mention d'amputation« She did this to me ! she and her damn principles— it all happened because of her. » Le sursaut douloureux au cœur, lorsque le blâme se déporte, darde Aeri lorsqu’elle n’est pas présente pour s’en défendre. Ses yeux de gel dépeignent attentivement le visage craquelé de Karma, les émotions dégueulant de tous les pores humides de sa peau. Reyn perd les mots, s’aventurant en chemins tortueux—là où il est certain de s’abandonner, de se perdre, sous le couperet qui se tend contre le revers de sa nuque. Et lorsque ses lèvres s’apprêtent à s’étirer, fébrilement armé du peu de patience qui lui reste afin de réfuter les hypothèses nauséeuses de son compagnon, la voix de Karma résonne de nouveau brutalement dans ses tympans, palpite le long de sa jugulaire tendue sous la peau tendre de son cou.

« Tell me i'm wrong. » Ses mâchoires se serrent. Son souffle enflamme ses poumons, l’appréhension fend ses tripes, esquisse des entailles dans sa poitrine. « I can't believe you anyway. You know why? »

Don’t. Don’t, don’t.

« 'Cause you're always lying. Always, always playing pretend! » Ses pommettes se parent de carmin, la chaleur l’ébranlant dans l’instant, remontant du creux de son ventre jusqu’à son visage figé. Des tâches rouges parsèment sa gorge, embrassent ses joues. Les cils immobiles, quand la courbure claire de ses prunelles se voile de larmes—qu’il se refuse toutefois à verser, le chagrin mis en berne au profit de la colère. Saisissante dans son intensité, dans ce qui afflue à la lisière de ses neurones, se multipliant le long de sa langue acérée. Reyn gronde, de ce grognement balayant les mots, éclipsant les pensées ; de cette réaction instinctive qui, pourtant, ne lui ressemble guère. « So how am i supposed to trust you? I don’t need your pity. »

Ses babines se retroussent sur ses incisives. « No, no. You don’t need my pity. You don’t need my help. You don’t need anything from anyone. Tell me: what are you trying to prove exactly? Because you’re not a victim, Karma, nor a martyr. Right now, look at me, right now you’re a pain in my backside. » L’intonation monte également de son côté, les murs blancs lui renvoyant l’écho de son fiel avant même qu’il n’ait le temps d’achever sa phrase. L’index se pointe vers Karma. « And how easy it is for you to put the blame on Aeri. Aeri, who saved your life. So what? Do you want her to lose a limb as well? Would it make you feel any better? » Chaque mot est aiguisé avant d’être prononcé, sur le bout de ses lèvres assassines. L’index se recourbe, quand ses mains s’accrochent à ses propres genoux. Breathe.

Just breathe.

« And I’m just glad to finally know what you really think of me. Try losing your memory, everything that makes you- you, and you’ll see: you’re in for a fucking wonderful ride. But you don’t care about any of that, do you? » S’étrangle avant qu’il ne vienne camoufler ses lippes derrière l’une de ses paumes, manquant de peu de se mordre la tranche de la main afin de s’arracher à la douleur lancinante qui n’a de cesse de ponctuer ses dires. Don’t say anything else. « I don’t pity you, siffle-t-il enfin, essuyant de l’index les larmes menaçant de perler à la lisière de ses cils. You’re hurting. I have eyes. I can see it. But you’re not helping yourself by being a prick with those who love you the most. But who am I to say? I'm always lying. »

CODES BY MOONAETICS, BASES BY WIN / ICON BY ETHEREAL

membre amputé, profonde haine de soi, pensées potentiellement triggering
Y croit-il ? lui-même ne saurait le dire. sait seulement la colère qui l'habite, rouge-orange et vive et ravageuse comme un incendie, la colère qui le dévore à en détruire le meilleur de lui-même. il sait seulement que rien ne le calme, que rien ne franchit le bouclier de fureur au creux duquel il s'est cloisonné pour tenir la peur à distance. because you’re not a victim, karma, nor a martyr. right now, look at me, right now you’re a pain in my backside. satisfaction morbide à l'entendre admettre qu'il n'est rien d'autre qu'un poids — satisfaction morbide mêlée sous fond de nausée. i knew it, il marmonne entre ses dents, dépité mais victorieux. pseudo succès sans gloire, prince sans couronne, royaume de ruines. and how easy it is for you to put the blame on aeri. aeri, who saved your life. she ruined it, il proteste, mais : so what? do you want her to lose a limb as well? would it make you feel any better? cette fois sa hargne s'étrangle au creux de sa trachée.

la colère ne sera jamais assez intense pour lui faire cracher une réponse positive à une éventualité si atroce.

i’m just glad to finally know what you really think of me. vient la suite, brodée de déception, et peut-être l'atrocité de ses propos le frapperait-elle enfin, si une part de lui n'espérait se retrouver seul ; seul avec ce qu'il reste de lui. reyn a pourtant toujours su faire mouche, toujours su briser ses carapaces, et cette fois ne fait pas exception. try losing your memory, everything that makes you- you, and you’ll see: you’re in for a fucking wonderful ride. but you don’t care about any of that, do you? i do care, voudrait-il répondre, mais les mots ne quittent pas sa trachée nouée. i do care. but you’re not helping yourself by being a prick with those who love you the most. how could you love me? but who am I to say? i'm always lying. elle émerge alors, la culpabilité. celle qui ondule en lui tel le courant d'un océan incertain : tantôt vague, tantôt tempête menaçante. sa main se porte à sa tignasse encore trempée, tire sur les mèches dans un incontrôlable élan de self hate, une envie de se punir, envie de se détruire. i don't know, il souffle, i don't know i don't know i don't fucking know, litanie égarée, désespoir flagrant. that's not- i don't- les mots se meurent, il retente : you're not- et finalement, le désarroi le vainc. i don't know, répète-t-il, les épaules basses. incapable de corriger ses erreurs, ainsi à chaud, mais furieux contre lui-même, contre lui qui ne vaut rien. maybe you should leave, quémande-t-il, trop conscient d'être vide de mots réconfortants, trop conscient de n'avoir rien de bon à offrir ce soir. et peut-être plus jamais.

7juin 2022. vous avez un (1) message vocal. hey, it's me… you're probably asleep, and i'm a coward. i just- i wanted to tell you that- ((sur la ligne un bref temps-mort)) tell you i'm sorry. i was angry and being stupid and unfair and i'm deeply sorry. you give me more than i deserve… and you're not- ((déglution)) what i said. you're not. you're having a hard time and yet you stay amazing and caring and- and so, so brave. i want you to know that i admire you. a lot. and i love you. an awful lot. i- i hope you're doing okay. i miss you. i love you. fin des messages.

CODES BY MOONAETICS, BASES BY WIN

mention d'amputation7juin 2022. L’écran lui illumine momentanément la trogne, reliefs fébriles se dessinant dans l’épaisseur de la pénombre avant que la nuit ne vienne de nouveau l’engloutir. Garde le téléphone fermement calé contre ses clavicules, ses yeux clairs fardés de rouge rivés vers le plafond dont il appréhende les ombres. Il lui semble que les propos de Karma se répercutent encore dans ses tympans, vibrations sonores fantômes pulvérisant sa boîte crânienne lorsque les tendres excuses se font surplomber par l’écho de leur rixe. Sous le poitrail, la douleur est lancinante. L’absence sature son système nerveux. Pour autant, l’empreinte amère de la rancune sème des sillons désagréables dans sa carne, à la lisière de son derme.
D’un geste las, rendu maladroit par le sommeil,  Reyn pose l’appareil sur la table de chevet, et replie l’un de ses bras sous sa nuque, les paupières se refermant sur leur nouvelle réalité qu’il n’a dorénavant que trop échoué en essayant d’appréhender.

I’ll answer tomorrow.
And I’ll be good this time around.

I have to.

15juin 2022. « Karma? » La voix de Reyn échoue dans le silence de l’appartement. Se déchausse, en s’arrachant à l’étroitesse de sa veste qu’il suspend au crochet, surplombant la porte d’entrée, sans s’octroyer le privilège de la moindre inquiétude. Il sait pertinemment où le trouver.
Dans l’encadrement de la porte de leur chambre qu’il se plante, après avoir arpenté les couloirs, ses yeux s’accrochant tout d’abord au fauteuil au sein duquel Karma a quitté la clinique, l’œil morne ; et sur le dos de son compagnon, silhouette se découpant à l’amorce du crépuscule.  

Allongé sur le lit, étendu sur le flanc droit (quand le creux débutant de l’épaule gauche est tout ce que Reyn voit), la silhouette de Karma lui inspire un éclat d’émotion particulier—presque étrange de le voir rendu au bercail, lorsque les répercussions de leur dispute, une semaine plus tôt, n’ont de cesse de le rendre amer. Acidité latente qu’il parvient (non sans peine) à ponctuellement ravaler. Blessé, mais doué pour donner le change cependant, lorsqu’il étire ses bras ankylosés par la journée de travail, un soupir s’amorçant à la commissure de ses lèvres.

Vers le matelas qu’il se dirige à son tour, s’y allongeant prudemment, les ressorts grinçant sous son poids à mesure de son cheminement jusqu’aux omoplates de Karma contre lequel il vient reposer son poitrail. Ses lippes viennent s’égarer en baisers dans le creux du cou de Karma, remontant à l’angle de sa mâchoire jusqu’à sa joue. « Have you been out at all today?, s’enquiert-il, la voix basse, sa main s’étirant prudemment des côtes de son compagnon, jusqu’à son ventre, contre lequel son pouce trace des arabesques. » A peine la question soufflée qu’il culpabilise de l’avoir posée.
Pressé de lui rendre une humeur joviale, l’enthousiasme dont Reyn fait désormais preuve est fallacieux, gargarisé par des années à prétendre, dans ce tracé sinueux fait de mensonges : « Midrias is organising an event for the national holiday. It’s only in a few days time but I think it’d be good if we went. What do you say? »

Come on, say yes. I know you love it.

(Or used to, before I came back.)

Lorsque la mémoire lui fait défaut, la tradition des étoiles d’arcane lui tord le ventre d’appréhension. You know I don’t like it, why do you want to make me go? avait-il un jour dit à Karma, profondément piqué au vif par son engouement, deux ans auparavant. Fardés d’espoir, l’un comme l’autre, chaque année. Striés de déception, en fin de soirée.
This year might be different for us, voudrait-il ajouter—mais lui-même n’y croit pas, et c’est en un court soupir qu’il avorte ses prétentions, les étouffant contre la joue de Karma qu’il embrasse de nouveau, encourageant. « It's good to have you home anyway. »

CODES BY MOONAETICS, BASES BY WIN / ICON BY ETHEREAL

membre amputé, profonde haine de soi, pensées triggering : rejet du nouveau schéma corporel. disclaimer: les pensées de karma ne sont pas les miennes et sont bien évidemment erronées, dues à son refus temporaire de s'accepter (phase de deuil :  dépression — période majeure du deuil amenée par l’intégration de la réalité. troubles de l’humeur variables, allant de la colère à la passivité).
7 juin 2022. l'écran s'éteint. se rallume sous l'impulsion d'un pouce nerveux ; se rééteint de dépit. reyn ne répondra pas ce soir ; ne répond presque jamais à chaud, il le sait, mais ne peut s'empêcher d'entendre résonner désespérément dans ses pensées le mot jamais. karseis bascule sur le dos, lâche le téléphone dans les draps trempés de sueur et laisse choir son avant-bras droit sur ses paupières désormais closes, au coin desquelles surgit l'humidité de ses remords.

c'est une chaude nuit de juin, de celles où ils graviteraient l'un autour de l'autre sans pour autant se toucher, oscillant entre mauvaise humeur due au temps et sourires dûs à l'autre. avant de s'allonger sur le flanc, face à face ; de se fixer longuement, comme pour graver dans leur mémoire les traits de l'autre. une manie adoptée depuis les retrouvailles cinq ans plus tôt, depuis que la mort a manqué de sonner à leur porte — depuis que karma redécouvre chaque matin les traits de reyn avec l'impression trouble de ne pas tout à fait les reconnaître. le manque creuse en lui un gouffre sans fond, travail de longue haleine — construction sur des jours et des jours, dans l'ombre d'un esprit fiévreux qui se fermait à toute émotion autre qu'une colère dévorante. et à présent que l'énergie le déserte, à présent que son âme n'est plus qu'un champ désert, émerge la détresse des remords. accompagnée de son double maléfique, qu'est la peur de la perte.

suck it, songe-t-il amèrement, plein d'amertume-haine envers lui-même. à faire son nid dans le mépris de soi, à se complaire dans un dégoût que personne n'est plus là pour tempérer, à présent qu'il les a repoussés un à un — sa sœur, reyn, aeri. c'est ce que tu souhaitais secrètement, n'est-ce pas ? être seul, désespérément seul, libre de te détester tout ton soul sans que quiconque ne s'attèle à la tâche vaine de te remonter le moral. et maintenant regarde-toi, difforme et laid bien au-delà du physique, laid jusqu'à l'âme, jusqu'aux plus infimes fibres de ton être. les pensées négatives l'engloutissent sans qu'il n'essaye même de lutter. tu l'as perdu, perdu, perdu lui aussi, tu as perdu. à se laisser moisir ainsi dans le désarroi de longues heures avant que, finalement, ses phalanges ne crépitent, subtilement. une fois, puis deux, pour enfin saisir le téléphone et tenter d'écrire à sa jumelle ; de mettre des mots sur ses erreurs, s'en ouvrir à une autre et mieux les expier.

15juin 2022. les jours défilent et se mêlent aux nuits, enfilade dénuée de sens dont il grappille des bribes et laisse le reste lui filer entre les doigts. date et heure lui sont étrangers, inconnues dans l'équation d'une vie désormais dépourvue de sens. karma est conscient sans trop l'être, une vague ombre de lui-même, plongé dans le deuil d'un membre qu'aucun marchandage ne lui rendra. coincé dans l'un de ces moments où l'on se torture, à se rejouer l'instant fatidique, le moment fatal ; à se demander comment on aurait pu l'éviter. il tisse de et si la toile de sa dépression, se torture indéfiniment sans la moindre chance de changer le présent. la voix de reyn résonne de l'entrée, passe par-dessus lui et se perd dans l'infinité du néant dans lequel il s'égare. un laps de temps inconnu s'écoule, bref ou interminable, avant que le lit ne s'affaisse sous un poids supplémentaire que karma accueille sans bouger d'un iota. have you been out at all today? vient l'interrogation qu'il craint et exècre, celle qui fait se crisper son ventre sous les doigts caressants de reyn. il ne répond pas que se lever est devenu un horrible fardeau, que tenir debout sans que ses jambes ne vacille lui semble au-delà de ses forces, qu'il a ignoré les appels de la clinique concernant la rééducation. qu'il sent tout son corps trembler et menacer de s'effondrer au moindre effort, sous l'effet de la perte de sang massive dont il ne parvient pas à se remettre. qu'il exècre se sentir si faible, si incomplet, minable, amputé d'un bout de lui et de son âme tout à la fois. il ne répond pas qu'il ne voit pas l'intérêt de sortir puisqu'il ne sera plus jamais le même, plus jamais complet, intact et inconscient de ce que ça fait, de n'être plus qu'un bout de soi. ne répond pas qu'il ressent à chaque instant le manque de son membre comme s'il faisait le deuil d'une personne réelle : lui-même. midrias is organising an event for the national holiday. it’s only in a few days time but I think it’d be good if we went. what do you say? il ne répond pas que son bras n'aura pas réapparu d'ici là, qu'il ne réapparaîtra jamais et qu'il ne voit pas l'intérêt de sortir, de se prétendre normal, de se prétendre heureux. à la place, il se mord profondément la lippe au point de presque l'entailler. laisse reyn cajoler sa joue d'un baiser, le faire choir doucement sur le dos. ses prunelles réticentes demeurent rivées sur le plafond un instant, têtues, avant qu'il ne cède et ne pose ses yeux las sur reyn.

et c'est comme s'il le découvrait à vrai dire, comme s'il avait été conscient de sa présence sans trop l'être, comme s'il sortait la tête de l'eau. un peu. hey…, s'élève sa voix rauque de n'être que trop peu utilisée. son unique bras s'élève mollement, sa paume épouse la courbe de la joue de reyn sans que son maigre sourire n'atteigne ses yeux, et comme si le mouvement était déjà trop le membre épuisé lui retombe sur le ventre. il ne dit pas combien il est las de cette fatigue constante, de cet épuisement lancinant. il ne dit simplement rien. i don't want to go, avoue-t-il d'une voix éteinte, murmure presque inaudible. ses iris retrouvent les peintures sublimes du plafond, ornements onéreux suintant le luxe dans lequel baignent les fairburn, luxe qui ne lui rend pourtant pas son bras. ses yeux s'égarent toutefois sur le côté tandis que reyn s'accommode du rien qu'il lui donne : it's good to have you home anyway, assure-t-il comme si l'entier avenir de karma ne se dessinait pas juste là, à la maison, à ne rien faire, à ne rien être. it's good to be home, ment-il au bout d'un moment de silence, d'un moment de vide comme il en éprouve souvent ces derniers temps ; basculant dans des trous cosmiques l'espace de longues minutes à ne pas parler, ne pas penser, ne pas être.

à nouveau le silence. et sur ses traits, cette mine perdue et tracassée à la fois : les yeux sondant le néant et le front plissé irrémédiablement. c'est comme souvent la main de reyn qui le raccroche à la réalité, tentant de lisser ses plis tracassés, d'un pouce patient. you don't like it anyway. the national day. résignation allant de pair avec son humeur. let's stay home this year, propose-t-il, toujours de ce timbre vide et morne qui le caractérise désormais, tranchant terriblement avec le tempérament passionné et enflammé qui était le sien — avant.

fut un temps où il l'aurait séduit pour le faire taire ; karma qui usait de ses charmes pour fuir les discussions douloureuses… mais qui se sent aujourd'hui comme s'il n'en avait plus. simplement immonde et impossible à aimer, il se contente de rester statique, vision oscillant de reyn au plafond, encore et encore, à mesure qu'il décroche ou retrouve le fil de leur échange à voix basse. how was your day? tente-t-il pour échapper à une protestation ; offre d'un semblant de normalité pour prétendre se soucier encore de ce qui se passe, hors de sa bulle de désespoir, que seule perce la lueur du sourire de reyn.

CODES BY MOONAETICS, BASES BY WIN

mention d'amputationL’œil résolument ouvert sur le plafond, le sommeil se faisant d’autant plus difficile qu’à l’accoutumée, Reyn avait finalement trouvé le temps et l’espace pour réfléchir. Analyser dans la nuit les fragments d’émotions se décomposant ici et là dans ses entrailles jusqu’à l’aube de son cœur, qui n’a de cesse de manquer un battement lorsque la silhouette incomplète de Karseis se dessine, cage thoracique contractée sous le joug de ce qui l’a de prime abord ébranlé. Le chagrin, pour commencer, amplifié par l’empathie et le désarroi ; l’incapacité viscérale accolée à la carne de l’aider comme il le souhaiterait. Blessé également, de ce qui lui a été dit (révélé) ; et de sa patience fébrile, percée de fatigue jusqu’à ce qu’il n’en reste que des cendres. Les excuses muettes sur le renflement de la langue (s’ajustant toutefois au sacro-saint ego qui l’incitera à passer sous silence ses vulnérabilités autant que ses regrets persistants).

S’est découvert fâché également.
Brusqué par l’inconscience de Karma (dont il a toujours aimé le caractère enflammé, tirant sur une intrépidité que lui-même ne possède guère), notamment par l’impact de ses choix dont son compagnon pâtira jusqu’au crépuscule de son existence. A cet air parfois chagrin, parfois dépossédé, s’étalant sur son minois finalement taillé.

Nerveux, quoiqu’il en dise, à l’aube des éventualités qui s’étirent dans sa boîte crânienne.
Même s’il apprécie d’ordinaire s’en tenir aux faits sans s’embarrasser d’un monde alternatif de suggestions branlantes.
Même s’il exige des autres une linéarité exemplaire qui, en l’occurrence, lui fait défaut lorsqu’il s’agit de Karma.

Et tu avais été seul à Zaun ?
Si Aeri n’avait pas été là, ou n’avait pas été en mesure de t’aider ?
Est-ce qu’ils t’auraient retrouvé ?

Est-ce que tu me serais revenu ?

Reyn aimerait pouvoir exprimer ce qui darde ses rétines d’illusions, gouffre de possibilités en pagaille lui soulevant ponctuellement l’estomac. Se fait donc violence dans son refus d’obtempérer, à crever entre ses incisives ce qui l’élance ; ce qui l’étrangle ; ce qui finit par se draper d’obsession. Là où la réalité le rassure autant que l’afflige.

How much time do we have before you run off again?
Before you lose another limb? Get yourself killed?  

Mais Karma est là, sous son bras replié contre son ventre. Clavicules calées contre ses omoplates, peut ressentir ses réflexes sans s’y efforcer, appréciant les réactions qui se glissent à la lisière de ses nerfs. Et si la culpabilité se gargarise des questions qu’il pose dorénavant sans trop y songer, force est toutefois de constater que rien ne serait susceptible de lui arracher cet éclat étrange d’étourdissement à l’avoir de nouveau dans leur appartement.

C’est donc à peine si son museau se froisse, lorsqu’une fois le dos ancré sur le lit, Karma lui avoue ne pas vouloir aller à l’événement organisé à l’occasion de la fête nationale. A peine si le museau se froisse lorsqu’il devine le mensonge, à l’écho de sa propre gaieté, bien que toute mesurée. La joue encore chaude de l’étreinte avortée, Reyn ne s’en formalise pas, s’attardant à le bercer, sa main remontant de la ligne de son ventre jusqu’à son torse, la laissant choir entre ses clavicules. Puis, du creux de son cou, à l’angle de la mâchoire jusqu’au front plissé qu’il caresse. « You don't like it anyway. The national day, remarque son compagnon. – Maybe. But you do, souffle-t-il doucement en réponse, ses yeux essayant de retrouver leur reflet dans ceux de Karma qui, entêté, contemple le plafond. – Let's stay home this year, et la proposition morose l’incite à passer ses doigts dans les cheveux noirs de Karma, dégageant les mèches d’ébène parsemant son front. – We’ll see. I might be able to make you change your mind. »

I might, and I will.

Sourire mutin qui s’étouffe contre la tempe de Karma sur laquelle ses lèvres vont reposer. « How was your day? » Et entre deux baisers, ayant dérapé sur son front puis sur le dénivelé de son nez, que Reyn répond : – All right. » Achève son chemin sur les lèvres de Karseis, sur lesquelles il avorte un soupir bref, avant de se redresser sur l’un de ses avant-bras, se perdant dans sa contemplation. « You know you can talk to me if need be. I won’t run away this time around, even if you ask me to, because, well, it’s our flat anyway, avant de se pencher vers Karma, enfouissant son visage dans le creux de son cou, son corps entier gagnant en vigueur, à mesure que ses vêtements, sa peau, s’imprègnent de son parfum. We don’t have to talk, if you don’t want to, souffle-t-il contre sa peau. We don’t have to say anything. But I’d like to make you feel good. You just have to tell me how. »

CODES BY MOONAETICS, BASES BY WIN / ICON BY ETHEREAL