"Cela faisait des mois qu’elle apprenait à composer avec sa nouvelle condition, oscillant entre un dégoût profond de ce qu’elle était devenue et un plaisir coupable d’apprécier ses nouvelles capacités. Plus vive, plus forte. Elle ne craignait que la lumière du soleil, et pour peu qu’elle s’accorde à se laisser aller à ses pensées, Aelan avait l’impression de pouvoir dominer quiconque osait s’interposer à son avis. Une sensation de force et de férocité qui grondait en supplique latente à son esprit. Elle détestait cette dualité, mais ne pouvait qu’en apprécier les bénéfices. Elle dormait peu, pas, elle n’était pas certaine de savoir quel rythme adopter. Ses parents l’enfermaient nuit et jour dans une pièce bien trop grande pour une jeune fille, mais bien trop à l’étroite pour en faire une prison dorée. Les domestiques avaient pour ordre de laisser la nourriture sur la table et de sortir sans un regard pour Aelan. Isolé dans un monde auquel elle n’appartient plus, la jeune femme n’a de cesse de ressasser cette nuit d’effroi.

Bien souvent, elle se surprend à regretter de ne pas avoir pleinement perdu la vie ce soir-là. Il aurait été moins douloureux pour elle que de devoir supporter la pitié, la peur et l’ignorance des gens qui l’entouraient. Aelan n’était ni morte, ni envie. Son cœur ne battait plus, l’air n’avait plus besoin de trouver un chemin à ses lèvres et tout ce qu’elle goûtait avait un goût rance et désagréable. Elle s’affaiblissait de jour en jour, privée de sang, elle survivait péniblement à cette double peine. Ses parents ne correspondaient avec elle que par lettre, pourtant écrire dans les pièces voisines à sa chambre. Elle n’avait que la solitude pour seule compagne et ses dessins à qu’elle s’amusait toujours à donner vie. Mais il n’y avait aucun compagnon éphémère suffisant pour combler cet abandon. Cette claustration lui brisait le cœur et lui renvoyait sans cesse au visage cette condition qu’elle détestait. Elle n’était plus qu’un monstre à l’image d’une Idlewind. Pire encore, elle était devenue ce monstre que tuait Jahaeryn … Si vous saviez comme il lui manquait. Cette douleur n’avait de cesse d’enfler chaque jour et si elle avait espéré un jour pouvoir vivre leur amour, elle savait désormais que plus rien ne serait possible. Elle était presque certaine que ses parents, le temps venu, mettrait sa tête à prix. Demanderait-on à Jahaeryn devenir remplir la mission ?

Tout serait terriblement cruel.

Alors quand cette domestique, pleine de compassion, se présente à elle pour y déposer son repas, elle ne résiste pas Aelan. Elle a faim, une faim obsessionnelle. Une faim qui la torture et qui, enfermée ici, n’a de cesse de grandir. Ses canines lui font mal et ses nouvelles capacités paraissent troublées. Elle se sent mourir une deuxième fois, c’est beaucoup trop. Elle s’avance vers elle, sans avoir conscience de ses actes. La seule chose qu’elle perçoit, son les battements de coeurs et le sang qui pulse dans cette jugulaire appétissante. Elle perd pied, elle perd le contrôle et dans un geste brouillon, saisit la jeune femme et plante ses crocs en elle. Pourquoi avait-il fallu que ce soit la seule personne avec suffisamment d’empathie pour lui avoir adressé un sourire ? Aelan ne réalisera que trop tard l'ignominie de son crime et avisera avec effroie le corps sans vie de la jeune femme, tenant encore la hanse du plateau repas entre ses doigts. Inerte, encore chaude, mais terriblement pâle, la domestique gît contre son corps. Aelan reste stupéfaite de la scène, comme si elle se réveillait d’un cauchemar bien trop réel. bouleversé, elle se redresse lentement avant de constater le goût de sang dans sa bouche. Et si l’instant d’avant elle s’en délectait, à présent il l'écoeure. La panique la saisit et si elle pouvait pleurer, les larmes dévaleraient ses joues en un torrent incontrôlable.

quelques heures plus tard.

Elle avait fuit, aussi loin qu’elle le pouvait, elle avait quitté la demeure familiale laissant ce macabre présent à la découverte de tous. le menton couvert de sang séché, et un manteau prestement drapé autour de son corps elle s’était fondu dans la nuit pour rejoindre la seule demeure qu’elle savait accessible à ses tourments. Elle frappe le chambranle avec force et supplie d’une voix cassée, pleine de sanglots “Je t’en prie Soran … Laisse moi entrer …”