(trop) protectrice  observatrice   passionnée   curieuse   impulsive   persévérante   réservée   (parfois) contrôlante  indépendante   colérique   généreuse   loyale   agressive



One Comme l'unique jour qu'il a suffi à sa mère pour fuir la maison après avoir mis au monde ce monstre qu'elle a refusé de reconnaître comme sien. Les cris des adultes ont résonné aussi forts que les pleurs du nouveau-né et c'est au cœur d'un conflit qu'elle est née, bercée par des accusations de mensonges et de trahison, de lâcheté et d'abandon.

Two Qu'à cela ne tienne, ils seront deux, puisque celui qui lui a légué sa malédiction refuse de la laisser tomber. Ils seront deux et ça suffira, deux monstres prêts à se dresser contre un monde qui ne les acceptera jamais. Ils seront deux pour compenser l'absence de sa seconde aile, celle sans laquelle elle ne peut pas s'envoler. A défaut, elle s'échappera dans ses rêves, forte de la marque sur sa nuque et de ce prénom qu'il lui transmet.

Three Pourtant, bientôt, leur duo se fait trio, et dans leur paradis coupé du monde arrive un nouvel ange. Lui aussi naît avec cette différence trop marquée qui les force à se cacher, lui aussi a des ailes mais ne pourra jamais s'envoler. Exilé sur le sol au milieu des huées, ses ailes de géant l'empêchent de marcher. Alors Niorun sera ses jambes puisqu'elle en a deux de trop et que lui n'en a pas, elle le portera partout, l'accrochera à son dos. Deux chimères qui n'en forment plus qu'une lorsqu'ils marchent en cadence. Et elle s'attache fort à ce frère, presque un jumeau, presque un siamois, en dépit de leurs mères différentes. Elle s'attache autant qu'il s'accroche à son cou, et se jure qu'il ne lui arrivera jamais rien, pas tant qu'elle sera là pour le protéger.

Four C'est la quatrième fois en deux heures qu'elle raconte l'histoire de la naissance des étoiles à Eden, et au moins la quarantième fois aujourd'hui qu'il lui demande quand ils pourront les regarder ensemble pour de vrai, à l'air libre, au-delà de la petite lucarne à l'ouverture condamnée dans le grenier. C'est interdit de l'ouvrir, interdit de sortir, interdit de se montrer, interdit de faire trop de bruit, interdit d'attirer l'attention. C'est la règle numéro un, celle qui garantit leur survie, parce que dehors le monde est trop cruel et trop froid, parce qu'ils sont bien trop jeunes pour pouvoir se défendre, parce qu'un jour ils pourront, oui, quand ils seront prêts, c'est promis, c'est juré. A défaut elle remonte ses cheveux pour lui faire admirer l'astre à six branches qui scintille dans sa nuque. Mais Nior en a marre d'attendre, marre des promesses qui filent comme des comètes sur un horizon trop lointain pour elle.

Five Elle a tout préparé, Niorun, la cape sombre de son père sur les épaules, elle a observé la danse des loquets chaque fois qu'il les quittait. Elle ne sortira qu'un instant, juste le temps de respirer, capter un peu de cet air pur et du vent dans ses cheveux de jais, juste le temps de connaître ne serait-ce qu'un instant la liberté dont elle a tant rêvé, elle sera de retour le temps d'un battement d'ailes de papillon. Mais emportée par l'euphorie de cette sortie au délicieux goût d'interdit, elle a enfreint la deuxième règle primordiale. Ne jamais attirer l'attention. Une course un peu trop effrénée, des pattes qui s'emmêlent, une cape qui vient révéler son immonde nature devant les yeux d'un trafiquant zélé. Lorsque l'aiguille la touche, c'est Morphée qui la prend dans ses bras, tandis que des bras étrangers la saisissent. Dans son sommeil forcé et semé de cauchemars, elle s'accroche de toutes ses forces à son frère, son phare, et à son réveil, elle tient dans ses poings serrés cinq plumes ensanglantées.


Six C'est le nom qu'on lui donne ici, chiffre immortalisé par un tatouage à son poignet, là où les écailles sont plus fines et montrent un semblant de peau désormais marquée. Six, pour effacer d'où elle vient et achever le travail que fait déjà son esprit traumatisé. Déjà, les rêves se sont confondus avec la réalité, Six se souvient de monstres, et elle en est entourée, elle finit par se convaincre qu'elle a toujours été dans ces geôles, qu'elle n'a rien connu d'autre que cette prison qui la sépare du ciel et de la liberté. Elle rêve encore de plumes, d'oiseaux qui agitent leurs ailes, elle rêve d'un visage d'ange et d'un jardin d'Eden. Parfois dans son sommeil, elle entend son père qui l'appelle mais bientôt sa voix se confond avec les hurlements des gardiens.

Seven Dans la cage d'à côté, la septième pièce de la collection de Miss Jin, la plus récemment acquise, pourtant un peu plus âgée et plus expérimentée que ne l'est Six. Elle a été vendue pour une fortune par son propriétaire précédent, celui qui l'avait achetée auprès de sa famille, et du haut de ses dix ans elle sait déjà se battre avec ses griffes de léopard et les crocs qui encadrent ses lèvres. C'est elle qui apprend à Six les règles implicites qui régissent ce lieu où la loi du plus riche et celle du plus fort priment sur toutes les autres. C'est elle qui l'encourage à se battre pour survivre et se hisser parmi l'élite, la seule à accéder au Graal de la liberté, accordé par les maîtres après un certain nombre de victoires glanées, d'après ce qu'on lui a confié dans l'obscurité. Elles se promettent de tout faire pour quitter cet endroit et de se retrouver dehors, libres et victorieuses.

Eight Les nuits sont courtes et le sommeil nécessaire, bien que craint par la Dreamer. Mais sur ses cauchemars priment ses besoins primaires et bientôt le manque cruel de nourriture vient colorer ses songes. Un matin, aux aurores, elle se réveille avec huit morceaux de pain, qu'elle s'empresse de partager avec sa compagne de cellule. Ces épisodes deviennent réguliers et c'est ce don qui leur permet à toutes les deux de se renforcer pour mieux affronter les entraînements et les combats violents. Elles protègent ce secret avec une discrétion qui les sauve pendant un temps, jusqu'à être prises en flagrant délit de possession de nourriture par un gardien qui alerte bien vite les autres. On en punira un autre, soupçonné de leur fournir en cachette de quoi se sustenter. Elles sont mises à part, dans des cellules entourées de murs au travers desquels il est impossible de tendre la patte pour sentir le contact rassurant d'une autre.

Nine Des pas précipités et c'est Six qui se précipite à la porte pour observer à travers l'étroite ouverture cernée de barreaux une scène aux contours flous qui lui glace le sang. Elle distingue une fourrure tachetée et immobile qu'on transporte avec hâte. Son visage apeuré collé aux barreaux qui la retiennent est bientôt coloré de neuf gouttes d'un sang qui n'est pas le sien. Des heures durant, Six tambourine à la porte de sa prison à en faire saigner sa patte de lézard, hurlant son besoin de savoir ce qu'il est advenu de Seven. C'est un gardien protégé par la lourde porte qui lui répondra, dans un rire moqueur et condescendant, qu'il ignorait que les monstres avaient un cœur et pouvaient pleurer une perte aussi dérisoire. La rage de Six se déchaîne et son bras de mante franchit les barreaux pour percer la peau de l'homme trop lent pour l'éviter.

Ten Elle attend la sentence inévitable pour son acte de mutinerie, sachant pertinemment que les rebelles sont sévèrement punis. Pourtant, quand Miss Jin arrive en personne pour la châtier, c'est un autre marché qui l'attend. On lui promet à la fois le pardon et la justice pour le crime commis par un autre, on lui promet vengeance pour son amie perdue, on lui promet de la laisser déverser sa rage sur les coupables si elle parvient à redorer l'honneur bafoué de sa maîtresse. Alors Six accepte, mettant sa fureur au service d'une autre, plus déterminée, plus forte, plus violente que jamais, et dans l'arène où elle se déchaîne, on l'appelle bientôt Scarlet Widow, celle qui ne laisse sur son passage que des traînées écarlates. Ses exploits rapportent gros à celle qui la possède, la carotte bien plus efficace que le bâton, car un soldat animé par une motivation personnelle est bien plus performant qu'un soldat gouverné par la peur des remontrances.

Eleven Mais toutes les flammes s'éteignent quand il n'y a plus rien à consumer. Bientôt la colère de Six brûle dans le vide, dépossédée d'un sens qui s'est perdu dans le tourbillon écarlate de ses vengeances furieuses. Ses songes sont teintés tant de carmin que du souffle de l'air pur dont elle a toujours rêvé et à chacun de ses réveils un oiseau coloré se pose dans sa cellule. Jusqu'à ce que le monstre se lasse de ses chaînes et des coups de fouet, jusqu'à ce qu'elle prépare son échappée en s'aidant de ses rêves de liberté. Le trousseau de onze clefs dans sa patte de lézard, elle parvient à s'échapper au beau milieu de la nuit, profitant du silence qui suit l'euphorie d'un combat. Elle se cache dehors, passant presque deux jours sans dormir, toujours sur ses gardes, de peur d'être poursuivie, jusqu'à ce que le sommeil l'emporte avec brutalité, dans un tourbillon de sang noir et une nuit d'encre constellée de cauchemars. C'est un.e Dreamer qui la trouve à son réveil et qui l'aide à neutraliser les monstres hostiles qu'elle a ramenés.


Twelve C'est le douze qu'elle choisit pour marquer sa renaissance. Douze comme le jour où elle s'est libérée, douze un nombre pair pour enfin accéder à l'équilibre et la stabilité qu'elle n'a fait qu'effleurer. Elle ne saisit pas tout de suite, alors qu'on lui explique, alors qu'on lui annonce qu'elle est une rêveuse, qu'elle est autre chose qu'une machine de combat bonne à divertir et effrayer les foules avec les particularités de son corps. On lui dit qu'elle peut en avoir un autre, une autre apparence, un autre destin, un autre nom, une autre vie. Elle se choisit Mavis après son premier rêve dans l'enceinte de la prestigieuse Iron Gates, lorsqu'elle cherche dans un livre les noms de l'oiseau qu'elle a ramené. Une grive mauvis, redwing en anglais, qui la suivra un temps avant de prendre son envol elle aussi, car même les oiseaux issus de ses songes rêvent de liberté. On lui apprend aussi à faire des pactes pour acquérir une nouvelle peau et peu à peu elle (re)découvre son humanité oubliée.

Thirteen Ils sont treize dans cette salle, où on leur explique les bases du contrôle de leurs rêves et toutes ces choses qu'ils savaient sans les comprendre, qu'ils expérimentaient sans les apprendre. Mavis est fascinée, elle écoute avec une attention sans borne, avide de maîtriser enfin ce don qu'elle n'utilisait qu'instinctivement. Elle apprend à les raconter ces rêves, en récits, en mots encrés, en peintures colorées, elle apprend à en reconnaître les motifs récurrents et les basculements du mauvais côté. Elle qui pensait son corps seulement apte à abimer ceux des autres se découvre une passion insoupçonnée pour l'art du dessin et elle ne va nulle part sans ses carnets où elle retrace les contours de ses songes mêlés de ses souvenirs. Eden est toujours là, qui pleure dans l'obscurité, Eden qui tente si désespérément de voler, Eden qui trébuche et qui tombe, Eden qui sans elle n'a jamais su marcher.

Fourteen La tatoueuse a recommencé le dessin quatorze fois, pour qu'il soit fidèle à son rêve, pour qu'elle en soit satisfaite. Icare qui tombe du ciel, comme en écho à ce songe où elle voit sans cesse un ange tomber et se réveille entourée de plumes. Elle en ignore le sens mais il semble important alors ce sera son premier, la première fois qu'elle marquera sa peau d'humaine pour enfin la faire sienne, pour recouvrir les cicatrices et effacer le passé, pour se souvenir aussi que ses rêves lui appartiennent sans être pour autant sa réalité. Elle le demande en double, symétrie parfaite et si profondément nécessaire, après avoir vécu des années dans une enveloppe asymétrique, un patchwork monstrueux. A ce tatouage en succèderont d'autres, produits de ses rêves mêlés de bribes de souvenirs, ceux de celle qu'elle fut et ceux qu'elle a combattus. Et au fil des années, Mavis fait de sa peau la page d'un récit dont elle seule saisit les subtilités.

Fifteen Mais sous les arcanes colorées de sa nouvelle vie, l'oiseau se sent de nouveau comprimé dans une cage, simplement plus dorée. Contrainte de réprimer une violence qui l'a si longtemps définie, évitée par les autres pour ses coups de sang trop fréquents et son corps qui parfois se déforme pour revenir à ses origines, Mavis ne se sent pas vraiment chez elle entre ces murs qui l'ont accueillie. Les règles ont remplacé les chaînes trop lourdes et elles s'érigent en barreaux pour l'empêcher de s'envoler. Alors qu'à cela ne tienne, la grive quittera sa nouvelle cage pour courir encore et toujours vers les étoiles et sa liberté. Elle tissera les toiles de ses rêves pour atteindre le ciel, montrant une dernière fois à ses mentors qu'ils ont bien rempli leur fonction.

Sixteen Demain, elle aura seize ans, si elle a bien compté, mais la date n'a pas d'importance car il n'y aura personne pour la fêter. Elle a rejoint Ketterdam puis Zaun, là où elle peut passer inaperçue, ombre parmi les ombres, se protège et se nourrit de ses rêves matériels. Elle fait des pactes, parfois, avec des inconnus, pour retrouver la quiétude d'un corps équilibré. C'est un d'entre eux qui vient la confronter alors qu'elle s'est mise à l'abri dans une cage d'escalier. Il l'encercle avec sa bande et lui promet vengeance pour la contrepartie d'un pacte qu'il n'a pas apprécié. Mavis se défend, comme elle peut, avec ses poings trop faibles et ses genoux trop mous, et des bleus viennent bientôt colorier les formes noires dessinées sur sa peau. Jusqu'à ce qu'une voix gronde, derrière elle, assez forte et familière pour faire fuir le petit groupe qui recule à contrecoeur non sans jurer de bientôt revenir.


Seventeen Il s'appelle Vander mais elle ne lui dira pas son prénom, c'est tout juste si elle lui crache son âge avec une lueur de défi. Seize ans d'une existence que d'autres lui ont volée, seize années à être leur poupée d'acier, leur poupée de velours, leur poupée rafistolée de tous les côtés. Il s'appelle Vander mais il ne sera pas son maître suivant et il ne la verra pas atteindre ses dix-sept ans, puisque demain déjà elle sera repartie, vers d'autres horizons pour décider de sa vie. Elle s'accorde juste une nuit de répit, pour l'amour de l'étoile sur sa peau qui lui hurle qu'elle a besoin de sommeil. Elle dormira au chaud ce soir, sur un canapé qu'il lui a prêté sous des combles, la fenêtre ouverte en dépit du froid par nécessité. Demain elle partira, seule, car elle n'a pas besoin de lui.

Eighteen Elle est restée finalement, ou plutôt elle est revenue. Elle est venue panser ses blessures et apprendre à les éviter. C'est Vander qui a tenu à lui apprendre à se battre, elle qui pensait avoir ce talent mais qui doit tout réapprendre dans ce corps qu'elle maîtrise si peu. Déterminée à savoir se défendre, Mavis apprend avec zèle l'art de frapper de son corps nu, sans arme ni artifices. Si elle peut ne compter que sur ça, elle ne sera plus jamais faible. Elle trouve un foyer ici, au-dessus de l'Underground, parmi les quelques adolescents aussi paumés qu'elle que Vander ramasse sur son chemin. Elle les prend sous son unique aile meurtrie, déterminée à les protéger du monde qui a brisé les leurs. Vander lui accorde peu à peu sa confiance, lui confiant le soin de faire respecter les règles, elle qui a si souvent cherché à les briser. Elle trouve sa place, enfin, ose se raser la tête pour exhiber sans honte le tatouage qui trahit son don, ose tracer des arabesques colorées et éphémères sur son visage, libre d'être elle-même, libre de faire ce qu'elle souhaite, libre de partir si elle le désire. Mais elle reste, Mavis, et ses dix-huit ans elle les fêtera entourée cette fois.

Nineteen C'était presque un petit frère, un membre de la famille, celui qui allège l'atmosphère parfois lourde, comme celle d'aujourd'hui, constellée de rage, de tristesse et de tensions que son humour ne dissipera plus jamais. Claggor est mort et devant son corps immobile et froid, Mavis sent remonter toute la fureur qui l'avait saisie devant l'annonce funeste du sort de Seven. Elle l'exorcise au Lunar Eclipse, qu'elle fréquente trop régulièrement, mettant dans chacun de ses coups toute la rage qu'elle a au ventre. Elle cherche Rozalyn, des jours durant, certaine qu'elle est en vie quelque part et qu'elle pourra la retrouver. Sur ses deux bras, un dix-neuvième tatouage rejoint les autres, le dessin d'un simple avion en papier, comme ceux que Claggor faisait autrefois avec les plus jeunes, les prémices de mini drones qu'il construirait ensuite avec des fragments de hex-tech.

Twenty. Elle rencontre Quinn, dans la foulée. C'est elle qui donne une direction à sa rage, car en cherchant celle de Rozalyn, Mavis s'est perdue et elle erre sans appuis et frappe sans but précis. Les yeux de la voyante sont un miroir des siens et de la détermination qui y brille, celle de faire régner leur justice, loin des intérêts des puissants. Ensemble, elles fondent leur propre clan, avec leurs propres règles, leur propre mission, leur propre idéal. Elles se font les protectrices de ceux que l'on oublie, ceux qui sont trop faibles pour se défendre et elles verseront le sang comme des furies vengeresses. Il leur faut être discrètes, Vander le lui a bien précisé, depuis l'accident elle doit faire profil bas et prendre garde à chaque faux pas, mais Mavis n'est pas de celles qui renoncent face au risque. Dans leurs combats mortels contre les Fléaux, elle trouve un cap, dans la passion de leur relation naissante, elle trouve un ancrage. Peu à peu, elle se révèle, raconte l'histoire sous sa peau tatouée, montre ses difformités, ses cicatrices, ses regrets. Avec Quinn, elle est libre d'être qui elle est. Un vingtième tatouage vient bientôt marquer sa peau, encre de ses espoirs sur ses poings serrés, the good tomorrow. Au-dessus des trois mots, une rose sur chaque main, pour cette adolescente épineuse qu'elle cherche encore en vain.