Insupportable. Myevi ne sait pas pourquoi tout d’un coup le mensonge lui parait si insupportable ainsi ; un poids sur ses épaules si grand qu’il se sent même incapable de regarder son grand-frère, son plus grand confident dans les yeux. Comme si cela ne faisait pas plus de dix ans qu’il lui mentait en le fixant dans le blanc des yeux ; une belle ironie, vraiment. Pourtant, ces derniers jours, son pseudo pouvoir de projection astrale lui rend tourner plus la tête qu’en temps normal, l’empêchant de se fixer dans une glace et de se présenter devant Kaëden. C’est probablement pour cette raison qu’il a fini par faire demi-tour au moment de rejoindre la famille pour une excursion en bateau. La même raison pour laquelle le cadet a ignoré les appels et les messages inquiets du plus vieux. Enfin, jusqu’à la fin de sa réflexion internable cette nuit. Verre après verre, pilule après pilule – rongé par une culpabilité nouvelle et si intense qu’elle a fini par le rendre physiquement malade – Myevi est arrivé à la conclusion qu’il ne peut plus mentir à l’aîné ainsi.  Le monde est trop sombre à ses yeux pour écranter la dernière lumière d’espoir qu’il lui reste : Kae. Le jeune homme espère simplement que son frère lui pardonnera toutes ces années de mensonges ; qu’il comprendra que ce n’est pas une question de confiance en lui mais uniquement un moyen de défense – de survie – qu’il lui a fallu trouver. L’inquiétude de Kaëden se lit dans sa réponse quand le plus jeune lui demande de le retrouver à la demeure familiale pour parler. Myevi a longuement hésité avant de lui demander – mais il est temps de se jeter à l’eau. Enfin. Son anxiété n’est que plus importante qu’en temps normal, rendant ses mains moites et ses pupilles éparpillées alors qu’il attend l'arrivée de Kae. Il n’est pas sûr de par où il doit commencer son aveu, il s’agit de dix ans à effacer d’un revers de la main. Alors quand son frère se présente après ce qu’il lui semble être des siècles d’attente, il lâche la vérité sans attendre. « Je n’ai aucun pouvoir. » sa voix est sèche et dure, il est énervé contre lui-même que telle soit la vérité sur ses capacités. Myevi ne relève pas les yeux et ses dents se serrent un peu plus, avant qu’il ne se répète d’une voix plus ferme et finaliste encore. « Je n’ai aucun pouvoir, Kaëden. ». La voici, l’affreuse vérité qui fait de sa vie un enfer et il a un peu espoir que la partager puisse soulager un peu son cœur ébréché.

Tous les regards sont tournés vers l’aîné. Myevi manque à l’appel et le bateau finit par s’éloigner du port au bout d’une attente interminable de trente minutes. Il cherche à le contacter jusqu’au moment où le réseau ne fonctionne plus. Il ne comprend pas pourquoi son frère ne lui répond pas. Eux qui sont toujours très proches. Leur famille s’étonne de la confusion dans le regard du Draigwen. Il aurait pu le prévenir d’un éventuel empêchement au lieu qu’il se fasse un sang d’encre tout le long de la soirée puis de la nuit. Si le jeune homme est connu pour ses insomnies, cette situation n’arrange rien. Il ne peut pas s’empêcher de s’inquiéter car ce n’est pas dans ses habitudes. Malgré tout, il ne pourra pas certainement le disputer, l’engueuler. Kaëden sera heureux de le savoir sain et sauf. C’est notamment pour cette raison qu’il prévient ses collègues de garde au cas où ils le repèrent. Ce n’est peut-être pas le meilleur comportement à adopter, ne voulant pas non plus le contrôler. Mais tout de même, Myevi devrait savoir que son aîné déteste ce type de circonstances. Il en a vu des vertes et des pas mûres. Ils ne sont plus des adolescents, pas vrai ? Un signe de soulagement s’illustre quand Myevi lui fixe finalement un rendez-vous dans la demeure familiale avant de s’échapper aussitôt.

Les craintes reviennent une fois de plus. Elles sont quotidiennes mais cette nuit, elles sont plus fortes que jamais. Kaëden n’apprendra donc jamais à vivre avec. Rejoignant la salle où Myevi se trouve déjà, il lui offre un doux sourire, content de voir son visage intact. Il s’apprête à prendre la parole, prenant son courage en deux mains pour lui tirer l’oreille mais il le devance avec des termes dont il ne comprend guère le sens. Le cadet se répète quand le visage du plus vieux semble se décomposer. Aucun pouvoir ? Est-ce qu’il a encore été chahuté ? Quelqu’un se moque de son pouvoir pour parler ainsi ? Il voudrait lâcher un rire jaune mais le visage sombre de Myevi sonne comme un rappel à l’ordre. Ses jambes commencent à trembler, provoqué par un stress qui s’accumule depuis trop longtemps.  Il cherche à croiser les pupilles du coupable et est confronté à une personne incapable de le regarder droit dans les yeux. “ Qu’est-ce que tu es train de me raconter, Myev. Je t’ai déjà vu utiliser ton pouvoir. “ Idiot crédule qu'il est, Kaëden Draigwen. Il aurait dû utiliser son pouvoir sur son frère. Entendre ses messes basses, voir qu’il n’est qu’un charlatan. “ Tu veux plutôt dire que tu l’as perdu ? Depuis quand ? “ En tant qu’habitant de Célestia, le pacifieur a vu et a appris beaucoup de choses sur les pouvoirs familiaux. Il a juste manqué le chapitre où les tricheurs sont évoqués.

Kaë a toujours été un modèle pour Myevi – un modèle qu’il ne semble jamais pouvoir égaler ou atteindre. À cause d’une seule petite chose, qui a pourtant de grandes conséquences. Absence de pouvoir. Malgré son contact avec l’artéfact de ses ascendants maternels, il n’a aucun pouvoir. On l’a cru un peu tardif au début ; un simple ‘ça viendra plus tard, puis c’est peut-être un pouvoir discret’ balancé à la fin de la cérémonie. Mais le 'plus tard' n’est jamais arrivé ; pas quelques mois après, pas aujourd'hui, plus de dix ans plus tard. Myevi est probablement dysfonctionnel, cela fait des semaines que cette idée lui tourne indéfiniment dans l’esprit. Le jeune homme a tout essayé après tout – même les sorts et les potions les plus farfelues – et ce foutu pouvoir ne lui fait toujours pas l’honneur de se manifester. Des inquiétudes qu’il ne peut partager à personne et qui le rongent peu à peu. À la réaction du plus vieux, Myevi n’est pas sûr que les partager soit une bonne chose, finalement. Les tremblements de Kae ressemblent à ceux qui le prennent quand il réalise que sa vie n’a aucun sens. Le cadet ne le regarde pas, fixant les tremblements de Kaëden puis le muret à sa droite. « Non, Kae… Je n’ai jamais eu de pouvoir. » répète-il en tirant nerveusement sur ses mèches trop longues. Il comprend pourquoi Kaëden est aussi confus face à ses mots. Car un pouvoir, il en a un officiellement. Une mascarade bien menée – un mensonge si grand que parfois même Myevi finit par y croire. Mais la plupart du temps, il se demande comment qui que ce soit a pu avaler un bobard aussi grand et ce, depuis plus de dix ans. Notamment ses proches – Kaëden, ses parents. Peut-être parce que justement ce sont ses proches, ils lui font confiance et à tort. Il a menti à l’intégralité des gens qu’il connaît pendant plus de dix ans, la projection astrale est comme une seconde peau, un vrai pouvoir et un cocon de protection. « Jamais ! ». Il n’a jamais eu de pouvoir et il est temps d’ouvrir les portes de la vérité pour y faire entrer son frère. Soulager un cœur trop lourd, accepter l’aide dont il a besoin, les raisons sont multiples et pourtant, il se lance uniquement parce qu’il se sent à deux doigts d’abandonner. De tout abandonner. « Tout ça… La projection astrale, les absences, tout ça n’était qu’un mensonge. » et il est temps de s’en libérer. Pour le meilleur et pour le pire. Partager son désarroi est peut-être une bonne chose pour lui, mais qu’en est-il pour Kaeden ? « Je n’ai pas de pouvoir… Aucun et je ne sais pas pourquoi. » ajoute-t-il dans une voix basse, prise d’émotion – une peine qu’il a du mal à contrôler, de plus en plus de mal à contrôler.

Les mots de son frère tombent un couperet et désarment dans la foulée, l’aîné. Il ne sait pas comment réagir à cet aveu complètement inattendu. Aucun effort pour le préparer mentalement à cette chute beaucoup trop brutale, y compris pour un pacifieur surentraîné. Est-ce qu’il aurait pu anticiper le choc ? La pilule est difficile à avaler alors il préfère jouer avec les mots. Kaëden a déjà vu son frère utiliser son pouvoir. S’il avait du mal à comprendre la portée de celui-ci, comme les autres membres de la famille, il n’a jamais pensé que son frère serait capable d’offrir un tel spectacle. Une supercherie qui fait certes mal à l’égo mais ce n’est rien comparé au reste. Myevi lui ment ouvertement depuis des années. A quelle réaction il s’attend ? Des pleurs, de la compassion. Les iris de Kaëden s’assombrissent quand le plus jeune remue le poignard dans tous les sens. Mais au lieu de crier, c’est le silence qui sera sa seule réaction pendant plusieurs minutes. Il se remémore son pouvoir, cherche à voir les défaillances de ce système si rudement mené. Pas de pouvoir, dit-il. Il mordille sa lèvre inférieure, retenant un rire jaune. “ Tu es sûr de toi ? Car apparemment, tu excelles dans l’art de l’illusion et du mensonge. “ Il ne peut pas s’empêcher de se sentir tellement blessé et trahi qu’il en oublie l’humiliation. Il se doute néanmoins que Myevi n’a pas fait ça par plaisir mais pourquoi avoir attendu aussi longtemps ? Réfléchis, Kaëden. Mets tes émotions de côté et tu comprendras la volonté de ton frère. Mais pour le moment, il ne parvient pas à atteindre cet objectif. Sa sensibilité le prive de tout raisonnement logique. Il se montre toujours réfléchi d’habitude sauf que Myevi n’est pas un inconnu. Peut-être que si ? Quels sont ses objectifs ? Le dire aux autres et décrédibiliser les Draigwen ? Non, il a vraiment du mal à y croire mais ce n’est pas pour autant qu’il trouve la bonne réponse. Alors, autant lui poser la question, n’est-ce pas ? “ Pourquoi tu me dis ça maintenant ? Pourquoi tu ne l’as pas dit plus tôt ? “ La peur, sûrement. “ Qu’est-ce que tu comptes faire ? Continuer ton numéro et être ton complice ? “

Après des années à vivre dans le mensonge, la bombe fut lâchée. Un poids se libéra instantanément des épaules de Myevi. Rongé par ce secret depuis trop longtemps, le simple fait de mettre son grand frère dans la confidence est incroyablement libérateur. Kaëden est la seule et unique personne à savoir. Et le cocon de solitude et de désespoir dans laquelle le cadet s'était enfermé depuis plus de dix ans sembla enfin se rompre pour le meilleur. Ou presque. Myevi vit son monde s'écrouler pour la seconde fois de sa vie face à la réaction de son aîné. Son visage perd toute forme de couleur en entendant Kaë faire preuve d'un tel sarcasme. « C’est pas– » commença-t-il la voix étouffée avant de se couper. S'il sentit son coeur se fermer un peu, il décida de l'ignorer pour répondre à son frère. « Je suis sûr de moi, ça fait plus de dix ans que j’essaie désespérément de trouver ce pouvoir, de le réveiller ou je ne sais pas quoi. » reprit-il d'une voix ferme, les yeux obstinément fixés sur le sol et les poings serrés à en pâlir ses phalanges. Peut-être se devait-il d'en encore plus clair sur son aveu. « Il n’y a pas de pouvoir, Kaë. Pas à mes huit ans et pas maintenant. » répéta-t-il pour ce qui lui sembla être la centième fois, la vérité sur ce mensonge saignant son âme à chaque mot prononcé. Mensonge auquel il avait lui-même fini par croire quelque part. Les questions de Kaëden ne furent qu'une attaque supplémentaire que le plus jeune n'était pas sûr d'assumer jusqu'au bout. « Je sais pas… J’en sais rien. ». Le triste réalité. Au fond, Myevi savait bien ce qui avait motivé la création de cette vie alternative – une vie où il était ce que tout le monde attendait de lui. La peur. Le doute. La honte. La fierté. Un feu d'artifices d'émotions qu'il avait été incapable de gérer. Myevi en était toujours incapable à vrai dire. « Je sais pas… Il se passera quoi quand tout le monde l’apprendra ? » souffla-t-il. Car le seul modèle qu'il avait lui laisser un goût amer dans la bouche. Serait-il toujours digne des Draigwen si on apprenait que lui – la cadet prometteur – ne disposait qu'aucun pouvoir ? « Je voulais juste arrêter de te mentir et je – partager ça avec toi… » avoua-t-il en tentant un regard vers son grand frère. Il espérait que Kaëden comprendrait, combien c'était dur pour lui de lui dire, combien cela avait été dur d'affronter cela seul toutes ces années dans l'espoir que quelque chose change un jour. Peut-être s'était-il trompé. « Mais je crois que c’était une erreur. » conclut-il sans parvenir à cacher sa déception. Le soulagement envolé, Myevi ne se sentait que davantage comme un moins que rien – un erreur. Une erreur qu'il aurait mieux fait de taire jusqu'à la mort.

Pour sauver l’honneur de son cœur meurtri, il utilise l’ironie. Bien sûr qu’il pourrait comprendre les enjeux autour de son frère cadet si ce voile de colère ne couvrait pas ses yeux. Qui pourrait lui reprocher une telle réaction ? Kaëden n’est pas un robot et si on prend la peine de le connaître, il est facile de détecter la présence d’une sensibilité si forte qu’il en devient parfois malade. Il ne voit aucune issue de secours mais il fait l’effort de l’écouter. Car il le chérit son petit frère, plus que quiconque. C’est aussi pour cette raison qu’il se sent trahi. Le pacifieur aurait souhaité être dans la confidence plus tôt. Pour autant, personne ne sait s’il aurait réagi différemment qu’aujourd’hui. Il n’aurait jamais eu la force de garder ce secret, ni de supporter le poids de toute cette responsabilité sur ses épaules. Myevi l’a pourtant fait, lui... Et voilà qu’il explose. Perturbé, ses questions sont ridicules. Myevi ne pourra lui donner aucune réponse. Il est certainement plus perdu que lui. Il relève la tête vers lui quand il parle des autres susceptibles d l’apprendre à leur tour. C’est là qu’il réalise son hypocrisie et son dilemme. “ Maman serait folle. Je ne sais pas si un artefact peut fonctionner plus tard... J’ai jamais fait attention à ça. “ Il se plonge de nouveau dans ses réflexions qui ne mènent à rien. Evidemment. Mais les mots prononcés par Myevi le réveillent. Il doit faire quelque chose. Il doit conserver cette image de grand frère, digne de confiance. Il ne peut pas le laisser seul. Il souffle deux secondes avant de reprendre la parole. “ Non attends. “ Si tout reste confus dans son esprit, Kaëden ne peut pas le laisser se débrouiller, sauf si pour provoquer un chaos supplémentaire. Rester seul, garder tout pour soi, ce n’est jamais le bon plan et il en est le parfait exemple. Il devrait donc mettre sa fierté de côté. Il doit, il n’a pas d’autres choix s’il veut continuer à avancer, tous les deux, côte à côte. “ Je suis désolé. C’est juste... “ Kaëden évite de finir sa phase avant de dire une énième ânerie. “ On va trouver une solution ensemble. “ Il se lève de nouveau, ne croyant pas forcément à ce qu’il vient de dire. Alors, à défaut de mettre de la conviction dans ses mots, Kaëden s’exprime de façon différente. En effet, il décide de le prendre dans ses bras. Dans une famille, il est nécessaire de se serrer dans les coudes, quoi qu’il en coûte. “ Comment tu t’y es pris jusqu’à présent ? Dans tes recherches, je veux dire. “  

À cet instant, il réalisa le poids de dix ans de mensonges – sur ses épaules, l'impact sur ses relations, les conséquences sur sa confiance en lui, sur sa santé mentale. Idiot il était de croire qu'en annonçant à Kaëden la vérité sur ce pouvoir inexistant, ce jeu d'acteur façonné, une certaine normalité reviendrait ; une sorte de calme, un fin mélange de sérénité et de sécurité. Ce n'était pas si simple que cela, et la réaction de son grand-frère en était la preuve. Partager son fardeau à un des premiers concernés ne fit que confirmer combien sa situation est inédite et compromettante, pour lui et pour sa famille. « Elle va me détester… » souffla-t-il en réponse, plus pour lui que pour son frère, vraiment. Leur mère accordait une telle importance à l'héritage de son artéfact et Myevi avait échoué à remplir sa part du marché en tant que cadet – il ne pouvait qu'imaginer la déception, la rage que sa mère éprouverait envers lui pour cette raison. Bien sûr, il ne pouvait qu'être déçu des réactions mitigées sur son aveu. « Ne t'excuse pas… C'est de ma faute si on en est là. » ou plutôt s'il en était là. Mais aussi crève-coeur que cela puisse être, Myev se devait de comprendre qu'il était la source du problème. il ne pouvait s'en vouloir qu'à lui-même. Malgré toute la confiance, l'affection et l'espoir qu'il avait en son grand-frère, c'était trop de croire que celui-ci le suivrait aveuglément. Le cadet n'était même plus sûr d'avoir le droit de demander de l'aide ou simplement de l'accepter. « Kaëden, tu– tu n'es pas obligé de faire ça, de m'aider je veux dire… Je ne sais même pas s'il y a une solution à trouver. » ; car parfois et plus souvent que jamais ces derniers temps, il finissait par penser qu'il y avait juste pas de solution. Il n'avait aucun pouvoir, ce serait ainsi jusqu'à la fin des temps et il ne connaîtrait probablement jamais la raison de l'échec de l'artéfact de sa propre mère sur lui. Après dix ans à chercher réponses sur réponses, Myevi semblait de jamais voir la sortie de ce labyrinthe dont personne ne possédait la carte. Il laissa son frère le prendre dans ses bras, figé sous la surprise que son frère considère qu'il mérite tout de même son affection. Peut-être que Kae n'était pas si fâché que cela après-tout. Pourtant, il ne trouva pas le courage nécessaire pour lui retourner son étreinte. « J'ai fouillé tous les bouquins de la bibliothèque, des archives aussi sur le sujet et rien, il y a rien. ». Le  jeune homme ne comptait plus les heures, les nuits blanches qu'il avait passé à trouver refuge dans les ouvrages sur les artéfacts, sur la magie qui circulait à celestia ou juste à velaris pour apprendre et comprendre. Sans succès. Mais également les heures à s'essayer à trouver des solutions moins orthodoxes. « Et hm– hm, j'ai essayé… » commence-t-il d'une petite voix, détournant visiblement le regard de celui de son aîné. Honteux d'avoir une telle chose à son grand-frère, il était encore moins convaincu de sa réaction vu le statut de pacifieur de Kaëden. Dans une tentative de mieux faire passer la pilule, il serra finalement ses bras autour de la taille de son aîné avant de reprendre. « De prendre des choses. » il cracha ces mots à la vas-vite, dans un murmure étouffé. Méthodes plutôt controversées, indignes d'un fils de et probablement plus dangereuses qu'il voulait y penser.

Il évoque leur mère de façon trop hâtive compte tenu de leur joute verbale. Les deux frères se disputent de temps en temps pour des choses sans importance, sauf que ce soir, c’est différent. Cette situation bouscule en premier lieu la vie de Myevi mais l’équilibre de la famille peut aussi en prendre un sacré coup. C’est pour cette raison qu’il s’est bien gardé de leur avouer ce secret, plus tôt. Un constat bien triste pour l’aîné qui ne vit que pour la loyauté. Est-ce que ses parents pourraient trahir leur propre fils pour une question de réputation ? Il n’a pas l’impression qu’ils soient aussi durs mais quand on y réfléchit, ils imposent une fiancée à leur fils aîné. Certes, ce n’est pas comparable. Ça démontre à quel point tout le monde peut devenir hypocrite quand de gros intérêts sont en jeu. Alors, quand le garçon évoque le mépris de leur génitrice, le jeune homme ne peut pas répondre en toute certitude. Non Kaëden ne peut pas le rassurer et cela se confirme par une simple éventualité, qui ne le ménagera pas. “ Je ne pense pas que maman serait en mesure de détester un de ses enfants. " Il comprend que son frère ne compte pas le dire à leurs parents. Il ne va pas insister car pour l’instant, Kaëden a un autre objectif en tête. Sa seule préoccupation est désormais liée à son frère. Lui qui lui reprochait il y a quelques minutes de garder le silence. Il doit étudier les enjeux, découvrir les causes de cette situation. “ Pour le savoir, il faut essayer. “ Il serre les dents, laissant la colère s’échapper au profit d’une détermination encore timide. Myevi est découragé. Cette conversation est sûrement une tentative désespérée ou un échec qui l’a anéanti. L’aîné n’a donc pas d’autres choix que de montrer l’exemple. Et quel exemple... “ Tu pensais vraiment que j’allais me contenter de croiser les bras ? En te laissant comme ça ? “ C’est un peu vexant. Kaëden reste un homme d’action. Tant qu’on ne lui demande pas de partir vivre pendant des mois à Zaun, bien sûr. Une piqûre de rappel ne fera pas du mal au Draigwen.  

Il le serre ensuite dans ses bras, dans une tentative d’étreinte qui n’atteint pas complètement son interlocuteur. Il le comprend. C’est spontané, fortement étrange après un coup de tonnerre. C’est aussi une tentative de pardon, une façon bancale d’exprimer son soutien... Une illustration de quelque chose qui ne doit pas changer malgré tout. Ce quelque chose qu’on appelle l’amour fraternel. “ A moins de trouver un écrivain qui a balancé les secrets d’une famille, je ne sais pas si les livres peuvent nous donner un indice. Je n’ai pas souvenir d’avoir entendu ça quelque part. “ Car l’aîné Draigwen n’a jamais aimé écouter les ragots. Il le regrette maintenant. Sentant le bras de Myevi autour de sa taille, il a soudainement peur... Qu’est-ce qu’il va encore dire ? Kaëden s’en doute. Une petite voix lui chuchote avant de prendre forme avec celle de son frère. Une triste évidence... Comme tous ces jeunes, comme tous ces gens qu’il croise pendant ses patrouilles. La recherche de la magie, de l’Arcane. Il aurait pu se mettre en colère mais le pacifieur est plus accablé qu’autre chose. Car lui aussi, il rêve de piocher dans ces sacs de pilule qui l’aideront peut-être à trouver le sommeil. Il lâche un soupir résigné. “ Autre chose que je dois savoir ? “ Quelques secondes plus tard, le jeune homme recule d’un pas. En fait, ça le démange trop. “ Putain... Dis-moi où tu t’es fourni. T’as pas pris n’importe quelle merde en passant ? T’en prends encore ? “ Le pauvre bonhomme a du mal à contrôler ses émotions. “ Tu n’as pas listé toutes les possibilités ? Tu sais, les vols d’artefact, c’est plus commun qu’on ne le croit ! “  

Etonnamment, les mots prononcés par son grand-frère n’ont rien de rassurant, Myev voit bien que Kaë est incapable d’exprimer avec certitude quelle sera la réaction de leur mère. Ce flou sur l’amour que peut avoir leur génitrice pour eux ne fait que nourrir d’avance les dénouements sombres que le cadet s’est imaginé. Alors pour toute réponse, il adresse un sourire timide à son frère – une grimace. Mais une part de lui est heureuse de constater que l’énervement de Kaëden repart aussi vite qu’elle est arrivée. Un soupir lui échappe, cet ascenseur émotionnel est épuisant. « Je sais pas– je savais pas… J’ai menti. J’ai menti pendant dix ans. ». Le dire à voix haute lui rappelle combien c’est long dix ans. Il se souvient de ce jour atroce où il a réalisé qu’il n’avait pas encore de pouvoir puis de celui où il a compris que son pouvoir ne se réveillerait pas de lui-même. Ces pensées le préoccupent alors qu’il sent l’étreinte de son grand-frère se refermer autour de lui – lui, il reste figé. Tout est confus dans sa tête. Ce qui est moins confus par contre, c’est la réalité derrière la question du plus vieux. Le jeune homme sort de ses pensées – laissant glisser entre ses lèvres la réponse la moins honteuse qu’il détient. « Peut-être, je– je ne sais pas par où commencer, je voulais essayer. ». Myevi espère quelque part d’en dehors même de l’histoire de sa famille, la clé se tient dans le culte des dragons de pierre dont est tant inspirée sa famille. Un maigre espoir auquel il se rattache silencieusement. Si cela consomme parfois sa santé mentale, c’est bien sa seule obsession saines du moment. Myev n’est pas fier de ses actes, de ses consommations. Il sait d’avance que Kaë non plus ne sera pas fier de ses actes alors c’est en retournant l’affection de son frère qu’il avoue à demi-mots ses torts. Son aîné est presque trop calme pour ce que ce soit vrai, mais ce n’est pas lui qui va s’en plaindre. « Non je– k ». Il n’a pas le temps de finir sa phrase, car le vent à tourner et l’humeur de Kaëden également. Rapidement, le plus jeune détache ses bras et s’éloigne cherchant à éviter les grognements, les reproches de son frère. Pourtant, ils continuent de résonner dans ses tympans – à juste raison, il doit l’avouer. « Je sais pas ! Un peu partout ! Du bouche à oreilles, des petits commerces, des potes en soirée ! Je sais pas ! » répond-t-il à la vas-vite, le rythme, le ton essayant de matcher avec celui de l’aîné pour éviter de se laisser écraser et de laisser les émotions reprendre le dessus. Myev regard Kaë avec de grands yeux, essayant de faire passer une petite dose d’honnête dans son attitude. « Non, non, j’essaie juste une fois pour voir si ça marche et je touche plus, promis. ». Encore un mensonge, qui passe aisément. Car en dix ans de mensonges, il a eu le temps de s’améliorer, de rendre parfait son jeu d’acteur et toutes les faussetés qui coulent de ses lèvres. Il espère que l’autre y croit alors que s’il teste en premier lieu pour réveiller son pouvoir, il ne peut pas nier qu’il y retourne pour oublier sa dure réalité et le vide qui ronge son cœur. Oublier, tout oublier le temps d’une soirée – c’est la seule promesse dont il a besoin depuis des années. Myevi secoue la tête pour virer cette pensée avant de relever de nouveau les yeux vers son frère. « Un vol d’artéfact ? Tu crois que l’artéfact de maman est faux ? Mais elle s’en serrait rendue compte non ? Il est dans la famille depuis des générations… ». Dans tous les scénarios que Myevi s’est crée dans son esprit, aucun n’est aussi simple. Ce n’est pas la première fois qu’il entend parler du vol d’artéfact, c’est un sujet courant entre les murs de célestia. Mais leur famille est-elle réellement dans le même cas ? Ils sont Draigwen après tout, Myevi les a toujours cru à l’abri de ces dangers-ci. « Et même si c’est ça… Je fais quoi ?  Je le cherche ? Comment ? Et comment on sait si l’artéfact de maman est réellement un faux ?... ». Le garçon a beaucoup de questions, cela fait dix ans qu’il a beaucoup de questions. Mais il a toujours très peu de réponses. Sans la magie qui lui ait du et qu’il n’a pourtant pas connu, il se sent incapable d’affronter tout cela.

Cette tentative de pardon est désordonnée, pas assez solide pour entendre une nouvelle vérité sortir de la bouche du cadet. Celui-ci ne lui laisse pas le temps de respirer, d’avaler la pilule alors qu’apparemment, il est devenu doué dans ce domaine. Kaëden voit la vision de son petit frère s’effondrer peu à peu devant lui. Il se sent impuissant car même avec son étreinte, il se sent incapable de recoller les morceaux. Pendant un instant, le pacifieur se demande si Myevi est soulagé de pouvoir s’exprimer. Partager un fardeau entre frères, ce n’est pas la première fois pour eux mais les enjeux les dépassent complètement. Difficile de garder la lucidité quand son frère se comporte comme un véritable con. Il n’y a pas d’autres mots pour le qualifier. L’enchaînement de décisions merdiques est un record dont il ne pourrait pas se venger. Pourtant, ça ne semble pas le déranger quand il cite presque tous les commerces du quartier. Prendre n’importe quelle drogue qu’on peut lui tendre en espérant que ça fonctionne ? Une désillusion. Lire des bouquins ne semble pas avoir forgé une quelconque forme d’intelligence. Il souffle, encore une fois, serrant le poing. Il aurait peut-être dû lui asséner un coup pour que Myevi retrouve ses esprits. Comme si la violence pouvait tout résoudre ou au moins libérer toute cette colère qui gronde dans son estomac. “ Répète encore une fois... Je ne sais pas et je t’étrangle. “ Première menace sifflée en regardant ses pieds. Si le pacifieur croise le regard de Myevi, il risque de mettre son plan en exécution. Ce n’est pas non plus dans ses objectifs. “ Tu prends ta merde un peu partout... Je ne sais pas si tu t’écoutes parler mais depuis quand t’es aussi con, Myev ?! “ Il passe sa main sur son front en commençant en faisant les cent pas. Ses mots tournent en boucle, un peu comme sa silhouette à l’instant. Il est déjà épuisé psychologiquement et il vient de drainer ses dernières doses de patience. Kaëden pose de nouveau son regard sur lui. “ Si tu tiens tant à me faire une promesse. Promets-moi d’arrêter ce cirque. “ La situation n’est pas simple. Pas besoin de rajouter des effets indésirables dans la balance. Ainsi, pour qu’il puisse se lancer dans un tel engagement, le jeune homme n’a pas d’autres choix que de lui proposer un plan. Quelque chose qui pourrait lui dire que la drogue n’est pas la solution. S’il en veut à son frère pour un milliard de choses maintenant, il ne veut pas qu’il soit le problème. S’il a tenté un bon nombre de subsistances illicites en essuyant que des échecs, c’est peut-être à cause de l’artéfact ? “ C’est une supposition. Le vol peut avoir eu lieu après sa cérémonie. Personne d’autre a testé cet artéfact avant toi. Combien d’années vous séparent ? “ Un vol, un artéfact abimé. Il pourrait faire une liste de dysfonctionnements s’il n’était pas aussi bien gardé. Faute de mieux, Kaëden continue sa théorie. “ Le chercher... Je ne pense pas ? Je ne vois pas l’intérêt d’un vol si ce n’est affaiblir une famille. Il ne pourra pas être utilisé par quelqu’un d’autre... Sauf s’ils ont trouvé un truc mais ça me paraît un peu gros... “ C’est là qu’il réalise l’impact de sa théorie sur son frère. Est-ce qu’il vient de dire que c’est foutu pour lui ? Artefact ou non ? Il se rattrape, trop tard. “ Il est peut-être abimé mais je ne suis pas un spécialiste. Tu ne connais pas quelqu’un qui est doué ? “