sang, violence

Ce soir, elles ont échoué.

Elles en ont tué beaucoup, certes, elles ont protégé quelques habitants de Zaun, elles ont combattu jusqu'à ce que les kikimorrhe soient toutes à terre ou en fuite, mais sur les papilles de Mavis, à la saveur métallique du sang se mêle le goût amer de l'échec. Ce soir, elles n'ont pas réussi à protéger l'une des leurs. Ce soir, Asha est partie.

Le jais de ses boucles folles a fait des arabesques avec le carmin de ses blessures ouvertes et ses grands yeux d'obsidienne ont seulement pu fixer le ciel en vain. Elle n'a pas émis un son alors que tout son corps a chuté, souffle coupé, regard vide, pas même un dernier mot, un dernier cri, un ultime appel à l'aide envers ceux qui sont restés. Elle les a quittés en silence et c'est peut-être le pire au fond, cette absence assourdissante qui bourdonne dans la tête de Mavis. Elle ne parlait pas beaucoup, Asha, avare de mots mais pas de coups, discrète tant sur le champ de bataille que sur les cicatrices qui marquaient son corps. Elle ne parlait pas beaucoup, Asha, et on ne peut pas dire que la Shymer la connaissait bien, cette humaine embrasée par un feu qui valait plus que toute la magie du monde. Elle ne parlait pas beaucoup, Asha, et maintenant Mavis doit lutter pour se souvenir du son de sa voix.

Elle en deviendra folle, autant de rage que de regrets. Ce soir elles pleurent une amie qui n'en était pas vraiment une, partenaire de combat aux lèvres scellées sur son passé. Mavis aurait voulu faire plus, savoir assez pour lui rendre hommage, connaître la sonorité d'un nom, une personne à contacter, quelqu'un qui l'aurait connue mieux et qui pourrait mieux l'honorer. Quelqu'un qui des cendres de son brasier pourrait faire renaître un souvenir, rien qu'une braise, une étincelle de la personne qu'elle a été. Mais il n'y a que les Erinye's et le sang dont elles sont maculées, il n'y a que ses adelphes de combat qui d'elle ne connaissaient rien d'autre que les flèches enflammées. Il n'y a que Mavis et Quinn au pas alourdi de regrets.

Ce soir, elles ont échoué.

C’est le jeu et elles le savent, elles en ont accepté les règles. Un seul faux pas ne pardonne pas, les joker sont hors du paquet, pas la peine d'appeler un ami, personne ne viendra les aider. Elle sait que Quinn aussi bouillonne, elle qui veut tant tordre les règles avec l'idéalisme que Mavis aime voir briller dans ses prunelles. Ce soir, elles ont échoué, mais ce n'est pas seulement leur faute. C'est aussi leur erreur à eux, les Pacifieurs, les Midriais, les Célestiens tous bien cachés. C'est la faute de ceux qui ne font rien, mais c'est ceux qui agissent qui paient.

Et ce soir, comme d'autres soirs avant, elles ont payé le prix fort. Sur les épaules de la Dreamer repose le poids de cette douleur qu'elle aurait pu - qu'elle aurait dû - être en mesure d'éviter. Planifier plus, s'entraîner plus, observer plus, recruter plus, soutenir plus, frapper plus, tout ce qu'elle n'a pas assez fait vient tourner en boucle dans ses pensées. Les "et si" se succèdent dans son imagination fertile et à chaque pas endolori c'est son esprit qui se meurtrit. Elle fera mieux la prochaine fois, c'est ce qu'elle se répète encore, mais si la prochaine fois c'était Quinn qui trouvait la mort ?

Quinn, son roc, son phare, sa béquille, Quinn qui la guide sans qu'elle ne bronche jusqu'à son canapé élimé. Quinn contre qui elle se laisse tomber sans hésiter et sans penser, Quinn son refuge, son soutien, sa lueur dans l'obscurité. Et alors qu'elle ferme les yeux, blottie contre son amante, les ombres viennent vite l'entourer pour la plonger dans un sommeil trop agité.


Ses émotions sont en roue libre et ses cauchemars en tirent profit. Elle fait surface dans un bassin immense dans lequel elle peine à nager. Le liquide est presque visqueux avec une odeur bien trop forte et il brûle tous ses tatouages, ses blessures et ses égratignures. Elle hurle, Mavis, et le son lui revient en écho juste avant qu'elle ne boive la tasse, suffoquant sur un goût métallique. Des rivières écarlates s'écoulent sur son visage et retournent à leur source bouillonnante. La rive est lointaine mais pas inatteignable alors brasse après brasse la Shymer tente maladroitement d'y aller. Sa tête bourdonne et le ciel lui aussi vrombit, de plus en plus fort, à lui vriller le crâne de douleur.

Elle renverse la tête en arrière et frissonne devant la vision. Un essaim de kikimorrhe envahit tout l'espace, comme un nuage de ténèbres aux reflets lumineux et macabres. Mavis se sent sombrer, tandis que la reine s'avance vers elle et que ses traits se font plus nets. Alors qu'elle approche sa patte avant, prête à donner un coup mortel, la Dreamer aperçoit son visage, comme collé sur son corps difforme. Sur sa joue droite une cicatrice, qui remonte jusqu'à ses yeux sombres où brille une lueur vengeresse. Mavis voudrait hurler son nom mais déjà le tranchant s'approche et Asha s'apprête à l'achever.


Des rivières translucides et brûlantes s'écoulent tout le long de sa peau alors qu'elle ouvre les yeux en hurlant. Quand le cri s'éteint son souffle aussi s'évapore et elle lutte pour le récupérer, haletant maladroitement dans la pénombre du logis. Ses paupières épuisées clignotent et sa vision devient moins floue. Devant elle se dresse un immense insecte au vrombissement assourdissant, le kikimorrhe de ses cauchemars qu'elle a ramené près de sa reine.

Ce soir, elle a échoué.
Elle n'a pas su contenir ses rêves.
Elle les a remises en danger.

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sang, violence

Rouge & Noir Les deux couleurs se succèdent dans le tourbillon de leurs corps entraînés par l'élan de leur chute. Noir comme l'encre sur les bras nus de Mavis et les ténèbres qui s'échappent par volutes de Quinn. Rouge comme les vaisseaux à vif qui constellent les yeux épuisés de la rêveuse, comme le sang qui tâche les paupières de la voyante. L'écarlate a envahi leurs visions, celle de leur sommeil comme celle de leur avenir suspendu au vrombissement d'un monstre enragé qui les poursuit. Un monstre que la shymer a ramené.

Onyx & Rubis Et de nouveau ce retour lancinant à la réalité, ce cruel rappel de sa valeur réelle, de la seule chose qui l'a autrefois rendue digne d'intérêt tout en la dépossédant de son humanité. Rubis comme les précieux contenants des bourses qui passaient de main en main, comme la flamme satisfaite dans les yeux de la maîtresse des lieux. Onyx comme les nuits éternelles dans des cachots sans lune, comme l'inconscience crainte et bénie après les combats épuisants. Elle voudrait s'y plonger, Mavis, dans l'obscurité qui émane de son amante, elle voudrait dormir, la Dreamer, dormir et oublier, mais c'est un luxe que la marque sur sa nuque ne lui accordera jamais. Le sommeil est aussi salvateur que périlleux et c'est bien ce qui lui fait défaut dans un moment aussi crucial où elle est trop faible pour réagir.

Grenat & Ebène Mais au milieu de cet univers bicolore et terrifiant, elle n'est pas seule pour affronter ses cauchemars. Quinn est là, pour le meilleur et surtout pour le pire, et Mavis se maudit de l'avoir entraînée dans cette histoire. Quinn et ses lèvres grenat, Quinn et ses cils ébène, Quinn et le carmin qui lui manque tant, qu'elle appelle silencieusement les traits crispés par la soif, Quinn et le nuage de charbon qui l'entoure et la possède, cette obscurité qu'elle n'arrive pas encore à contrôler. Elles n'est pas seule, Mavis, non, mais elles sont seules à deux, dans leur épuisement conjoint et leurs échecs qui se répondent.

Ténèbres & Flamboyance Elle n'est pas seule, Mavis, et c'est ce qui lui donne l'énergie de se battre, parce que Quinn est là dans ses bras, parce qu'une autre vie est en jeu, une qui en vaut vraiment la peine, une qu'elle sauvera au péril de la sienne s'il le faut, parce qu'elle n'a pas pu en faire autant pour Asha, parce qu'elle ne pourrait pas tolérer de la perdre elle aussi. Alors dans les ténèbres insondables de leur situation désespérée, elle trouve en elle la flamboyance d'un sursaut, celle du phénix qui s'élève à nouveau et étend ses ailes. Rassemblant les forces qu'il lui reste, elle se lève péniblement et attrape l'arbalète modifiée par Ihrem lae mécano, celle dont les carreaux libèrent un filet et qu'elles auraient clairement dû emporter sur cette mission. "Bouge pas, je vais… chercher… à boire"

Vermeil & Ombre En temps normal, elle aurait sombré dans les bras de Morphée pour en ramener un animal de taille suffisante pour contenter la vampire mais elle est dans un état trop critique pour contrôler son don. Que se passera-t-il si ce qu'elle ramène la vide de toute son énergie ? Et si elle ramenait un autre monstre de ses cauchemars ? Elle ne tentera pas le diable, déjà trop marquée par les conséquences désastreuses de son sommeil sur leur soirée. Visant la bête, elle tire et la kikimorrhe se retrouve bientôt prisonnière d'un filet assez résistant pour la retenir quelques précieuses secondes, collée au plafond au-dessus d'elles. Usant de ses dernières forces, elle lance une lame qui se fiche dans le monstre, laissant un filet de sang couler sur le sol, un peu de nectar vermeil pour apprivoiser les ombres qui s'échappent de Quinn.

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