u n f a t e d ☾


Ca n’a pas tant d’importance. Le Loup tente de s’en convaincre. Cette mascarade qui n’avait que peu de sens. Pourtant, là où lui tente de chasser ces pensées importunes, il semble qu’elles demeurent dans l’esprit de Luana. Sans méprise, le Sköll ne lit pas les pensées et la Belle est bien difficile à déchiffrer… mais parce qu’elle lui offre bien peu de choses habituellement, en dehors de son dédain, son silence approbateur lui fait l’effet d’une fausse note. Ce n’est rien. Tâche de profiter de l’instant. C’est ce qu’il se répète, d’autant que sa fiancée, pour une fois, ne le fuit pas avec trop de force.
Elle consent même à le suivre. Kieran n’aura pas perdu sa soirée.

Parce qu’il se doit d’être galant, il cède sa veste à la Belle aux mains glacées. Si Luana ne refuse pas - ce qui est encore une surprise -, sa déclaration provoque un petit sourire sur les lèvres de son cavalier. Froide. Ca, il ne peut pas dire qu’elle soit très chaleureuse.  ❝Ca, je l’avais remarqué.❞ Il laisse échapper comme un rire silencieux. Luana l’amuse. Néanmoins, quelque part, cette affirmation glaçante de véracité le trouble et, il n’oserait le dire, l’effraie. Car au-delà de son attitude, c’est son corps entier qui gèle. Cela serait-il une caractéristique des voyantes…?  ❝Tu as toujours les mains froides, même en été.❞ Ce n’est pas vraiment un reproche. Plutôt une constatation futile puisque la principale intéressée ne l’ignore, de toute évidence, pas. Il songe, tout de même, que la veste ne sera pas de trop durant leur promenade.

Contact délicat. La main sur son bras lui donne une sensation de chaleur froide. La manche en soi de Kieran sépare leur peau… mais il la sent. Si proche et si loin à la fois. Quelque chose veut s’éloigner, une autre la veut plus près. L’envie de découvrir ce corps et dessiner une carte sur l’épiderme. Goûter la chair, s'enivrer de son parfum. Il n’y a plus que le sien qui flotte désormais dans l’air. Le Loup s’en satisfait. D’autres fragrances plus naturelles lui parviennent. Le parc autour de la salle du bal rend la promenade agréable. La végétation étouffe les bruits de la ville insomniaque.  ❝ Je me permets, dans ce cas, d’insister pour te raccompagner chez toi.❞ Son ton est dépourvu de malice, seulement celui d’un fiancé concerné par le sort de sa fiancée. Il est vrai que le Sköll joue bien son rôle.  ❝Un chauffeur devrait attendre à l’entrée du parc. Ne t’en fais pas, je compte bien te laisser rentrer chez toi. ❞ Ne pas la retenir. Pas ce soir. C’est étrange pourtant, Luana aurait pu mentir dès le départ et dire qu’elle était attendue. Peut-être avait-elle craint que l’acteur n’insiste et avait cédé pour mettre plus rapidement fin au débat. Cette hypothèse l’amuse : elle commence à connaître l’animal. Cependant, en cette fête des Grâces, Kieran n’a pas l’intention de l’importuner davantage. Pour tout dire, il sent même qu’il est plus prudent de la laisser partir.

Particulièrement quand leur regard se rencontre. Kieran le soutient. Il pourrait se noyer dans l'améthyste de ses yeux. Mais le Loup n’en aime pas la profondeur. Il sait la fascination qu’il en éprouve, dangereuse. A quel point peut-elle sonder son âme ?
Il jure en silence et elle pose la question.
Il n’est pas surpris mais une pointe d’agacement luit dans ses iris. Ce qui n’avait pas d’importance revient sur le tapis. Si cela ne signifie rien, pourquoi est-ce que ça l’intéresse ?
Kieran lui offre un sourire, masque parfait pour dissimuler sa contrariété. Il feint même la malice en demandant :  ❝Pourquoi ça t’intéresse ? Je pensais que tu ne croyais pas à ces bêtises. ❞ Son ton est détaché. Ça n'a aucune importance. Pourtant l’image de cette fleur de givre dansant sur le papier s’impose à son esprit. Le givre…. Je suis froide. Et le trouble durcit ses traits. Ce n’est qu’une coïncidence. Cette fleur n’a pas de signification particulière. Il n’est pas capable d’en reconnaître la sorte et ne ferait aucun lien avec une espèce nommée d’après la Lune.  ❝Juste une fleur si tu veux tout savoir, mais je crains ne pas pouvoir te donner plus de détails, j’ai quelques lacunes en jardinage. ❞ Le givre… Ce n’est qu’un détail… une coïncidence…
N’aurait-il pas dû avoir le néant ?
Ou au moins, une représentation des bas-fond de ce monde vers lesquels sa carcasse est irrésistiblement attirée ?
Son regard retrouve la silhouette de sa fiancée. La curiosité est naturelle mais une partie de lui ne veut pas savoir ce qui s’est inscrit sur ce papier maudit. Car peut-être, cela donnerait-il trop d’importance à ce qui aurait dû rester un jeu… Mais ne pas demander le rendrait suspect. Et soudain, il craint de devenir un livre ouvert pour Luana Aiwenor :  ❝Et toi ? Quel indice t’a-t-on donné pour que tu me tombes dans les bras ? ❞ Le ton est léger, moqueur… mais la pensée est grave, confuse… détestable.  

u n f a t e d ☾


Elle ne se vexera pas. Dire l’inverse aurait été un mensonge loin d’être crédible. Elle sait qu’elle a tout du glaçon. ça ne la dérange pas, il lui semble logique que toute la chaleur soit allée à Soàan, elle lui va si bien…
« Oui, tout le temps. » ça ne dérange personne après tout.
Même Soàan ne s’en plaint pas alors qu’il est le seul à avoir le droit à un peu de contact.
Sauf maintenant à priori. Un peu étrange, c’est vrai.
Mais si c’était la seule chose étrange ce soir… elle arrive peut-être même en bas du classement.
Kieran et son bout de papier sont plus intéressants.
Kieran et cette aura étrange aussi.

« Puisque tu insistes. » et c’est tout ?
Ce n’est plus une enfant.
Mais elle n’a pas envie de mener une guerre ce soir.
Son regard se pose sur le désigné fiancé. Le contenté fiancé.
Elle guette une réaction sur ses traits.  Mais il ne fait que sourire. Il semble toujours si “parfait” à sa manière.
« Ce n’est pas parce que je n’y crois pas que ce n’est pas intéressant. » et ça l’est ?
Une fleur.
Juste une fleur si on veut être tout à fait précis « Je vois. » erreur de langage en réalité, elle ne voit rien, ne devine rien. Une fleur c’est plutôt classique et ça pourrait correspondre à n’importe qui.
Mais pas à elle.
Ils se sont retrouvés l’un en face de l’autre mais d’un coup le doute se dissipe en partie. ça n’a pas marché, de toute évidence. Une fleur, ça ne peut pas être pour elle. C’est trop délicat, trop finement esthétique pour elle.

« Une forêt et des grenats. » alors elle répond avec sincérité. ça ne veut plus rien dire. L’apparition chatouille encore sa curiosité… mais il est évident que les choses n’ont pas marchées comme on le vendait à la base.
ça n’a rien de décevant. Sauf peut être parce que c’est trop prévisible.
Il lui reste toujours cette vague impression mais bizarrement ce soir, son fiancé ne tient pas à passer plus de temps avec elle que ça. A ce qu’on dit, c’est classique. Elle l’a déjà entendu, l’intérêt éveille le désintérêt. Elle n’est plus si intrigante sans distance. Elle n’est sans doute pas assez jolie pour l’être à ses yeux quand le défi s’amoindrit.
S’en plaindre serait malvenu quand elle rêve à sa tranquillité « Je te remercie de m’avoir raccompagnée. » alors autant se quitter maintenant