Brother

janvier 2022

ketterdam

@aska feyn
trop de love  
C’est l’heure de pointe au marché noir de Ketterdam et pourtant, le silence n’est jamais aussi grand que dans cet endroit.
La pacotille est vendue à prix d’or et les faux amis complotent, pactisent, se trahissent.
Les pigeons crédules sont les seuls dont il entend la voix. En passant près de l’un d’eux, il ne peut réprimer son exaspération en roulant des yeux lorsqu’un de ces idiots se vante d’avoir fait l’affaire du siècle en s’étant offert une potion qui promet la vie éternelle.
Si l’éternité préserve ce genre d’individu, alors il préfère mourir.
Néanmoins, il reconnaît l’ingéniosité de ce vendeur de camelotes. Les morts ne peuvent pas demander à être remboursé.
Non vraiment, très bon business.
Lui n’est pas là pour un extrait de « pierre philosophale » qui s’avère être en réalité du sable coloré en rouge, mélangé à de l’alcool parfumé au lys.
Bien que l’idée soit amusante, lui est là pour un rendez-vous d’affaire.
Il progresse péniblement entre ces âmes entassées, joue des coudes jusqu’à bousculer par mégarde une jeune femme. Celle-ci se retourne agacée mais son expression se radoucit en tombant sur ses traits. Au lieu de poursuivre son shopping elle le fixe, prête à entendre les excuses qui lui sont dûs.
« Où est-ce que vous avez eu ça ? » Il désigne le pendentif qu’elle porte autour du cou. Une lune de fer au ventre taillée en une multitude de courbes abstraites qui se croisent entre elles. Au sommet de sa pointe pendouille une améthyste brute maintenue par une accroche circulaire.
Il reconnaît ces courbes, comme on reconnaît une écriture.
Il en a vu les répliques exactes sur d’autres objets du même acabit. Il les a vu gribouillé sur des bouts de papier et dessiné sur sa peau à l’encre noire.
Aska.
Ses pupilles s’élargissent, des élastiques étranglent ses artères. Son coeur se réveille d’un long coma qui n’attendait que lui, son petit frère.
Aska pulvérise à lui seul ses croyances, il pensait avoir une indépendance affective hors du commun mais il revient à la vie et le besoin vital de le ranimer supplante tout le reste.
Rien n’est plus important que de le retrouver.
« Un garçon là-bas vend des artefacts. » Elle désigne un stand derrière elle, sur la droite. « Je peux vous… » Il n’entendra jamais la suite, il fend la foule jusqu’à lui. Sa mémoire auditive est le dernier élément qui corrobore sa certitude, c’est bien lui.
Il le reconnaît, malgré le masque qui lui cache le bas du visage et qui rend la lecture de ses mensonges impossible. Il n’entend que le quart de sa présentation mais il en discerne assez pour percevoir sa passion, un feu ardent qui pare toutes ses inventions. Cette véhémence persuade, les ventes sont bonnes, on le constate au peu de marchandise qu’il reste sur la table.
Shade s’avance, manipule une sphère métallique de la taille de sa paume. On y retrouve les mêmes arabesques, celles-ci sont en verre. Fine vitrine de ce qu’il y’a à l’intérieur, un liquide bleu lumineux.
« Combien pour ça ? »
Leurs yeux se rencontrent comme un accident, tous les hématomes de l’impact chatouillent. C’est un sourire tuméfié de bonheur qui marque leurs retrouvailles.
Une douleur qui guérit, c’est étrange mais c’est l’effet qu’il lui fait. Deux ans, c’est le temps de vie qu’il a vécu sans lui.
Il s’est souvent demandé qu’est-ce qu’il était devenu, a cherché à savoir sans vraiment aller au bout des choses. Il voulait le trouver mais s’est aussi beaucoup posé la question de « pourquoi » il le voulait. Après y avoir bien réfléchi c’était par égoïsme, Aska avait peut-être besoin de lui à l’époque mais en disparaissant dans le Fold il l’a amputé de cette aide et du repère qu’ils étaient l’un pour l’autre. Parce qu’il ne leur restait plus que ça, l’autre.
Aujourd’hui ce n’est plus le cas, il a avancé seul et loin.
C’est peut-être pour ça que ça fait aussi mal.
Ces pas, il aurait aimé pouvoir les faire avec lui.

Brother

janvier 2022

ketterdam

@shade wicke
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Sa voix se mêle à la cacophonie ambiante, refrain familier qui pulse dans les veines de Ketterdam. Il n’a pas besoin de parler fort : il se sait écouté. Les prunelles de son auditoire sont rivées sur cet objet qu’il tient en main. Captivées par le trésor délicatement forgé. Un [ e s p o i r ].

❝ La magie ne nous a pas abandonné. Elle est là. En chacun de nous. Latente. ❞ Sa main - celle de chaire et la seule visible, car l’autre est dissimulée sous un long manteau - agite le pendentif et la pierre en son centre se met à scintiller. Des premières exclamations s’élèvent dans son public, partagé entre la surprise, la méfiance et ce besoin désespéré de croire. ❝ La magie, notre magie, a seulement besoin d’un léger coup de pouce pour être ravivée. Des artefacts. Gardés jalousement par ceux de la haute ville, pour eux et eux seuls. ❞ Cette fois, une vague de protestation parcourt les rangs. Sous son masque, un sourire s’étire. Jubilatoire. Carnassier. ❝Et si je vous disais que vous aussi vous pouvez combler ce vide qui nous ronge tous ?❞ Il brandit le bijoux et celui-ci se met à briller de plus belle. Comme le métal attiré par l’aimant, il les sent se rapprocher. Certains lèvent une main sans toutefois oser le toucher. Tous admirent ce beau mirage. ❝Oui, c’en est bel et bien un. Authentique. Gorgée de la plus pure des énergies, celle qui réveillera la magie en vous.❞ Chaque paire d’yeux s’est transformée en perle luisante, reflétant la convoitise. Son rictus s’élargit. ❝C’est là. A portée de main. Pour tous. Il suffit de la vouloir, d’avoir la foi… et quelques crescents.❞ Les murmures grandissent. Entre eux, les démunis s’interrogent, parlementent. Quelques un flairent l’escroquerie mais d’autres se ravisent. Ils l’ont vu briller comme par [ m a g i e ] ! Il l’ont entendu, l’appeler eux ! Qu’est-ce que quelques crescents contre la délivrance d’une vie incomplète ?
Les bourses tintent, les voix clament, les crescents coulent et les doigts agilent récupèrent. Dans les yeux d’Aska Feyn, c’est une galaxie entière qui s’illumine. ❝Et n’oubliez pas : il faut y croire !❞ Ainsi, la faute ne sera jamais sur lui.

Lentement, les foules s’éparpillent et son étale se vide. Sur sa hanche pèse un sacoche engraissée par l’argent. Sensation satisfaisante d’un poids qu’il ne souhaite pas se voir délester.
Aska contemple son œuvre. Son stock est presque épuisé. Il est bientôt temps de mettre les voiles. Car les règles sont strictes : ne jamais traîner dans le coin une fois la marchandise vendue. Il sait ô combien les pigeons volent vite.
C’est son dernier artefact qu’il vante à cette femme dont il oubliera aussitôt le visage. Il ne le voit pas arriver. Il est concentré, pense déjà à remballer, disparaitre, fuir. Puis, il entend une formule magique. L’argent attire son attention avant la voix qu’il aurait dû reconnaitre entre mille. Mais comment aurait-il pu ? C’est impossible. Les mots de parlent pas.
Alors, Aska relève les yeux, une lourde impression dans la poitrine. Il l’ignore. Une seconde. Avant de ne plus jamais le pouvoir.
❝…❞
Sa bouche s’est ouverte, aucun son n’en sort. Ni le prix, ni rien d’autre. Il s’arrête, se fige. Ce qu’il voit n’est pas réel. On le trompe. Ses iris tressaillent, s’agitent. Il cherche parmi la masse qui grouille qui cherche à le piéger. Des pupilles violettes. Un daemonis, à coup sûr ! Est-ce une vengeance ?
… Mais de violet, il n’y a que cette crinière face à lui. Celle qui a tant chercher à la frontière du Fold. Celle qu’il a attendu chaque soir avant de fuir. Celle qu’il ne revoit plus qu’en rêve.
Son coeur loupe un battement. Deux, ou trois, ou plus, sans doute. Il rêve peut-être, finalement. Car comme à chaque qu’il apparait dans ses songes, ses yeux se trempent de larmes. Sa vision se brouille. Il ne dit toujours rien. Mais sur ses lèvres se dessinent un prénom. Il veut retirer son masque - ça serait trop imprudent, il ne peut pas ! - , il veut le crier, le toucher. Saisir ce mirage ou le faire disparaitre.
Les secondes passent. La voix de la cliente le rappelle au loin. Comme un robot, Aska pivote, range l’artefact. ❝Je suis désolé. La boutique est fermée.❞ Aussitôt, il remballe toute son étale. Rapide, précis, comme une chorégraphie qu’il appris par coeur, nécessaire à sa survie. Il jette un oeil. Il est toujours là. Shade. Ou son fantôme. Il ajuste son sac sur son dos d’une main. Il dissimule toujours l’autre, trop reconnaissable, trop risqué.
Il plisse les yeux, les ferme fort. Il ne peut pas pleurer en plein milieu de cette rue. Il doit s’éloigner. Mais alors qu’il s’apprête à s’évaporer, il se tourne vers celui qui n’a pas disparu. Il l’implore du regard, lui fit signe de le suivre s’il le peut. Il songe que la silhouette n’a rien de fantomatique. Elle n’est pas non plus massacrée comme elle peut l’être dans ses cauchemars. Un vertige le prend. Il continue de marcher. S’il doit se mettre à parler seul, à délirer, il le faire à l’abri des regards - ça ne serait pas bon pour les affaires. Fébrile, il se traine dans une ruelle plus calme. Et quand il se tourne, il est toujours là. Comme une ombre sans obscurité.
Aska fait tomber le masque. Il le contemple encore. S’efforce de ne pas éclater en sanglot. ❝C’est faux… n’est-ce pas ? Ca ne peut pas être toi…❞ Ses lèvres tremblent. Sa voix aussi. ❝Tu ne peux être Shade…❞ Le prénom s’étrangle dans sa gorge. Il l’a pourtant tant évoqué… mais jamais il n’a fait mal comme aujourd’hui !

Brother

janvier 2022

ketterdam

@aska feyn
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Il comprend au tremblement de coeur qui l’emporte qu’il y’a une donnée qui lui échappe.
Il cogite alors qu’il essaie de le rattraper, que la foule perd en densité.
Les connexions se branchent à tous les éléments de cette course-poursuite qu’il laisse tomber derrière lui comme des indices. Sa manière de le fuir et de le chercher à la fois, cette émotion hybride dans ses yeux mi-terrifiés, mi quelque chose d’insondable qui ressemble fort à de l’espoir.
Il a peur, peur qu’il n’existe pas.
Cette crainte il la vocalise, une culpabilité qu’il avait enfouie jusque-là le submerge. Son absence lui a donné des traits de fantôme, existence en transparence. Aska pourrait bien mettre ses mains sur lui, qu’elles passeraient au travers.
Parce que pendant son absence il était immatériel, porté disparu, mort. Et maintenant il est là, il prend la mesure de ce qu’il a raté, de ce qu’il a cassé.
On lui a toujours dit qu’il était malin et débrouillard. C’était vers lui que les enfants de l’orphelinat se tournaient pour élaborer des petits stratagèmes. Que ça soit pour piller les placards de confiseries en pleine nuit ou planifier une mise en scène pour détourner l’attention d’adultes encombrants, il avait le rôle de la tête pensante. Et pourtant, il se sent plus idiot que jamais.
S’il était aussi rusé qu’ils le prétendaient tous, il s’en serait sorti et Aska n’aurait pas ce regard-là.
Celui d’un endeuillé qui peine à croire au miracle.
Son amour le porte en miraculé mais il juge sa vérité bien magnanime, il aurait dû le chercher plus fort.
Même là, il n’a pas brillé.
« Désolé. » C’est ce qu’il a de plus sincère à lui offrir, des excuses pour tout ce qu’il n’a pas fait.
Il n’arrive pas à lui donner des retrouvailles correctes, le genre projeté sur grand écran où les embrassades mêlent larmes et rires de joie. Shade c’est une vieille âme qui transmet l’affection en geste du quotidien, sa plus belle preuve d’amour Aska la porte sur lui. À défaut de savoir l’étreindre, il a su le réparer. C’est un regard sentimental qu’il pose sur la machine que son manteau ne dissimule plus aussi bien, elle représente la naissance de leur amitié. Quand il l’améliorait c’est eux qu’il faisait grandir et en l’entretenant, c’est leur lien fraternel qu’il consolidait.
Il voit des changements dans la structure de sa main, des manipulations qui ne sont pas les siennes. Ces détails font office de cicatrices, elles pointent du doigt son affection mal entretenue.
Traumatisme de ferraille qui lui fait mal, jusque dans sa chair.
« C’est terminé. » Le Fold, cette peine, elle est derrière nous. C’est ce qu’il essaie de lui dire, je suis de nouveau libre.
Libre de se racheter, de ressouder tout ce qu’il a manqué.
« Je ne partirais plus. » Ce n’est pas vraiment une promesse, c’est une offre que l’inventeur peut décliner. Il lui donne le choix, ne s’impose pas.
Il connaît la douleur du deuil, il a partagé le sien avec capitaine Feyn et il en a eu son lot de son côté. Déraciné de son propre arbre familial, c’est une mort plus abstraite mais pas moins réelle.
Un peu comme celle que lui a imaginé Aska.
Il était là et pas là à la fois.
Il peut se mettre à sa place mieux que personne, lui sait que rien au monde ne lui ferait envie à Celestia. Ni la fortune, ni les frères et soeurs ou les parents qu’il a pourtant là-bas.
C’est une partie de lui qu’il a laissé mourir, c’est plus supportable comme ça.
Si Aska le ressent de la même manière, alors, il le respectera.

Brother

janvier 2022

ketterdam

@shade wicke
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C’est impossible. Ça ne se peut pas. Sa vision le trompe. On le trompe. On lui ment. On cherche à lui nuire. Aska se débat en silence contre toutes ses pensées conflictuelles. Il lutte avec une gravité qui paraît plus forte que jamais. Il ne peut pas s’écrouler. Il ne peut pas. Mais il n’est pas capable de fuir ce mirage face à lui. Car il est faux, bien sûr…. mais s’il était vrai…?
Parle ! Parle, je t’en supplie ! Mens-moi s’il le faut mais parle !
Il parle. Le fantôme de son frère prononce un mot. Il ne répond pas à sa question et pourtant, c’est presque une réponse qu’il espérait sans l’attendre. L’excuse semble toutefois bien dérisoire. Elle ne dissipe pas le brouillard dans lequel Aska s’est perdu depuis trois ans. Un sort qu’il a fini par accepter… au point de ne pas savoir appréhender ce miracle.

Il ouvre la bouche, respire avec peine, à défaut de faire entendre sa voix. Il observe mieux les traits de celui qu’il pensait disparu. C’est Shade. C’est lui. Il n’y a pas de doute - si. Beaucoup. Il n’a presque pas changé. Presque. Est-ce le Fold qui l’a marqué ? Celui par lequel il est supposé avoir succombé ? Ou bien, autre chose ? Il ne sait rien, Aska. Il ne comprend rien.
C’est terminé. Oui ? Quoi ?
La déclaration résonne comme un tambour dans sa poitrine comprimée. Le nez et les yeux piquent. ❝ Comment… ? ❞ articule-t-il, sans parvenir à formuler la suite. Shade conclut à sa place et, en guise de ponctuation, Aska étouffe un sanglot pitoyable. Partir…? ❝ … mais… tu es mort… ❞ Prononcer ces mots le tue à son tour. L’admettre une fois a été la plus grande douleur de sa vie. Même après la perte de son père… Shade disparu, Aska avait tout perdu.
Aussi, le répéter face à celui qu’il a enterré…
C’est abominable.
Aska ferme les yeux - est-ce un cauchemar ? Non. La joue qu’il mord lui fait mal…-, serre les poings puis presse son visage de sa main valide. ❝… là bas… je t’ai cherché et… j’ai vu…❞ Vu ? Non. Il n’a rien vu du tout. Tout se mélange dans sa tête. La déclaration de cette femme, sa tentative de le chercher près du Fold, l’attaque contre les pourfendeurs, sa fuite, sa douleur… Toutes ces années où il s’est persuadé…. A-t-il eu tort ? Depuis le début ? A-t-il été si bête ?
Il jure. La boule dans son ventre menace de l’engloutir. Et la peur étouffe la joie qu’il devrait ressentir ?



Il force ses prunelles à retrouver le revenant. Il déglutit. Est-ce un piège ? Il ose un pas vers lui. Un second. Sa gorge est si serrée qu’il a cessé de respirer. Un pas de plus et il n’a qu’à tendre le bras pour le toucher. Il ose. Entre ses doigts de chair, il se saisit d’un pan de sa veste. Tangible. Il la serre, tire un peu dessus comme pour être sûr qu’elle ne se détache pas dans le vide, que rien ne s’évapore.
Mais le contact est bien réel - il croit. Aska le voit de plus près. Et tout s’écrase dans sa cage thoracique ; sa vue se brouille. Se pourrait-il qu’il soit vraiment là ? … ❝ Shade….?❞ Bruit ridicule d’un gamin qui peine à retenir ses larmes. ❝Shade… C’est vraiment toi ?❞
Tant pis, si c’est un mensonge, Aska choisit de plonger dedans.

Brother

janvier 2022

ketterdam

@aska feyn
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Mort, lui ?
Il le voit se confronter à la réalité, il s’y ancre en la touchant, en le touchant. Il tient le pan de sa veste et ça lui donne l’impression d’être tiré violemment en avant, dans sa perception de son absence.
Il est désolé que le temps ait eu raison de son espoir, Zaun est pernicieuse. Elle égorge tous ceux qui ont l’audace de croire en quelque chose de meilleur, Aska en porte physiquement l'épreuve. Généreuse elle balafre aussi les endroits invisibles, pour son petit frère c’est au coeur. Il y’a des tas de points de suture, du rafistolage mais ça ne tient qu’à un fil.
S’il l’a cru mort c’est la faute à ce cimetière de soleils qui lui a déjà tant pris.
Il s’était promis de ne plus la laisser faire, Zaun à un nouvel ennemi.
Ses articulations grincent en l’enlaçant, son corps n’est pas familier à ces exercices d’amour. Il doit lui donner l’impression d’être cajolé par une armure mal huilée mais ça palpite sous son plastron, une affection réservée mais d’une grandeur sans limites. À la manière dont Aska se refuge contre lui, il espère qu’il le ressent à défaut de savoir le lui dire.
Berceuse fraternelle, il lui certifie sa présence d’une main raide dans la nuque avant d'affronter son regard. « C’est toi qui as dit avant que je parte que le Fold n’arriverait jamais à m’attraper. Alors, je ne l’ai pas laissé faire. » C’est sa façon à lui de revenir à la vie avec toutes les promesses qu’il croyait mortes : « Maintenant, c’est toi et moi. » ; « Je reviendrai. » Une nouvelle s’ajoute à la liste. « Je suis là. » Et il compte la tenir aussi longtemps que possible.
Les effusions d’émotion, ce n’est pas quelque chose avec lequel il est à l’aise. Alors, il trouve une parade, celle du grand frère qu’il lui laisse être.
« J’ai reconnu tout de suite. » Il désigne son sac à moitié vide de ses créations mécaniques qui connaissent un grand succès. « Je n’ai plus rien à t’apprendre, du peu que j’ai pu en voir c’était impressionnant. » Un « je suis fier de toi » avec un regard ébréché par une combinaison de sentiments qui s’assemblent mal. Il s’en veut de l’avoir laissé grandir tout seul et d’avoir raté ses réussites qui auraient pu être les leurs.

Brother

janvier 2022

ketterdam

@shade wicke
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 Aska ne s’attend à rien - si ce n’est qu’à tout moment, l’illusion disparaisse. Mais lorsque les bras de son grand frère l’entourent en retour, c’est un coup de poing dans le coeur qu’il reçoit. L’organe se met à tambouriner douloureusement, dans un vacarme similaire à celui d’un fou fracassant une barre de fer dans un hangar. Tous ses muscles se crispent et il n’ose plus respirer. Contact - presque - étranger. Affection ( l o i n t a i n e ). Et pourtant, la première chose qu’Aska fait, c’est chercher encore des preuves de tangibilité. Il hume le parfum de son fantôme, presse ses doigts sur les vêtements usés, cherche la chaleur d’un corps bien vivant… Shade… C’est vraiment lui.


Et alors, plus rien ne retient ses sanglots et ses larmes. Il hoquette comme un idiot dans le cou de son aîné. Respirer devient quelque chose de bien aléatoire et chaotique. Mais tant pis. Il lâche tout. Sauf Shade. Lui, il le tient à présent comme si toute sa vie en dépendait. Il le retient si fort qu’une partie de lui se demande s’il ne lui fait pas mal. Mais aucune excuse n’est capable de franchir ses lèvres. Aucun mot.
Il entend toutefois ceux de Shade et hoche imperceptiblement la tête. A-t-il vraiment dit ça ? Il ne s’en souvient pas. Ces mots viennent d’une époque où l’espoir vivait encore. Il a arrêté d’espérer, Aska. Il s’est débrouillé. Il a tout enterré… et maintenant…
Maintenant, c’est fini.
Qu’est-ce qu’il a pu être bête ! Qu’est-ce qu’il s’en veut, mon dieu !
Parce qu’il a abandonné si vite, Shade. Parce qu’il n’a pas cru en lui…
C’est fini. Maintenant, c’est fini.

Aska consent finalement à lâcher un peu prise pour permettre à Shade de respirer et à leur regard de se croiser. Difficile de ne pas immédiatement se dérober sous la honte. Mais si ses prunelles roulent quelques secondes vers un mur sans intérêt, elles retrouvent rapidement les iris sombres de son frère. Il lit au fond d’elles les promesses. Celles qu’il n’a finalement jamais brisées. C’est ma faute…
Il hoche la tête, dans un accord silencieux. Il aimerait trouver quelque chose d’intelligent à dire mais rien ne vient. Il se sent encore trop bouleversé. Il songe qu’il aimerait savoir faire meilleure figure comme Shade…

D’un demi pas en arrière, il lui laisse un peu d’espace. Il sait que Shade n’est pas la personne la plus démonstrative en ce monde et cette étreinte qu’il vient de lui donner demeure probablement le plus précieux cadeau qu’il puisse lui offrir. Aska la chérira toujours… Mais il sait aussi qu’il n’est pas raisonnable d’en demander plus. Il a eu bien assez. Il a eu son grand-frère.
Et c’est ce dernier qui brise le silence. Par réflexe, Aska resserre la prise sur son sac. Du revers de sa main droite, il essuie rapidement son visage. Au sel sur ses joues se mêle une rougeur candide alors que Shade le complimente à sa façon. A nouveau, c’est un solo de batterie dans sa poitrine. Ses lèvres se pincent, ses doigts se tortillent sur la lanière en cuir de sa besace. Impressionnant… Aska se le répètera encore une dizaine de fois pour le reste de la journée. ❝Tu trouves ?❞ Ne lui fais pas répéter, Aska. ❝Je suis encore loin de ton niveau, y’a encore plein de truc que j’sais pas faire mais… ❞ Il apprend. Il se débrouille. Ses orfèvreries sont bien primaires face à l’ingénierie de Shade, mais Aska mentirait s’il disait ne pas être fier de ses progrès. Même le plus futile des bijoux avait de la valeur aux yeux de l’orphelin. ❝J’ai monté un business, tu sais ?❞ Il dit ça à la manière d’un gosse cherchant l’approbation et la fierté de son père. Il ne parle pas d’escroquerie, bien sûr que non. Non pas qu’il craint la réaction de Shade - il serait bien injuste - mais parce qu’ici, à Zaun, l’escroquerie est un honnête business. ❝Avec une fille à Midrias, elle tient une boutique de potion…❞ Il a tant à lui dire, tant à rattraper. Il sent que cet échange en pleine rue ne suffira pas. Il veut lui parler de ses bombes qu’il fabrique, de son apprentissage sur la confection de poison, de ses ratés en potions, de sa création de faux artefacts… Et il le fera.
Mais à cet instant, il y a cette esquisse qui grandit à la commissure de ses lèvres. Il est tellement heureux de revoir Shade. Il peine encore à y croire, certes, mais il s’y efforce. Son cerveau lui dicte de parler, de continuer cette conversation… A chaque mot, un doute de moins. ❝Et toi alors… ? … tu as terminé avec … ta peine…?❞ Le Fold et ses dangers mortels… Et à peine y repense-t-il que la peur s'empare de lui, convaincu que rien ne peut échapper à ce brouillard de mort.

Brother

janvier 2022

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@aska feyn
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« Tu trouves ? » Les coutures de sa bouche craquent pour laisser ses commissures s’attendrir, il n’y’a que lui qui est capable d’une telle prouesse. Beaucoup ne comprendraient pas leur relation, elle s’est tissée dans la solitude et dans le deuil, ils n’avaient que l’un l’autre.
Aska a transformé tous les riens du quotidien en un tout nécessaire, il est devenu une partie de lui.
Son petit frère.
« Je t’apprendrai. » Ça le réconforte qu’il ne soit pas totalement accompli et c’est peut-être mal mais, lui être utile c’est son language de l’amour.
Il redoute le jour où il n’aura plus besoin de lui et malheureusement l’aube de cet air semble s’approcher bien trop vite à son goût.
« Un business ? » Il est amusé d’abord, pas sur le principe mais sur le ton. Il le voit avec ses étoiles dans les yeux à vouloir l’éblouir de son accomplissement. — Il n’a pas beaucoup d’efforts à fournir, quand il s’agit de lui ces astres il en a toujours au coin des cils.
Néanmoins il est peu convaincu par l’association d’informations qu’il vient de lui léguer.
Car oui, léguer est bien le terme. Il a fait partie de l’aventure à la seconde même où il a commencé à lui parler de son affaire.
Midrias, songe-t-il perplexe. Il ignore encore si c’est un coup de génie ou une idiotie suicidaire, il veut en avoir le coeur net.
« J’aimerais bien savoir à quoi elle ressemble » Cette fille. « cette boutique pour voir. » Si elle est fiable. « qu’est-ce que tu y fais, si tu veux bien ? »
Préoccupé par cette histoire d’alchimiste sortie de nulle part, il prend à peine en considération son inquiétude, lui donnant une réponse superficielle.
Oui, il est libre. Libre de veiller sur lui et ça passe par l’étape Midrias.

Cette fille-là a de l’argent, sa boutique est dans une jolie rue passante avec curieusement très peu de clients. Il inspecte le lieu qui a tout l’air d’un capharnaüm organisé avec une logique qui le dépasse. Une odeur de lavande embaume l'endroit, elle semble provenir d’une pièce interdite au public.
« Elle n’est pas très professionnelle. » Il l’a pensé en voyant le désordre et ça s’est confirmé lorsqu’il a vu dépassé d’un tiroir une pile d’enveloppes. De ce qu’il a pu apercevoir ça avait tout l’air de factures impayées. Elle doit abhorrer la paperasse car les crescents ne doivent pas être la source du problème.
Mais il ne la juge pas tout haut pour ce défaut-là mais plutôt pour son manque de ponctualité, qui ouvre son commerce sans être à la caisse ?

Brother

janvier 2022

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@shade wicke
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 Aska sourit. Comme il n’a plus souri depuis longtemps. Il a eu beau remonter la pente, se démerder comme la petite raclure de Zaun qu’il est,  il n’avait personne à qui offrir ces sourires là. Ceux du gosse qu’il était, et est toujours en présence de Shade.
Une partie de lui cherche son approbation et sa fierté. Une autre voudrait lui montrer qu’il n’est plus si petit, si faible. Il a grandi Aska, que Shade ou lui le veuillent ou non. Mais le chemin est encore long et il n’est certainement pas plus mal que son aîné l’accompagne le long de sa route.
Dans sa poitrine, c’est une fanfare d’excitation. Il hoche la tête sans détailler davantage son business. Il veut lui en parler bien sûr, des artefacts, des potions, de Jazz… Mais ici, c’est délicat. Les murs ont des yeux, des oreilles… Aska se sent rarement en sécurité et Ketterdam n’est clairement pas son refuge favoris.

Alors ils bougent. Parce que Shade est curieux et que sa proposition, Aska comprend qu’il serait de mauvais ton de la décliner. ❝Euh. Oui, si tu veux,❞ avait-il répondu, un peu pris de court mais pas non plus réfractaire à l’idée. Le temps de se demander si la boutique sera ouverte, si Jazz y sera - c’est à dire que tout est un peu aléatoire quand il s’agit de la rêveuse.
Il rajuste son manteau et sa besace, remet son masque et fait signe à Shade de le suivre. C’est un peu gênant parce que c’est lui qui lui a tout appris. Ses trajets dérobés pour atteindre ses destinations ne sont que le fruit du modèle de prudence que son aîné lui a enseigné. Et il est bien le seul à qui Aska ne rechigne pas à montrer ses passages secrets - au fond, peut-être que Shade les connait déjà.
Ce n’est qu’une fois à l'abri de toute indiscrétion, dans cette artère souterraine où les canaux d’Arcane ont été rongés, asséchés, qu’Aska lui parle des faux artefacts. De leur conception, des crescents qu’ils récoltent depuis peu… Et à nouveau, il cherche cette lueur dans ses yeux.

Ils atteignent finalement Midrias et passent les grilles sans se douter que quelques mois plus tard, ce simple passage ne leur serait plus aussi simple d’accès. La boutique est là, l’enseigne n’a pas changé depuis sa dernière visite, et c’est d'abord sans appréhender le jugement de son frère que le plus jeune passe la porte. Naïf enfant. ❝ Jazz ? T’es là ?❞ C’est sans y penser qu’il slalome entre les étagères surchargées. Lui, il aime bien ce petit bazar… Il entend la remarque de Shade et hausse les épaules : ❝ Elle a juste une organisation très à elle. ❞ Il ne sait pas trop pourquoi il la défend. Il a de l’affection pour Jazz, plus qu’il ne veut l’admettre sans doute. Il rejoint son pupitre, ensevelit sous tout un bric à brac qui a sûrement une utilité dans son monde : ❝ Jazzy ! J’voudrais te présenter quelqu’un. Tu te souviens, je t’ai dis que j’avais un frère…❞ commence-t-il, bien que sa voix s’étrangle malgré lui, comme s’il peinait soudainement à réaliser que Shade était vraiment revenu d’entre les morts.