upside down



L'exposition est une merveille pour les yeux. Ra'kan est extrêmement fier du travail qui a été fourni par son équipe pour pouvoir mettre en place un tel espace. Chaque exposition à la galerie Arcadia se doit d'être un enchantement. La galerie n'expose jamais deux fois de la même manière. Le but étant de renouveler l'expérience, la découverte, faire naître et renaître ses sentiments profond et son attrait pour l'Art en entrant chez lui. Et ainsi depuis le début de l'exposition dans la galerie, le maître des lieux ne reçoit que des retours positifs, des commentaires enthousiastes, il a même déjà vendu quelques unes des œuvres qui sont exposées, c'est pour dire. Ra'kan est très fier, c'est aussi simple que cela.

Ce jour là il était prévu que ce soit le galeriste lui même qui fasse une visite guidée de l'exposition à un groupe d'amateurs. De la sorte, il est possible d'exposer à l'oral les raisons de la préparation d'une telle scénographie, d'appuyer sur des détails en particulier, voire même de proposer de nouvelles ventes aux potentiels clients. Toute raison est ainsi la bonne pour qu'il ne soit pas affairé à son bureau ou dans son atelier à préparer ses prochains méfaits.

" Vous imaginez donc que le choix n'a pas été des plus faciles à faire quand nous avons reçu les œuvres en main propre " expliquait le galeriste à son petit groupe. Le halo qui l'englobait naturellement n'était pas très intense en terme de luminosité cette fois ci, il ne pouvait pas être celui sur qui se posaient toujours le regard alors qu'il avait des œuvres qui méritaient toute l'attention -et l'argent- de ces visiteurs. " Mais la solution qui a été toute trouvée pour cet événement était de faire basculer notre perception des œuvres, et donc de renverser l'exposition, en plaçant le sol de la galerie au plafond et inversement. " Ainsi le petit groupe avait la tête relevée pour admirer l'installation qui se trouvait en effet judicieusement installée au plafond de la salle avec un miroir permettant à tous de voir l'extérieur et l'intérieur de l'installation. Tandis que le groupe prenait son temps pour regarder les différentes pièces qu'il avait présenté jusqu'à lors, ses yeux curieux étaient tombés sur une figure familière. Oh il ne connaissait pas le jeune homme qui était un peu reculé du groupe à qui Ra'kan faisait actuellement la visite, mais il l'avait vu de nombreuses fois jeter des coups d’œils au travers de la vitrine de la galerie, sans jamais y avoir mis les pieds. Quelle était donc la raison pour que cet admirateur anonyme se décide à passer le pas de sa porte pour se plonger dans la galerie toute entière, le mage se promettait de tirer ce mystère au clair.

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La marche est lasse. Le regard de Castiel se pose sur les passants, sur les bâtiments qui l’entourent. Une balade forcée alors qu’il n’en a aucunement envie, son regard incapable d’être posé sur Feyre alors qu’elle doit être occupée à faire dieu sait quoi. Peut-être s’entraîne-t-elle avec cette personne qui lui apprend le combat, information qui lui avait paru tout à fait insensée lorsqu’il l’avait apprise. Pourquoi ne pas lui demander à lui ? Le détestait-elle à ce point ? Être le garde du corps de la famille Im est un travail qu’il méprise en tous points, mais tout autant, elle est sa raison de vivre. Si devoir regarder les parents Im dans les yeux lorsqu’ils lui accordent un regard (ce qui se fait heureusement rare) est insupportable, il se demande si ce n’est pas plus insupportable d’être loin de leur fille, qu’il est sensé protéger. Il sait qu’elle déteste le regard qu’il porte sur elle. Peut-être est-ce évident qu’il remplit un peu plus que son propre travail de garde du corps : incapable de s’arracher au fait de vouloir lui apporter une protection qui vient ici du cœur, malgré les douloureuses histoires de leur passé. Et il s’en veut. Que même ses pas loin de la demeure familiale, ses pensées se dirigent vers elle à nouveau. Il doit se distraire. Mais qu’a-t-il pour se distraire ? Absolument rien.

Lorsqu’il s’arrête, le jeune homme se rend compte être en face de cette galerie. Un souffle chaud s’échappant de ses lèvres à poser son regard sur les portes, sur le bâtiment en tous points luxueux, comme tout ce qui se trouve de toute façon à Celestia. La curiosité pétillant si loin dans son regard morne et mort : si bien que vraiment, personne ne pourrait l’apercevoir. Et pourtant il est là. Cet élan si faible au fond de son cœur qui l’appelle et lui demande d’entrer. Sa langue s’échappant un instant de sa bouche pour traverser ses lèvres, un pas en avant avant qu’il ne puisse l’arrêter. Il n’est jamais entré. Ayant pris en grippe le propriétaire du bâtiment malgré l’attrait des œuvres. Plus que ça, il sait que sa présence dans un tel endroit serait mal vue : personne ne s’empêche jamais pour chuchoter ou parler de lui devant lui, comme s’il ne pouvait pas entendre. Un Witcher, ça fait peur, et il ne peut pas exactement le cacher, ses prunelles mordorées rappelant à tout le monde qu’il est sensé être un être insensible et dénué de sentiments, tout juste bon à aller se faire tuer au combat.

Il est intrus. Mais il assume le rôle un moment, en entrant dans la galerie. Sentant quelques regards sur lui, il fait mine de ne rien remarquer et rejoint paisiblement un groupe, espérant peut-être que le nombre suffira à le noyer. Il ne remarque que trop tard qui est à sa file : cette personne qui est toujours resté un symbole dans son esprit, ne s’étant jamais attardé sur quoi que ce soit d’autre que son nom pour définir sa personnalité. Et le détester.

Il exsude un charisme évident. Mais n’est-ce pas normal ? Est-ce du charisme, ou de l’arrogance ? Il ne sait jamais trop avec les Célestiens, habitué à être vu comme un moins que rien depuis son enfance rien que par ses origines, rien que par ce qu’il est. Déglutissant difficilement, il tente de ne pas fixer trop intensément le teneur de la galerie, soupirant doucement en suivant le groupe, et tentant de se concentrer sur les œuvres présentes à ses côtés. Une curiosité au fond du regard en s’accrochant aux couleurs, en imaginant les coups de pinceaux ou de crayon. Bientôt il se laisse totalement envahir, oubliant que les explications sont déclamées par une être qu’il a déclaré détester en tout point, trouvant un intérêt tout particulier et quelque chose d’envoûtant à ce flot de paroles qu’il attribuera pour se soulager au ciel. Les yeux brillant un peu plus à chaque nouvelle découverte, son cœur battant d’une excitation qui le surprend. Il s’oublie totalement. Jusqu’à le sentir.

Le regard. Un frisson le parcourt et le sien se relève, pour tenter d’en chercher la provenance. Et bientôt, il vient plonger son regard mordoré au creux de celui du teneur de la galerie. Il connaît son nom mais ne veut même pas se le déclamer intérieurement. Le regard se prolonge. Les lèvres charnues de Castiel s’entrouvrent, comme par intuition qu’il lui doit dire quelque chose, à avoir fixé cette personne aussi longtemps. Il a envie de lui poser la question insolente. Mais le fait qu’il y ait un public rend la chose plus difficile. L’exposition avec les miroirs ne fait rien pour apaiser cet état qui le transcende. L’impression de ne pas pouvoir se cacher.

Lorsque le groupe se disperse, son corps se meut de lui même. Sa stature imposante se présentant face à l’homme, le bloquant dans son chemin. « Vous êtes vraiment intéressé, ou vous vous êtes tant entraîné que vous donnez l’air ? » ne peut-il s’empêcher de demander d’une voix froide et morte, son regard tout aussi impassible se présentant face à l’homme. Tout ce qu’il est correspond au cliché du sorceleur. Qui aurait pu croire qu’il n’était pas véritablement ça ? La dépression ayant pris place dans son cœur un peu plus au fil du temps et lui ôtant la force de quoi que ce soit. Le garçon qui était autrefois enjoué et passionné réduit à cette enveloppe morte. Sûrement serait-il vraiment mort, si la vie ne s’était pas mise dans son chemin.

Cette curiosité qui était sa marque de fabrique auparavant, il l’avait pensée éteinte. Mais depuis la prise de son poste en tant que garde du corps auprès de la femme qu’il déclarait aimer autrefois, il n’est plus sûr de rien. S’il n’est pas curieux, pourquoi poser cette question ? S’il n’a pas d’espoir, alors pourquoi chercher ? Un soupir lui échappe. « Je parie que ce n’est même pas vous qui avez vraiment choisi les œuvres. Quelqu’un le fait à votre place, non ? Vous… vous récoltez juste l’argent, n’est-ce pas ? » ne peut-il s’empêcher de marmonner, une acidité qui pourtant ne lui correspond pas, témoin de sentiments paradoxaux s’agitant au creux de son cœur.