Hello, it's so good to see you
We met before, but nice to meet you
I'm pretty sure you have my number
So let's pretend we like each other

Iel aurait pu envoyer un émissaire, pour le faire à sa place. Ça n’aurait pas été la première fois, ni la dernière. Cela aurait été plus prudent, sans doute ; mais on a rien si l’on ne prend aucun risque, Amore en savait quelque chose. Il avait réussi à monter jusqu’ici et si à chaque échelon grimpé les marches de cristal se faisaient plus glissantes et les pièges plus nombreux, si les risques augmentaient, lui n’avait pas peur. Car il avait toujours su s’en tirer, quitte à repousser ses propres limites, et jouait avec aisance ce jeu trop dangereux qui lui coûterait sans doute mais qui ne l’avait pas fait encore. Alors le daemonis s’amusait au plus haut point, se riait du danger et se délectait même de cette sensation lancinante qui lui dévorait le ventre et lui soufflait d’aller toujours plus loin. Car ne jamais être assouvi était pour lui un formidable moteur, et si cela pouvait lui apporter de la magie - fusse-t-elle corrompue aux yeux du monde - alors il l’acceptait volontiers. Iel voulait en user, abuser de ses pouvoirs et des autres, de ses pouvoirs sur les autres.

C’est pour cela qu’il s’était déplacé en personne, qu’il foulait de ses talons le sol du cabaret ; il voulait quelque chose, et lorsque Melchiorre voulait quelque chose, il l’obtenait lui-même. Tant pis pour tout le reste. Les négociations duraient depuis trop longtemps, c’était presque devenu une affaire personnelle - il charmerait celui qu’il avait besoin de charmer pour enfin obtenir ce qu’il désirait, et peut-être même qu’après ça il pourrait aller prendre du bon temps. Il était un client fidèle de cet établissement après tout, et pas seulement. Époux de la vedette principale du Tarot, ce statut seul ne suffisait visiblement pas à s’assurer de son pouvoir ici. Et il en avait assez d’attendre.

Il s’était arrangé un rendez-vous seul à seul avec le patron, l’un des patrons à vrai dire, mais celui qui lui avait paru le plus facile à manipuler approchable. Il savait que sa propre femme avait ses parts là-bas, mais elle restait nébuleuse quand à la place qu’elle occupait réellement, et ne savait de toute façon pas qui se cachait derrière le masque de Melchiorre. Il aurait été inopportun qu’elle apprenne ça et demande un divorce immédiatement, quand d’autres biais étaient encore possibles.

Coup du destin ou pari trop risqué qu’Amore avait fait - inopportun mais apparemment pas improbable et bien plus rapide que prévu, car c’était elle qui se tenait dans le bureau et non celui avec qui il avait rendez-vous.

Même s’il portait son masque, impossible qu’elle ne l’ait pas reconnu ; si ce n’était pas un mariage d’amour, c’était tout de même celle avec qui il partageait sa vie à présent. Pour le meilleur et… pour le pire, si tous ses secrets étaient dévoilés.

Feignant l’ignorance l’innocence, il fit mine d’être ravi de voir sa chère épouse alors qu’il dévoilait son visage.

-Oh, darling, I was looking for you.

S’il jouait bien son coup, peut-être ne comprendrait-elle pas qui il était, qui il cherchait vraiment. Peut-être qu’elle ne saurait pas aujourd’hui, pas tout de suite.  

-I quite like your charming little office, but I must admit I was surprised when someone told me you were there. The scene suits you better…

And you’re not supposed to be the one I’m meeting here.

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Il y a peu de choses en ce monde auxquelles Mazikeen porte de l'attention. Peu de choses auxquelles elle s'attache plus que de raison. Peu de choses qui sauraient la faire sortir de ses gonds si on osait y toucher. En vérité, il n'y a probablement qu'une seule chose capable de la mettre dans tous ses états. Le Tarot. Bien qu'elle ne l'avouera jamais, même sous la torture, elle tient à ce cabaret bien plus qu'à tout l'or du monde. Et pour le défendre, elle est prête à tout, même à montrer les crocs.

D'ailleurs, il y a fort à parier que ce soit-là exactement ce qu'elle s'apprête à faire tandis que ses pattes se posent avec assurance sur le chemin qui la mène au bureau du Bateleur. Cet imbécile. Cet inconscient. Tel un gamin naïf qui serait prêt à suivre un inconnu dans la rue s'il lui promettait monts et merveilles. Sérieusement, qui a eu l'idée de lui laisser du pouvoir déjà? C'était un commun accord, ok. Mais quand même. Comment elle peut laisser un point faible pareil se balader librement? Peut-être que c'était lui son point faible. Et puis merde. Elle lui a déjà fait comprendre qu'elle s'occuperait de son cas plus tard, avec l'aide de la Papesse.

Présentement, elle doit se concentrer sur la menace. Melchiorre. Une épine qui s'entête à se planter dans son pied encore et encore. Ça fait trop longtemps que cette comédie dure, elle y mettra un terme ce soir. Qui conque pense avoir son mot à dire sur les affaires du cabaret, aura affaire à elle. Et avoir affaire à elle, c'est affronter la créature dans toute sa splendeur et sa dangerosité. Elle n'a plus rien d'humain. Cauchemar ambulant qui fait se reculer qui conque sur son passage.

S'est arrangée avec une collègue pour échanger l'ordre de leur numéro. Elle aura ce satané Melchiorre, quitte à faire attendre son public.

Appuyée contre le bureau qui trône au milieu de la pièce étriquée, ailes recroquevillées, n'a pas la place de se déployer, en aurait presque des crampes de frustrations, la furie attend sa proie.

Et quand la porte s'ouvre, quelle n'est pas sa surprise de reconnaître l'individu qui se cache sous son masque. Comment ne pas savoir qui se trouve en face d'elle, quand elle a littéralement épousé cet énergumène. Sourire narquois qui fait à peine surface. Son intuition était donc juste. Son cher époux lui cache bel et bien des choses. Dommage pour lui. Sa peau seule qui retrouve apparence humaine, comme pour faire croire que la garde se baisse devant l'air ravi d'Amore. Elle le jauge tandis qu'il lui sert ses salades en entrée. Sauf qu'il ignore que le plat de résistance, c'est lui.

Ses lèvres s'étirent en un fin sourire, rien de rassurant cependant, bien au contraire. « Oh really? I said Six of Cups I was there, was it her who told you? Damn, I asked her to not say anything... » Air faussement contrarié. Tragédienne en pleine action. Elle sait pertinemment qu'il ne la cherchait pas, qui il s'attendait à voir à sa place. Elle pourrait le confronter sur le champ. Mais ce serait beaucoup moins drôle n'est-ce pas?

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Mazikeen resplendissait dans son aspect le plus monstrueux, impur joyaux d’obscurité qui tira à Amore un frisson le long de sa nuque - mais ce n’était pas de la peur, plutôt une joie féroce de voir ce que la magie Fléau pouvait offrir de meilleur. S’il chérissait celle qui coulait dans ses veines et teintait son sang, bien qu’elle ne soit qu’une forme diluée, alors il ne pouvait que l’admirer quand elle était au sommet de sa puissance ; et s’il en avait autrefois arraché des miettes à quelqu’un d’autre, Maze savait lui offrir en spectacle de quoi se repaître dans son adoration.

Néanmoins, elle n’avait pas pris cette apparence pour lui faire plaisir, abandonnant même l’un de ses attributs en le reconnaissant. Cachant ce qui pourrait s’apparenter à de la déception, savourant tout de même la beauté profane de ceux qu’elle gardait, iel sut toutefois que si elle avait fait ça c’était bien pour effrayer celui qu’elle attendait. Elle était une araignée et il s’était aventuré en plein centre de sa toile, tentant de la faire sienne ; elle n’allait certainement pas le laisser faire, mais lui non plus ne se laisserait pas dévorer comme un vulgaire insecte.

Le baron n’était pas dupe par ce changement de couleur de peau - cela semblait peut-être la rendre plus humaine, mais il connaissait la bête qui se tapissait dessous, et il savait qu’elle pouvait très bien la faire ressortir à tout instant. D’ailleurs, le sourire de prédateur qu’elle lui adressa confirma ses soupçons ; elle était venue pour le piéger, et il allait devoir jouer finement. Mais qu’à cela ne tienne : il aimait jouer, et s’il était arrivé jusqu’ici c’était bien en pariant gros.

Sa femme serait assurément un adversaire à sa mesure, mais peut-être aussi que dans la gigantesque partie d’échec dans laquelle il avait réussi à se hisser roi, Melchiorre aurait besoin d’une reine. À condition qu’il ne réussisse à la convaincre.

Elle avait tendu le premier piège, attendant qu’il tombe dedans en le transperçant du regard. Avec un autre sourire gracieux, il s’assit devant elle avec assurance.

-You know, my dear, I don’t remember everyone’s nickname as much as you do. And... I only have eyes for you here.

Hypocrisie dégoulinante dans chacun de ses mots, de ses battements de cil, de ses airs faussement innocents alors que c’était un de ses collègues qu’il cherchait - et qu’elle était de toute façon tout à fait au courant qu’elle n’était pas la seule à accrocher le regard de son mari, bien que celui-ci ne brille d’une lueur particulière à son encontre lorsqu’elle exposait ses particularités démoniaques aux yeux du monde. Sauf que s’il aurait été bien plus facile de convaincre ce naïf -bien qu’utile- bateleur, Amore savourerait bien plus une partie contre l’impératrice elle-même, dusse-t-il s’offrir à ses griffes superbement mortelles à la fin. Le jeu pouvait commencer.

-I had good news today, I was so transported I had to come and share my joy with you. We’re about to get richer, dear.

Enfin, seulement si tu me laisses faire.

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Si elle s’est sentie prête à sauter à la gorge de l’impudent qui a osé menacer la quiétude du cabaret, l’instant où elle reconnut Amore la retint dans son élan. Pas parce qu’elle ne souhaite pas sa mort – imaginer la meilleure façon de l’éliminer fait partie de ses jeux préférés – disons plutôt que sa curiosité l’emporta sur la soif de sang. Parce qu’il y a bien une chose que cet énergumène sait faire, c’est titiller l’intérêt de la Shymer, au grand damne de celle-ci. Parce que s’il y a bien une personne capable de lui tenir tête dans une partie d’échec, c’est lui. Et ça l’horripile autant que ça l’amuse. Qu’elle se reconnaisse dans ses ambitions. Qu’il ne la craigne pas comme les autres. Ça l’exaspère. Au. Plus. Haut. Point. Il est celui qui détient le nombre record de soupirs de sa part – et pas dans le bon sens du terme.

Elle le sent, son regard admirant sa forme naturelle. Le voit déçu quand sa peau reprend une apparence humaine. Ça la ferait presque rire. En soit, l’accueillir sous cette apparence lui fait plus plaisir que peur. Elle devrait redevenir totalement humaine, rien que pour lui retirer toute satisfaction. Mais elle perdrait de sa hauteur. No fucking way. L’observe user de ses charmes, comme si ça allait marcher sur elle. Elle ne nie pas qu’il sait y faire. Mais quand on est passée maîtresse dans ce genre de jeux, on connait toutes les stratégies sur le bout des doigts…

Tend un premier piège qu’il évite avec élégance et hypocrisie. De toute façon elle aurait été déçue si ça avait marché. Elle le sait plus intelligent que ça – heureusement pour lui et pour leur confrontation. Elle sourit faussement, s’accordant au faux-compliment qu’il vient de lui faire. « You may have eyes only for me, your hands sure love to roam around, don’t they? » Pique lancée. Elle n’est pas idiote ni aveugle. Sait pertinemment que son époux ne se prive de rien – ni de personne – et en soit, ça lui est complètement égal. Si seulement il savait se faire discret. Mais ce mot n’a jamais rimé avec Amore.

Si quelqu’un entrait dans la pièce, probablement qu’il penserait tomber en pleine dispute conjugale. L’air s’alourdit autour de Mazikeen. Ses muscles se tendent, pattes félines parées à l’attaque, seul le bout de sa queue s’agite de gauche à droite, doucement, telle un balancier, ou plutôt un coucou comptant les secondes avant l’heure fatidique. Si elle va réellement s’en prendre à Amore? Qui sait. S’il se révèle une réelle menace, elle n’hésitera pas une seule seconde, quitte à ruiner la tapisserie – bien que leur couturière en cheffe piquerait une crise si elle osait faire la moindre tâche sur son tout nouveau corset.

Il prend trop ses aises. Elle n’aime pas ça. Il doit se penser intouchable. Ne le quitte pas du regard, les yeux plantés dans les siens. C’est un duel qui s’opère, et il est rare que ce soit à armes égales quand Maze est impliquée. Pourtant, s’il y a quelqu’un qui pourrait s’en sortir, ce serait Amore – étrangement. Peut-être parce qu’ils se ressemblent trop. Pour elle qui a accepté ce mariage pour la simple raison de faire enrager son géniteur, se surprendra peut-être à réaliser que l’ennui ne fait plus vraiment partie de sa vie depuis.

L’Impératrice arque un sourcil à l’annonce de son époux, peu impressionnée par la pseudo-bonne nouvelle. Elle sait qui il venait voir, qui il cherchait. Elle sait les plans de ce Melchiorre qui pense pouvoir mettre la main sur ce qui ne lui appartient pas. Il a intérêt à la jouer très finement s’il tient à son visage, très très finement. « Oh really? Richer? Is that so? Well, I can’t wait to hear whatever you have in mind, dear… » Joue les étonnées, presque intéressée. Innocence simulée. Jugement prêt à tomber à la moindre erreur. And be smart darling, be smart if you want to get out of that room alive.