It hurts, even if it shouldn't.
But it does.
Excruciatingly.

Il suffoque. L’étau se resserre, compressant sa poitrine, rend sa respiration plus bruyante, sporadique. Autour de lui, les voix et la musique se confondent dans une cacophonie assourdissante, bourdonnant contre les cochlées assiégées. Il a la sensation d'étouffer. Ça ne devrait pas faire si mal. Amore. Il n'a jamais rien promis, il le sait. Et pourtant, le sentiment d'avoir été trahi n'a jamais été si lancinant, perfore l'organe qui se découvre un monstre maladivement jaloux. Amore et ses sourires enjôleurs. Amore et ses secrets. Would you be mad if I keep some from you? Yes, I fuckin' will asshole, crache le jeune homme à bout de souffle, se laissant retomber le long du mur, l'arrière du crâne heurtant les briques du bar qu'il vient de quitter. Il lui en veut. Parce qu'il s'est bien gardé de lui mentionner un détail important cet enfoiré. Et qu'il le fasse venir la veille, sans le mentionner une seule fois, ne fait qu'exacerber sa rage. Autant que son ressentiment. Il peut encore revoir la scène derrière ses paupières fermées, l’apparition des deux futurs époux se pavanant côte à côte comme deux individus fait l'un pour l'autre. Mazi, véritable démonesse à la beauté aussi saisissante que terrifiante. Celui qu'il ne s'attendait pas à voir accrocher à son bras, c'est bien Amore. Son Amore, dans un magnifique trois pièces sur-mesure lui allant à la perfection, irradiant de cette outrecuidance qui l'a toujours séduit par le passé, mais qui aujourd'hui le blesse aussi profondément qu'une lame en plein cœur. Il n'a pas prêté attention aux détails, n'a pas insisté pour connaître l'identité mystérieuse du pigeon que Maz a choisi pour époux. Mais quand bien même il ne s'agit là que d'un mariage arrangé, ça n'enlève pas moins la déception, ni la réalisation de sentiments plus profonds pour le baron orgueilleux. Are you alright? Asphodel relève brusquement son visage larmoyant vers l'interlocutrice. Une erreur. À son expression horrifiée, il sait déjà qu'il a perdu partiellement le contrôle de son apparence. Ça tombe comme une brique dans l’estomac, et par instinct, il bondit sur la jeune femme pour étouffer le cri qui menace de franchir les lèvres entrouvertes, la plaquant avec force au mur. Il n'a pas le temps de la rassurer qu’il ne lui veut aucun mal, que deux hommes apparaissent d’une ruelle adjacente, témoins de la scène. Le coeur se met à tambourinner à une vitesse folle, la panique surpassant le chagrin pour le propulser des années en arrière, revivant son pire cauchemar. It’s not… Il la relâche brusquement, s’écartant de quelques pas avant de tourner les talons et fuir. Il a l’impression d’avoir quatorze ans à nouveau, fuyant pour échapper à sa lapidation. Une pointe sur le côté, il trouve refuge entre deux poubelles, le cœur au bord des lèvres, peinant à respirer. Il sait que son apparition à causer du remue ménage, mais il espère qu’aucun pacifieur ne soit dans le coin pour lui donner l’occasion de reprendre contrôle sur ses émotions et rentrer. Qui va là ? Il se fige, la main plaquée sur sa bouche pour couvrir le son terrifié, glacé par la voix d’outre-tombe. Tu vas regretter de t'être égaré, sale bête ! Les yeux exorbités par la peur, le corps tremblant, il ose à peine respirer de peur qu’il l’entende. Son instinct lui hurle de fuir, alors c'est ce qu'il fait à nouveau, espérant mettre le plus de distance possible entre lui et le witcher. La course débute, et dans son dos, il entend l'écho des pas qui se rapprochent beaucoup trop vite. Il ne fait pas attention aux passants horrifiés qu’il croise, poussant son corps au-delà des limites. Il ne s’arrête que quelques secondes pour renverser une poubelle et espérer ralentir son poursuivant, n’attendant pas de voir si cela a fonctionné pour continuer sa course. Perdu dans le labyrinthe que sont les ruelles de Ketterdam, il profite cependant de l’obscurité pour se réfugier dans un vieux théâtre désaffecté, se tapissant dans les coulisses. Apercevant une corde, il grimpe le plus rapidement possible pour se poster en hauteur. D’une voix étranglée, il supplie, ravalant son sanglot. Please, I’ve done nothing wrong!

Les phalanges douloureusement crispées autour du cordage, le shymer se recroqueville contre la rambarde du tréteau sur lequel il s’est fixé ; espère se fondre dans l'décor abandonné pour lui échapper. Mais le chasseur rôde, intarissable, terrifiant, sa tignasse blonde visible dans la pénombre. Le bruit du plancher grinçant sous ses pas fait battre son cœur  un peu plus vite, et Asphodel se demande si le witcher a l'ouïe fine, entend les battements sporadiques. Sa détresse ne semble guère émouvoir l'homme en chasse, mais jamais n'avait-il entendu la moindre histoire où le witcher possédait une quelconque empathie envers  tout ce qui se rattachait de près ou de loin au Fold. Il l'observe se déplacer parmi les décombres, son appréhension grimpant en flèche. Tout chez lui hurle danger. Sa proposition résonne comme un piège à ses oreilles, vil mensonge à but de l'extirper de sa cachette. Il n'est pas totalement stupide, mais que peut-il faire d'autre finalement, ainsi acculé. Son rire est bref, nerveux et incontrôlable. Anyone would run away from a witcher who threatens to cut you up with a fucking sword! Persifle la créature du fléaux, la colère colorant le timbre de sa voix chargée par l'émotion. Car l'histoire se répète sans cesse, et il n'en peut plus Asphodel. Il inspire et expire pour se calmer, essaye de se concentrer pour reprendre le contrôle sur son apparence. Mais il ne parvient pas à retrouver son calme. How could he? Il s'humecte les lèvres avant d'exhaler un souffle saccadé, se raclant la gorge avant de parler. Il a pris sa decision. I'll go down… Don't move. Péniblement, il se redresse, et après une hésitation, finit par descendre le long de sa corde, les yeux rivés sur le witcher qui ne le quitte pas non plus du regard. Létal. Son cœur tambourine alors qu'il pose pied à terre, à seulement quelques mètres. Doucement, il s'approche, mais s'arrête à une distance de sécurité. I didn't hurt her I swear… I'm not a monster… Mais il doute que ce dernier ne comprenne. Il ne sait pas ce que c'est que de grandir différent, d'être haï et craint pour ça, de devoir constamment dissimuler aux yeux des autres ce qu'il est réellement. Il a toujours envié la capacité de Mazi de s'en foutre royalement et d'assumer pleinement. Amore est presque parvenu à améliorer l'image qu'il avait de lui-même. Mais penser à eux lui rappelle tristement pourquoi il se retrouve dans cette situation de prime abord. Réveille à nouveau sa colère. Il refuse de crever ici. I'm sorry. Il réagit en une fraction de seconde. Sa queue scindant plusieurs cordes repérées à proximité, maintenant plusieurs décors imposants, suspendus au-dessus d'eux. Et sans regarder si le witcher parvient à s'écarter à temps pour ne pas finir écrasé, se persuadant que ça ne fera juste que retarder le soldat sans lui être fatal, il fonce sans un regard derrière lui, les yeux rivés vers son salut.