Scars of tainted hearts

Il attendait, Nerian. Sa main jouant et tournant un petit couteau entre ses doigts. Mouvement habituel lorsqu’il s’ennuyait, lorsqu’il se devait de patienter. Soupir qu’il lâchait tout en fixant les nuages paresseux qui avançaient. Froid d’un printemps longtemps attendu. Soleil qui commençait à réchauffer la terre, qui soulagerait les voiles, qui leur permettrait de reprendre le large bientôt. Enfin. Car l’hiver n’avait que trop duré. Se répétant sans cesse la même pensée, le pirate n’avait que cela à la bouche comme plaine. Temps libre dont il avait marre. Ennui à chasser comme il pouvait. Et c’était dans ces cas-là, lorsque le temps permettait les rencontres, permettait les développements, que les âmes risquaient de s’accrocher.

Mais il se pensait toujours au-dessus de tout. Qu’il n’était pas de ceux à se laisser atteindre par la futilité des sentiments, par les blessures qui continuaient de souffrir sous les silences et l’ignorance. Habitué à ce que sa valeur ne soit pas reconnue, pas désirée. Causant lui-même sa propre perte. Cependant, il n’était pas aussi insensible qu’il voulait le faire croire. Indifférence qu’il affichait, mais sous les couches de désinvoltures, la douleur vivait toujours. Convaincu à ne pas être tenté par la beauté d’une émotion éphémère. Par le désir d’une compagnie particulière. Se mentir à soi-même si facile lorsque l’habitude était encrée au fond de soi. À l’avoir toujours fait Nerian, négligé ce cœur qui battait encore sans savoir comment. Malgré les éraflures auquel il avait goûté depuis des années.

Fouillis de ses émotions qu’il ne voulait pas comprendre, Nerian. Rester loin avait toujours été plus facile et c’était ce qu’il avait décidé de faire ces derniers jours. Oublier, s’éloigner. Le temps de reprendre le ciel. Impulsif dans ses décisions. La réflexion pour laquelle il n’aimait pas accorder de temps. Mais lorsque le cœur s’emballait, il tentait de raisonner par tous moyens. Il se voulait froid, alors qu’il pouvait être émotif. Il se voulait cassant, alors qu’il fondait sous son regard.



Le message envoyé alors qu’il trainait avec lassitude dans un bar. Verre à moitié vide devant lui. Et l’attente interminable d’une fin d’après-midi qui n’annonçait rien d’intéressant. Et alors qu’il patientait dans l’espoir d’un événement, dans l’espoir d’une provocation peut-être, ses pensées trop libres s’étaient évadées vers sa gueule d’ange à lui. Alors, il avait tapé les mots sans y réfléchir. Sans arrière-pensée, sans intention. Seulement une envie soudaine de le rencontrer, Rome. Sa présence toujours appréciée du pirate pour passer un moment. Pour oublier qu’il n’était pas là-haut, en train de voguer sur les nuages. Il y avait ce petit jeu entre eux. Qui l’amusait beaucoup, qui le tentait trop. Nerian qui se montrait pourtant toujours peu sérieux. À prendre à la légère les regards, les allusions. À se laisser attirer malgré tout.


Les messages qui continuaient. Jamais très patient, Nerian. À vouloir qu’il lui répondre, qu’il lui porte de l’attention. Et il envoyait déjà l’adresse d’où il se trouvait. Voulant l’inciter à le rejoindre. Ajoutant ensuite qu’il pouvait se joindre à lui si c’était plus simple. Qu’il pouvait se rendre à lui s’il lui demandait. Le temps de déplacement le dérangerait moins que le temps d’attente probablement. Portable devant les yeux, il n’attendait que la réponse avant de s’élancer vers la porte ou se laisser choir sur le comptoir.



Un moment de recul s’imposait pour reprendre ses esprits. Fuir les sentiments, les questionnements. Blessé, blessant. Toujours. Il ne lui avait pas reparlé à Rome, depuis cette soirée-là. Il ne l’avait pas revu. Parce qu’il ne savait pas comment réagir face à lui maintenant qu’il avait eu le temps de réfléchir. Et plus il pensait, plus la solution qui s’imposait était de mettre fin à tout. Au flirt indiscret, aux envies nébuleuses. Car il commençait Nerian à l’apprécier. Pas seulement le jeu. Mais lui. Il commençait à s’accrocher à lui. Et c’était complètement hors de question. Refus total d’accepter cette vérité. Maladroit cependant, faible aussi par moment. Ne sachant pas comment lui faire face et mettre à terme ce qui se développait entre eux alors que tout en lui voulait le garder auprès de lui. Ces incohérences le frustraient tant qu’il n’arrivait plus à faire la part des choses. Le couteau avec lequel il jonglait finit son chemin planté dans le bois de la caisse contre laquelle il s’accotait. Inspiration pour se calmer.

Il releva alors la tête sous les bruits annonçant une présence, pensant que la livraison arrivait enfin. Commande qu’il attendait pour remplir les caisses de victuailles. Pour nourrir tous ces gens à bord. Sauf que ce n’était pas son fournisseur qui pointait son visage. Plutôt celui qu’il ne souhaitait pas voir. Rome, qui le bouleversait juste avec ce regard qu’il posait sur lui. Pourtant, il lui sourit, Nerian. Cherchant à agir avec cette nonchalance habituelle chez lui. Même si au fond, il se sentait à l’envers en sa présence soudaine. « Qu’est-ce qui t’amène aujourd’hui, precious ? »

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Le téléphone vibre dans sa poche et c’est avec empressement qu'il l’attrape, le déverrouille et regarde la notification qu’il vient de recevoir. La déception voile son regard un court instant tandis qu’un soupir se bloque dans sa gorge. Doit-il attendre encore longtemps pour avoir des nouvelles ? Rome n’est pas du genre patient et l’attente est frustrante. Les iris dévient sur l’heure qui s’affiche sur l’écran. Bientôt l’heure de son rendez-vous. Reprendre contenance, plaquer ce sourire moqueur sur son visage et le voilà rejoindre les deux gars qui l’accompagnent pour cette affaire. Trafic en perspective. Rien de bien compliqué mais la règle est de ne jamais être seul. Lui ne fera qu’observer la transaction et, en cas de besoin,  interviendra si le client devient compliqué. Le téléphone retourne dans sa poche d’un geste plus rageur qu’il ne l’aurait voulu et place une clope entre ses dents. Sans dire un seul mot, il passe entre eux, les dépasse et sent leur présence derrière lui. Second du groupe onyx.

Bien que ce ne soit pas les rues de Zaun mais celles de Midrias, celles-ci lui sont tout aussi familières et il rejoint le lieu de rendez-vous en prenant un ou deux raccourcis. Ruelle étroite que peu de gens emprunte dans le coin mais dont le bon emplacement lui permet d’avoir une vue sur ce qu’il se passe pas là. Rome s’installe sur un muret et sort un briquet. Plus épais que les briquets ordinaires, il commence à le faire tourner entre ses doigts. Le client arrive à l’heure, les mains dans les poches, le regard qui fixe partout jusqu’à croiser le sien. Mouvement de tête pour le saluer avant de ne plus faire attention à lui. Qu’illusion. Il est attentif, Rome. Ecoute tout ce qu’il se passe, les demandes, les échanges. Le briquet continue a rouler entre ses doigts jusqu’à ce qu’il l’allume d’un geste brusque au moment où le drogué tente de négocier le prix. Regards qui se fixent à nouveau dans un silence pesant. Lentement, il porte la flamme à la cigarette entre ses dents et tire dessus. Une fois. Deux fois. Puis se redresse de tout son long. Silhouette longiligne qui donne la sensation d’être inoffensive. Tout l’inverse de ce qui se lit dans son regard.  Tu l'achètes ou non ? Calme, posé, sourire en coin. Rome pose une question simple. Et pourtant, le visage en face se décompose, se secoue de haut en bas avant de sortir les billets. Tellement pathétique.

Regard félin qui compte les billets sans porter la moindre attention à cette ombre qui s’éloigne rapidement. Alors qu’il s’apprête à les ranger dans la poche intérieur de sa veste, un mouvement interpelle son attention. Pas de côté pour avoir un meilleur angle et ses yeux trouvent ce qu’il attend depuis plusieurs jours. Téléphone toujours silencieux alors qu’il n’est qu’à quelques mètres de lui. Il se sent soudainement crispé en plus d’être frustré. Et le cœur qui s’emballe. Ramène ça au chef. Je vous rejoins après. lâche t’il simplement à son subordonné en lui collant les billets sur le torse.


La lumière de son téléphone éclaire son doux visage. Regard qui parcourt le message reçu quelques secondes auparavant. Sourire qui s’étire sur ses lèvres et doigts qui pianotent déjà sur le clavier tactile de son appareil.


Provocateur, joueur. Il ne sait plus depuis quand ce jeu à commencé. Mais ça lui plaît. Vraiment. Accoudé au bar dans lequel il se trouve actuellement, il oublie la présence de la fille à ses côtés avec qui il avait entamé une discussion. Regard curieux sur son téléphone, elle le questionne. Haussement d’épaule et réponse égnimatique. Quelqu’un. Il ne veut pas partager Rome.


Il ne dirait pas non. Au contraire. Sa présence à lui est plus désirée que celle à ses côtés. Une main se glisse dans son dos comme pour attirer son attention mais rien n’y fait. A chaque notification c’est bien sur celeles-ci que son regard se porte immédiatement. Puis, sans préavis, il se redresse, attrape sa veste tout en ignorant la compagnie qu’il avait jusqu’à présent. Il tapote une adresse tout en sortant du bar puis envoie un dernier message.



La distance se fait manger par ses pas. Rome n’est pas du genre à hésiter, surtout lorsqu’il sait ce qu’il veut. En phase avec ses sentiments, ses émotions, il n’a pas de temps à perdre à se poser des questions. Il le rejoint rapidement, noyant son regard dans celui qu’il relève sur lui. Par les grâces, il aime tellement ce visage. Et ce sourire. Le sien s’étire, enjôleur, alors qu’il s’installe à ses côtés. Sans gêne.  J’ai cru voir le mec qui a dit qu’il me recontacterai après être parti précipitamment. répondit-il avec nonchalance. Pas besoin d’être plus explicite sur la personne qu’il vise, son regard suffit.  Pas de nouvelles alors je viens à lui. Silence blessant qu’il a dû enduré et accepter. Car aujourd’hui, ils ne sont rien.

Scars of tainted hearts

Il se retrouva rapidement près de lui, Rome. Trop près. Nonchalance avec laquelle il s’installa à ses côtés. Sans hésitation. Et de le voir approcher l’enchantait plus qu’il ne voulait l’admettre. Plaisir de le voir se présenter à lui au fond, car la myriade d’émotions ressenties n’était pas disparue avec ces quelques jours de distance. Aussi se laissa-t-il entraîner par son regard. Demi-sourire qui s’affichait toujours sur ses lèvres à l’entente des mots. Reproche légitime. Nerian qui ne l’avait pas rappelé, qui ne l’avait pas contacté depuis. Entre le vouloir intensément et se le refuser amèrement. Pourtant, aucun air coupable ne s’afficha sur son visage. Des choix qu’il avait faits, qu’il ne voulait pas remettre en question. Mauvaises décisions dont il avait plus que l’habitude. Blessures qu’il pouvait assener sans y réfléchir à deux fois. Cœur muet, qui n’osait plus pleurer ses peines. Celles que Nerian accumulait sans cesse, ne changeant jamais sa façon de considérer les choses. Ce qu’il regrettait ces derniers jours, c’était de laisser Rome le mener directement dans ses bras. Et il se maudissait de ne pouvoir s’en empêcher chaque fois qu’il l’avait près de lui. C’était si dur de se convaincre de lui résister.

Il optait pour cet air moqueur aujourd’hui. Pour se montrer détaché. Avec ce sourire qui cherchait à attirer les troubles, qui aimait provoquer la terre entière. Mais une touche d’amusement réel, d’envie et de douceur peut-être y existait lorsque Rome en était le receveur. Celui avec qui il jouait à s’en accrocher un peu trop. Car s’il ne voulait pas l’avouer Nerian, tout était différent quand ça concernait le cadet Vasserys. « Ce sont toujours les pires ceux-là. Tu devrais rester loin. » Malgré les mots, il se tournait complètement vers lui. Comme attiré par sa personne alors que c’était tout le contraire qu’il voulait se convaincre de faire. Et il voulait s’approcher Nerian. Encore plus. Laisser sa main glisser le long de son bras, se poser dans son cou. Caresses offertes du bout des doigts, comme si le contact risquait de le brûler tout à la fois. Désir de l’attirer à lui. Lèvres tentatrices qui lui souriaient. Ce petit air enjôleur qui ne le laissait jamais indifférent quand c’était Rome qui le regardait ainsi. À nouveau, il voulait s’y laisser prendre. Esprit embrumé par ses envies, et les réflexions pour lesquelles il n’aimait pas accorder du temps. Toujours dans la réaction, Nerian. Pourtant, il devait s’en persuader, car c’était la crainte — ce qu’il n’avouerait jamais — qui l’arrêtait. Quand il risquait de s’attacher, de le vouloir pour lui complètement.


Dans l’échange de message, il se plaisait, Nerian. Il aimait ça. Et plus une fois, il se prit à sourire sous les réponses qu’il lisait. Il s’amusait à lui donner quelques demi-réponses. Pour ne pas tout lui accorder tout de suite, pour le faire mijoter un peu. Pour voir ses réactions. Sous-textes et sous-entendus desquels ils s’amusaient. Ne jamais lui dire qu’il lui manquait vraiment. Ne jamais lui avouer qu’il s’emballait à la simple idée de sa présence.


Qu’il répliquait. Voulant l’inciter à accepter, à se retrouver. Quelques messages ajoutés et une adresse qu’il avait maintenant sous les yeux. La demande de Rome de l’y rejoindre lui tirait un nouveau sourire conquis. Il se levait. Quelques pièces abandonnées sur le comptoir contre ce verre qu’il avait terminé d’un coup et il s’éloignait déjà de cet antre sombre et insipide. La lueur orangée de cette fin de journée découpait sa silhouette entre les ombres. L’itinéraire rapidement regardé pour s’assurer d’où ses pas le menaient et il indiquait à Rome qu’il était en route.


Il avançait avec une anticipation, une excitation dont il n’avait pas l’habitude. Nerian qui était rarement enjoué à l’idée d’une rencontre ici-bas. Imperceptiblement, ça avait changé. Sans qu’il ne le réalise réellement. Ce que Rome créait comme sensation chez lui. Encore certain qu’il se plaisait simplement au jeu. Qu’il n’y avait rien de sérieux. Qu’il n’y avait pas d’attache. Il n’aurait pas dû en avoir. Il refusait de se laisser envoûter. Et pourtant.  

Chemin rapide et il s’arrêta devant l’endroit indiqué. Adresse revérifiée et un nouveau message envoyé pour mentionner sa présence. Il l’attendit près de la porte. Dos contre le mur et le regard vers le ciel qui noircissait à vue d’œil. Son attention fut tout de suite attirée par son mouvement. Alors que son corps se détachait des ombres, s’approchait de lui. Nerian impatient, qui voulait l’attirer à lui sans attendre. Dès qu’il fut assez près, sa main attrapait son vêtement, le tirait vers lui. « T’as failli me faire attendre. » Lèvres caressées d’un sourire, frôlant les siennes sans pour autant lui accorder le baiser. « T’as quelque chose en tête pour nous divertir ? » Les mots soufflés. Nerian qui s’amusait de laisser Rome en charge. Voir où il les mènerait, comment il voulait passer le temps. Toujours encore ce simple flirt entre eux, où la tension voulait les pousser à plus. Sauf que Nerian ne passait que peu souvent la nuit loin du navire. Prêt à le protéger, car trop souvent les imbéciles cherchaient à s’emparer de ce qui était leur. Et il était dans les premiers à se présenter sur leur chemin. Batailles qui n’arrêtaient plus, et le corps épuisé de ces nuits sans repos. Mais aujourd’hui, ça devrait être tranquille. L’Arcadia avec une nouvelle cachette. On lui avait dit qu’il pouvait aller se perdre dans les bars. Le voici donc qui voulait se perdre dans ses bras.


Il coupa court à la séduction pour se montrer distant. Le corps qui s’éloignait légèrement tout en répondant. Comme si ça n’avait aucune importance. Comme si ça ne le touchait pas. « J’étais occupé. » Demi-mensonge. Pas assez pour n’avoir aucun temps à lui accorder. Juste assez pour s’occuper l’esprit. Et si plus d’une fois, il s’était pris à lui écrire, les messages n’étaient restés que brouillons sur son téléphone. Avec le retour du printemps, les préparations en vue de reprendre le large, c’était une excuse qui se donnait bien. Vérité qui le soulageait tout à la fois. Se disant qu’en reprenant le ciel, il pourrait laisser derrière ses émotions miroitantes. Les abandonner sur la terre ferme pendant qu’il s’envolait vers les nuages. « On risque d’être débordé avec le retour du printemps. On va enfin pouvoir bouger. » Explication qui continuait. Pour exposer une raison qui pouvait les éloigner. Qui devrait les éloigner. Sa main attrapa le manche du petit couteau qu’il avait délaissé. Le retira d’un coup sec pour le ranger dans la poche qui lui était réservée. Il fit mine de se déplacer. Cherchant des yeux si son fournisseur allait finir par se pointer pour lui sauver une discussion dangereuse. À ne pas savoir qui entre la tête et le cœur pouvait gagner. Il se devait de mettre de la distance entre eux. Car plus il restait collé à lui, moins il pouvait penser. Moins il pouvait se convaincre de le repousser. « C’est tout c’que tu voulais ? » Les mots qui se voulaient détacher. Pour clore la discussion et le faire fuir. Mais alors que son regard croisait le sien de nouveau, ces pupilles félines intrigantes et attirantes, il ne put s’empêcher de s’intéresser à lui. « Tout est ok pour toi ? » Question prononcée qui se voulaient détachée, mais une touche d’intérêt y résidait. Curiosité de savoir comment c’était passé les derniers jours pour lui. De savoir s’il avait pensé à lui tout autant. Car au fond, il s’en souciait. Même si c’était bien camouflé, bien enfoui, bien refusé. Rome détenait déjà une trop grande partie de son cœur pour le laisser réellement indifférent.

Scars of tainted hearts

Son regard se pose sans gêne sur ce visage dont il connaît presque tous les contours. Il cherche la trace du moindre remord sur ses traits, sans succès. Rome sent sa frustration grandir alors que seul un demi-sourire lui répond. Son sourire se fane légèrement, ramenant sa cigarette, à moitié consommée, à ses lèvres pour ne rien montrer. Rome se berce dans sa nonchalance pour ne jamais montrer ses blessures, plaquant ce sourire en coin qui illumine faussement son doux visage. A double facette - double tranchant.

Nerian a bien compris qu’il parlait de lui, il ne faut pas être un génie pour le capter, et pourtant il semble s’en moquer éperdument, ce qui a le don d’agacer le plus jeune. Était il le seul à avoir voulu que la soirée se prolonge la dernière fois ? Ses mots sont durs et pourtant son corps lui dit l’inverse. Et il se perd dans ce regard qui le fixe. Peut-être. Mais ils sont intéressants. L’envie est forte de le tirer vers lui, reprendre là où ils s’étaient arrêtés la dernière fois, mais ses bras restent croisés sur son torse et son sourire s’étire malgré le cœur qui se serre inexplicablement.


Et le téléphone vibre, ramenant à chaque fois ce regard sur lui. Les doigts pianotent rapidement, ne laissant que quelques secondes de répit avant que la réponse ne soit envoyée. Provocateur, il joue avec les mots et attend que ce soit lui qui confirme ses envies. Plus rien n’existe autour de lui. Il n’entend même pas le soupir ennuyé de celle qui se tient à ses côtés. La curiosité le questionne et il se contente de répondre vaguement sans même jeter un regard.

Son sourire s’agrandit et, sans prendre la peine de s’excuser, attrape ses affaires et sort aussitôt du bar qu’il occupait jusqu’à présent. Adresse envoyée, il sillonne les ruelles rapidement jusqu’à ce qu’une lui permettent de se téléporter sans se faire remarquer. Pouvoir qu’il affectionne énormément, encore plus depuis qu’il l’a retrouvé, mais les regards curieux le dérange et disparaître ainsi devant témoin n’est pas dans ses habitudes.

L’excitation fait battre son cœur plus fort alors qu’il tourne dans l’angle de la rue qu’il lui a donné. Sa silhouette se détache immédiatement à la lueur de la lune et son regard accroche immédiatement le sien. Ses pas se font plus rapides pour arriver à sa hauteur et son sourire s’étire alors que le pirate le tire vers lui. Son souffle lui chatouille le visage et le frôlement de ses lèvres lui donne envie de plus. Là maintenant. Quelle impatience. souffle t’il dans un sourire. Il se fait violence pour ne pas accaparer ses lèvres immédiatement. Hm. Peut-être ? Provocateur. Joueur. Il ne sera pas celui qui flanche en premier. corps qui se colle un plus à l’autre alors que ses lèvres s’aventurent vers son oreille pour y souffler quelques mots. J’ai carte blanche ? Ou peut-être sera t’il celui qui mène la danse.


Bien que légèrement, la distance se fait ressentir irrémédiablement et il se fait violence, Rome, pour ne pas attraper le bout de son haut pour le ramener là où il se trouvait avant. Regard félin qui le dévisage sans comprendre ce changement de comportement. Nerian lui semble soudainement loin alors qu’ils étaient si proches quelques jours auparavant. Un frisson remonte son dos, l’obligeant à se redresser à son tour. Il écoute, prend directement les réponses du pirate qui lui annonce que l’Arcadia va bientôt quitter le port pour retourner dans les nuages. Hm. Il le sait très bien tout ça, Rome. Kael se réjouissait déjà assez de pouvoir bientôt repartir. Et quand bien même, il était celui qui avait le choix de rester à terre, auprès de son chef, il en ressentait toujours un pincement au cœur de voir le navire s’éloigner.

La cigarette est totalement consumée lorsqu’il l’écrase contre le muret. Il suit du regard les mouvements de Nerian, qui s’éloigne encore, brisant le contact visuel qu’ils avaient jusqu’à présent. Sensation désagréable qui se forme au creux de son estomac sans pouvoir y mettre des mots. Reste près de moi. Les mots sont fuyants et la surprise se lit au fond de ses prunelles. Pardon ? Serait-ce une manière de lui dire de partir ? Mais ce regard qui se pose à nouveau sur lui le rend confus, incapable de comprendre ce que veut celui qui occupe son esprit bien trop souvent en ce moment. ... Ouai…Tout est ok… Je crois. Il n’en sait rien. Il ne sait même pas de quoi Nerian parle. Alors, dans une tentative de comprendre, il s’approche à nouveau de lui et attrape du bout des doigts la manche de son haut. hé… Tout est ok entre nous, hum ?

Scars of tainted hearts

À rester trop près, il ne pourrait pas résister à l’envie de l’attirer contre lui. Son corps entre ses bras à lui. Ses lèvres contre les siennes. Et il voudrait plus. Il le savait. Et vouloir plus avec Rome l’inquiétait. C’était dangereux. Car ce n’était pas simplement vouloir passer une nuit avec lui. C’était vouloir passer ses nuits avec lui. C’était désiré sa compagnie. Désirer sa personne. Espérer qu’il resterait à ses côtés. Espérer qu’il serait à lui. Et seulement à lui. Dès que la pensée se présentait, dès que les envies l’assaillaient, il prenait peur, Nerian. Il se faisait violence. Il voulait le repousser jusqu’à froisser. Il voulait l’éloigner jusqu’à oublier. Mais c’était si ardu avec Rome. Impossible de facilement lui dire de le laisser tranquille. Les mots mensonges qui se coinçaient dans sa gorge. À ne pas vouloir lui dire. Ne pas pouvoir endurer la douleur ou la colère dans son regard. Ne pas réellement vouloir le perdre et pourtant tout faire pour que ça arrive. Incohérence et incertitudes. Et il se détestait de cette ambivalence, de ces hésitations. Ça devrait être facile. Comme il avait toujours fait. Alors pourquoi son visage refusait de quitter son esprit. Pourquoi son toucher lui manquait cruellement chaque fois.

Pour Nerian, la solution qui s’imposait était de l’ignorer. Ne pas entendre sa voix, ne pas lire ses mots. Surtout ne pas lui faire face. Car il était faible pour lui en vérité. Il finissait toujours par succomber à ses charmes. Rester loin était la seule chance qu’il avait de vraiment l’oublier. Et encore. Cela ne fonctionnait pas totalement. Toujours ses pensées qui revenaient vers lui au moindre moment d’inattention. Et cette nuit qu’il n’oubliait pas face à l’inachevé qui tentait son esprit désireux.



Il le savait, Nerian. Il la ressentait aussi cette impatience. Et il s’en amusait. De ne pas tout de suite lui accorder ses lèvres. De les caresser sous les désirs éveillés. De le savoir accroché à lui, dans l’attente. Si plaisant, si irrésistible. Ce qu’il aimait avoir Rome contre lui. Dangereuses pensées qu’il l’envahissait, mais dont il croyait fermement avoir en contrôle. Les sentiments qu’il n’osait pas affronter. Qui ne lui paraissait encore que part du jeu. Alors que c’était peut-être déjà trop tard pour s’en sauver réellement. « Surprend-moi, precious. J’adore ça. » Sa main remonta à son cou, caresse du bout des doigts. Chercher sa mâchoire, son menton. Pour ramener ses lèvres à lui. Et chaque fois qu’elles se rencontraient, il y avait cette chaleur qui l’envahissait, qui en demandait plus. Baiser qui se faisait insistant, qui se faisait nécessiter. Et lorsque le contact était coupé, l’éclat dans son regard n’en était que plus avide. « Carte blanche. » Qu’il acquiesçait, sourire au coin des lèvres, l’envie dans les pupilles. Puis, décoller son corps du sien. Distance pour éviter que ses mains ne s’attardent sur sa taille, que ses lèvres ne s’attardent sur les siennes. Car il ne pourrait plus s’arrêter à continuer ainsi. « Je te suis. »  Le regard appuyé, dans l’attente. Se retenir pour ne pas de nouveau l’attirer à lui. S’il le dévorait du regard, il n’allait pas l’admettre. Présence convoitée, celui avec qui il voulait passer la soirée. Jusqu’aux premières lueurs de l’aube. Tendresse et attirance qu’il ne voyait pas. Pourtant ça aurait dû être évident. Pour n’importe qui qui regardait, à quel point il accordait de l’importance à Rome.


L’éloignement recherché, le regard qui voulait se raccrocher ailleurs. Éviter de réfléchir à la confusion qu’il créait. Réponse qu’il recevait alors. Tout était ok pour Rome. Ça allait. Sans lui ? Hochement de tête nonchalant. Alors qu’il espérait peut-être autre chose. Qu’il ne voulait pas accepter tout à la fois. Ses pupilles croisèrent un bref moment le regard félin de Rome devant son inquiétude. Tout est ok entre nous ? Hésitation qui faisait surface de nouveau. Nerian qui ne put empêcher une main anxieuse de repousser ses cheveux. « Hm. Qu’est-ce que tu veux dire ? On s’amuse bien ensemble. Mais j’ai pas de temps pour toi, là. » Les mots durs. Les mots secs. Le regard fuyant ensuite. Car s’il savait se montrer distant et détaché, c’était toujours plus difficile avec Rome. Surtout en le sachant à ses côtés. Trop près encore pour que ses pensées ne s’attardent pas sur les désirs. Sur cette nuit aux caresses inachevées. Il ne pouvait lui dire avec nonchalance en vérité. Il ne pouvait surtout pas le regarder dans les yeux. Il allait craquer s’il le faisait. Devant l’incompréhension qu’il afficherait, devant son air blessé. Il voudrait le serrer dans ses bras, il voudrait s’occuper de lui. Mais ça ne devait pas être ce qu’il souhaitait faire. Et pour cela, il fallait mettre de la distance entre eux. Paraitre indifférent. Comme si rien ne le touchait. Comme si cette nuit n’avait rien voulu dire pour lui. Alors qu’au contraire, ça avait voulu tout dire. Et l’avait convaincu qu’il faiblissait à vue d’œil pour lui.