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« T’aimes un peu trop ton boulot toi. »
Des compliments. Flatter son égo. C’était tout ce qu’il cherchait. De toute évidence, après ce commentaire précédent, ce « T’as adoré ça », l’homme ne voulait que partir d’ici en étant convaincu d’être son client le plus doué.
Ils étaient souvent comme ça.
Parfois, ils avaient besoin d’entendre que le service pour lequel il payait, si la pute le pouvait… elle l’aurait fait gratuitement tant ils étaient plaisants au lit.
Il avait été nul. Particulièrement nul. Dans le genre brutasse et pas très doué. Aucun orgasme n’avait été sincère ici. Il avait tout simulé…. Et si parfois la douleur s’était lue, elle n’avait fait qu’encourager un client qui avait lâché quelques jetons de plus à la fin. Même pas pour formuler une excuse… juste parce que ça l’avait excité davantage.

Oui… Eden ne l’appréciait pas beaucoup celui-là… tant pour les performances que pour son caractère déplaisant. Il le trouvait antipathique… et s’il avait gagné quelques jetons de plus pour une passe, elle n’était que trop peu payée à côté du moment qu’il venait de passer.
Pourtant, en se rhabillant, il avait souri. Il l’avait même remercié pour les jetons… et intérieurement il s’en était détesté rien qu’un peu plus.
C’était comme ça maintenant… sa vie, il devait la prendre dans l’état où elle était… il n’y avait pas de retour en arrière possible pour lui.
Alors, il devait être sympa avec un client radin, convaincu d’être un roi parce qu’il remplissait un peu plus une boîte dont le contenu ne rendait jamais sa vie plus belle.

A la porte, il l’avait salué. Préférant ne pas redescendre avec lui, il l’avait regardé s’éloigner en songeant qu’il reviendrait trop vite… il fallait que ce soit un habitué….
Un soupir que le client n’entendrait plus avait finalement franchi ses lèvres avant de s’autoriser à fouiller dans la poche de son pantalon pour en tirer cigarette et briquet.
Quelques bouffées de ce précieux poison et son regard avait retrouvé l’escalier.
Il était encore très tôt. Il était supposé descendre et chercher un autre client.
Il n’en n’avait aucune envie. Une douche. Une pause. Au moins une heure.
Pourtant, à la moitié de sa cigarette, il n’avait pas pris le chemin de sa chambre mais celui du rez-de-chaussée.
Se faire payer un verre au bar pour commencer et préparer la suite de la soirée… c’était la meilleure option.
Ici, au silence & d’or, trop s’écouter n’était jamais une bonne idée… ça ne faisait que vous attirer des ennuis.
Il était toujours préférable de prendre sur soi.

Des caducées dans les mains, pas de lune à ce front… ce soir-là, il n’avait pas pu voir venir la récompense que lui apporterait cette décision.
Elle était pourtant là à ce bar.
Ou plutôt il.
De loin, il n’avait été d’abord qu’un homme seul au bar.
De plus près, il avait pris un bout d’adjectif charmant.
Et de quelques pas de plus, il avait trouvé son vrai résumé pour leur première rencontre. Cette définition qu’il aurait de lui si un jour il venait à lui demander ce qu’il avait pensé la première fois qu’ils s’étaient vus…


Perdu
Clairement égaré.
Le genre qui n’avait pas l’air de devoir se trouver là.
Comme une erreur.
Intrigué, il s’était rapproché.
Son chemin prévoyait un arrêt au bar… mais il aurait pu choisir une autre portion… chercher un peu de travail… ne pas perdre son temps avec une âme égarée qui se demandait peut-être ce qu’elle foutait dans un bordel et pourtant…

« Bonsoir. » la salutation qui était sortie de sa bouche avait bien été destinée à un homme qui ne tarderait pas à être la cible d’un employé du coin…
Mignon, un air innocent… ça ne prenait pas beaucoup plus pour être tenté…
Au shooter qu’on essayait de lui refiler, il en déduisait que c’était sa première fois…
Pas de pute dédiée dans le coin. Libre d’être volé et séduit par d’indécentes propositions.
Est-ce que le contraire l’aurait étonné ?
Il l’aurait remarqué non ? S’il avait déjà traîné dans le coin…
Définitivement…

Une salutation et puis ?
« Première fois dans le coin ? » une question à la réponse évidente… une question qu’il avait justifiée l’instant suivant « T’as l’air un peu perdu… » un peu ?
Beaucoup s’il fallait être tout à fait honnête…
Et pourtant, ce n’était que le début de soirée… avancez le temps, rajoutez un peu d’indécence, et il clignotait davantage encore dans le rôle de l'intrus…

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Ca devait faire une bonne minute à présent que Soàan observait son reflet sur la surface dorée. Il y voyait son propre regard confus. Il n’était toujours pas capable de nommer la boisson qu’on lui avait offert malgré son refus poli. Il n’était pas là pour boire. Mais le barman n’avait pas eu l’air de s'intéresser à ses explications… pas tant qu’il n’aurait pas avalé son shot. Un ❝ cadeau de la maison❞, comme il avait insisté. Puis, il avait dit quelque chose à propos d’une règle que le Celestien sous couverture n’avait pas tout à fait saisi. Il devait boire. Et aussi insensé que cela puisse paraître, avaler ce shot lui sembla bientôt être sa dernière et unique solution pour faire avancer les choses… Quand il avait demandé le nom de l’alcool - qu’il ne reconnaissait ni à l’oeil, ni à l’odeur -, le barman avait souri de ce sourire bizarre, et répondit “De la potion magique”. Et Soàan s’était senti davantage confus. Parce qu’il en connaissait toutes sortes de potions magiques… Et celles qu’on servait dans les bars, c’était celles qui dévissaient la tête. Sauf qu’il était un peu tôt, selon le Celestien, pour se mettre une cathédrale - pour citer un certain jéjéjéjéjéjéjé.

Non, clairement, si l’héritier de la maison Aiwenor était descendu si bas dans les profondeurs de Zaun aujourd’hui, ce n’était pas dans le but de se noyer dans l’alcool. Il avait une mission. De la plus haute importance puisqu’elle concernait la personne la plus précieuse de sa vie : sa chère soeur, Luana. La seer, dont les affaires fleurissaient à la boutique familiale, s’était vu confier une livraison spéciale pour la basse-ville. Le genre de commande peu habituelle car peu de zaunards pouvaient s’offrir les services et les objets magiques d’une voyante celestienne, et moins encore avaient accès à la boutique. Mais parce que le hasard avait fait que Soàan se trouvait à la boutique ce jour-là, et parce que, justement, ce genre de requête était si peu ordinaire, le Celestien n’avait pas pu s’empêcher d’interroger sa soeur sur le sujet. Et apprendre qu’elle comptait se rendre elle-même à Zaun pour livrer une amulette…. Non ! Soàan s’était porté volontaire à sa place. Il était impensable que la précieuse et noble Luana se frotte aux dangers de la basse-ville, là où les créatures mortelles côtoyaient la racaille. Et cette misère… Jamais Luana ne devrait se souiller de ce si noir tableau. Quand bien même, en réalité, elle était plus forte et plus apte à se défendre que le jumeau qui n’avait hérité d’aucun pouvoir offensif. Il avait toutefois insisté, et avait finalement hérité de la mission. A son grand soulagement.
Bien sûr, il avait pris des précautions. Ses vêtements d’abord. Il avait sélectionné les moins précieux, les moins criards. Et il avait emprunté ce long manteau de cuir brou de noix qui lui donnait encore un air très élégant mais demeurait toujours plus discret que l’arc-en-ciel qu’il avait tendance à porter. Un maquillage nude, très léger, invisible, juste pour cacher ses petites imperfections. Quant aux bijoux, il n’avait gardé qu’une boucle simple sans pierre précieuse. Il s’était longuement observé dans le grand miroir de sa chambre et s’était efforcé à prendre un air de dur pour dissuader les malfrats de l’embêter. Il connaissait bien sûr encore des techniques de combats - bien qu’il priait très fort pour ne pas avoir à en user - et gardait bien en tête les enseignements de sa formation militaire. Une fois prêt, il s’était mis en route, quittant la brillante Celestia et sa lumière pour les sombres profondeurs de Zaun.

Et c’est ainsi qu’il avait atterri à ce bar au nom intriguant - le silence & d’or, comme ça semblait poétique et… effrayant à la fois ? -, ce shot devant lui et toujours aucune trace de ce client qu’il était pourtant certain de trouver ici.
❝ Vous ne voulez vraiment pas me dire où je peux trouver ce Pravi ? Je sais qu’il travaille ici. ❞ Une énième tentative qui demeura tout aussi vaine. Soàan poussa un soupir et fit tourner le liquide doré dans son verre. Ca semblait pétiller comme du champagne, mais en plus opaque. Comme si on avait réellement distillé de l’or. Devait-il boire ? Il commençait à se dire que ça ne pourrait que lui faire du bien - mais une partie de lui lui rappelait qu’à Zaun, les règles étaient différentes !
Soàan observa autour de lui, dans l’espoir de trouver une autre personne susceptible de l’aider. Il remarqua le mouvement des clients qui allaient et venaient. Il semblait y avoir comme une salle à l’arrière - ou peut-être même tout un étage - mais dont l’accès semblait réservé. Peut-être aux VIP ? Quoiqu’on trouva comme VIP à Zaun… Soàan ravala son jugement. Il voulait seulement trouver ce Pravi et lui donner l’amulette. Le reste, ça n’était plus ses affaires.

Puis son regard se pose sur lui. Et il fait soudain irruption dans sa vie, comme il le fera dans ses rêves. Ses yeux attrapent les siens un court instant et son coeur sursaute. Il ne s’attendait probablement pas à croiser un si beau visage dans les ténèbres de la Basse-Ville. Soàan a aussitôt honte de le penser - et il espère que personne ne peut lire son esprit à cet instant. Il détourne le regard, persuadé que cette présence n’est que d’un bref - et envoûtant - passage. Mais sa voix fait bondir son myocarde pour la seconde fois. Est-ce à lui qu’il s’adresse ? Vraiment ?
Soàan ose lui couler un regard et, comprenant que le garçon le salut lui et pas un autre, il souffle un ❝ Bonsoir ❞ étranglé et se maudit aussitôt. Il mâchouille sa lèvre et respire. Pas de quoi s’affoler. Au contraire : c’est bien la première fois qu’on lui accorde de l’attention et c’est peut-être sa chance d’obtenir ses réponses. Il inspire, tourne la tête vers le bel inconnu, ouvre la bouche et…
Rien. Le bel inconnu le prend de court et pose sa question en premier.
❝ Oui…? … euh non ! ❞ Il répond machinalement avant de se reprendre parce qu’être nouveau dans le coin pourrait lui jouer des tours. Mais il ne convainc personne et la remarque suivante le lui confirme bien. Il est déjà une brebis égarée. Il mordille de nouveau sa lèvre, laissant apparaître ses incisives dans une moue nerveuse. Ses prunelles parcourent les traits de son interlocuteur… Le garçon doit avoir son âge, peut-être un peu plus jeune, quoiqu’il porte une certaine maturité sur le visage. Et du charme. Énormément de charme. C’est intimidant. Toutefois, son ton est doux et Soàan ne peut s’empêcher de le trouver gentil… Mais ne lui a-t-on pas mainte fois répété qu’il était trop naïf ? ❝ D’accord, je ne connais pas vraiment l’établissement… ❞ Il ne sait pas pourquoi, il n’a pas envie de lui mentir. Peut-être parce que la démarche du garçon semble sincère… Il essaie de prendre un ton plus détendu : ❝ En fait, je cherche quelqu’un. Vous venez souvent ici ? … Peut-être que vous le connaissez ? Il s’appelle Pravi. On m’a dit qu’il travaillait ici. ❞ A cette main tendue, Soàan s’accroche. C’était comme s’il venait de comprendre qu’il était au bord d’un gouffre et que ce garçon était son seul salut…

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Il le perturbait.
De toute évidence.
Et cette idée, plutôt que de le faire fuire avec clémence, l’avait fait sourire avant qu’il ne tire sur sa cigarette presque terminée.
C’était normal. Du moins il l’imaginait. N’importe quelle personne dans son genre le perturberait quand on n’était pas accoutumé. De toute évidence, c’était la première fois que l’homme fréquentait ce genre d’établissement, la deuxième ou la troisième tout au plus.
Il ne semblait pas savoir encore très bien comment ça marchait.
Est-ce qu’il était allé ailleurs avant et tentait ce soir sa chance au silence & d’or ?
Dans sa tête, il avait énuméré vaguement les quelques bordels dont il connaissait le nom alors que l’inconnu hésitait sur la réponse à fournir.

« Aïe. » aïe, pourquoi aïe ? « Tu sais, changer de réponse, en général ça rend les gens encore plus perdus. » et ça vous attirait des ennuis ?
Non. Mais s’il ne buvait pas ce verre devant lui, il en aurait à coup sûr.
On n’était pas vraiment très patient dans le coin pour ce qui était de la discrétion. On ne plaisantait pas sur le sujet. Une maison close qui manquait de cette qualité pouvait mettre la clé sous la porte quand elle s’attendait à recevoir une riche clientèle « C’est bien ce que je me disais… » brebis égarée qui le clamait un peu trop fort pour ne pas se faire remarquer.
Il ne lui donnait pas cinq minutes avant d’être abordé, … à condition bien sûr de boire ce verre indispensable aux autres genres de consommations.

Mais alors qu’il se demandait ce qui avait pu le pousser à venir dans le coin ce soir, le jeune homme lui avait fournit une réponse qui l’éliminait de la course.
« Dommage. » le sourire à ses lèvres ne rimait pas avec la déception cependant.
Amusé, il l’était simplement face à cette question un peu étrange.
N’importe qui aurait pu le deviner qu’il bossait ici non ? Il respirait la pute à plein nez…
Et s’il n’avait fait que sourire de son côté, il avait bien entendu le rire du barman en face d’eux.
Ouais, c’était marrant… ça devait l’être pour tout le monde.

« Il veut pas boire son verre Milord, si tu comptes lui taper la conversation, ça dérangerait pas à ta seigneurie de régler ce problème ? » ouais… ce serait tellement drôle qu’il en parlerait sûrement à d’autres l’idiot des cocktails.
Le Milord, lui, s’était contenté de hocher la tête pour tirer le plus proche tabouret et s’installer près du petit nouveau. Terminant sa clope en une dernière bouffée, il l’avait écrasé dans le cendrier avant de reprendre la parole « C’est mon collègue. Il est dans le coin Pravi ? » dernière partie de sa phrase adressée au comique qui, pour seule réponse, avait levé son index vers les étages, lui permettant de cette silencieuse réponse de se faire plus précis avec la brebis de son côté « Il est déjà pris là, mais il ne devrait pas en avoir pour longtemps si tu veux l’attendre ici. Par contre, tu devrais boire ce verre et même m’en payer un pour me remercier du renseignement. » c’était moche ça piquer aux collègues ?
Non. S’il venait fréquenter l’établissement exprès pour les beaux yeux de Pravi, il y avait peu de chances pour que ce soit son prochain client.
Mais c’était déjà arrivé non ?
Il restait rarement libre. Est-ce qu’il devait se vanter pour ça ?
Vu le taux de sa dette dans le coin, c’était clairement un luxe de comportement qu’il ne pouvait pas se permettre.

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Clairement, son père dirait de lui qu’il s’était ramolli. S’il avait seulement eu l’allure d’un dur un jour. En fait, il dirait bien des choses en le voyant à ce bar qui n’en était pas un. La naïveté, ou plutôt la crédulité de son fils…. Il y avait fort à commenter. Mais au moins Soàan semblait-il avoir conscience qu’il ne faisait pas l’impression qu’il espérait à ce garçon qui venait de l’aborder. L’odeur du tabac parfumé chatouillait son nez et le nuage laiteux laissa bientôt réapparaitre des traits trop grâcieux pour ces profondeurs. Trop charmants pour ne pas troubler le Celestien sous couverture.
Quel drame. Cette simple rencontre de quelques secondes prouvait au monde entier que le jeune Aiwenor aurait fait un piètre pacifieur. Le pire que Velaris et ses alentours auraient connu. Et le bel inconnu ne se gêna pas pour le souligner.
Aie. Oui. Comme il disait.
Difficile de retenir cette moue embêtée. Il ne pouvait même pas le soupçonner d’être un grand observateur. Il était évident que n’importe qui aurait grillé son manque d’expérience dans les parages. Il se remit à fixer le shot encore plein, s’efforçant de ne pas montrer davantage de confusion. Mais puisqu’il était découvert, autant se jeter entièrement à l’eau. Il faisait peut-être preuve, une fois de plus, de naïveté, mais puisque ce garçon avait l’air plus ouvert à la discussion que le barman, il tenta sa chance. Et la réponse le déconcerta d’autant plus ?
Dommage ?
Soàan le considéra une longue seconde, hébété. ❝… je vous demande pardon ?❞ Le rire du barman avait terminé de le noyer dans la confusion le plus totale. Enfin l’homme donnait-il au moins dans un autre registre. Il n’empêche que le Celestien n’avait aucune idée de ce qu’il avait pu dire de si drôle. Ou de mal ? Ses pommettes rosirent malgré lui et il se tassa un peu plus sur sa chaise, mal à l’aise. De toute évidence, cette opération livraison s’avérait vraiment plus compliquée que ce qu’il n’avait imaginé. Et si encore un voleur ou une créature du Fold s’était dressé sur son chemin, Soàan aurait compris la difficulté… Mais, il semblait bien qu’à présent, c’était un problème de compréhension qui lui faisait défaut. Il mâchonna une nouvelle fois sa lèvre, cherchant quelque chose à dire pour se rattraper…

… Avant que le barman ne revienne à la charge. Décidément. Une nouvelle moue barra les lèvres - rosies également à force de les torturer - de l’intrus. ❝… C’est que je ne suis pas vraiment venu pour … ❞ boire ? Il ne termina pas sa phrase - et il n’était même pas sûr qu’on l’ai entendu. Le garçon venait de se rapprocher significativement de lui, affolant soudainement le tambour dans sa poitrine. Il était si près… Soàan déglutit. Pourquoi fallait-il qu’il est autant de charme ? Et pourquoi fallait-il que lui soit aussi troublé ? A croire que ça faisait une éternité qu’un beau garçon ne l’avait pas abordé…
… Mais il n’était pas là pour ça !
Soàan s’efforça de se remettre les idées en place tandis que le jeune homme s’adressait de nouveau à lui. S’il désignait Pravi ou le barman comme son collègue, Soàan n’était pas tout à fait sûr. Mais il comprenait que celui dont il ignorait toujours le nom fréquentait assez l’établissement pour faire rire celui qui parlait toujours de la même chose. Et enfin, il eut l’impression que son enquête allait avancer. La question posée par une autre bouche que la sienne sembla débloquer une nouvelle réponse. Soàan leva les yeux, suivant l’index vers le plafond. Pravi était à l’étage ? Puis, son attention se reporta sur celui qui fournissait de plus amples explications.. bien que le tout demeura… flou.
Déjà pris ?
S’il s’interrogea sur ce que cela signifiait - et ça pouvait vouloir dire tellement de choses différentes - il fut soulagé d’apprendre que le client qu’il cherchait était bel et bien là et qu’il pourrait bientôt mettre un terme à sa quête. ❝ Ah, vraiment ? Je vais l’attendre alors. ❞ L’espoir retrouvé avait laisser l’enthousiasme chanter de nouveau dans sa voix et ses traits se firent légèrement plus détendus. Avant que le beau garçon ne se mette à son tour à parler de son verre plein…
Soàan écarquilla les yeux et hocha frénétiquement la tête comme s’il venait d’oublier les bonnes manières : ❝ Ah ! Oui bien sûr ! Avec plaisir ! Merci beaucoup !❞ Il essaya de ne pas trop égarer ses prunelles sur ce sourire en coin qui le couvait depuis quelques minutes et qui le troublait davantage. Il leva la main à l’attention du barman - qui fixait toujours son verre intact. ❝ Je peux avoir un autre verre, s’il vous plaît ?❞ Il osa glisser un regard vers son sauveur et lui sourit - plus timidement qu’il ne l’aurait voulu. ❝Prenez ce que vous voulez, je vous en prie. ❞ Il en oubliait presque qu’il était à Zaun mais il se fichait bien de se délester de quelques crescents. Ce garçon les méritait bien. Et il ne croyait pas si bien penser… ❝Merci pour votre aide vraiment… votre collègue est un peu… rigide…❞ ajouta-t-il un ton plus bas. Puis enfin ses yeux retrouvèrent le shot et il le saisit entre son pouce et son index. ❝… et je vais boire ce verre puisque tout le monde ici semble y tenir… ❞ Il rit mais la nervosité perça dans son éclat réservé. Il n’était toujours pas sûr que ça soit une bonne idée mais… il s’y sentait obligé. Plus encore après l’aide qu’on venait de lui apporter.
Il attendit que le garçon soit servi et leva le verre pour trinquer avec lui, soutenant son regard non sans peine. Il n’était pas moins beau qu’au début de leur interaction. Enfin, le liquide trouva son chemin jusqu’à sa gorge - l'amertume de l'alcool pétilla sur sa langue - et il avala le contrat magique qui le lierait pour toujours au silence & d’or.❝ … donc vous travaillez ici, c’est ça…?❞ Puisqu’il devait patienter et que le garçon semblait avoir du temps pour boire avec lui, il s’autorisa à lui faire la conversation. Au risque de déclencher d’autres rires…  

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« Oublie ça. » son dommage.
Mieux valait ne pas trop y penser.
Sauf s’il comptait revenir sans jurer fidélité au même distributeur de plaisirs….
Ce serait étonnant non ? Alors qu’il venait réclamer les services d’un autre pour son premier soir dans le coin.
C’était déjà arrivé. ça arrivait même souvent. Une clientèle n’était jamais acquise, c’était une règle de base.
Parfois on finissait par se lasser d’eux. Parfois on avait simplement envie de goûter d’autres plats. Et certaines fois, on n’avait pas été très sages et on se faisait priver de notre menu favori.
Si l’inconnu n’avait pas l’air de rentrer dans le dernier cas, il entrait toutefois dans une quatrième catégorie. La brebis égarée se cherchait encore. Elle ignorait tout ou ne savait pas grand chose. Mais pour ce soir, il voulait en apprendre plus avec le dénommé Pravi.
Et oui, c’était dommage. Définitivement, ce client aurait pu le changer un peu. A la place, son prochain serait probablement un con de plus… et ce soir, en dépit de sa dette, ça ne le motivait pas vraiment.

Pravi avait bien de la chance.
Peut-être pas tous les soirs. Mais pour cette nuit, il remportait le trèfle à quatre feuilles.
Il lui plaisait un peu pourtant. A la brebis. C’était si évident. De manière certaine, il le perturbait. En d’autres circonstances, il lui aurait sans doute déjà dit qu’il était libre maintenant… mais qu’il devrait se décider vite parce qu’il ne le restait jamais bien longtemps.
Maintenant, il s’était débrouillé pour le renseigner. Rendre service serait sa bonne action du soir.
« Le chanceux. » il n’avait pas conscience du manque de clarté. Venir au bordel sans savoir qu’on se trouvait dans ce genre d’établissement, de mémoire, il n’avait jamais vu ça. Tout ce qu’il avait pensé maintenant, c’était que Pravi s’était vraiment réservé celui qui ne serait pas resté seul bien longtemps s’il n’était pas venu prendre ce tabouret près de lui.
Mignon. Un petit air de facile à dépouiller. Il allait se faire dévorer en moins de deux. Et tandis qu’il acceptait de lui payer ce verre, il avait accompli sa deuxième bonne action de la soirée « Je vais te tenir compagnie. J’ai au moins le temps d’un verre. Et je crois que si je te laisse ici tout seul, c’est Pravi qui risque de t’attendre longtemps. » alors il avait commandé. Le collègue “un peu rigide” avait secoué la tête, mais il l’avait servi. Il l’avait bien vu désigner une autre direction du doigt, sans doute le message silencieux qu’un de ses habitués se trouvait là, mais il avait fait le choix de l’ignorer « Faut pas lui en vouloir, c’est pas le seul que ça rend nerveux de voir le cocktail de la maison snobé. »

Mais il avait fini par le boire ce verre, après avoir trinqué avec celui qu’il n’avait pas choisi, déclenchant un soupir du barman qui s’était détendu en remettant son torchon sur l’épaule. Cette tête secouée, il avait bien vu qu’elle répondait à un homme dans un coin plus loin… pas sa p’tite main préférée, et certainement pas celle de l’inconnu non plus s’il était allé jusqu’à la malchance de faire sa connaissance. Il n’avait jamais les arguments les plus doux…
Les premières gorgées d’un cocktail aux touches légères d’alcool descendues, son attention s’était reportée sur le rafraîchissant client. S’il n’avait pas voulu se saouler dès le début de soirée quand il n’était pas rare de perdre sa conscience de quelques substances ici, il aurait pu penser qu’il délirait déjà.
ça faisait longtemps, qu’on ne l’avait pas pris pour autre chose qu’une pute…
La dernière fois que c’était arrivé, il devait sans doute répondre au prénom de Milo.
Aujourd’hui, ce temps semblait si loin….
L’homme semblait lui trop sincère… pourtant, face au nouveau rire du barman, il aurait dû croire qu’il se moquait… mais ce n’était pas le cas n’est-ce pas ?
Il aurait presque trouvé ça agréable… s’il ne s’était pas laissé persuader depuis longtemps qu’il n’était pas convaincant dans d’autres rôles que le sien…

« C’est ça. On sait jamais, peut-être que la prochaine fois, c’est après moi que tu demanderas. » Osé, ou plaisantin, allez savoir… le clin d’oeil qui avait accompagné les mots ne s’était pas fait plus précis. « D’ailleurs, comment tu l’as connu Pravi ? » éternel indiscrétion, il savait que c’était un défaut chez lui, mais il ne pouvait jamais le retenir. Ici, la curiosité, c’était un divertissement trop rare pour s’en priver.
On avait dû lui recommander, supposition la plus logique mais… il y avait quelques réponses qui pouvaient attirer des ennuis à un collègue qui n’avait rien demandé non ?
…
Pravi avait déjà eu des ennuis la semaine dernière… il n’était ami avec personne ici, mais ça ne le dispensait pas de fermer sa gueule parfois.
« Oublie ça, ça ne me regarde pas. » la brebis égarée pouvait être trop maladroite pour savoir ce qu’elle pouvait dire… alors il avait enchainé la conversation sans attendre « Je crois que c’est la première fois qu’on me pose cette question. Même pour mes premiers soirs, on ne me l'a jamais demandé. » oui… il était rafraîchissant ce client… c’était probablement son premier bordel tout compte fait.

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Beaucoup de confusion. Voilà comment pouvait se résumer le début de sa soirée. Il y avait définitivement quelque chose que Soàan ne saisissait pas ici et cette pensée commença à l’inquiéter. Mais c’était Zaun. Il avait beau avoir arpenté les abords de la Basse-Ville pendant sa formation, il ne s’y était jamais trop enfoncé. Il n’en connaissait que la théorie et les “on-dit”. Et s’il y avait bien quelque chose qu’il ne s’attendait pas à trouver ici, dans ce bar un peu caché à l’enseigne lumineuse et à l’énigmatique nom, c’était bien ce garçon. Ce très beau garçon. D’accord, il était même plus que très beau aux yeux du Celestien et il s’en voulait un peu de penser qu’il n’avait presque pas sa place ici bas. Comme si les gens beaux avaient plus de valeurs que les vilains. Comme si les vilains ne méritaient que la poussière et la crasse. Soàan se trouva ( h o r r i b l e ) et il s’efforça de conserver cette pensée en se jurant d’y travailler plus tard. Il ne voulait pas être le cliché du riche privilégié qui juge les petits d’en haut. Il l’était pourtant malgré lui. Et quand il y pensait, il y avait des gens très laids aussi à Celestia. Et pas seulement physiquement.
Mais cela ne changeait rien au fait qu’il ne pouvait que se sentir troublé par la présence de cet inconnu aux traits gracieux - est-ce qu’il était maquillé ? Soàan s’efforça de ne pas trop le dévisager mais il songea que son visage serait une toile idéale pour ses pinceaux - et l’air altruiste. Mais qui avait l'indécent pouvoir d’affoler son myocarde - ndlr : oui j’aime bien te faire wink wink tavu  - tandis qu’il se retrouvait plus proche de lui qu’il ne l’était plus tôt. A ce trouble s’ajoutait des phrases que Soàan ne savait pas interpréter. Il ne savait pas en quoi Pravi était chanceux, si ce n’est que le Celestien avait la politesse de ne pas partir avant de pouvoir lui remettre son paquet en main propre. Ce n’était pas comme s’il pouvait simplement le laisser ici… Mais il ne creusa pas davantage et préféra remercier celui dont il ignorait toujours le nom en lui payant le verre réclamé.
Soàan lui répondit d’abord par un sourire reconnaissant - quoiqu’un peu timoré - pour cette gracieuse compagnie qui le rassurait un peu. ❝Volontiers.❞ Le jeune homme avait l’air d’avoir envie de l’aider sans le rouler… Ou bien était-ce encore de la naïveté. Mais à en juger par la suite de sa phrase, il avait du soucis à se faire en restant seul… Est-ce que c’était si dangereux que ça ? Les profondeurs de Zaun avaient leur réputation, mais le bar n’avait pas l’air si mal famé… A moins qu’il avait encore une image trop cliché de ce que pouvaient être des truands zaunards. Il jeta un regard autour de lui et peu de clients arboraient des prothèses ou des cache-oeils…. En fait, ils avaient même l’air un peu chic pour certains. Comme quoi, il se faisait vraiment une mauvaise idée de Zaun…
❝ Je suis désolé, je ne voulais pas être impoli. ❞ C’était peut-être dans les moeurs ici, de ne jamais refuser une boisson. Mais ça lui semblait aussi très dangereux. Il ignorait encore s’il avait fait le bon choix en buvant ce shot et, sans la relance de sa nouvelle compagnie, il ne l’aurait sans doute pas fait. Mais puisqu’il ne semblait pas lui vouloir de mal, il s’était décidé. ❝ C’est très bon. ❞ Mais lui, l’idiot qui faisait trop de politesse, allait finir par être trop suspect. S’il n’était pas déjà découvert…
Quelle pitrerie !

Soàan s’était enfoncé ensuite un peu plus dans la naïveté. Ignorant les dangers frôlés, répétant des âneries…
Il ne comprenait vraiment pas ce qu’il y avait de drôle. Il hésita une seconde, s’il devait ou non s’excuser mais trop le faire pouvait aussi lui attirer des ennuis. De toute évidence, il s’était surestimé dans cette mission de terrain. Luana se serait sûrement mieux débrouillée que lui mais même maintenant il refusait l’idée de lui faire prendre le moindre risque ici. Les gens n’étaient peut-être pas si méchants mais Zaun n’était pas à l'abri d’une attaque du Fold.
Ni du charme de ses habitants ?
❝…❞
Soàan papillonna des yeux, le coeur perturbé. Est-ce que… ce garçon le draguait…? Il sentit ses joues rosirent et il s’efforça de garder contenance. Il se faisait peut-être des idées mais il avait bien vu ce clin d’oeil, non…? Ou alors, c’était encore une expression zaunarde qu’il ne comprenait pas. ❝ O-oh… peut-être…❞ L’idée de revoir ce garçon ne lui déplaisait pas. Si on oubliait le lieu. Et bientôt, il lui faudrait même oublier les circonstances réelles. ❝Enfin… il faudrait que je connaisse ton nom pour ça, non…?❞ Ce n’était vraiment pas le moment de flirter. Mais il était curieux. Et… à quoi ça l’engageait hein ? Rien. Ce n’était qu’un prénom…

En revanche, dévoiler des informations sur les clients était plus délicat. ❝ Oh, eh bien… ❞ Il n’était pas sûr de pouvoir répondre à la question d’Eden. Déjà parce qu’il ne connaissait pas vraiment Pravi et parce qu’il se souvenait de l’expression de sa soeur concernant cette livraison. Ça avait l’air d’être quelque chose de plutôt sérieux. Le genre de chose qu’on claironne pas sur tous les toits. Peut-être que ce n’était qu’un trop plein de prudence mais il ne voulait pas mettre à mal le travail de sa jumelle en se montrant trop bavard et ce même si son interlocuteur avait l’air vraiment gentil. ❝C’est juste…❞ Il chercha ses mots mais heureusement, Eden l’épargna. Soàan le remercia d’un coup d’oeil silencieux. ❝Ce n’est rien.❞ Le Celestien lui offrir un petit sourire rassurant comme lui signifiait qu’il ne lui en voulait pas. Il ne ressentait pas ça comme de la mauvaise curiosité et le fait qu’il se soit lui-même arrêté prouvait qu’il n’était pas une mauvaise personne.
N’est-ce pas…?

Le changement de sujet fut bienvenue quoiqu’il ne comprenait vraiment pas en quoi son doute sur le métier d’Eden était aussi étonnant. Il eut donc une petite moue et ses doigts tapotèrent nerveusement son verre vide - devait-il en reprendre un ? Il ne fallait pas risquer d’être ivre ici… ❝ Pardon mais comme tu n’étais pas derrière le bar, je n’étais pas sûr… ❞ Oui, si les autres avaient eu la chance de se faire servir par Eden, il était bien normal qu’on ne se posait pas la question non ? Il ne l’avait juste pas vu en action. Il baissa d’un ton pour ajouter : ❝Si c’est toi qui m’avait servi, je n’aurais certainement pas mis autant de temps avant d’avoir ma réponse.❞ Pas d’offense envers son collègue mais son côté rigide n’avait rien de très engageant selon lui. ❝J’aurais peut-être même bu plus tôt !❞ Oui, puisque ça avait l’air si important. Au moins Eden était plus pédagogue.

Mais alors que Soàan dévoilait à quel point il ignorait où il se trouvait, le rideau qui cachait l’arrière-salle - ou l’escalier qui devait mener à l’étage VIP - remua et un homme en émmergea. Il était si grand qu’il était difficile de distinguer l’autre silhouette, plus petite et fine, prisonnier de son bras qui entourait ses épaules. Ils échangèrent quelques mots et l’homme libéra le plus petit. Et Pravi demeura là, prêt à être cueilli une nouvelle fois comme la petite fleur délicate qu’il était.

down the rabbit hole


prostitution ; sexeCe verre était très bon. Ce n’était sans doute pas des compliments que le barman attendait, la preuve de ce regard d’incompréhension profonde avant qu’il n’hausse finalement les épaules… mais lui, il avait trouvé ça mignon.
Il savait pas y faire. C’était tout. Il pensait qu’un peu de menaces, quelques grognements et un ton implacable étaient la solution à tout. Mais parfois, un peu de politesse, un sourire, ça résolvait mieux les conflits.
Est-ce qu’il aurait l’audace de lui donner un cours de manières plus tard ?
Sans doute. Il était con et il y avait peu de choses pour se divertir. Un idiot qui grognait sur un agneau, on avait vu mieux….
Mais oui, la réaction de l’inconnu qui s’excusait n’avait pas manqué de le faire sourire à nouveau. Lui tenir compagnie était un choix de pause judicieux… jusqu’à ce que Pravi ne vienne récupérer le meilleur client de la soirée.
Un peu injuste… il n’avait laissé aucune chance à personne en le marquant avant même son entrée dans l’arène….

Ce clin d’oeil, c’était presque déjà du vol.
Mais voir se colorer les joues de l’homme était un prix sympathique pour son audace.
Il était mignon, oui. Quand il rougissait, il devenait même craquant.
Pourquoi est-ce qu’il était venu se perdre ici ?
Question qu’il lui avait traversé l’esprit alors que ses lèvres goûtaient à un peu plus de liquide alcoolisé.
Il y avait toujours des tas de raisons pour se perdre dans un bordel… et sa curiosité avait commencé à le chatouiller pour deviner celle de l’homme qui venait de lui offrir un verre, pour la somme bien modeste d’un renseignement.
« Eden. » il n’avait jamais rien d'autre à donner. Ici, c’était pratique, personne ne donnait jamais plus. « Et le tiens ? » certains donnaient seulement leurs vrais prénoms, d’autres en inventaient un… Pravi, qui venait d’être la cible d’une curiosité qu’il aurait dû taire… il n’en savait rien dans le fond.

Ce n’était pas le genre de conversations qu’on avait à la pause.
On en avait très peu en réalité. Mais il y avait des règles silencieuses pour les bannies. Certains n’avaient pas les mêmes.
Certains refusaient qu’on leur demande,
“ Tu feras quoi toi après quand t’auras remboursé ta dette ? ”
Et d’autres mouraient d’envie d’y répondre, pour rêver encore un peu… ou simplement parce qu’ils n’avaient pas envie de comprendre ce que tout le monde comprenait pourtant trop vite.
Certains, comme lui, fuyaient les questions sur le passé…
“ T’étais où avant d’atterrir ici ? ”
… et d’autres ne parlaient plus que de lui… comme d’une obsession qu’ils regrettaient d’avoir quitté.
Mais la plupart… la plupart n’avait plus qu’un prénom et le vide dans leur conversation… parce qu’il n’y avait plus grand chose à dire une fois qu’on terminait ici…

Pravi … de ce qu’il en savait, ça avait l’air d’être un mec sympa… un peu timide parfois… et très maladroit. Mais de son histoire, il n’en savait pas grand chose…
Ce qu’il faisait de son temps libre, il n’en n’avait aucune idée…
et ça ne le regardait pas, oui….
Difficile pour quelqu’un comme lui de se faire à cette idée… et pourtant, il avait fait machine arrière.
Il n’avait pas envie que cette langue trop curieuse soit responsable de ce que ses mains devraient probablement soigner.
Le sujet évité, éloigné même, il avait fallu changer… et… se rendre compte qu’il le prenait pour le barman…
Sans rire ? Il faisait à ce point pas pute ? Il avait des tenues plus scandaleuses, d’accord, mais tout de même…
Un instant confus, la réflexion était passée sur ses traits, retraçant quelques détails de la conversation sans vraiment comprendre «   Je sers rarement derrière le bar. » dans un coin, à une table, dans une chambre… oui. Mais derrière le bar, ça ne lui était jamais arrivé… devant, oui, quand le vrai barman laissait la bouteille.
La réflexion toujours en tête, son regard avait capté le retour d’un collègue. Le tant attendu Pravi en compagnie d’un habitué.
Tant pis pour les questions et la petite enquête… « Ah… je vais lui dire que tu es là. » pas plus d’explications… pour lui, la tête de Pravi lui était bien connue… alors il avait simplement terminé son verre d’une traite avant de quitter son tabouret pour se diriger vers le grand gagnant de la loterie du soir.

Quelques mots à son oreille, il n’en n’avait pas fallu plus pour que l’inconnu soit regardé par deux “barman” l’instant suivant. Il lui avait bien semblé que Pravi n’avait pas eu l’air de tout comprendre, mais il l’avait laissé là pour se diriger à nouveau vers le bar et récupérer son paquet de clopes abandonné sur le comptoir. Simple prétexte pour dire au revoir, il s’était peut-être penché trop près d’un client, qui n’était pas le sien, afin de glisser à son oreille un murmure peut-être trop chaleureux pour un simple au revoir « Je suis ravi d’avoir fait ta connaissance. » compliment sincère, et à nouveau pensé, quand son regard avait trouvé la gueule de l’habitué signalé plus tôt par le barman…
Génial… il lui fallait une clope avant celui-là…
Et quand il était repassé par la salle sur le chemin de “l’arrière-boutique”, et que son regard, poussé par la curiosité, avait cherché en direction de la place qu’il occupait plus tôt , il n’y avait plus de traces de Pravi et de son séduisant client.

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❝Eden…❞ répéta-t-il dans un souffle. Et il en aima tout de suite le son. Eden… Il ne l’oublierait pas, c’était certain. ❝C’est très joli…❞ N’en faisait-il pas trop ? Il était sincère mais de toute évidence, ce trop joli garçon était un danger pour sa mission. Car tandis qu’il se perdait à prononcer ce prénom unique encore et encore, il en oublia presque le pauvre Pravi. Quelques secondes volées où il s’imagina qu’il n’y avait ni frontière, ni danger, ni caste… Quelques secondes où il s’autorisait à penser qu’en apprendre davantage sur cet Eden, lui parler un peu plus, étirer le temps en sa compagnie… ça lui plairait plus que bien. ❝Soàan. Je m’appelle Soàan.❞ Puisqu’Eden n’avait donné qu’un prénom, il ne donna pas son nom de famille. Ce qui lui sembla plus raisonnable ici. Il restait encore quelques miettes de sa naïve prudence…
Assez pour protéger aussi celui qu’il venait livrer sans donner plus de détails.

En revanche, pour ce qui était de la clairvoyance, il était probable que Soàan en soit dépourvu depuis la naissance. Persuadé d’être dans un simple bar de Zaun, il n’imaginait pas une seconde le véritable rôle de celui qui lui faisait la conversation. Candeur ou stupidité, difficile de trancher. Mais la confusion fut partagée par les deux parties alors qu’Eden révélait que le bar n’était pas non plus son domaine. L’interrogation passa dans le regard du Celestien et il jeta un oeil autour de lui comme pour trouver la réponse à ce mystère. ❝ Non…? Alors… tu accueilles les clients…?❞ Il n’avait pas vu d’accueil à l’entrée mais il y avait, lui semblait-il, une sorte de guichet plus loin dont il ignorait la fonction. Il songea enfin à ces bars d’hôte.sses que l’on trouvait aussi dans la Haute-Ville et se demanda s’il s’agissait également de ce genre d’établissement. Bien que Soàan ait encore faux, il se rapprochait enfin de la vérité…. néanmoins, il ne put soumettre l’idée à Eden car son client venait de faire son apparition.
Bien sûr, Soàan ne le repéra pas tout de suite car il ignorait à quoi il ressemblait. Il avait toutefois eu une description qui sembla correspondre au garçon qui avait fait réagir Eden. ❝Oh…❞ Merci… voulut-il ajouter, mais sa voix se perdit tandis que son comparse s’éloignait déjà. Et il trouva le vide de cette chaise à côté de lui détestable. Un sentiment de profonde déception lui couvrit le coeur, regrettant que le beau Zaunard s’envole si vite. Ils avaient si peu discuté… Déjà… Oui déjà. Mais, il n’était pas là pour rencontrer de beaux garçons. Soàan se le répéta tandis qu’il observait de loin la conversation entre les deux jeunes hommes.
Il nota l’expression de surprise sur le visage du supposé Pravi. De loin, Soàan lui adressa un sourire ridicule comme s’ils se connaissaient alors que non. Il rassembla les affaires qu’il n’avait pas étalé puis, avant de se lever, remarqua qu’Eden revenait vers lui. Une bouffée ridicule d’espoir l’envahit, retombant aussitôt à la vue d’un paquet de cigarette vers lequel une main se tendait puis…. une nouvelle explosion d’un sentiment exacerbé tandis que, penché si près de lui que Soàan pouvait sentir son parfum, il souffla ces quelques mots.
Je suis ravi d’avoir fait ta connaissance.
Son coeur partit en fanfare et ses joues s’empourprèrent excessivement. Ce n’était que quelques mots anodins et polis mais le ton chaleureux lui laissait penser à d’autres termes, d’autres songes. ❝ Moi aussi…❞ mais sa voix sembla perdue et désespérément suppliante. Il avait déjà envie de le revoir, envie de le retenir, envie de lui demander s’il serait là quand il aurait fini sa livraison…
… Mais Soàan se trouva aussitôt affreusement stupide et se retint, laissant s’éloigner celui qui ne devrait être qu’une heureuse rencontre hasardeuse et rien de plus. ❝Merci encore, Eden…❞ Cette fois, on l’entendit un peu mieux mais il s’interdit d’ajouter quoique ce soit et rejoignit enfin Pravi qui l’attendait, l’air troublé par la soudaine requête d’un inconnu.

❝Bonsoir…❞ le salua Pravi, d’une voix douce mais dans laquelle perçait une certaine nervosité tandis qu’il étudiait son nouveau client.
La confusion avait laissé place à l'empressement dû côté de Soàan, bien que le murmure d'Eden avait aussi laissé des traces sur ses joues. Soàan fit de son mieux pour se reprendre en lança plus joyeusement : ❝Bonsoir ! Je suis ravi de vous voir, je commençais à croire qu'il n'y avait pas de Pravi ici !❞ Il rit, un peu gêné. ❝Je suis Soaàn Aiwenor.❞ Un ton plus bas, il ajouta : ❝…... Peut-on… poursuivre cette discussion dans un endroit plus calme ? … Si ça ne vous dérange pas…❞ Et tandis que Pravi acquiescait, l’entrainant vers cette fameuse “arrière boutique”, Soàan le suivit non sans laisser un dernier regard vers le bar dans l’espoir d’apercevoir celui qui avait marqué ces joues d’une bien fourbe chaleur…

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Quand Soàan repassa la porte de la chambre où il s’était entretenu un temps indéterminé avec Pravi, le Monde n’était plus celui qu’il pensait être. Pravi avait bien récupéré l’amulette que son amoureux secret lui avait fait fabriquer et en échange, le jeune garçon avec qui Soàan avait immédiatement sympathisé, avait dévoilé l’évidente vérité : Soàan Aiwenor était dans un bordel. Pravi se prostituait et si Eden ne servait pas derrière le bar, c’était parce qu’il vendait lui aussi son corps.
Un étrange sentiment teintait son âme tandis qu’il s’engageait hors de la pièce. Il était un peu triste de quitter son nouvel ami, inquiet de le laisser dans un tel endroit, mais surtout… il ne pouvait s’empêcher de penser à Eden. A son charme et sa façon de lui parler, à toutes ces phrases que l’idiot de Celestien n’avait pas compris avant…
Avec amertume, il se demanda malgré lui s’il l’avait vraiment dragué ou s’il avait simplement cherché à prendre un client de plus. Soàan se trouva terriblement bête… Il n'avait pas dû vraiment lui plaire…
Il ne parvenait toutefois pas à lui en vouloir car il l’avait vraiment aidé et Pravi n’en avait dit aucun mal. C’était donc très confus que le Celestien avait descendu les marches vers une ambiance moins troublantes que celles qui habitaient les chambres…
Il entendait encore les gémissements et les phrases obscènes qui perçaient à travers les murs.
Ses joues demeuraient chaudes alors qu’il émergeait dans la salle. Malgré lui, il le chercha des yeux… Mais que faire s’il le voyait ?
Chassant ses craintes, Soàan s’en alla vers le guichet pour échanger des crescents avec les jetons qu’il avait promis à Pravi. Il échangea une coquette somme puis retourna vers l’arrière salle où Pravi l’attendait et lui donna l’entièreté de sa caisse de jetons dorés. ❝Voilà ! J’espère que ça suffira… Prends-soin de toi Pravi. Je reviendrais vite, promis.❞ Cette phrase prenait probablement un tout autre sens pour tous les autres qui l’entendaient. Mais tandis qu’il saluait une dernière fois son nouvel ami, une silhouette familière se détacha derrière Pravi, et le cœur de Soàan rata un battement…
Eden..