ambiance vide remplie d'un soupir à s'en damner l'âme déjà morte. une journée de plus en moins; constat déprimant qui te fait regretter de te lever, le matin, puisqu'irrémédiablement, il faudra se coucher encore. la pièce est quittée, laissée à l'obscurité sans trop savoir où aller, comme chaque soir. incapable d'aller dormir sur l'horreur des dernières images que ton don t'a offert de toute son impartialité. avocat du diable sans jamais avoir signé, commis d'office d'un jugement perpétuel. tes yeux dérivent vers la scène que tu sais occupée par la chanteuse, mais l'idée est vite abandonnée; elle va te renvoyer. quelle importance pourtant, de trop l'écouter, si ça peut calmer l'esprit. alors, d'un pas lassé, ta carcasse se perd jusqu'au bar; jusqu'à ce qu'un verre n'entrave ton champs de vision, relié à un bras, que tes yeux remontent, les traits maquillés de l'incompréhension qui te prend, à cet instant. tu ne te souviens pas avoir commandé quelque chose. mais la silhouette impertinente s'exprime, murmure un nom que tu n'as pas demandé. peut-être alors, que pour la première fois, tu ne sais pas quoi dire, la situation jamais abordée. on n'offre pas un verre à un visage aussi funeste que le tien. personne ne porte d'intérêt à quelqu'un qui n'a pas envie d'être là. les iris se perdent sur le barman, essayant de comprendre pourquoi, avant de retrouver le visage de celui qui te fait face. et si tes doigts acceptent finalement le verre, ils s'avancent dans un ralenti mesuré, les yeux cherchant sur ses traits, la réponse à cette énigme. mais rien ne filtre du sourire qu'il te tend, auquel tu ne réponds pas. aucun son non plus, à cette demande; virevoltant un demi-tour que tes cheveux rendent théâtral. et l'invité (?) sur les talons, tu retrouves cette salle fuie la minute d'avant. tu lui laisses le soin de fermer, occupé à déposer sur le bois de ta table, ce qu'il t'a offert. et le nez planté sur le pied du verre que tu caresses du bout des doigts, tu l'écoutes louer tes talents, ceux-là même que tu haïs profondément. s'il pense pouvoir marquer des points de cette façon là, il n'y arrivera pas. du coins des yeux, l'iris fixe la boite désignée, la voix finalement qui se fait entendre lorsque tu conclues d'un ton feutré, -- parce que ce n'est pas un tarot que d'autres peuvent utiliser. parce que c'est le tien. tu n'aimes pas, cain, cette situation; lui qui loue un saint que tu n'es pas, ce sourire qu'il tend trop facilement. et cette gentillesse désarmante. c'est ça, qui te déstabilise; il est sympathique. et c'est agréable. -- si tu l'étais, tu ne serais pas là, mais les mots ne savent comment exprimer ce sentiment étrange d'être le centre d'attention éphémère de l'inconnu, préfère se cacher derrière l'insolence familière. tu te laisses tomber sur ta chaise, nonchalant, -- j'ai terminé ma journée, pas vraiment enchanté de te replonger dans tes prédictions macabres, -- mais tu as déjà payé, et tu n'aimes pas être redevable, même s'il ne s'agit que d'un verre. tes doigts attrapent le paquet, laissent le brun s'installer. et d'un geste habile, habitué, le tas est posé; une carte, retournée d'abord, avant qu'une deuxième ne la rejoigne. prédiction dessinée sous les dessins enfantins que tes yeux fixent, pourtant déjà ailleurs. fumée vaporeuse qui prend la vue; qui dévoile une femme énervée, dont le visage t'es inconnu. tu pourrais ajouter des cartes, étoffer cette vision trop floue; mais tu n'as pas envie. alors, les yeux se ferment, retrouvent la réalité, les paumes glissées jusqu'à l'arrête de la table sur laquelle tu viens prendre appui pour te lever. et juste comme ça, penché au dessus du meuble, la distance comblée un instant, ton index vient de poser sur la base de son cou exposé, trouver sa clavicule. -- si j'étais toi, je ne l'énerverais pas. cette femme. celle que tu ne saurais nommer, mais qu'il pourra identifier tout seul, si l'envie lui prend. ton majeur s'ajoute, posé sur l'épiderme que tes mots viennent désigner, -- ça saigne beaucoup ici, avant de le quitter pour attraper à côté, ton paquet de cigarettes, et de te rassoir. -- c'était amusant, tu te concentres sur la flamme que l'allumette fait naitre, -- voir la vie s'éteindre est toujours un plaisir, ironie crachée que tu ne caches pas. -- un beau visage et de bonnes manières ne sauvent personne, tu relèves tes yeux sur jess, les phalanges agrippées à la consumable, comme si fumer pouvait réellement te sauver. et alors, le ton change, devient sérieux, -- qu'est-ce que tu veux. main dans les cheveux, pupilles fixées, déterminées à comprendre quel jeu jessie veut jouer. -- personne n'offre un verre pour une prédiction, tu pointes la boisson que tu n'as toujours pas touchée, aussi méfiant qu'un lapin pris dans des phares allumés, -- surtout lorsque le verre coûte plus que la-dite prédiction. et le geste s'envole, indolent, -- mais si tu veux continuer à me prendre pour un imbécile, vas-y. après tout, ça n'est pas désagréable.

réponses décalées; accordées à ce sourire perturbant qu’il te donne. personne ne sourit ici (toi, encore moins). la mort n’a jamais fait la joie de personne. perplexe, les yeux restent accrochés à ses expressions, et les doigts pendus à la cigarette qui se consume toute seule, tu l’écoutes justifier sa présence et cette prédiction qu’il t’a imposé. rien ne va; ni la gaieté avec laquelle il accepte de côtoyer quelqu’un qui semble assez dangereux pour qu’il l’identifie aussi vite - ni qu'il soit assez perturbé pour ne pas juger bon de s’en éloigner; mais qui es-tu pour juger, toi qui flirte avec la mort des autres tous les jours. tu tiques cependant, au mot ami employé comme si vous vous connaissiez (ou comme si quelques compliments et un verre pouvait t’acheter), avant de finalement attraper la boisson, l’écoute attentive. -- ce n’est pas réciproque, un geste de doigt rapide avant d’ajouter, qu’il comprenne de quoi tu parles, -- je n’ai jamais entendu parler de vous. pas étonnant, puisque tu ne sors que rarement. il n’y a rien dehors que tu ne trouveras pas ici. la même vie, qu’elle soit habillée des murs rouges du tarot, ou du crépis abîmé qui camoufle la laideur de ketterdam. rien qui ne parvienne à t’attirer. -- mais soit, je prends ton verre comme le cadeau d’un ami, le bord approché des lèvres dans un ralenti théatral, qu’un mais vient couper, -- j’ai effectivement une question, jessie, sobriquet appuyé. puisque vous êtes amis, il n’aura rien contre un petit surnom. tu bois, appréciant le goût certain de l’invité, avant de reposer le contenant sur le bois, -- qu’est-ce que ça changerait de travailler pour vous ? et tu t’approches, rendant l’espace vous séparant plus intime. comme un secret murmuré, menton appuyé sur tes doigts croisés, -- ici ou ailleurs, j’aurais toujours envie de crever à chacune de mes prédictions, sourire détaché, amical. ou commercial. puisqu’effectivement, tu ne vois pas la différence entre les deux, en le regardant. -- ce talent que tu veux payer, on me le paye déjà, et tant que les gens auront peur de mourir, on continuera de te payer pour ça. jusqu’à la tienne, de mort. -- et des amis, j’en ai ici, tu récupères le cocktail, avant que ton échine ne retrouve le dossier de ta chaise. -- même s’ils ne m’offrent pas de verre, et même s’ils sont foutrement insupportables. alors pourquoi aller voir ailleurs, si c'est pour trouver la même foutue monotonie.

et l'attitude que tu trouvais charmante (qui l'est toujours) commence pourtant à te faire tiquer, contrarier la ligne entre tes sourcils d'un pli marqué. tu n'arrives pas à comprendre ce qu'il fait là, pourquoi ton don attire autant la convoitise quand il te semble si détestable. mais tu écoutes, attentif, l'heureux parler avec passion de cette communauté mystérieuse. qui prend le dessus sur cette pseudo amitié demandée plus tôt. c'est son discours, qui te rend curieux; pas ce cirque dont il se fait porte parole. -- pour qui est-ce que tu plaides ? question murmurée par dessus le rebord de ce verre que tu portes jusqu'à tes lèvres. déguster le présent qu'il t'a concocté. et étonné par le goût plutôt agréable, le visage marque ta surprise, l'appréciation formulée par un mouvement de menton convaincu. il a bon gout, c'est indéniable. raclement de gorge léger pour reprendre le fil de tes idées, -- qu'est-ce que vous êtes exactement ? ce cirque. si le nom t'avait suffit à définir la structure jusque ici, tu commences à douter d'avoir vraiment idée de ce que c'est. -- vous perdez votre individualité pour endosser une identité commune ou quelque chose comme ça ? ce nous qui devient le pronom principal de ses explications, quand il s'est présenté comme une personne. mais ce je s'efface, à mesure que la discussion avance. remplacé par cette famille, dont il semble brandir l'étendard. étrange. naïf aussi. pense-t-il sincèrement que tu retrouveras le sourire en changeant de décor ? que tu feintes cette lassitude pour te donner un genre ?  il devient vexant. -- ce n'est pas un lieu qui changera l'image que j'ai de ce ... don. il a le mérite de te faire passer par toutes les émotions, au moins. qu'il se considère heureux que tu acceptes encore de lui parler, quand tu aurais déjà montré la porte à n'importe qui d'autre. comme quoi, son discours mielleux pourrait avoir marché plus que tu ne l'acceptes. -- j'ai l'impression que tu essayes de m'acheter. tu reposes ce verre qui te semble soudainement moins bon. parce qu'il n'est pas sincère, ça vient gâcher ta boisson. -- je n'ai pourtant jamais laissé sous-entendre que ma loyauté était fausse. et si tu n'as jamais montré un quelconque intérêt pour ton métier ou pour cet établissement, ça ne change rien à ta fidélité.