Should we care about the risks? Because I don't.



Lorsque la concentration était absolue, il pouvait en oublier tout le reste, Aedhan. Attention focalisée entièrement sur ce qu’il avait devant les yeux. Chimie qui ne devait pas laisser place à l’erreur. Car les dégâts pouvaient s’en trouver déplaisant. Il était prudent dans son travail, Aedhan. Calculs étalés sur la table autour de lui. Les notes brouillonnes, les hypothèses, les tentatives. Chaque essai qui était gardé en mémoire, pour recommencer, pour améliorer. Toujours garder une trace de ce qu’il faisait. Pour lui-même seulement, car il n’aimait pas qu’on fouine dans ses affaires. Théories parfois vues d’un œil mauvais. Idées parfois considérées imprudentes, risquées. Alors qu’il les considérait comme innovation, comme une première pierre dans ces changements qu’il souhaitait apporter. Recherches qui demandaient patience, car ce n’était pas du jour au lendemain qu’il était possible d’extraire les bonnes informations, d’utiliser les bons ingrédients à des fins réussies. Mais il était toujours confiant ; il ne se laissait pas démoraliser. Les échecs qui ne faisaient que renforcer le défi. Encore jeune, la tête remplie de questionnements sur ce qu’il n’avait pas encore découvert, sur ce qu’il pourrait développer, sur ce qu’il pourrait modifier.

Soudainement, le téléphone sonnait. Celui sur l’autre bureau, près de la porte. Les sonneries qui résonnaient, qui attendaient son attention. Le regard qui se relevait, qui se demandait alors. Quelle heure était-il ? Le temps de vérifier le feu sous sa mixture et il s’éloignait de son plan de travail. S’avançait vers ce téléphone qui ne lâchait plus, décrochant d’une main, l’attention qui ne se posait qu’à moitié sur la voix qui résonnait à l’autre bout du fil. « Est-ce qu’il est déjà là ? » Le téléphone contre l’oreille à entendre les mots, mais le regard qui restait concentré sur sa potion en cours. « Hmm… Alright. J’arrive bientôt, fais-le patienter. J’ai presque fini. Dix minutes peut-être. » Évaluation rapide. Le vieux majordome qui requérait sa présence pour guider son invité. Car celui-ci refusait que les gens de l’extérieur se promènent librement dans les nombreux couloirs. Qu’ils soient amis de famille ou simple connaissance. Rigide dans ses décisions. Trop à protéger pour se permettre une faute qui lui reviendrait en cas de trouble. Aedhan avait arrêté de se disputer avec lui depuis longtemps maintenant. Au nombre d’invités qu’il recevait — très peu —, il pouvait bien aller chercher ces rares âmes qu’il acceptait chez lui. Deuxième raison de l’appel était les caprices d’Aedhan. Lui qui refusait que les employés de ses grands-parents trainent dans l’aile où il résidait. Les gardant à distance de son laboratoire, de ses recherches. Peu étaient ceux qui pouvaient y passer.

Ça lui prit une quinzaine de minutes pour finaliser, traverser le manoir et se présenter dans le petit salon là où devait attendre Kaïs. La porte qui s’ouvrait et le salut rapide. « Sorry you had to wait. T’es arrivé au moment où je terminais la première étape. » Sans plus de précision il lui fit signe de suivre. Chemin qu’ils connaissaient tous les deux, mais c’était par principe qu’Aedhan devait toujours l’accompagner. Minutes qui s’écoulaient en avançant. Aedhan qui n’aimait jamais discuter là où les oreilles pouvaient s’attarder. Même s’il y avait peu de chance dans ses quartiers. Avec Kaïs, il préférait ne pas prendre de chance.

Le laboratoire qu’ils atteignaient finalement. Toujours verrouillé par précaution. La clé trouvait sa main, puis la serrure. Aedhan qui refusait l’entrée à quiconque n’étant pas utile entre ces murs. La pièce isolée, pour éviter les discours filtrés. Pièce au fond de l’immense demeure, de cette aile qui lui appartenait pour ses recherches. Dès la porte refermée, Csilla se glissait entre leurs jambes pour atteindre une étagère, s’y percher pour observer. Aedhan se dirigea sans attendre vers la table qui dominait le centre de la pièce. Là où la plupart de ses équipements étaient disposés. « So you said you had something for me ? Qu’est-ce que c’est ? Ça te dérange pas que je continue de travailler en même temps ? »  La tête toujours pleine d’équations et d’idées qui concernait ses tâches du moment. Déjà il attrapait les ingrédients, déjà il se préparait à continuer ce qu’il avait commencé. Mais il restait toujours attentif à celui qui avait la chance de se voir partager ses travaux.

Should we care about the risks? Because I don't.



Les actions qui s’enchainaient, Aedhan déjà de retour derrière sa table de travail. Ingrédients broyés sous la main, qui devaient être ajoutés bientôt à la mixture. Mais son attention divisée vers le sac qui était posé au bout de la table. Les attributs alors présentés. Coup d’œil du potionniste qui ne pouvait retenir sa curiosité. Surtout sur ce que Kaïs lui apportait. Des éléments qui étaient toujours des plus intéressants, des plus rares. De ceux qu’il ne pouvait pas facilement se procurer, Aedhan. Mais avec lesquels il adorait travailler lorsque la possibilité lui était présentée. Sa potion en cours en perdait vite son intérêt. Celle-ci n’était que requête qu’il avait acceptée, qu’une demande qui passait le temps. Les ajouts faits d’une main habituée, d’une main rapide. Puis, il la laissait reposer de côté. Concentrant maintenant toute son attention à son invité. Cette lueur d’excitation silencieuse qui flottait dans son regard. Kaïs lui avait apporté une quête des plus passionnants. Qui s’alignait avec ses buts, ses intentions. Sa rencontre avec le witcher avait changé la façon dont il pouvait tenter ses hypothèses. Expériences réelles avec les éléments qu’il pouvait lui dénicher. Les idées qui peuplaient ses écrits, qui occupaient son esprit. À savoir ce qu’il pourrait faire cette fois. Jamais de façon inconsciente cependant, car il ne pouvait se permettre de gâcher des ingrédients précieux.

Il s’était approché, Aedhan. Pour observer, pour réfléchir. Ce mince sourire qui voulait paraitre sur ses lèvres, mais qu’il avait pris l’habitude de camoufler. Trop souvent lui avait-on dit qu’il semblait trop content de ses expériences aux intentions troubles. « What you bring is always amazing. I ought to ask how one day. But for now, my attention goes to what we have. » La fiole de sang trouva sa main. Premier élément sur lequel il s'arrêta. La corne viendra ensuite. Curiosité qu’il ne cachait pas. Il la leva pour l’observer sous la lumière. Réflexions qui n’arrêtaient jamais. Il y avait tant de choses à prévoir, à penser, à vérifier, à analyser, à comprendre. Et ça le passionnait, ça le captivait. « Daemonis’ blood... » Murmure répété, plaisir qui s’entendait dans la voix, et son air pensif qui gardait sa concentration.

Puis, il se dirigea vers l’une des étagères, là où il gardait quelques livres, quelques recueils qu’il utilisait régulièrement. Ceux qu’il consultait souvent pour se vérifier, pour s’assurer que ses conclusions tenaient logiques quelque part. Se rendre à la bibliothèque chaque fois qu’il voulait lire ces informations était une perte de temps et il optait pour garder avec lui ces outils utiles. Lecture rapide des phrases qu’il avait déjà lues, qu’il connaissait. La confirmation qu’il voulait obtenir d’avoir raison, s’assurer qu’il ne mélangeait pas les faits avec les idées. Ses propres notes qu’il ouvrait ensuite à côté. Hypothèses nombreuses, mais le loisir de tout essayer ne leur était pas facilement donné. Un nouveau livre trouva le bureau, informations sur les baies démoniaques. Ces mûres, cause du fléau. « Kaïs. Do you think you could get me more blood? Or is this all that we’ll have? Your answer will change our course of action. I would like to look into the composition and there are some tests I wish to try. But only if we have enough. » Toujours posé dans ses discours, une élégance dans laquelle il aimait se fondre. Comme Célestia lui avait si bien appris. Et pourtant l’excitation était palpable dans ses gestes, dans son regard. Ces recherches que lui proposait Kaïs, les attentes aux espoirs de découvertes. Prête à essayer tant d’idées aux reflets obscures. Prêt à s’aventurer sur une voie où le danger lui tendait la main. Ça le motivait, Aedhan. Un but qu’il trouvait, intérêts qui se rejoignaient. Et ils étaient prêts à franchir les limites de l’enfer.