Aux différences appréciatives, qu'il savait chérir pour en extraire le nectar le plus pur, de ces rencontres inopinées nées de l'étrange, coïncidence réunissant des êtres aux accords imparfaits pour jouer un morceau dans la grande symphonie de la destinée ; Hypnos se savait rien et détaché de tout, sa non-appartenance au monde lui offrant le droit d'y évoluer en parfait étranger, sans avoir à rendre des comptes sur ses activités.

Liberté qu'il ne devait qu'à la propre construction de son équilibre, ce dernier restant précaire de part sa rythmique malhabile, de ces discordances qu'on atténue par souci d'esthétisme quand le beau se révèle finalement toujours chaotique ; inaptitudes humaines à savoir dissocier l'étrange du concret quand les deux notions savent pourtant cohabiter sans heurts ; les mages, eux, l'avaient cruellement compris et décidés de ne pas partager l'idée. Hypnos savoure ces désaccords avec un œil avisé et curieux, ces derniers lui permettant de jouer sur les deux tableaux. Tantôt génie, tantôt idiot. Il voguait sur les nuances de ses interlocuteurs, parfait analyste des humeurs et de leurs modulations ; comprendre à qui il fait face était crucial pour conclure une affaire. Et de ces précautions rigoureuses, il en avait fait une force, s'insérant dans un monde qui n'était pas le sien mais qu'il gouvernait bien, trônant aux bras des puissants comme un trophée symbolisant puissance, excellence et richesse. Prince de tartufferie, il était le seul maître à bord de son empire et en jouissait avec délice, le sourire aux lèvres et l'esprit, toujours en éveil.

Leora Lazarus faisait partie des rares exceptions dans son entourage. Il la côtoyait par pur plaisir, s'amusant de son intérêt pour la société dans laquelle elle évoluait et ses questionnements pertinents sur le monde tel qu'il fonctionnait actuellement. Emanaient d'elle une envie de justice qu'elle ne pourrait pas combler, et la fougue contenue d'une révolte sourde et muette. Hypnos trouvait cela fascinant, les nuances chez Leora étaient vives, démarquées ; en cela son intérêt s'était éveillé. Avait-elle su faire preuve d'esprit pour satisfaire sa curiosité, et voilà qu'il s'était épris d'une tendresse amicale pour la jeune femme, ne lui refusant aucune de leurs rencontres savoureuses.

Encore aujourd'hui, il ne lui faisait pas défaut et s'était organisé en amont pour aller à sa rencontre. Le petit café choisi était d'une élégance cosy, à l'instar de tous les commerces de la splendide Ruby Way dont le charme était vantée à travers toute la ville ; voile de perfection sur les manigances qui s'y jouaient, l'endroit était parfait pour les confidences et réunions farcies d'hypocrisie. Ici tenaient lieu les mondanités futiles qui faisaient pourtant la pluie et le beau temps de Célestia ; qu'il ne fallait pas s'y méprendre, les sourires sont des plus charmants quand les intentions, elles, restent crasseuses. Enième pluie d'artifice déployée par la haute-ville pour planter le décor, les pires escrocs se cachent dans les plus somptueuses demeures. Hypnos le savait. Et il n'avait aucun doute sur le fait que Leora le savait aussi.

La gratifiant d'un sourire sincère, il s'avance jusqu'à elle, congédiant la serveuse d'un simple geste pour prendre place face à son amie. hello you..this place looks so pretty, I've never been there before... I think. Petit rire frauduleux pour saupoudrer de charme son entrée, il s'humidifie les lèvres et pose son regard intense sur Leora, lui accordant toute son attention - ce qui pouvait être, parfois, intimidant. oh don't worry darling, i'll order something. enjoy your drink, i'm fine. am i late, by the way ? time goes by so fast, it always seems to rush by when I have a meeting, it's a divine conspiracy. S'amuse-t-il de ce jeu, qu'il pourrait interpréter de mille façons différentes ; parfois à en faire trop, rarement pas assez, le juste milieu comme son propre équilibre, rapidement bancal ; et lui, tel une sylphide à la grâce morbide, qui valse sans s'arrêter. i know, it's true! it's so cold here, i can't wait for this long winter to end. but thanks the dragons, we don't live like those poor people in zaun, i bet some of them had to die of cold. Prononçait-il ses mots avec irrévérence, masquant ses réelles inquiétudes quant au sort de nombreuses connaissances de la basse-ville. Un pincement au coeur qu'il masquait avec panache, comme toujours. and i am always working with interesting people, dear. that's my daily job, but let's get to the point. who caught your eye ? tell me everything, i'm so dyiiing to know ! Elle n'avait aucune chance de se défiler, ô combien Leora aimait jouer l'anguille. Cette fois-ci, il la tenait dans le creux de sa main et ne comptait pas la lâcher de sitôt. L'impatience se met en suspens le temps qu'il récupère un verre et, avec toute l'avidité d'un rapace qui a l'oeil sur sa proie, il la regarde, un sourire vainqueur sur ses lèvres.