01 Dans le Zaun, les Simes sont aussi répandus que les rats. Malgré une absence d’argent, la famille compense avec un grand nombre de mains pour aider à nourrir autant de bouches. Atlas est le troisième né du huitième fils de Simes Sénior, ayant vu neuf autre frères ou sœurs voir le jour après lui. Si la famille est gigantesque, c’est encore plus vrai lorsqu’ils décident de se réunir à chaque début d’année. Cousins, cousines, oncles éloignés, tantes par alliance, il est difficile de s’y retrouver, même pour eux. Si Simes Sénior a déjà tenté de faire un recensement de tout ce petit monde, il y en a trop que naissent ou qui disparaissent pour compléter l’arbre généalogique convenablement. Et puis tant pis, un rat de plus ou de moins, qui s’en soucierait vraiment?

02 Atlas n’a jamais eu besoin de compter jusqu’à cent, puisque l’argent en poche ne dépassait aucunement cette somme, de toute manière. C’est pour cela qu’il a appris assez jeune à faire avec le peu qu’il pouvait trouver dans les rues. Un bout de papier, un morceau de plastique, une vis, un torchon, n’importe quoi pouvait alimenter son imaginaire et trouver le reste de sa pile de déchets dans le coin qui lui servait de chambre. Le soir, avant d’aller au lit, pendant que ses trois plus jeunes frères étaient blottie contre lui pour dormir, Atlas réparait, restaurait ou créait avec ses trouvailles. Rien de bien exceptionnel, mais assez pour faire sourire sa maman qui l’encourageait en affichant ses projets fièrement au reste de la famille.

03 Un rien fait son bonheur, en particulier la possibilité de partager. Ses vêtements provenaient de ses frères avant lui et étaient transmis au plus jeunes par la suite, donc ce n’est pas comme si cela n’était pas commun chez les Simes. Mais plus encore, Atlas n’est absolument pas matérialiste, ni possessif. Ce qui est à lui, n’est pas vraiment à lui. Même un morceau de pain qu’on lui accorde, voilà qu’il le divise et en donne davantage à un autre enfant de la fratrie. Souriant, rien ne vient abattre sa petite joie naturelle, pas même de gros nuages gris dans le ciel.

04 Le chiffre 30, il arrive rapidement à son esprit. Trente bougies imaginaires sur son gâteau d’anniversaire innexistant. Contrairement à ses frères plus âgés ou à d’autres enfants de la famille plus jeune que lui, Atlas n’est pas marié. Pas encore. Simes Sénior s’amuse à l’appeler le "vieux garçon" de ses petits-enfants. Il y a déjà de nombreux arrière-petits-enfants dans le paysage. Aborder les femmes l’intimide. Il ne s’intéresse pas vraiment à cela non plus. Sa passion demeure sa boutique et les objets qu’il y vend après les avoir améliorés. Donc forcément, chaque opportunité de faire connaissance avec une femme a été balayée inconsciemment. Mais maintenant que la nouvelle décennie de son existence est entamée, Atlas se demande s’il n’a pas commis une erreur quelque part. Non que ça le démoralise ou l’inquiète, ce n’est qu’une pensée aléatoire, surtout lorsqu’il observe ses neveux et nièces courir joyeusement autour de lui.

05 Ses sa chevelure de feu qui attire d’abord son attention. Debout derrière son stand alors que la journée de vente touche à sa fin, la surprise est totale tandis que la jeune femme rousse se glisse subitement sous sa table pour se dissimuler. Atlas joue le jeu, continuant de saluer les passants en espérant les attirer vers ses produits. Au bout de plusieurs minutes de la sorte, la chevelure enflammée réapparaît à côté de lui. Ses souliers? Certes, il n’en porte qu’un. Mais il y a une excellente explication, qu’il donne joyeusement et innocemment à la jeune dame. Un client avec une semelle trop usée. Lui qui propose tout bonnement de lui vendre sa propre chaussure au pied à rabais. Pas fou, le client qui saute sur l’occasion. Et Atlas qui est tout souriant. Bête? Non, ça ne lui semble pas être idiot d’avoir offert quelque chose dont on a besoin à quelqu’un d’autre qui en a encore plus besoin. Le regard de l’étrangère est indescriptible, mémorable. Puis, elle revient quelques jours plus tard. Petra est son prénom. Lui qui n’a jamais eu de clients réguliers avant, il peut désormais dire qu’elle en est une. Aucunement besoin qu’elle achète pour apprécier ses visites. Atlas est fière de savoir que Petra s’intéresse à sa passion au point de passer à son stand régulièrement. Ainsi, dès qu’il prépare sa table, une pensée lui vient aussitôt désormais : Est-ce qu’elle va passer aujourd’hui?