Until the sun's up, we are lovers

Sentiment de béatitude. À se trouver ici. Dans son lit. Se sentir bien entre les draps, la chaleur de son corps contre le sien. Son bras nonchalant qui entourait sa taille. Qui le gardait contre lui. Ce plaisir de le savoir avec lui. À lui. Il sentait ses mèches blondes lui chatouiller le visage et son odeur l’envahir lorsque la conscience reprendrait ses droits sur son esprit endormi. Il aimait son odeur. C’était un confort qu’il ne pensait pas ressentir. Et pourtant. Pouvait-il nier la vérité ? De ses sentiments qui profitaient jalousement de sa présence. Il pourrait s’y habituer. Peut-être qu’il s’y habituait déjà. Car il appréciait se réveiller à ses côtés. Et parfois, il voulait y rester. Oublier la réalité, oublier les blessures qui continuaient de maltraiter son cœur meurtri. Les pensées de son esprit embrumé n’avaient conscience que des sensations sous ses doigts.

Jusqu’à ce que les premières lueurs de l’aube éclairent ses paupières. Qu’enfin, la raison reprenne le dessus complètement sur lui. Alors, il sentait les émotions s’entremêler au fond de lui. Et il regrettait de nouveau. D'avoir craqué. De l'avoir rejoint. De se trouver là, dans cette chambre avec lui et de s’y plaire. De ne pas vouloir quitter et le vouloir tout à la fois. Il fallait arrêter à un moment. De jouer les ambivalents. De jouer les indécis. Et si l’hésitation semblait exister, à aucun moment l'idée d'accepter une relation ne lui semblait la solution. L’option d’accueillir Rome à ses côtés l’effrayait toujours autant. Même s’il revenait sans cesse vers lui, même s’il était trop tard au fond pour ne pas les blesser tous les deux. Accepter son amour pour lui était impossible. Il en était incapable. Cicatrices trop profondes, qui ne pouvaient disparaitre à une nuit. Ou même en plusieurs. Certitudes qu’il ne causerait que leur perte à s’abandonner à lui. Qu’il la causait déjà à ne pas réussir à garder ses distances. À toujours revenir vers lui.

Mais les réflexions qui ne s’attardaient jamais bien longtemps. Toujours la fuite au petit matin. Alors, il s'éloignait. Distance créée entre les deux corps, quitter la chaleur pour la fraîcheur des matins printaniers. Le bras qui glissait de ses côtes, dernière caresse avant de quitter le lit. De se lever pour de bon et affronter la réalité qu'il leur imposait. Sans le réveiller, Rome. Il cherchait ses vêtements, il enfilait son pantalon. Et lorsqu'il sentit les mouvements derrière lui, il se tournait. Son attention qui se posait sur celui qu’il aimait sans pouvoir s’y résoudre. Rome se tournait sous les couvertures. Le cherchait peut-être. Ou peut-être savait-il déjà qu'il était levé. Il s’assit au bord du lit, Nerian. Secondes durant lesquels il garda son regard rivé sur Rome. Jusqu'à ce qu’il ouvre finalement les yeux. Et que le pirate aperçoive son regard félin qui s'ajustait au réveil. Déjà, il se détournait. Pour ne pas qu'il observe cet intérêt qu'il lui portait, cette attention qu’il lui accordait. « Morning. » Les mots soufflés, avec une douceur douloureuse. Coup d’œil qu’il lui lançait, car l’attirance ne se camouflait pas complètement. Mais ils savaient tous les deux qu’il comptait quitter dans quelques minutes. Sans intention de retourner, voulant se convaincre qu’il ne lui réécrirait pas. Alors que les dernières semaines prouvaient indéniablement le contraire. Sa faiblesse pour Rome en était frustrante et délicieuse tout à la fois. « T’aurais pas vu mon téléphone? » Celui qu’il cherchait entre les vêtements, sans réussir à mettre la main dessus. Ce qu’il pensait le dernier échange entre eux avant de fuir à nouveau. Comme il le faisait si bien.

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Et comme chaque soir où il le retrouve devant sa porte, c’est son cœur - son corps - qui parle pour lui alors que sa tête lui crie de ne rien commencer, avertissement d’une blessure au petit matin. Une de plus qui lui brisera ce cœur qui réclame tant sa présence, son attention, son amour. Corps qui se love contre le sien, lèvres qui retrouvent celles qui ont tant manqué. Fait taire cette tête qui cherche juste à le préserver. Mais l'amour ne se contrôle pas, ni même cette attirance qu’il a pour lui. Il se laisse complètement transporter par le moment, leurs désirs communs qui lui donnent la sensation d’être tout pour lui. Juste pour quelques heures où il ne veut pas penser au lendemain.

Chaleur qui le berce dans ce demi-sommeil qu’il chérit autant qu’il déteste. Parce qu’il sait, Rome, ce qui va se passer dans les minutes qui vont suivre. Que ce sentiment de bien-être va disparaître au petit matin, au moment même où Nerian mettra à nouveau de la distance entre eux. Mais comme un idiot, il espère encore qu’il n’en fera rien. Qu’il restera là, coller à lui, à le serrer plus fort malgré les premières lueurs de l’aube, décider qu’enfin ça à de l’importance de l’aimer. Cœur meurtri par ces mots imprimés dans sa rétine. Sentiment de n’être toujours que le second choix. Encore. Et il ne sait plus quoi faire, Rome, pour le garder auprès de lui, pour être sûr qu’après ses départs, il ne l’oubliera pas, ne deviendra pas qu’une simple illusion qui le fait attendre jusqu’à la prochaine fois. La prochaine blessure.

Et comme chaque matin, il sent ce froid s’immiscer sous les couvertures alors que Nerian les quitte pour ne pas y revenir avant longtemps. Poings qui se serrent contre l’oreiller, plus réveillé q’endormi désormais. Paupières toujours closes, il l’entend se rhabiller, chercher ses affaires, prêt à partir comme le fantôme qu’il va redevenir. Cœur qui se serre rien qu’à l’idée de ce silence qui l’attend. Draps qui bruissent sous ses mouvements et les yeux qui acceptent enfin de s’ouvrir sur la réalité. Contact visuel qu’il cherche presque immédiatement mais qu’il peine à trouver. Comme chaque matin. Corps si proches mais cœur si loin. Et il sent le sien s’ouvrir une nouvelle fois sur cette douleur qu’il camoufle sur ses traits. Il le déteste tellement à cet instant précis. Autant qu’il se déteste de lui permettre de lui faire subir ça.

Hochement de tête aux salutations du matin si douces. L’envie le prend de vouloir l’attraper et ne plus le lâcher mais ce sont les draps que les doigts agrippent à la place. D’un geste las, il indique où se trouve le bien recherché par Nerian et sort à son tour des draps. Chemise qu’il enfile à moitié tout en attrapant le paquet de clopes qui trône sur la table basse. Il peine à refouler ses émotions trop fortes ce matin. Goutte de trop dans un vase déjà trop rempli. regards félins qui suivent chaque geste jusqu’au moment fatidique. Lèvres pincées sur la cigarette déjà allumée, il a la sensation que son cœur va éclater si Nerian passe la porte sans que rien ne change. Et le vase qui déborde. Enfin

Avant de partir, dépose l’argent à l’entrée. Voix sans émotion qui se fait enfin entendre dans cette chambre. Pas un regard pour lui, cigarette qu’il écrase contre le rebord de la fenêtre avant de lui porter enfin de l’attention, de voir sa réaction. Et ce sourire qui s’étire sur ses lèvres alors que tout son être hurle sa peine sans pouvoir s’exprimer. Il déteste tellement les mots qui sont sorties. Rappel de souvenirs douloureux qu'il n'a pas envie de revivre. Quoi ? Ça te choque ? Ca te fait mal autant que tu me fais mal ? C’est pourtant ce que j’ai l’impression d’être chaque matin. Un putain de moyen d’assouvir des pulsions, des envies temporaires. Un bonheur temporaire. Un amour sans importance.

Until the sun's up, we are lovers

Les matins étaient aussi froids que les températures de l’hiver lorsqu’il le quittait. Nerian qui reprenait le même jeu. Chaque fois. À se lever en premier, à s’enfuir à tous les coups. Quelques mots échangés, quelques regards à peine. Puis il se maudissait. Il tentait de ne pas refaire l’erreur. De ne pas à nouveau lui demander de se rejoindre. La solitude de ses nuits à laquelle il devait se réhabituer. Ne plus espérer l’avoir à ses côtés lorsque le soleil disparaissait. Soupir sur les lèvres et il fouillait pour trouver ses affaires. Rome silencieux, à lui indiquer l’emplacement de son téléphone recherché. Qu’il enfonçait dans ses poches dès qu’il l’attrapait. Chercher de nouveau les quelques éléments qui lui appartenaient. Conscient de chaque mouvement de Rome dans son dos, pourtant l’ignorer de son mieux. Jusqu’à ce que les mots traversent la pièce pour se rendre lui. Qu’il s’immobilise alors que la phrase prenait sens dans son esprit. Il se tourna lentement vers lui. Pris au dépourvu. Et il ne savait réellement pas comment réagir, Nerian. La surprise qui agrandissait ses yeux. Son regard qui se posait sur Rome, finalement. Cherchant dans le sien la réponse à son incompréhension.

D’un coup, il ne pouvait plus partir. Pas comme ça. Alors qu’il aurait dû. Il aurait dû simplement lui répondre Ouais, d’accord. Combien ? Et quitter. Pour bien achever tout ce qui pouvait y avoir entre eux, tout ce qu’il essayait de fuir. Rome qui lui donnait la possibilité de complètement refuser cette relation. Mais les mots qu’il ne pouvait pas dire. Qu’il ne pouvait pas accepter. Qui ne passerait pas ses lèvres. Non. Cette hache qu’il n’abattra pas sur eux ainsi. Car c’était faux de penser qu’il venait à Rome juste pour ça. Et il ne savait plus ce qu’il devait faire. Le refus était clair dans ses pupilles. Pourtant, s’il n’était pas prêt à plus, il se devait prendre cette porte de sortie.

Distance maintenue entre eux, alors que ce qu’il voulait, c’était se rendre à lui, l’attirer dans ses bras, lui dire que ce n'était pas vrai, que ce n’était pas comme ça. Mais il ne pouvait pas. Car il ne pouvait rien lui promettre, à Rome. Et c’était bien cette impression qu’il renvoyait. De le rejoindre que pour la nuit et disparaitre ensuite. Sans intention de retour. Pourtant, ça l’énervait, Nerian. Que Rome pense comme ça. Peut-être devrait-il simplement se taire, pour ne pas s’impliquer davantage. Pour ne pas laisser les cœurs espérés que ça pouvait changer. Mais il n’était pas du genre réfléchi, Nerian. Toujours plus porter sur les émotions, à réagir sur ses envies du moment, sur les désaccords qui fleurissaient. Et c’était bien la raison pour laquelle il se retrouvait sans cesse ici et qu’il ne pouvait rester loin. Car chaque fois, il avait ce besoin de le revoir, de l’avoir pour lui. Incapable de le laisser aller voir ailleurs, mais chercher à s’en convaincre malgré tout. Lui-même n’ayant envie que de lui et personne d’autre. Incohérence de son cœur qui battait pour lui, mais qui avait peur. Amour qui se renforçait chaque fois qu’il choisissait d’être avec lui, chaque fois que son regard se posait sur lui. Entêté à vouloir Rome. S’affoler à l’idée de le garder pour lui. Imaginer l’avoir avec lui tous les soirs et le rejoindre dès qu’il serait à quai. Mais la tête qui le refusait. Qui voulait garder enfermé à double tour ce cœur niais, ce cœur maltraité. Idées qui lui paraissaient ridicules. Impossible pour lui. Il ne pouvait pas.

Une partie de lui voulait lui expliquer à Rome. Qu’il était important, qu’il n’était pas que ça pour lui. Mais comment lui dire ? Et comment le faire sans pour autant l’accepter auprès de lui ? Les pensées sens dessus dessous. « C’est vraiment c’que tu veux ? » Que tout s’arrête là. Pourquoi se sentait-il frustré, alors que c’était ce qu’il voulait au fond. L’allusion l’énervait, lui déplaisait amèrement. « J’suis pas d’accord. C’est pas ça. » Les bras qui se croisaient, le corps qui s’accotait contre la commode près de lui. Son regard posé sur Rome. Pointe de défiance, d’insatisfaction et de désaccord. Prêt à refuser la demande. À ne pas vouloir admettre qu’il n’y avait rien de plus entre eux. Car s’il agissait ainsi Nerian, son cœur n’en était pas le moins réellement impliqué. Il ne serait pas ici si ce n’était pas le cas. Il ne reviendrait pas toujours à lui. Incohérence de ses propres pensées et gestes. Quand Rome lui était si précieux, mais qu’il ne pouvait faire autrement que de le briser un peu plus. Noirceur de son cœur, de celui qui ne pense pas mériter son amour. Et qui s’en veut, toujours plus. Sans pouvoir changer ni son comportement ni ses intentions. Nerian aux humeurs changeantes, aux envies nébuleuses, aux refus blessants. Et qui s’accrochait alors qu’il ne devrait pas, alors qu’il n’en avait pas le droit.

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Il a froid, Rome. Comme chaque matin où il quitte ses bras. Où la nuit n’a été que chaleur, douceur et bonheur. Le cœur léger au couché pour n’être plus qu’un poids insupportable aux premières lueurs du soleil. Draps qu’il quitte en silence, clope déjà coincé entre ses lèvres. Il fume pour se donner contenance et ne pas laisser transparaître les émotions qui lui tordent le ventre. S’il écoutait ses pulsions, ce serait dans ses bras qu’il irait, là tout de suite. A ne pas lâcher sa chemise, à le supplier en silence de ne pas partir à nouveau comme ça. Mais il sait, Rome, que ça ne changera rien. Qu’importe qu’il lui fasse comprendre ce qu’il représente pour lui, ce qu’il attend en retour de lui, Nerian part toujours. Amour sans importance et qu’il n’assume pas.

Mais ce matin, il a la sensation d’étouffer, de ne pas être capable de se contenir davantage. Ses mots brisent le silence, avec calme. Comme si ce qu’il insinue était normal. Carapace qui masque son envie de vomir tellement il déteste les mots sorties et les souvenirs que cela ravivent. Sourire qui s’étire malgré tout alors que les regards se retrouvent enfin. Contact visuel qu’il aime tant mais qui lui semble si douloureux en cet instant précis. Incompréhension qui s’y lit et Rome qui retient sa respiration de voir sa réaction. La peur au ventre qu’il s’exécute, dépose l’argent réclamé à l’entrée avant que leur histoire se termine la dessus. Porte de sortie qu’il offre malgré tout à Nerian, de tout arrêter sans qu’il ne soit celui qui initie le processus. Ne serait-ce pas mieux finalement pour eux ?

L’air emplit à nouveau ses poumons lorsqu’il le voit se poser contre la commode, loin de lui. Trop loin. encore cette distance entre eux qui prend trop de place. Celle qu’il ne sait pas combattre pour atteindre le cœur de Nerian. Parce que c’est bien pour ce dernier qu’il craque à chaque fois qu’il revient. qu’il supporte - jusqu’à ce matin - chacun de ses départs. Qu’il attend comme une âme en peine qu’il se manifeste à nouveau. Malgré la peine, la blessure qu’il provoque. Il a encaissé, Rome, parce qu’il est certain de ne pas se tromper. Amour qu’il ressent à chaque fois, dans ses gestes, ses caresses, ses baisers. Mais qu’il ne dit pas, qu’il refoule chaque matin. Qui n’a finalement pas d’importance.

Depuis quand tu portes de l'importance à ce que je veux ? S’en est-il même soucier une seule fois ? Et son regard qui ne lâche pas le sien, dans l’attente qu’il le contredise, qu’il lui dise que tout ça est faux. Qu’il n’est pas juste ça pour lui. Alors c'est quoi ? Ça tambourine à l’intérieur de savoir qu’il refuse sa demande sans que cela ne soit pour autant suffisant pour le blond. Alors pourquoi ? Pourquoi faisait il constamment deux pas en arrière à chaque fois, à lui donner cette sensation qu’il n’est rien d’autre qu’un amusement pour lui. A le faire douter chaque matin sur ce qu’il a pourtant ressenti dans leurs étreintes. Tu viens quand tu en as envie, on couche ensemble et tu repars le lendemain pour mieux m'ignorer les jours suivants. Et rien que le dire à haute voix lui serre le cœur. Car le plus stupide des deux, au final, c’est bien Rome. A l’avoir laissé faire, lui donner l’occasion de fuir à chaque instant. De ne pas avoir tout arrêté avant que rien que l’idée de ne plus le voir lui noue l’estomac. En quoi c'est différent de ces gars qui payent pour prendre du plaisir ? De ceux qui ont passé la porte de cette chambre réduite en fumée, liasse de billet dans les poches.

Until the sun's up, we are lovers

Un pas vers l’avant. Hésitant Nerian. Qui s’éloignait de la porte, qui s’approchait de Rome. À se demander ce qu’il devait faire maintenant. Entre l’abandonner pour de bon ou continuer ce manège. Ah. Mais il ne voulait plus le quitter à l’instant. Proie aux émotions vives qui tournaient anxieusement en lui. L’idée de ne plus jamais le revoir le dérangeait plus que prévu. Plus qu’il aurait voulu. Il était tellement trop tard pour que ses agissements ne les blessent pas profondément. Et il en avait le cœur en miette chaque fois qu’il choisissait de quitter. Pourtant, il recommençait à tous les coups. Car il savait ce qui l’attendait, ce que ça faisait. Douleur qu’il connaissait, qu’il contrôlait. C’était lui-même qui se l’affligeait. Mais l’idée de perdre Rome pour de bon… Ça le rendait fou quelque part. D’une main, il repoussa ses mèches vers l’arrière, coiffure matinale qui lui tombait devant les yeux. L’énervement et l’incertitude qui paraissait dans ses mouvements. Devant les phrases que Rome lui envoyait. Devant les reproches, devant les blessures. Goutte de trop, ce matin où il ne pouvait plus rester silencieux et accepter ce que Nerian lui faisait subir. Et s’il savait, Nerian, qu’un choix devrait s’imposer, il était incapable de le faire. Incapable de suivre ce qu’il avait décidé. Cœur qui flanchait si souvent. Mais incapable aussi d’admettre une relation officiellement.

Il serait plus simple que Rome le repousse, en fait. Ça l’obligerait à l’oublier, à faire une croix sur lui. Mais chaque fois, il l’accueillait, il l’acceptait. Il le voulait. Et ça rendait tout tellement plus difficile. Quand il savait que Rome souhaitait le voir. Quand il désirait le voir aussi. Besoin insistant qu’il savait partagé. Qui le poussait à revenir malgré son intention d’arrêter. De ne plus tomber dans ses draps. Il était entêté Nerian. À ne pas changer comment il pensait. À continuer de la pire façon. « J’pensais que t’aimais nos nuits ensemble. Tu veux qu’on les passe autrement ? Mais faudra que t’arrêtes de me regarder avec ces yeux-là chaque soir. Parce que j’peux pas résister quand tu fais ça. » Nerian qui voulait atténuer, dédramatiser. Qui lui offrait un léger sourire moqueur, dans lequel paraissait une touche de douleur peut-être. Il n’avait jamais été très doué avec ses sentiments Nerian. Pour les comprendre, ou les accepter. Il banalisait, il haussait les épaules. Il s’en fichait, il s’en amusait. Toujours cette façon d’agir comme si rien ne l’atteignait vraiment, alors que c’était faux. Actions et réactions qui lui avaient valu bien des coups, bien des conflits. Et malgré tout, certaines confidences qui lui échappaient. Cette faiblesse pour lui, la difficulté qu’il avait à lui résister. Lorsque Rome se jetait dans ses bras, lorsqu’il requérait son attention, son amour. Nerian lui donnerait tout. Pour quelques heures seulement. Ces moments où il n’y avait que lui qui comptait. Mais il finissait toujours par prendre peur. Par se dire que ce n’était pas possible pour lui. Cette vie. Cette relation. « Tu le sais, Precious. Pourquoi j’reviens à toi. » Parce qu’il lui avait déjà dit une fois. Une fois regrettée, car maintenant il ne pouvait pas rattraper les mots écrits, les mots lus. Conversation qui relayait ses contradictions, ses hésitations. Qui le faisait soupirer d’énervement chaque fois qu’il relisait ses réponses. Ridicule de sa situation, de sa façon d’agir. Indécis, confus, blessant. Toujours à tourner en rond, sans pouvoir se décider, sans pouvoir accepter autant son absence que sa présence.

Les derniers pas pour complètement brouiller la distance entre eux. Se retrouver alors si près. Les doigts qui glissaient sous son menton, regard qui se plantait dans le sien. « Tu veux que je le dise ? Pourquoi c’est toi ? Tu veux l’entendre ? » Provocateur alors. Les questions d’un ton légèrement plus brusque qu’escompté. À ne pas vouloir lui dire. À jouer sur les mots qu’il n’avait jamais prononcés, mais qu’il avait envoyés par écrit. Inattention de sa part lorsqu’il avait envoyé plusieurs messages se succédant au fil de ses pensées mélangées. Juste avant le départ de l’Arcadia. Juste avant de reprendre le ciel. Mots qui lui chatouillaient pourtant la langue. Entre l’envie de lui dire et l’envie de fuir. Car il n’osait pas lui partager à haute voix. Cela rendrait le tout si réel, si vrai. Impossible à effacer. Ce serait comme une promesse qu’il lui faisait, comme un aveu.

Et alors que sa main glissait à son cou, que le mouvement se faisait caresse dans une lenteur languissante, il approchait son visage. Le regard qui s’adoucit. « C’est à cause de toi que j’suis là. Pour toi. Pas pour ton lit. Même si c’est toujours un plus. » Les mots murmurés près de son oreille, et la main qui continuait ses caresses contre sa peau, contact brûlant pour celui qui ne savait plus comment il devait agir. Entre la raison et la folie. Puis, sa tête qui alla se poser contre son épaule. Le soupir quittait ses lèvres. Tremblant, hésitant. Douloureux. « J’y arrive pas, Rome. »

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Routine brisée par ce trop plein qu’il n’est pas capable de retenir. Il étouffe Rome, de s’être tût jusqu’à présent, de l’avoir laissé faire à chaque fois, à subir ses départs, son absence, ses silences. D’être celui qui attend constamment qu’il se manifeste, à se demander s’il reviendra encore cette fois. Le cœur en vrac. Et pourtant, ne serait-ce pas mieux ainsi ? Sans retour de sa part. Que le temps fasse son travail. Mais il craque à chaque fois, Rome, provoque même pour le faire réagir, pour avoir son attention ne serait-ce que quelques instants. Qu’il ne l’oublie tout simplement pas. Il aurait voulu que cela suffise. Ces quelques nuits passées ensemble, à profiter du moment présent, à ne rien demander de plus. Que son cœur ne lui fasse pas mal à son départ. Ça aurait dû être comme ça, sans que l’amour s’en mêle. Sentiment incontrôlable qui vous tombe dessus sans qu’on y soit réellement préparé. Et qui réclame plus, toujours plus. Des gestes, des mots qui n’existent pourtant pas dans leurs moments à deux. Qu’il n’entend pas.

J'aime nos nuits. Pas tes départs et ton silence. La provocation ne passe pas et c’est d’un geste plus brusque qu’il ne l’aurait voulu, qu’il écrase sa cigarette dans le cendrier. Bien sûr qu’il aime leur nuit ensemble, son corps contre le sien, sa chaleur et l’excitation du moment. Le fait de s’endormir dans ses bras bien que la peur du lendemain l’empêche de s’endormir tout de suite. Parce qu’il ne veut pas fermer les yeux, pas que tout ça s’arrête à l’aube. Il reste là, Rome, assis sur le bord de sa fenêtre, les bras croisés, le regard figé dans celui qui lui fait face. Emotions qui défilent sans retenue au fond de ses prunelles. Parce qu’il n’a pas honte, Rome, de ce qu’il ressent.

Chacun de ses pas fait battre plus fort son cœur et l’envie de le rejoindre se fait vive. Il doit se faire violence pour ne pas engloutir la distance entre eux et laisser Nerian faire le chemin de lui-même. Les mots l’atteignent et le message s’imprègne à nouveau dans sa tête. Oui il sait. Il l’a lu. Qu’il l’aime. que c’est dur. Et sans importance. Ce sont ses mots, ses écrits. Ceux qui l’ont fait passer de la joie à la peine en quelques instants. Qui lui serrent le cœur encore en cet instant.

Souffle court alors qu’il lui fait face, l’obligeant à relever légèrement la tête pour le regarder. Ses doigts qui glissent sur sa peau à lui coller des frissons. Et il se retient pour ne pas fermer les yeux sous son toucher. Dis-le. Lèvres closes et demande silencieuse qui passe par le regard. Dis le moi, je t’en supplie. Attente interminable et son cœur qui menace d’exploser à tout instant. Ses doigts se referment sur le bas de son haut sans qu’il ne soit capable de se contrôler.

Il frissonne sous son contact, mains dans son cou, visage à quelques centimètres du sien. Il pourrait l’embrasser, la tout de suite. Laisser son corps parler pour lui. En oublier cette discussion et retourner dans ce lit qu’ils ont quitté tous les deux. Mais son cœur attend des mots… Qui ne viendront pas. J’y arrive pas, Rome. Et tout s’écroule. La tête de Nerian contre son épaule, tremblant. Sa main qui retombe le long de son corps et cette larme qui s’échappe de ses paupières closes. C’est si dur de l’aimer ?

Je t'aime. Murmure qui brise le silence d’un aveu douloureux. Il tremble, Rome, à contenir sa peine. A constater qu’il est le seul à accepter ses sentiments, à les comprendre, à vouloir les partager sans restriction. Je t'aime Nerian. J'aime ta façon de me regarder, de me toucher, de me donner la sensation d'être important, que tu ne vois que moi. Que tu ne penses qu'à moi. J'aime tes baisers, tes caresses, ta voix, ta façon de bouger, ton sourire. Tout. Il s’ouvre entièrement, le corps tremblant contre Nerian. Larmes qui menacent de couler derrière ses paupières fermées. Mais tout ça, toutes ces choses que tu m’offres, ça dure que quelques heures. Parce que dès que tu passes cette porte, il n’y a plus rien. Bonheur temporaire qui s’évapore au petit matin. Et putain ça fait mal. De se rendre compte qu’il n’est pas si important au final. Que ce n’est que pour quelques heures avant que Nerian préfère fuir plutôt que de l'aimer entièrement. J’peux pas, Nerian. J’peux pas continuer comme ça.