Il est borné Soàan… dans sa connerie. C’est fou de l’être à ce point là.
ça l’est encore plus de s’entêter sur le chemin qu’il semble avoir choisi.
Il commet une erreur, même plusieurs.
Mais il n’a pas l’air de vouloir se reprendre et retrouver le droit chemin d’un celestien.
ça ne lui fera pas de mal de manger.
L’envie lui manque, pourtant sa main reste tendue jusqu’à recevoir la fameuse boulette.
« Merci » il joue un peu avec, puis mord enfin dedans pour mâcher sans discuter.
C’est vrai que c’est très bon. Alors il hoche la tête jusqu’à pouvoir avaler « C’est bon, c’est vrai. Tu cuisines seul ? » pourquoi ? Il a dû mal à y croire considérant son statut ? Un riche aussi doué en cuisine ?
Non… ce n’est pas la première fois que Soàan ramène à manger au bordel.
C’est juste un peu surprenant… mais quand on réalise à quel point il est gentil et attentionné, ça cadre mieux.

Il reprend une bouchée, laisse son regard retomber sur lui puis secoue la tête.
Ce n’est pas qu’il refuse les cookies.
Il adore les cookies.
Il s’interroge un instant sur le hasard… puis son attention tombe ailleurs et il désigne la soupe de l’index en avalant
« Mange la, t’es frigorifié, ça te fera du bien. » il va refuser non ? Faire sa petite moue et décliner la proposition « En plus je n’aime pas la soupe, je la digère jamais bien. » c’est faux. Evidemment que c’est faux. Mais avec ce petit mensonge il s’évite le long débat et les tentatives de persuasion d’un celestien transi par le froid « J’suis pas sûr de te laisser des boulettes par contre, elles sont vraiment très bonnes. » alors il le rassure, comme il peut, il mangera bien malgré tout « Après j’irais voir si on a de l’eau chaude, on pourrait se prendre une douche. ça te dis ? » ou un bain s’il y a un baquet, il ne sait pas. Pas plus qu’il ne sait la température de l’eau. Elle peut être bouillante, comme glaciale… dans le second cas, il réchauffera Soàan sous les draps même s’il espère que la soupe l’aide un peu à se remettre.
« Rapproche toi si tu veux. » il tapote la place près de lui, termine sa boulette

Pour la première fois depuis qu’il a quitté Celestia, le visage de Soàan s’illumine d’un vrai sourire. Eden mange et trouve sa cuisine bonne. Ce n’est rien qu’une bouchée, peut-être une simple politesse… mais dans poitrine, son palpitant se réchauffe. Il oublie un instant le froid qui le transit. ❝Je suis content si tu aimes.❞ Ses lèvres conservent leur rictus chaleureux et il ne perd pas une miette de ce spectacle réconfortant. Qu’Eden prenne le temps qu’il faut tant qu’il se nourrit. ❝J’aime bien cuisiner. Surtout pour les autres, c’est vrai. Ca me fait plaisir…❞ Il ne se méfie pas de la question, n’imagine pas qu’Eden puisse le voir comme un petit bourgeois privilégié. Et puis, n’aurait-il pas raison, au fond ? Il savoure plutôt le soulagement. Eden en vie, Eden qui mange… ça va mieux. Tout ira mieux. ❝ Parfois, je fais avec Lulu.❞ Il ne devrait peut-être pas parler si familièrement, mais il faut croire que cette petite boulette croquée le fait déborder d’une euphorie nouvelle.
Alors, ses cookies, Eden les mérite bien, non…?
Non.
Son sourire retombe en une petite moue confuse. De la politesse. C’est ce qu’il se dit d’abord. Eden considère qu’il en a trop fait, il sait… quand lui pense qu’il n’en a clairement pas fait assez. Mais ce terrain là, il est friable, glissant… Si Soàan ouvre la bouche pour argumenter, il la referme aussitôt, incertain.
Et puis Eden désigne sa soupe et, un instant, Soàan s’enthousiasme à l’idée que le zaunard en réclame déjà. Il imagine qu’il a hâte d’y goûter et il a raison ! Soàan a mijoté ce velouté de patate douce au lait de coco, savamment assaisonné aux épices les plus fines de sa cuisine. Le Celestien a même l’assurance prétentieuse de croire qu’Eden n’en connaît pas toutes les saveurs, et se réjouit donc de les lui faire découvrir…
Mais non.
Encore.

❝…❞ Qu’il la mange ? Soàan le regarde comme s’il venait de dire la plus énorme des bêtises. ❝Mais c’est pour toi…❞ souffle-t-il d’abord avant de réaliser le vrai problème. Il tremble encore. Malgré lui. Fichu froid. Fichu auberge sans le sous incapable d’isoler ses chambres…. ❝Ca va, je n’ai pas si froid…❞ il murmure presque, conscient que son corps le trahit. Ses mains se resserrent sur le bol chaud. Il ordonne à cette maigre chaleur de l’aider à ne plus trembler… En vain. Eden assène sa carte maîtresse.
Il n’aime pas la soupe. ❝Ah non…?❞ Ses sourcils décrivent deux arcs et alors, tout le bonheur de la première bouchée semble avoir fondue. ❝C’est peut-être parce que tu n’as jamais mangé la mienne…❞ Sa soupe, elle est meilleure que ce qu’on fait à Zaun. Très digeste. Ou peut-être est-ce une spécificité kélosienne…? Soàan s’interroge sérieusement…. ❝… tu n’en veux vraiment pas…?❞ Et alors son ton semble être celui d’un condamné.

La sentence semble moins lourde quand Eden parle des boulettes. Au moins, il a l’air de vraiment aimer. Un léger soulagement atténue sa peine. Les boulettes lui tiendront mieux au corps…
Et si la soupe ne le réchauffe pas, la douche le fera ?
On pourrait se prendre une douche.
On.
❝…❞ Le sang semble retrouver le chemin de ses joues. Lentement, il colore ses pommettes. Est-ce qu’Eden lui propose de se doucher ensemble…? Dans un moment pareil…? ❝…❞ Pour l’eau chaude. Idiot. Soàan. Idiot. Le trouble passe sur son visage et il n’a beau rien dire, il sait pertinemment qu’il est un livre ouvert à cet instant. Alors il baisse la tête, se houspille en silence. Pas la peine de s’emballer ce n’est qu’une douche et ça se trouve, il n’y a même pas d’eau chaude. Et puis, Soàan repense à son état déplorable, ses cheveux en pagaille…. il aurait bien besoin d’une douche en vérité. ❝… si on peut… oui… ça pourrait être bien…❞ Il regagne la terre, pense pratique et rationnel. Son regard glisse sur le corps bandé du convalescent. La plaie est refermée, il faut du repos. Le bandage n’est là que pour en protéger la zone sensible…. Soàan songe qu’il faudra lui refaire. ❝… Est-ce que tu te sens de tenir debout…?❞
Docilement, au rythme de son coeur troublé, il se rapproche comme lui suggère Eden. Il veut dire que ça va, mais c’est vrai, il a froid. Et la chaleur de leur étreinte lui manque. Beaucoup de chose chez Eden lui manquent. Alors il vient se blottir doucement, son épaule contre la sienne. ❝Merci…❞ qu’il souffle. Parce qu’Eden a beau penser qu’il ne mérite pas de remerciement, Soàan sait à quel point il prend soin des autres également. Et n’y tenant plus, il remonte un peu la couette sur leurs jambes.

Soàan est donc un apprenti cuistot qui aime bien distribuer les fruits de son talent aux alentours… et aux putes.
C’est bizarre, ce n’est pas vraiment le genre de personnage qu’on voit beaucoup… plutôt rarement et même jamais à dire vrai.
Et pourtant, il a bien rencontré une créature venue de contrées lointaines, très lointaines.
A demander qui des deux vient d’une ancienne cité engloutie qui rejoindra un jour le rang des légendes.
« Alors tu pourrais presque ouvrir ton restaurant. »
Il comprend. C’est plaisant de cuisiner en famille. ça fait partie des choses qui ont l’air anodines comme ça mais viennent à nous manquer cruellement quand on ne peut plus le faire.
Pourtant, dans son cas, souvent, il laissait, la plupart du temps, le soi-disant Art de son père s’exprimer.

Ce qui s’exprime désormais c’est le froid dans le coeur de Soàan.
Il n’a pas le coeur à lui retirer cette soupe. A voir Soàan agressé par le froid comme ça, elle ne lui fait même plus envie malgré la bonne odeur qui vient accompagner la chaleur promise.
« Non vraiment pas. Je pense qu’il vaut mieux que je cours le risque un jour où je serais en meilleure forme. Là, c’est pas vraiment le moment de faire mentir mon passé. » non, bien sûr, puisqu’il préfère mentir lui…
Soàan peut toujours essayer, il ne cèdera pas. Des deux, il pense bien que c’est le celestien qui a le plus froid.

Alors il propose la douche chaude, espérant que cette chambre soit capable d’en fournir assez.
Il note bien que les joues de Soàan se colorent, tant mieux, ça lui redonne peut-être un brin de chaleur, et il persiste sans se soucier de la gêne et de l’indécence
« T’en fais pas pour ça, en plus je me reposerai mieux après une douche. » Soàan aussi mais il ne l’ajoute pas, Soàan surtout à dire vrai… mais en plus de le noter, il note sa détermination à se faire passer après une pute.
Pute près de laquelle il s’asseoit.
« Allez mange ta soupe maintenant sinon tu seras puni. » doucement, sa main vient câliner une nuque pour l’encourager « Et j’ai pas l’énergie de me fâcher après toi. »

❝Je n’y ai jamais songé…❞ Il sourit, presque gêné, mais flatté parce ce qu’il comprend être un compliment. Soàan aime cuisiner, mais de là à en faire un métier… Qu’en penserait son père, tiens ? Est-ce que ça vaudrait mieux à ses yeux qu’être le secrétaire d’une Lovàas…? Peu importe aujourd’hui ce qu’il déciderait d’être ou devenir… il demeurerait une déception pour son paternel. ❝Mais si un jour l’envie me prend, sois sûr que tu seras le premier invité ! …. après ma soeur.❞ Evidemment que Luana testerait la première. Mais cette divagation rend l’atmosphère presque légère…
Jusqu’à ce que la soupe devienne source de conflit. Si Eden n’en veut pas, le Celestien ne peut pas le forcer à la manger. Surtout si, comme il le dit, elle risquerait de lui faire du mal… Soàan peine à le croire, sa moue déçue parant toujours son visage, mais il finit par hocher la tête, vaincu. ❝Très bien alors… une prochaine fois…❞ Un pincement au coeur ponctue sa capitulation. Il se console bien assez vite face au succès de ses boulettes. Eden mange, c’est tout ce qui compte. Et bien qu’il aurait aimé lui offrir un festin de roi, Soàan imagine que ce repas de fortune remplit déjà bien mieux ce ventre que ce qu’il peut trouver ici. L'hiver n’a été clément avec personne, mais ceux d’en bas, qui plus est chassé de leur miséreux foyer, sont fatalement plus impactés.
Ce n’est pas grand chose, songe Soàan, mais c’est mieux que rien.

Et pour chasser le froid, rien de mieux qu’une douche chaude. Le Célestien se prend à rêver de la sienne. La paroi en marbre blanc et la délicieuse sensation de l’eau claire et brûlante coulant sur son corps engourdi par le froid… il a conscience qu’il n’aura rien de tout ça, ici… il s’en veut un peu de penser au luxe. Il s’en veut d’être un petit richou célectien…
…. mais ici, il y a Eden. Eden dont il doit s’occuper. Eden, avec qui il partagera une douche. L'expérience semble valoir le coup…
Il hoche la tête. ❝D’accord…❞ Lui aussi. Il ne sait pas encore s’il peut se l’autoriser mais, il sait qu’il lui faut dormir pour regagner des forces et un semblant de pouvoir. C’est la première fois que le sien semble si utile… redonner de l’énergie à ceux qui en manque, à Eden qui a besoin de guérir… oui, si Soàan pouvait dormir, il pourrait lui donner un peu de sa chaleur requinquante.
Un doux contact dans sa nuque bouscule ses pensées et un frisson - plus agréable que ceux provoqué par le froid - parcourt son échine. Son coeur émet de bruyant battement alors qu’Eden lui offre ce ton particulier… celui qui sert un peu le ventre… Une douce fermeté. C’est drôle car ses paroles ressemblent à celle d’un père… mais elles ne lui font clairement pas le même effet que celles de Monsieur Aiwenor. Ses joues se colorent.
La soupe. ❝…Ah…❞ Oui la soupe. C’est vrai qu’il n’y a pas touché. Il n’en a pas l’intention à vrai dire… même si Eden n’en veut pas ? Soàan hésite. Ses doigts tapotent le contenant chaud. S’il aime la garder en bouillotte, il a une autre idée. ❝C’est que…. si tu n’en veux pas…. je pensais la garder pour Pravi…❞ Son ventre se serre, mais cette fois d’un sentiment moins agréable. Pravi. Il s’en veut de n’en parler que maintenant. En venant à Ketterdam, il voulait également s’assurer de la santé de son autre ami. Un voile coupable assombrit son visage et ses bras se resserrent autour de la soupe. ❝… Est-ce qu’il va bien…?❞ Il aurait dû demander bien avant… mais il oublie que les évènements ne lui ont pas vraiment laissé le choix.

« Tu m’apporteras à emporter. J’suis pas sûr de cadrer dans le décor. » surtout que le prix d’un dîner à Celestia… non merci.
C’est sans doute tout Soàan Aiwenor.
C’est en tout cas ce que les gens qui le connaissent bien doivent en dire.
Est-ce qu’il allait dans Zaun avant pour nourrir le bas peuple ou est-ce que ça lui prend que récemment depuis qu’il a découvert le chemin de leur bordel ?
Question qui vient lui chatouiller l’esprit un instant. Dans tous les cas, il l’imagine assez s’occuper d’un animal blessé trouvé sur le bord d’une route quand il était plus jeune.
Les causes perdues, ça a l’air d’être son truc.

Ne sont-ils pas dans le même cas ?
Soàan à nourrir les putes ?
Et lui à essayer de nourrir celui qui voulait nourrir les putes ?
Il souffle. C’est immédiat, ça vient tout seul.
Il est borné le Aiwenor.
« Mange ta soupe Soàan. » et pourtant il se répète, un poil plus blasé   « Ou je m’arrête à cette unique boulette. » avant de se lancer dans le chantage, bizarrement convaincu que ça marchera mieux que d’argumenter avec lui des heures.
Après tout, n’est-ce pas ce que le Celestien désire le plus ? Les voir manger quelques calories entre quelques passes ?

Il se soucie vraiment d’eux.
Il ne dira pas pour la centième fois qu’il est étrange, mais il le pense.
« J’en sais rien. » c’est vrai ? « Je sais que tu l’aimes beaucoup mais on se croise moins. » évidemment que Pravi ne va pas bien… la dernière fois qu’il l’a vu, il l’a raffistolé un peu. Pourtant c’est vrai, ils se voient moins… « Si tu manges ta soupe, j’te dirais dans quel coin je l’ai vu traîner la dernière fois. » il doit encore y être. A quelques rues près, ils tournent un peu.
Mais est-ce que c’est une bonne idée ?
ça dépend des intentions de Soàan il imagine.

❝Je ne suis pas de cet avis,❞ déclare-t-il avec un doux aplomb après avoir considéré le Zaunard quelques secondes. Car si Soàan se fiche bien de la provenance d’Eden, il n’a jamais rencontré de plus beau garçon que lui. Qu’on lui donne une veste de marque et qu’on maquille à peine ses yeux aux couleurs célestiennes… et Eden deviendrait assurément la coqueluche de la Haute. Les pseudos célébrités du coin pâliraient face à lui.

Pas besoin, néanmoins, d’être à Célestia, pour faire jouer son autorité naturelle. Soàan se retrouve réprimandé pour une soupe qu’il n’est pas censé manger. Son assurance envolée, lui, il veut seulement aider… Mais voilà, ses mains et ses épaules continuent de trembler et sa bonne volonté ne suffit pas à convaincre Eden. Son ton las lui pince le coeur mais c’est bien la menace qui fait redresser l’échine au Celestien suppliant : ❝Non ! S’il te plait, continue de manger…❞ Il est coincé. S’il veut qu’Eden mange, il doit manger aussi… C’est terrible. Il a l’impression d’être mené par le bout du nez… Mais Eden a besoin de gagner des forces…
… Mais songer à Pravi lui tord l’estomac.
Il aurait aimé le trouver aussi et distribuer les vivres. Il aurait dû venir bien plus tôt. Il aurait dû s’en soucier bien avant…
L’esprit torturé oublie qu’il n’aurait sûrement pas pu le savoir avant… Mais la culpabilité le ronge et les mots d’Eden pèsent un peu plus sur son moral. Ils se voient moins… Ce n’est pas bon. Le bordel n’était clairement pas un environnement sain, mais au moins, Soàan savait qu’Eden pouvait toujours jeter un oeil sur Pravi…
… Comment ce gosse pourrait-il survivre seul dans la rue ?
Il se prend à l’imaginer, lui aussi, agonisant dans une ruelle et un frisson d’horreur vient secouer son dos. Le Célestien prend conscience des larmes qui se forment au bord de ses yeux… et se somme de se reprendre.
Il secoue la tête puis la hoche.
❝… Pardon… c’est juste que… oui… je m’inquiète aussi pour lui…❞ Ses doigts serrent à présent si fort la soupe que ses phalanges ont blanchis. Manger pour savoir où se trouve Pravi… S’il peut lui venir en aide aussi…
❝D’accord… Je vais manger…❞ finit-il par céder. Une fois qu’il sera sûr qu’Eden va bien, il ira trouver Pravi. Il ira s’assurer qu’il va bien et lui ramènera de quoi manger et se réchauffer. Soàan se promet de revenir le plus souvent possible. Il ne les abandonnera pas… ❝… Tu peux finir tes boulettes, d’accord…?❞
Le couvercle retiré, il s’émane du potage une délicieuse chaleur qui vient embrasser son visage. L’odeur a de quoi mettre en appétit bien que son ventre demeure serré… Mais plus que le gout, c’est bien la chaleur qui l’intéresse. Malheureusement, une fois ouverte, le liquide ne tardera pas à refroidir s’il ne la mange pas tout de suite. Alors, sagement, après toutes ces longues négociations, Soàan porte le bol à sa bouche et boit. Dans son corps, le chaleur se diffuse et il sent presque le bout de ses doigts crépiter comme s’ils venaient de regagner un peu de magie… Du coin de l’oeil, il veille à ce qu’Eden termine sa part. Il ne s’est pas éloigné de lui, leur peau s’effleurant toujours au moindre mouvement… C’est chaud et agréable. Et doucement, les tremblements s’estompent. Si le froid n’est pas complètement chassé, Soàan reconnaît les bienfaits salvateurs de sa soupe.
Il pousse un petit soupir une fois le bol terminé. Il le montre même à Eden. Et du regard qu’il plante sur lui, plein de bonne foi et de détermination, Soàan demande des réponses.

Soàan veut être dans la contradiction à priori aujourd’hui…
Mais n’est-il pas toujours un peu en décalage ?
Il ne comprend que ce qu’il veut comprendre, se bute sur sa vision, et imagine une pute débarquer à un banquet de la haute sans que ça pose de soucis.
N’a t’il pas fait semblant quelques temps ?
Si… et ce n’était clairement pas la meilleure période de sa vie.
Il ne proteste plus cependant. Il a trouvé une autre bataille à mener. Réchauffer Soàan en lui faisant manger cette soupe.
Lui aussi sait se montrer têtu quand il le faut. Maintenant, il est hors de question de céder. Alors sa tête se secoue à la première protestation.

Puis Pravi vient peser dans la balance et il se sert de lui pour faire manger Soàan sans en éprouver la moindre honte.
S’il s’inquiète réellement pour lui, manger cette soupe est un prix bien faible à payer.
Satisfait de le voir accepter le deal, il attend toutefois que Soàan prenne une première gorgée pour croquer dans une boulette.
Il ne pense pas qu’il aura la force ensuite d’aller courir après Pravi… mais ça fait partie du jeu. Il ne pourra rien dire s’il s’éclipse directement après la soupe.
Il mange en silence, surveille parfois Soàan, et a finalement presque terminé quand il lui sort son regard de plus de négociations possibles.

« ... » il lui fait quoi au juste ?  « J’allais pas t’entuber. » il pose sa boulette entamée dans le plat « Il était pas loin de arcade passage, vers le sex shop tu vois où il est ? » … peut-être pas « Le Wicked Game. » avec le nom ce sera déjà plus simple « La ruelle à droite juste avant quand tu vas en direction du Arcade Passage. » ce n’est sans doute pas une bonne idée… mais si Soàan va le voir pour payer, personne ne viendra lui chercher des ennuis « Je te garantis pas qu’il soit encore là, mais en tout cas c’est là qu’il était la dernière fois. »

Une nouvelle boulette est avalée sous l’oeil attentif du Célestien. Bien. Eden mange. Et lui… il engloutit la soupe qui lui était destinée. Les saveurs lui semblent un peu fades tant il la boit à contre-coeur… mais il ne peut nier le bien qu’elle lui fait. Plusieurs fois, il songe à Pravi et se promet de lui ramener de quoi se réchauffer le corps et le coeur. Pas aujourd’hui, il sait qu’il ne pourra pas… Mais dès qu’il quittera l’auberge et Ketterdam, il se remettra au fourneau et reviendra avec de quoi nourrir ses deux protégés. Il s’en fait la promesse encore en terminant le bol.
Et puisqu’il a remplit sa part du marché, il attend qu’Eden fasse de même. Remet-il sa parole en doute ? Ce n’est pas vraiment ça. Certains diraient que Soàan accorde même une trop grande confiance au Zaunard… Toutefois, le Célestien a bien compris à quel point Eden pouvait aussi se montrer têtu, voire fourbe. Il a parfaitement conscience qu’il s’est fait avoir par les sentiments… Mais puisque tout le monde peut y trouver son compte, alors il n’y a pas de raison de râler davantage.
Aussi, Soàan attend ses réponses. Sage mais tout ouï.
Il ne se sépare du bol qu’une fois que celui-ci se dénue entièrement de chaleur. Tandis que les indications d’Eden viennent bêtement réchauffer ses joues. S’il sait où se trouve le sex shop de Ketterdam ?
Son regard plein de détermination se voile de confusion. Il secoue presque timidement la tête.
Il n’est peut-être pas aussi prude que sa gueule d’ange veut le faire croire mais il jure n’avoir jamais mis les pieds dans cet établissement. Il n’en dirait certainement pas la même chose de ceux de Célestia… mais c’est différent. Rares sont les fois où Soàan a franchi le mur protecteur et bien qu’il se rende là où la débauche est la norme, lorsqu’il le fait, il n’y va pas avec ce genre d’intentions.
Même quand ses yeux lorgnent de trop sur celui qui vient de Kélos ?
… Il est peut-être un hypocrite.
Soàan note tout de même les indications dans sa tête, se les répète à défaut de pouvoir les inscrire sur un morceau de papier. ❝Arcade passage… le Wicked Game… D’accord… J’irais voir par là alors…❞ Il relève à nouveau les yeux vers Eden et lui offre un petit sourire aussi peiné que reconnaissant : ❝ Merci Eden… ❞ De son mieux, il tente de chasser l’angoisse qui le ronge et l’affreuse pensée qu’il soit arrivé quelque chose à Pravi. Il devrait se rhabiller tout de suite et partir à sa recherche… mais il songe qu’Eden, peut-être, ne le laisserait pas faire. ❝C’était il y a longtemps…?❞ Le temps presse, il sait. Il aimerait parfois avoir les dons de sa soeur pour ressentir ce genre de choses… Mais il est aveugle. Il se redresse un peu, frotte ses bras pour terminer de se réchauffer. ❝J’essaierais de le trouver plus tard… ❞ Il n’a plus assez de crescents sur lui pour se payer une visite à Pravi sans attirer les ennuis… Il lui reste un peu de temps avant de devoir trouver le reste pour Eden… Il ne doit pas agir sans réfléchir… Et l’énergie lui manque encore pour vraiment être efficace. Alors, une énième fois, il se promet de le trouver et de l’aider une fois qu’il quitterait l’auberge.

Pour l’instant, il est là. Avec Eden. Doucement, il attrape sa dernière boulette pour la porter à sa bouche et l’encourager à finir. La prochaine fois, il prévoira  plus. Naturellement, il reste près de lui et savoure le contact de sa peau qui réchauffe aussi la sienne… ❝Merci de m’avoir permis de me réchauffer un peu…❞ Il lui adresse un sourire et se permet finalement de poser un peu la tête sur son épaule. Juste le temps qu’il termine de manger. Juste un peu pour laisser son coeur se rassurer… Eden est bien là. Vivant. Il va aller mieux. Tout ira mieux.