with /   @Bambi Euryale  — midrias & 10.07.22 (senseicons)

Car l'adieu, c'est la nuit.



D é s o r i e n t é.

A l'aveugle, Ryu avance. Pas un seul regard en arrière, non. La prise de risque n'est pas nécessaire, chaque seconde est précieuse. Il doit s'enfuir, revenir à Vélaris, retrouver Bambi sur lequel plane la menace de son frère. A travers la brume épaisse, tout semble sens dessus-dessous. Perte de repères. Peut-il être victime de son propre pouvoir ? Impossible. Il a beau suivre une logique implacable, trop de choses lui échappent. Des détails. Partout. Et l'impression de pénétrer dans une autre réalité. Reyner, qu'as-tu fait ? Si t'es à l'origine de tout ça, je te tuerais. La colère, vengeresse, comme divine alliée ; elle permet à la raison d'omettre la cruelle réalité, un sursis salvateur qui ne dure qu'un temps. Pas assez. Jamais assez. Et il y a ce trouble qui grandit en lui, la persécution engendrée par une douce folie, que la peur éclate les murailles érigées pour ne pas faillir ; pourtant devant la mort pourrait-il s'agenouiller s'il la voit étendre son linceul sur le bien-aimé. (Pitié) Ses pensées s'affolent, l'endocarde arythmique ne remplit plus ses fonctions vitales, le cœur va exploser.


I n c o m p r é h e n s i o n

Et les souvenirs tronqués. Victime d'un enlèvement, il ne peut s'y résoudre. Pas maintenant. Affronter cette réalité l'effraie, tant qu'il ne sait pas où il est. Son monde peut s'écrouler, tant que Bambi est dans ses bras ; sinon, il refuse de s'y attarder, sur les causes et/ou les conséquences. Absolument rien (rien, rien, rien) n'a de fichue importance. Il remonte l'allée, ignore le superflu, les devantures changées et les repères disparus ; certains restent, le rassurent, d'autres le dérangent, l'inquiètent. Son poing sur la porte, et la colère sur les traits de son visage. Regard noir. Dur. On ne lui ouvre pas. Mais qui de sain d'esprit ouvrirait à un Sage qui ne semble pas maîtriser ses émotions ? — Va t'en Démon ! — Où est-il ? Où est Bambi ?

S u r v i v a n c e

— Don't break his heart again, I beg you.
— Never intended to in the first place.
Vivant. Bambi est vivant. Le myocarde aux abois se calme aussitôt à cette seule information. Une main sur le thorax, Ryu s'impose de retrouver un semblant de self-control avant de le retrouver. Les pensées contraires l'assaillent, source de malaise. Tout a changé. Il se peut qu'il t'ai renié. Pas Bambi, jamais! Et s'il y a bien une vérité qu'il est prêt à affronter tout de suite, c'est bien celle-ci. Alors il ne s'attarde pas, prend le chemin tout indiqué, vers ce bar nouvellement créé. Puzzle qu'il a du mal à reconstituer. Vie en lambeaux, décharnée, destituée. Que s'est-il passé ? C'est dans l'amour qu'il lui voue, qu'il puise tout son acharnement. Les pas s'enchaînent, il frôle la déraison. Rien n'a de sens. Pour l'instant.

Ses mains sont moites lorsqu'il pousse la porte du bar aux douceurs florales.
C'est comme l'odeur que laisse la pluie après l'orage — p é t r i c h o r.
Son cœur tambourine contre les barreaux de sa cage thoracique.
A bout de souffle — e r r a t i q u e.
La tension frôle la crise — p a n i q u e.

Le voile du désespoir est posé sur les prunelles meurtrières, de fines gouttelettes d'argent s'écoulent d'entre les paupières, glissent sur les joues nacrées pour échouer sur les lèvres tremblantes à cause de sa mâchoire serrée.

Le temps s'arrête, devient éternité.
Et il ne saurait dire s'il a marché jusqu'à lui, ou si c'est l'inverse qui s'est produit ; Ryu bouleversé ne semble réaliser la présence de son fiancé qu'en le serrant avec force entre ses bras musclés. Une main posée, impérieuse, sur sa nuque. Le bras enroulé férocement autour de sa taille. Il le respire comme un parfum d'antan qu'on aime tant retrouver et dont il veut s'enivrer jusqu'à l'excès. Encore. Dis-moi que c'est vrai. Oh je suis tellement désolé. Honteux, le réflexe premier est de se cacher dans son cou en humant sa délicieuse fragrance. Puis, il se redresse, ses paumes encadrent son visage d'ange et à travers les perles émues suintantes de ses yeux, il le contemple et l'admire, murmure d'une voix rauque et éraillée. — I'm so sorry love... I promise I won't ever leave you again...  I'm so so so sorry... Craquèlements du puissant, il s'effondre brusquement, ignore encore tout ce qu'il y a à reconstruire, à comprendre, à guérir.

with /   @Ryū Sage  — midrias & 10.07.22 (senseicons)

(Live with his name on your lips. Live with blood on your knuckles. Live as if you don’t know what else to do.) Aube traitresse. Soleil cruel et sur lui les affres de la vie. Pèse ses membres, abime son sourire. Ternit son éclat. Bambi aux fragments stellaires qui a perdu sa superbe. Et dans les yeux de sa mère, il voit les ombres qui le dévorent. Dans le regard de son père, la déchéance qu’il représente. Myocarde endeuillé qui ne sait accepter l’impensable. Et dans ses palabres, de l’espoir qu’il offre à tout va, refus presque hystérique d’accepter que son monde ait pu s’écrouler. Disparaitre. Il est en vie. Information vitale, de celle qui anime le palpitant, le fait battre à l’automatique. Vivant. Mot qu’il clame, déclame quand tous ou presque ont baissé les bras. Mot qu’il assène contre sa carcasse désarticulée, pantin qui s’anime dans un quotidien pierrot, et le temps qu’il affronte sans arme, assurance que les sabliers ne se détraqueront pas pour lui ramener l’Éros amoureux. Et lorsqu’on lui demande d’oublier, de le laisser partir, le regard qui lance a les langueurs d’une éternité et le sourire qui étire ses lippes, les fragments nocturnes des rendez-vous passés. Il l'aime. Amour poison, le temps qui a corrompu la beauté de ces rubans enlaçant leur âme. Amour martyr, existence bancal du manque criant de sa moitié, de son tout. Il l’aime. Le nom en baume brûlant, qu’il ose à peine prononcer de peur de s’abimer encore plus. Quand me reviendras-tu ? Heures égrainées dans ces journées trop semblables, et personne ne semble voir, comprendre que le monde est fade. Monochrome blafard d’avoir perdu ces étincelles de sa présence. Sérénité factice trouvée dans un quotidien étrange, l’odeur du café endort ses sens. Endroit cocon, les conversations sont basses, et il se prend à rêvasser. Limbes oniriques qui voilent ses yeux et lorsque que la clochette retentit, les fleurs laissent leur parfum se gorger de la pluie. (Wait for death and his voice calling you home.) Songe pithiatique. Ce n’est ni la première fois, ni la dernière qu’il dessine dans les traits des clients ceux du bien aimé. C’en est presque risible, cette espérance désespoir, ce myocarde qui s’abime à l’imaginer revenir jusqu’à lui. Mais l’attente des allures d’horreur. Temps insoutenable qui s’écoule en des journées, mois, années, à le savoir si loin. Absent. Manquant. Et pourtant le regard qui se fait plus tendre. Comme une vieille habitude de ce cœur écorché. Les yeux qui se plissent et les lippes qui s’étirent face à cette illusion simulacre. Rendez-le-moi. Supplication muette, et il s’en détournerait presque à regret. Il ne peut plus Bambi. Le voir disparaitre. Voir la réalité cruelle, infame, reprendre ses droits et lui enlever. Encore et encore. Mais la voix qui le fige. L’écartèle comme une promesse passée. Et lorsqu’il se retourne, l’observe, c’est le déni qui prend le dessus. Parce que c’est trop cruel d’aller jusqu’à entendre sa voix. Trop douloureux. Mais le corps qui s’anime, marche vers lui, jusqu’à ce qu’il se retrouve dans ses bras. Jusqu’à ce qu’il retrouve son odeur. Son étreinte. Son amour. Merci, merci, merci. Larmes jumelles, et il se refuse presque à le laisser s’éloigner, enfant qui voudrait le garder contre lui. Cœur exsangue, qu’il a laissé entre les mains du dragon, trou béant à la place du palpitant et pourtant, le voilà entrain de murmurer son nom comme une litanie, prière apocryphe que ce ne soit pas un rêve perfide. Non. Par pitié, non. « Ryu … I … I … » Les mots manquent, comme les forces, les deux corps qui s’effondrent mais ses bras qui refusent de le lâcher. Assurance venin qu’il disparaitrait de nouveau. Non. « Why … why … did you … leave me ? » Solitude imposée comme le pire des châtiments et l’être entier violenté de cet amour martyr.