Le soleil n'avait pas encore pointé le bout de son nez et pourtant Eliott quittait déjà son appartement, son violoncelle dans l'étui, le voilà partit, telle une ombre pour rejoindre les rues, tout d'abord, avec comme objectif de rejoindre la plage et surtout son amie. L'air frais de la nuit qui s'enfuit caresse doucement sa peau, le faisant un peu frissonner après  tout il quittait la chaleur de ses draps pour sortir. Mais Eliott s'en fiche, préfère continuer son trajet, en savourant le calme qui l'entoure, en écoutant la résonance de ses pas sur le sol. Il s'amuse à changer le rythme, les intensités pendant quelques secondes avant de se souvenir de ce rendez-vous, qu'il attendait avec une certaine impatience, parce que c'était toujours agréable de retrouver une amie, d'enfance qui plus est. Alors les pas se pressent, il ne court pas non plus, mais il adopte une marche plus rapide, plus vive, pour être sûr d'être à temps au lieu de rencontre, pour ne pas faire attendre de trop celle qu'il connaissait depuis dix ans, si ce n'est plus. Enfin, le roulement des vagues se fait entendre, au loin, il ne serait pas donc pas en retard, et ça le rassure, Eliott. Finalement, le sable fin se fait sentir sous ses pieds, il ne tarde pas à enlever ses chaussures pour sentir la douceur sous lui. Le musicien prend quelques instants pour savourer une nouvelle fois ce moment avant de vite ouvrir de nouveau les yeux, cherchant la silhouette d'Athos, qu'il ne tarde pas à apercevoir. Son visage s'illumine alors qu'il s'approche, à pas feutrés. " Bonjour Athos." qu'il prononce dans un souffle, alors qu'il laisse ses prunelles s'accrocher aux reflets orangés qui commencent à inonder le ciel "Je crois qu'on va avoir le droit à un joli spectacle." Qu'il connaissait par cœur, à force de se lever aux aurores, mais qui était toujours aussi inspirant pour celui dont les mélodies ne s'arrêtaient jamais dans son esprit. Étui posé dans le sable, Eliott vient finalement s'asseoir, sans lâcher le soleil qui commençait doucement à monter, comme transporté dans un autre monde, le voilà qui redevient silencieux, arborant un petit sourire rêveur devant la splendeur que la nature lui offrait. Mais ce n'était pas vraiment de sa faute, si les nuances qu'il y avait, autant sur l'étendue céleste que celui des flots, qui le captivait, tout comme les quelques nuages qui venaient donner à la scène un peu de contraste par des couleurs plus foncées. Finalement, le musicien finit par sortir de sa contemplation, se demande un instant s'il a totalement occulté les paroles d'Athos, c'était bien probable, mais il savait qu'elle ne se vexerait pas, son amie n'était pas comme ça, il le savait. " Désolé... Comment vas-tu ? "

Quelle sensation aurait-il, s'il pouvait toucher les nuages ?Était-ce aussi vaporeux qu'on le disait ? Sentirait-il tout de même une certaine douceur ? Est-ce que le froid irait parcourir sa peau  ? Ou bien est-ce que les rayons naissant du soleil seraient assez puissants pour le réchauffer ? Comment était le son, si haut dans le ciel ? Est-ce qu'il était étouffé, par tous ces moutons de brume, par l'eau se trouvant juste en dessous ? Ou bien est-ce qu'il serait décuplé, parce qu'il n'y avait rien pour l'arrêter ? Comment était l'air, si haut dans les cieux ? Bien souvent, on parlait du manque d'oxygène quand on gravissait les montagnes, est-ce qu'arriver à ce point là, il serait impossible pour de simples humains comme eux de pouvoir vivre ? Là-haut.. plus haut que les gratte-ciel, à la limite de l'infini, est-ce qu'un jour il pourrait frôler du bout des doigts cette limite avec leur monde ? Aussi vite qu'il était partit, Eliott revient sur terre, le bruit des vagues lui revient de plein fouet, lui rappelant que pour le moment, il était bel et bien coincé ici, sur cette plage et surtout, qu'il n'était pas seul. Excuse murmurée à son amie, qu'elle éloigne bien vite d'un geste de la main. C'est vrai qu'avec elle, il n'avait plus besoin de ce genre de convenance, parce que c'était Athos, une de ses amies les plus proches, parce qu'elle le connaissait sur le bout des doigts et surtout, elle le comprenait presque aussi bien qu'Eddy. Elle savait, elle connaissait, les milliers de pensées qui pouvaient l'assaillir à peine posait-il son regard sur un élément du décor. Elle savait que la frontière entre le monde réel et celui de l'imaginaire était très fine pour le musicien qui n'avait de cesse d'être balloté entre l'un et l'autre. Et combien de fois le brun la remerciait silencieusement, pour être aussi douce, patiente avec lui. "Je vais bien également." Après tout, sa dernière représentation c'était merveilleusement bien passé, il avait aussi pu passer un peu de temps avec son jumeau, ça avait été revitalisant. Oui, tout semblait aller mieux pour Eliott, qui savourait, profitait de chaque instant.

Les iris de l'homme se détachent de ceux de la belle, suivent chacun des mouvements qu'elle fait, le voilà qui sourit en voyant le sachet de viennoiseries posé entre eux, peut-être en prendrait-il un peu plus tard, quand son estomac viendrait gronder de colère, mais pour l'instant, tout était aussi calme et paisible que le rivage devant eux. "Pas grand-chose, je te l'accorde" qu'il murmure, en voyant son amie poser son enceinte près de l'instrument. Que seraient-ils si cet art n'était pas dans leur esprit, leurs veines ? Eliott ne serait pas, il le savait, parce que la musique était une grande partie de lui, alors forcément.. Peut-être serait-il un simple pantin, pour sa famille, qu'il s'efforcerait de combler, qui se tuerait à la tâche, très certainement. Mais ce n'était pas le cas, fort heureusement, la musique était là, autour d'eux, en permanence. "Oh, tu me fais penser, il faut absolument que je te fasse écouter ma dernière création le jour où tu passeras à la maison, je pense que ça devrait te plaire." Il sourit, d'un coup surexcité par l'idée de pouvoir faire découvrir à Athos, sa dernière création qu'il avait imaginé pour elle, en se souvenant de chaque pas de danse qu'elle avait pu faire devant ses yeux admiratifs. En réalité, il aurait pu tenter de retranscrire au violoncelle les notes qu'il avait couchées sur le papier, cependant, Eliott savait pertinemment que ça ne rendrait pas aussi bien que sur son piano. "Enfin, c'est surement un peu nostalgique mais... ça devrait aller." Peut-être s'était-il aussi inspiré, sans le savoir, de cette quête de perfection, pour plaire à l'autre, le rendre fier, en occultant purement et simplement ses propres désirs, mais ça, il ne le saurait jamais.

Ses lèvres s'étirent dans un doux sourire, quand Athos vient poser cette question qui se veut légère. " Tout se passe bien oui." Mais il savait pertinemment qu'il n'y avait rien de simplement "léger" pas après cette période noire qui était arrivée, pas après ce vide immense qu'il avait ressenti et qui avait manqué de l'étouffer. Et si avant, il pouvait dire ces quelques mots pour rassurer son entourage, aujourd'hui, ils étaient sincères. Tout se passait bien, tout allait à son rythme, comme lui le désirait. Il n'y avait plus d'utilisation comme faire valoir, il n'y avait plus les représentations intensives, pour faire plaisir à la famille. Il n'y avait plus que lui et son art, lui et ce qui le faisait vibrer, vivre. "Je n'ai plus autant de pression, l'inspiration ne semble plus vouloir s'enfuir, c'est vraiment agréable d'enfin vivre pour moi, pour la musique, sans rien autour pour m'enchainer. Comment se passe ton travail, de ton côté ? " Après tout, avec les derniers événements, il était normal de s'inquiéter un peu. Et puis la nouvelle de savoir qu'un soir, il retrouverait son amie dans le public illumine son cœur, son regard, alors qu'un sourire plus franc apparait. "Je te les enverrais, tu n'auras qu'à me dire si un soir t'arrange, je te réserverais une place." Parce que bien souvent, les billets partaient vite ou du moins, ceux qui étaient le mieux placés.

Si la question rhétorique d'Athos commence a plonger Eliott dans une certaine réflexion, c'est la suite, qui finit de le faire sombrer dans les méandres de son esprit. Est-ce qu'il avait imaginé ce cas de figure ? Bien entendu, pendant cette période compliquée de sa vie, il avait bien eu le temps à penser à d'autres possibilités, au cas où la musique ne reviendrait pas. " J'y ai déjà songé oui, et j'en suis venu à la conclusion que je n'aurais rien fait ou du moins, que je me serais  laissé porter par les désirs de ma famille avant de finalement partir loin, parce que j'aurais fini par ne plus le supporter." Partir loin, dans ce monde ou un autre, mais il ne se serait pas éternisé à un endroit qui ne lui convenait pas. Pour sur. Sa voix s'était ainsi faite plus sérieuse pendant sa réponse, tout comme son regard qui repart à la recherche de celui de son amie. "Et toi, tu as déjà imaginé ? " De toute évidence, oui. Après tout, elle ne poserait pas cette question sinon et son air rêveur laissait penser au musicien que la jeune femme a besoin d'en parler, de se délester d'un poids, peut-être, d'une profession qu'elle ne voulait pas forcément avoir de base.

Et comme pour les faire rebondir sur quelque chose de positif, une pensée fait irruption dans l'esprit du brun, qui ne tarde pas à en faire part à la politicienne. Et l'illumination qu'il lit dans les iris de son amie n'a pas de prix, qu'est-ce qu'il aimait la voir ainsi. Et devant sa question, le musicien se met à réfléchir, est-ce qu'il ne pouvait vraiment pas lui jouer cette mélodie ici, avec comme accompagnement le roulement des vagues ? Eliott vient fouiller dans son sac, quand il entend qu'elle ne pourra probablement pas passer avant un moment, c'est vrai, il y avait cette rupture, celle avec son frère, qui empêchait parfois des retrouvailles entre les murs de leur appartement, pourquoi est-ce qu'il n'y avait pas pensé plus tôt ? Il ne voulait qu'aucun d'eux ne souffre alors il allait bien évidemment tout mettre en œuvre pour que l'écoute se fasse ici. Après tout, le brun faisait partie de la famille Whitlor, qui lui assurait un certain don. Ça allait certes lui demander de l'énergie d'user de ce pouvoir, mais il n'avait rien de plus de prévu aujourd'hui, il n'aurait qu'à se reposer en rentrant chez lui pour pallier a une possible fatigue.  Si le carnet finit bien vite entre ses doigts, il lui manque quelque chose de capital : de quoi écrire. L'homme se revoit très bien le poser à la hâte sur son bureau, avant de récupérer son sac, se promettant de ne pas l'oublier cette fois-ci, mais il semblait avoir échoué. " Très bien, je vais la jouer ici, rien que pour toi." Et les possibles crustacés et autres animaux marins des environs. " Mais... Est-ce que tu aurais de quoi écrire ... ? J'ai oublié mon crayon en partant..."