Bal des grâces
MARS 2023

❝ Féerie : euphorie vive pourtant si succincte.  

tenue & masque

@Levi Cassius Hunter

Il n’y avait d’événements auquel la jeune Frey aurait su participer par simple plaisir et innocente curiosité. Entraîné par une nécessité irrépressible de vérité, la jeune zaunarde était prête à prendre les risques et assumer les conséquences nécessaires à la recherche de ses frères aînés. Zaunards volés sous couvert d’adoption, faux célestiens que la société n’avait sans aucun doute de cesse de leur rappeler. De chenille elle s’était métamorphosé, entre les mains expertes des daemonis, en un magnifique papillon, seul son atèle au bras droit se démarquant de cette tenue olympienne. Perséphone, la naissance du printemps, ses pas foulant le sol le sol mousseux et ses yeux contemplant, le cœur palpitant, la magnificence des lieux. Elle avait grandis et évolué dans les bas fonds de la basse ville, l’obscurité et les odeurs déferlantes d’excréments qui se dégageaient des égouts étaient depuis toujours une normalité pour cette enfant des rues. Sur son visage en fleurs à moitié caché par un subtile masque coloré, elle pouvait sentir une brise d’air frais au doux parfum qu’elle devinait être celui de fleurs qui lui étaient inconnus. Ses paupières se fermant avec délicatesse, elle se laissait submerger par les lieux, survolant le brouhaha des invités pour ne percevoir que le battement des papillons, des feuilles d’arbres qui dansaient sous le vent et le chant des insectes. Ne trouverait-elle pas de réponses à ses questions que ce bal vaudrait la peine qu’elle eut sacrifié de si précieuses heures de son temps. Quand aurait-elle à nouveau l’opportunité de faire l’expérience d’un tel univers ? Sa mission lui paraissait à présent si lointaine, enfant simpliste que l’odeur de l’herbe fraîchement coupée aurait suffit à faire voyager vers des contrées lointaines. Etait-ce cela que d’être Célestien ? Serait-ce là la vie dont ils profitaient bien trop peu conscient de cette chance qui était la leur ?

S’accroupissant au sol, elle caressait de sa main valide les pétales de rose, riant alors qu’une plante grimpante venait chatouiller l’arrière de sa nuque avant de ne continuer son chemin vers les astres. Les citoyens se rendaient ils réellement à ce bal pour rencontrer leur âme sœur et ce avec aussi peu de fascination pour cette atmosphère féérique qui s’offrait à eux ? Ses lèvres charnues étirées dans un sourire presqu’enfantin, elle observait les petites créatures courir entre les jambes des convives, ceux-ci bien trop occupés pour ne s’en rendre compte. Peter pan, prénom qu’elle avait voulus glisser dans le vase avant de ne se reprendre. Elle n’était pas là pour courir après un amour impossible, l’une de ses histoires que l’on retrouvait dans bien trop de romans fantasques et qui finissaient quasi irrémédiablement en relation toxique. « bandage, fantaisie, bleu nuit » s’était-elle contenté de glisser dans le réceptacle bien peu soucieuse de la personne entre les mains de laquelle finirait ces indices. Il était pourtant rare de croiser le chemin d’une femme avec un tel bandage à l’avant bras qui plus est dans une soirée aussi mondaine que le bal de grâce. « bonjour toi » murmurrait-elle à l’intention d’une créature alors qu’elle se relevait délicatement, levant son bras valide en direction d’une branche et de ce qui ressemblait à une petite fée. Pointe des pieds et doigts qui battent dans le vide, elle retenait sa respiration comme si, par magie, cela aurait su l’aider à caresser les ailes pourtant si fragiles de cet être fascinant.

Elle succombait à l’attraction terrestre en une poignée de seconde, perdant l’équilibre qu’avaient tentés de lui offre ses talons aiguilles. Son corps basculant inopinément, elle n’avait guère le temps de se redresser, se voyant cependant chuter au ralentis, ses bras s’afférant à se cramponner à la première chose, première personne qui eût eu le malheur de se trouver à proximité de la jeune malheureuse. Doigts de sa main valide crispés sur les épaules de l’infortuné, les paupières fermées, il lui fallut quelques secondes avant de ne se rendre compte que ses ongles ne s’étaient guère plantés dans le tronc d’un arbre mais bel et bien dans la chair d’un homme. « mon dieu, pardon. » prononçait elle confuse relâchant son emprise sur celui-ci tout en reculant hâtivement, son regard ancré dans celui pénétrant de l’inconnu. Etait-il lui aussi une création des daemonis ayant pour vocation d’enivrer les convives ou était ce là la représentation même de la citoyenneté Célestienne ?