With a thousand lies
And a good disguise
Hit 'em right between the eyes,
Hit 'em right between the eyes

Enveloppée de tresses virevoltantes dont la frange dissimule savamment sa marque, ses autres tatouages et ses nombreuses cicatrices cachés par le fond de teint et les yeux maquillés de doré, habillée d’une courte robe et de ses plus belles chaussures dépoussiérées, Quinn n’a plus rien de la Zaunarde farouche qu’elle laisse apparaître d’habitude. Elle a même laissé tomber les épaules relevées et la posture guerrière, marche d’un pas plus mesuré, plus feutré ; celui qu’on lui a appris à marcher durant toute son enfance, celui dont elle s’est échappée. Si elle le reprend aujourd’hui, c’est pour son rôle mais quelque part parce que ses peurs guettent aussi lorsqu'elle est comme ça en plein jour. Les recommandations pour ne pas se faire prendre hante son esprit, et si Ketterdam lui rappelle au moins des souvenirs, entre les murs d’or il ne reste plus que l’angoisse d’être enfermée.

Elle n’aime pas aller à Midrias Quinn, se mêler à cette population qui pourrait tout aussi bien vivre à des milliers d’années-lumières d’elle tant leur mode de vie sont différents. Elle n’y va que pour les espionner, donner des infos à la Cour et les haïr en silence - ça lui rappelle toujours pourquoi elle déteste autant la haute-ville.

Il n’y a pas de mendiant ici parce qu’ils sont jetés de l’autre côté des murailles, à la merci du Fold. Simplement un marché luxueux aux prix inaccessibles qui lui font serrer les dents. Elle se balade entre les étales, observant lesquelles semblent les plus riches ; c’est toujours celles-là que Quinn vise, dont elle cherche les moindres failles pour les livrer sans merci aux voleurs les plus doués de son quartier.

Un petit attroupement s’est formé non loin, et elle s’avance avec précaution vers le spectacle. Il s’agit d’une jeune femme aux cheveux blancs, couverte de bijoux, qui semble exécuter une sorte de rituel autour d’une vasque d’eau. Le sang de la Voyante ne fait qu’un tour en voyant un tel étalage de richesse sur une seule personne, alors qu’une seule de ses pierres précieuse serait sans doute assez pour nourrir une famille entière de Zaun sur plusieurs mois. C’est sur elle qu’elle aimerait lâcher les autres, Quinn, mais les Celestiens sont aussi les mieux protégés et elle sait que c’est compliqué. Mais celle-là, qui fait étalage de ses dons en place publique, celle-là a peut-être ses failles, et surtout elle cristallise trop tout ce que la vampire déteste pour que cette dernière ait envie de lâcher prise aussi facilement.

Midas en personne, Midas qui transforme ce qu’il touche en or, et Quinn retient un ricanement. Elle a déjà entendu ce nom, et pas que dans les histoires de mythologie. Elle connaît toutes les rumeurs à Zaun presque, elle sait que quelqu’un distribue quelques armes de manière très aléatoires sous ce pseudo-là et son instinct lui souffle que c’est bien la même personne. Donc en plus, elle essaye de se donner bonne conscience ? C’en est risible.

C’est peut-être ça, son point faible, finalement. Alors même si elle méprise un peu la mise en scène trop spectaculaire mise en place, l'espionne reste dans l’attroupement jusqu’à la fin, attendant que la foule se disperse pour mieux s’approcher de celle qui se fait surnommer Midas, après s’être composé un sourire éclatant.

-Hey ! C’est très impressionnant, ce que tu fais là ! C’est de la magie de Celestia, c’est ça ?

Elle donne presque l’impression d’avoir des paillettes dans les yeux, la voix un peu plus aigüe comme une fan devant sa plus grande star.

-Au fait, moi c’est Quinn. Quinn Hanmer ! Et toi ? Enfin, peut-être que je dois t’appeler Midas ? rajoute-t-elle en gloussant comme si elle avait fait la blague de l’année.

Elle se coule facilement dans le rôle de la jeune Midriaise admirative, elle qui en a déjà piégé tant. Même si elle vient d’un peu plus haut, celle-ci ne sera pas différente des autres.

With a thousand lies
And a good disguise
Hit 'em right between the eyes,
Hit 'em right between the eyes

La celestienne lui rend son sourire, et Quinn est ravie de voir qu’elle est tombée dans ses filets. Hypocrite. Oui, c’est peut-être ce qu’elle à l’heure actuelle quand elle prends la peau de cette personne qui n’existe pas et qu’elle méprise quand même, quand elle ment à cette mage qui essuie dans l’eau ses mains couvertes d’or ; mais si elle l’est alors elles le sont toutes les deux, et le mot lui vient continuellement en tête, se cogne contre les parois de son crâne. Oui, ce n’est que le marchand qui aime en faire des tonnes, et pas du tout celle qui porte une tenue cérémoniale trempée dans les joyaux comme si elle était une quelconque prêtresse ou bien même une déesse. Tu n’es pas une envoyée divine, tu n’es qu’une hypocrite qui se prend pour quelque chose parce qu’elle est née au bon endroit, dirait Quinn si elle n’en était pas une aussi à cet instant.

-D’accord, Shadoh ! Joli prénom. C’est toute ta famille qui peut faire ça, ou juste toi ? Je ne sais pas trop comment ça marche, moi.

Habilement cachée sous sa frange, la lune gravée sur son front la démange. Encore un mensonge, mais de tous c’est bien celui qui a le plus forgé sa vie - devoir faire comme si elle ne connaissait pas la magie, sa magie, sous peine qu’elle ne soit exploitée par d’autres. Aujourd’hui, c’était à son tour de retourner leur propre jeu contre eux, d’exploiter la magie de quelqu’un au profit de ceux d’en bas, pour une fois.  Ce que pouvait faire cette Midas était incroyable, Quinn ne pouvait pas le nier ; bien utile pour la construction des prothèses et autres outils de défense de Zaun, et elle s’assurerait de récupérer le plus d’informations possibles pour son amie voleuse. Elles prendraient ce qu’elles voudraient, plutôt que d’attendre que la mage ne daigne leur donner des miettes juste pour apaiser sa conscience.

Toute l’empathie que la vampire pourrait avoir est trop ensevelie sous des couches de colère pour qu’elle en ressente vraiment face à la souffrance visible de la créatrice. C’est bien joli, de faire la pauvrette, quand on a un ordre entier de healer derrière pour apaiser la moindre de nos souffrances. Quand on est protégé de tout le reste, et qu’on peut choisir de souffrir pour se la péter avec ce qu’on peut faire, quand tant d’autres n’ont pas le choix ou n’en réchappent pas, broyés par le Fold et ses monstres.

-Oh, mince ! J’espère que ça va aller ! Tu peux en faire combien avant que ça fasse… ça ? Tu dois avoir plein de choses chez toi ! Tes bijoux, c’est toi qui les a faits ?

Elle n’a vu que le doré, Quinn, elle veut savoir si c’est ça la limite. Si ce n’est que l’autre ne s’abaisse jamais à créer des métaux moins précieux, ou bien si elle est tellement enfermée dans sa richesse qu’elle ne peut faire que ça. Elle n’a jamais vu la couleur des armes que soi-disant celle-ci distribue, et n’a de toute façon pas envie de lui laisser le bénéfice du doute. Pour tout les autres, c'est celle-là qui payera son dû.