Spectre menteur que peu connaisse réellement, au gré des endroits iel s'invente différentes identités et autant de patronymes. Celui qu'iel préfère est peut-être Loki, dieu métamorphe à la langue sifflante et trompeuse. Ou encore ce chiffre que certains disent maudit : Four - aux lettres latines IV cousues de dorés sur son gilet, lorsqu'iel vient porter malchance aux clients des casinos.  

Limites sociétales imposées tordues et disloquées, Edden s'intéresse peu à son propre genre, ne le prenant en comptant que pour mieux l'ignorer et le brouiller, rendre confus les autres jusqu'à dans son apparence ( a n d r o g y n e ) qu'iel n'hésite pas à modeler selon ses pactes et ses envies. C'est une fille ou un garçon ? Battez vous pour le décider, a décidé l'effronté·e. Ainsi vous l'entendrez parler d'ellui au masculin comme au féminin, selon le moment de la journée, ou qui souhaite-t-iel déconcerté.



01 Edden n’aime pas vraiment les règles, Edden apprécie le précieux c h a o s créé par l’anomie. Néanmoins il lui arrive de les suivre, à vrai dire le plus souvent iel les suit presque, s’assure de danser à la fine limite de ce qui est interdit. De quoi énerver les plus rigides, assurément, et irriter ceux qui les dépassent allégrement. Pourtant Edden se sent plus proche de ces derniers, souvent ; même si “proche” est un grand mot. C’est eux qu’iel préfère, disons, parce que c’est d’ordinaire eux qui succombent les premiers. C’est eux qui le plus facilement se déchirent, se tordent, s’entretuent dans des scènes toutes plus plaisantes les unes que les autres à ses yeux. Car après tout, c’est cela qu’iel aime, c’est pour cela qu’iel vit : pour créer des dissensions, des mésententes, des divisions. Pour semer les conflits, pour semer la d i s c o r d e.

Et quelle meilleure solution pour monter les gens les uns contre les autres que de mentir ? Ses mots ne sont qu’illusions,

barbelés enrobés de sucre,


Parce qu’iel est poète, iel sait parler Edden, un peu trop bien peut-être - aidé par la déviance de sa magie. Les mots c’est son domaine, les mots c’est certainement ce qu’iel maîtrise le mieux, faute de maîtriser les conséquences qu’ils peuvent avoir.

Edden m e n t, non seulement avec ses paroles mais avec tout son corps. Edden ment avec aplomb de ses lèvres à l’apparence trop innocente qui dégueulent mille sournoiseries sirupeuses, avec ses yeux pâles qui jamais ne se détourne des regards pénétrants, avec ses expressions faciale savamment orchestrées pour agacer les autres. Mais même lorsque ce n'est pas pour énerver, ses plus beaux sourires sont factices : masque qu'iel a appris à enfiler pour montrer qu'à défaut de ne pas être heureux, en cet instant il n'est pas non plus malheureux.

Parce qu’au milieu des émotions qu’iel sème, iel peine à en ressentir ellui-même ; peut-être, en fin de compte, que les éruptions de sentiments des autres ne sont pour ellui qu’un moyen de combler le rien qui remplace les siennes.

Edden est l’étincelle qui embrase, la main qui retire négligemment la goupille de la grenade avant d’en admirer les effets (peut-être d’un peu trop près)

Edden observe, de loin, observe les autres ressentir mais ne ressent pas ; attendant le moment où les éclats des shrapnels qu’elle a éparpillé vont finalement l’atteindre et la blesser. Alors iel pousse les limites toujours un peu plus loin, joue avec le feu jusqu’au moment où iel va s’y brûler - expérimente tout, sans j a m a i s réussir en être satisfait.




02

Monster, Monster
'cause I need a friend

that I feel your breath


-...Ed' ?

Elle est partie. Elle n'est plus là, alors qu'elle a dit qu'elle reviendrait, pourtant. Mais à chaque heure qui passe c'est le ciel qui s'assombrit et les lueurs qui s'éteignent une à une - celles de l'espoir comme celles dans ses yeux, alors qu'iel ne peut même plus voir celle des astres par cette pauvre lucarne (parce que sa soeur n'est plus là pour l'aider)

Papa aussi est parti, quand il s'en est rendu compte, Papa a voulu retrouvé sa fille. Et pendant ce temps Edden est restée là, seul sans vraiment pouvoir bouger, et surtout sans sa bonne étoile pour faire fuir l'obscurité ; toutes ses ailes ne sont pas assez sacrées pour le protéger de ses propres pensées.

-Edna ?...

Est-ce que c'est habituel, ce craquement ? Ce bruit de crissement ? Jamais la maison n'a été aussi effrayante,  aussi vide (aussi remplie, cela dit, de cauchemars qui chuchotent dans les ténèbres) et Edden a peur, Edden panique, Edden veut fuir. Sauf que sans elle, iel ne peut pas - alors Edden chute, et
p e r s o n n e n'est là pour le ramasser. Et iel a mal, l'angelot si tôt tombé au milieu de ses plumes, le corps tordu douloureusement (des heures durant), au pieds des escaliers grinçants (et bien trop menaçants)

-Grande... Sœur...?

Assez mal pour endommager l'esprit, là où le physique s'en remettra ; quand le vieux shymer revient, les larmes se sont déjà taries, remplacée par un regard v i d e et un murmure répété mais qui finira bien par cesser lui aussi Seulement, la lumière dans les iris claires ne reviendra jamais (comme elle). Ce soir-là c'est deux enfants que le père a perdu, l'un égaré dans sa tête aussi bien que l'autre dans les ruelles.

My bed is the coffin
And I go to lock it





03

-Qu’est-ce que c’est, ça ?
-Tu le vois, non ?

Le ton est narquois, presque moqueur ; enfin c’est ainsi qu’il sonne aux oreilles de l’interlocutrice à l’air choqué (dégoûté) par ce qu’il y a en face d’elle, devenu fatras de
p l u m e s immaculées.

-On dirait un ange, souffle-t-elle d’un murmure étranglé, mais elle n’a pas l’air soulagée - plutôt terrifiée. On dirait une punition divine.
-Peut-être bien.
-Par les Dragons de Pierre, qu’est-ce que j’ai fait ?

Elle blêmit, joint ses mains pour prier, ferme ses yeux pour ne plus avoir à soutenir cette vision insupportable. Mais source intarissable de poison, Edden ne s’arrête pas de parler, et insidieusement ses mots se plantent de plus en plus profondément ; achevant une destinée (depuis longtemps scellée)

-Ton voeu à été exaucé, ma tante. C’est toi qui a passé ce pacte, non ? Pour que la famille survive, ait un descendant ? Tu voulais que ce soit ton enfant, tu voulais que ce soit toi. Mais c’est ma mère qui est tombée enceinte. D’un shymer, en plus de ça. Fais attention à comment tu formules ce que tu souhaites, la prochaine fois.
-La… La prochaine fois ?
-Il n’y a que moi… Il n’y aura plus jamais que moi.
-Qu’est-ce que tu veux dire ? QU’EST-CE QUE ÇA SIGNIFIE ?

Affolée, elle oublie sa répulsion quelques instants pour l’être qui rampe un peu plus loin ; l’attrape brutalement, déchire ses vêtements, fouille entre les plumes quitte à les arracher. L’adolescent·e n’oppose aucune résistance - son pouvoir peut encore parler mais ellui n’est déjà plus vraiment là, ça se voit dans son regard. Sauf qu’elle n’y fait pas attention (pas plus qu’elle ne se rends compte de sa propre violence), l’esprit trop absorbé par les paroles qui s’y sont déversées.

-Non, non, non, ce n’est pas possible. Ce n’est pas possible, il n’y a… rien.
-Tu n’as demandé que pour un seul descendant. Après moi, il n’y aura plus personne. Sauf si tu fais un autre pacte, peut-être… Tu peux le passer avec moi...
-Je v-veux… que ça s’arrête. Que cette malédiction s’arrête.
-Alors, elle s’arrêtera. (mensonge) Tu n’auras plus à la supporter. (tu ne pourras plus)

Les ailes deviennent jambes, enfin ; le nouveau pacte se met en œuvre, sauf que ce n'est pas de la manière dont elle l'entend. Parce qu’en faire un nouveau ne peut pas annuler le premier, ni annuler l’existence même de cellui avec qui elle vient de le passer.

-Tout va s’arrêter. Mais pour ça, tu sais ce que tu dois faire, non ?

Elle regarde la sculpture entreposée, pomme de cristal - relique magique trop puissante, pourtant si facile à briser. Poussée par la voix (hypnotisante) de l’angelot serpent à la langue sifflante, elle tend la main, sans vraiment s’en rendre compte accompli son c r u e l destin. C’est le bruit de verre brisé au sol qui la sort de l’envoûtement ; et elle hurle à s’en déchirer les tympans.

Incapable de supporter à ce qu’elle a fait - qu’on l'a poussé à faire - elle recule, la pécheresse, sous les yeux vide et sans la moindre émotions de cellui qu’elle a abandonné blessé sur le sol, un peu plus tôt (dont elle n’aura su résisté ni aux mots, ni aux maux)

-Tout est fini, ma tante.

Coup de grâce porté avec une douceur inconsidérée, pourtant c’est le dernier clou qui manquait au cercueil (qu’elle n’aura jamais) ; et c’est en pleurant des cris déchirants qu’elle finit de courir jusqu’à la rambarde qui l’attends,





04

I’ll take the shot for you

Des grands yeux clairs, un regard à peine interrogatif. Iel ne demande pas s’iel peut être là, Edden, iel est là simplement ; iel reste juste parce que, pourquoi pas ? Elle peut toujours le repousser, si elle veut. S’éloigner d’ellui, comme tous les autres : ceux que le Shymer mets mal à l’aise, ceux qui le trouvent bizarre sans vraiment savoir pourquoi. Ils n’aiment pas son regard vide, sa voix qui fait ressortir leurs secrets les plus inavouables, les rumeurs qui courent sur les pactes que l’on peut faire avec ellui si on veut quelque chose. Ils n’aiment pas son apparence trop fine, trop changeante, trop éthérée, son aura étrange qu'ils ne comprennent pas. Alors ils le fuient, l’évitent - ou pire, parfois.

Elle ne l’a jamais fait. Pourtant ce n’est pas la première fois qu’Edden lui offre impose sa présence, s’assoit à côté d’elle pour la seule raison qu’elle est seule elle aussi. Iel ne parle pas beaucoup en sa présence ; avare de ses mots vénéneux, c’est sa manière à ellui de montrer qu’iel... l’apprécie ? Et iel aurait bien l’impression qu’elle aussi (s’iel se souvenait de ce que c’est, cette sensation)

-Qu’est-ce qu’on fait, aujourd’hui ?

C’est un sourire qui lui répond. Elle a une idée, Trixie, pour se venger de ses persécuteurs peut-être, leur jouer un mauvais tour en échange de ce qu’ils lui font subir et qu’Edden n’a jamais su jamais penser à arrêter. Et puis sa magie ne ferait sans doute qu’empirer la chose. Mais il y a un (fragile) équilibre dans tout ça, tout de même. Car tant qu’iel est là, elle ne subira pas les conséquences de ses propres actions : c’est ellui qui les endureras à sa place. Edden dont la réputation se ternira encore, Edden qui souffrira les vengeances des égos blessés, E d d e n qui se fera punir et frapper à sa place ; parce qu’on ne le renverra pas, lui, on ne le tuera pas. Iel a un nom (bientôt oublié), de l’argent, sans doute plus d’importance qu’iel ne devrait en avoir - tout ce que son amie n’a pas.

Et parce que de toute façon, ça ne lui fait jamais rien.