de ceux à trop réfléchir. Raison pour laquelle il semblait attirer les problèmes à lui si facilement. Et si les mots étaient véritables. Si ceux-ci lui permettaient de s’évader, s’envoler vers les cieux ? Souvenirs d’un temps lointain où tout ce qu’il avait voulu était de rejoindre les nuages. Et alors, en scrutant le regard qui lui faisait face, il accepta. Verre tendu, accord qui se scellait d’un liquide poison. Mais il était prêt à tout, Nerian, pour quitter son inconfort. Il pourrait lui prouver que ce choix était le bon. Qu’il pouvait être un atout. Aussi détestable et désagréable qu’il pouvait se montrer. Il savait quand même se la fermer et travailler, par moment.


08 Les planches d’un vieux navire sous les pieds, les bourrasques qui fouettaient son visage, le rire dans la gorge. Liberté qu’il sentait pulser dans ses veines, adrénaline du voyage, extase de l’aventure. Éléments qui devenaient son quotidien. Et si le plaisir était vivant sur ses lèvres, jamais ne prenait-il le travail à la légère. Sérieux qu’on ne lui connaissait que trop peu lorsqu’il s’agissait de mener à bien ses tâches. La cuisine dont il s’occupait aussi. Avec ses années à survivre avec lui-même, à gagner quelques sous en apprenant de quelques chefs. Moqueries et provocations qui continuaient de s’élever, mais plus douces, plus taquines lorsque celles-ci étaient dirigées à l’équipage. Désinvolture qui le complétait et effervescence du ciel. Pour une fois, il se disait qu'il était là où il voulait être. I’ll follow you to the end of the earth, captain. Just promise not to leave me behind when the time comes. I also wish to explore the limitless sky.



✧ Nerian cuisine beaucoup mieux qu’il ne le laisse entendre. Il ne veut juste pas toujours y mettre l’effort. ✧

✧ On peut souvent le trouver à la proue du navire. Le vent étant une sensation agréable sur sa peau.✧

✧ Kael et Rhysand sont les seuls à pouvoir le faire taire. Kael, car il a un grand respect pour lui. Rhysand, parce qu’il tient à sa vie (c’est qu’il est susceptible, le second.) ✧

✧ À ne pas prendre à la légère, Nerian sait se battre aux poings, avec une fine lame ou ses couteaux de cuisine. ✧

✧ Il paraît parfois plus extraverti qu’il ne l’est réellement. Au fond, il préfère sa solitude à la foule. ✧

✧ Il a toujours été attiré par le métier de matelot, mais c’est longtemps resté un rêve d’enfant pour lui. ✧

✧ Nerian a tendance à fuir les relations, ayant peur de mess up again. ✧

✧ Il ne s’attend pas à un happy ending, mais vit au jour le jour sans trop s’en inquiéter.✧