Les préparatifs battent leur plein. On s'affère doucement à arranger les chaises et les tables. On apporte les dernières touches aux costumes. On vérifie les décors et on check les projecteurs un par un. La t e m p ê t e se prépare, et tout doit être parfait. Une mécanique bien huilée depuis de nombreuses années. Chacun connait sa place. Chacun sait ce qu'il a à faire.

Et au milieu de l'agitation de l'ouverture qui approche, trône au bar sa majesté, cocktail à la main, jaugeant le monde de son piédestal imaginaire. Mazikeen ne participe pas à la basse besogne, j a m a i s. Il ne manquerait plus que ça tiens! Jette même un regard foudroyant à l'impertinent qui ose croire qu'elle bougera de sa chaise pour qu'il puisse passer le balais. Fait semblant de surveiller le barman pendant qu'il essuie ses verres.

Impératrice sans couronne qui veille sur son empire. Les méninges qui s'agitent en repensant aux dernières déclarations concernant le Mur. S'il était assez facile de contourner la sécurité grâce aux tunnels et autres passages secrets, ces derniers se retrouvent beaucoup plus surveillés. Les clients de la Haute-Ville ne veulent plus prendre le risque de descendre. Entre les monstres et les amendes, le calcul est vite fait. Et ça n'a rien de bon pour les affaires.

Elle se surprend même à repenser au pacte passé avec son propre époux. L'incertitude d'avoir fait le bon choix était p r é d o m i n a n t e. Même avec l'adrénaline du jeu d'échec qui coulait encore dans ses veines. Et s'il ne fut pas aisé de convaincre la Papesse, plus réticente encore, Maze se demande si avec toutes ces histoires, ce deal n'est pas finalement une aubaine? Le doute persiste toujours. Et au moindre faux pas d'Amore, la Shymer sortira les griffes sans la moindre hésitation.

Regard e n n u y é glisse sur le barman, Maze lâche un soupir, serait capable de formuler le moindre souhait pour palier au calme trop monotone. Damn. Elle pourrait même supporter de faire répéter le Bateleur pour sa parodie de magicien. Et si elle ne peut exaucer ses propres vœux, il faut croire que quelqu'un d'autre l'a entendu...

Non loin d'elle, alors que des agents de la sécurité tentent de faire comprendre à un client que le cabaret n'est pas encore ouvert, ce dernier ne semble pas vouloir se montrer coopératif. Les yeux prédateurs se fixent sur la silhouette, reconnait sans mal le visage qui apparaît, visiblement troublé. En parlant de vœux... voilà l'une des rares - si ce n'est peut-être la seule - personne qui est venue à elle plus d'une fois.

La curiosité est piquée. Voilà sa distraction toute trouvée. De toute manière, son verre est vide, et elle n'a rien de mieux à faire. Quitte son trône improvisé et se dirige nonchalamment vers le centre de l'agitation. Jauge le pacifieur qui n'a pas l'air au mieux de sa forme. Entend vaguement les remarques des ignorants autour. Ivre? Shooté? N o n. Cet homme-là est hanté par quelque chose de plus complexe que de l'alcool ou de la drogue.

Bras croisés sur la poitrine, pas impressionnée pour deux sous, l'Impératrice fait s'élever sa voix avant que le chaos ne prenne trop d'importance. « Je gère, bougez. » Clair. Net. Concis. Elle n'aime pas s'étendre en argument quand ce n'est pas nécessaire. Sans compter le d é p l o i e m e n t de ses ailes diaphanes qui finit de parer toutes protestations. Les quelques membres du staff qui s'étaient rassemblés s'éparpillent alors comme un envol d'oiseaux. On les abandonne non loin de l'entrée.

Visage qui se penche légèrement, c'est qu'elle serait presque amusée du malheur des autres. « Alors Erenford, qu'est-ce qui vous amène cette fois? » Sourire imperceptible. La diablesse a ses cornes de sorties, pure vision démoniaque prête à torturer cette pauvre âme tourmentée qui se présente à elle.

Madden souffrait. Sa tête serait passée dans un rouleau compresseur que ça aurait eu le même effet. La douleur était telle qu’il n’arrivait plus à réfléchir correctement. Il aurait aimé pouvoir dormir, se reposer après le boulot, mais alors qu’il était dans son lit et qu’il tournait et virait, ses mains sur sa tête, il n’arrivait pas à faire cesser la douleur. Il avait même pris un truc pour, mais ça ne passait pas. Il avait toujours aussi mal et il était à deux doigts de se foutre en l’air pour que ça s’arrête. Du moins c’était ce qu’il pensait faire jusqu’à ce qu’il entende une voix familière, une voix qu’il ne pensait pas entendre de si tôt, avant qu’il ne pousse son dernier soupir. Est-ce qu’il était en train de mourir ? « T’es pas en train de mourir abruti ! » lança la voix tandis que Mads ouvrit les yeux pour faire face au visage de son meilleur ami décédé.

La surprise se lut sur son visage tandis qu’il se redressa, le regardant comme s’il voyait un fantôme, blanc comme un linge. Ce n’était pas la première fois qu’il voyait Lex. Seulement, c’était bien la première fois qu’il était aussi réel et surtout qu’il avait l’impression qu’il pouvait le toucher. L’espace d’un instant, Madden oublia la douleur qui lui comprimait les tempes et se focalisa sur cette apparition qui était de plus en plus réelle. Le trentenaire tendit la main pour le toucher, persuadé que cette fois-là, ça fonctionnerait. Mais il n’attrapa que du vent, le néant. Il n’y avait rien, personne, juste lui et son chagrin. La déception fut telle que la douleur reprit de plus belle, lui coupant légèrement le souffle en même temps.

C’était impossible pour lui de rester dans cet état. Il avait besoin que ça cesse, que tout s’arrête. Il ne connaissait qu’une personne capable de lui donner ce dont il avait besoin. Il avait conscience que c’était sa faute s’il était maintenant dans cet état-là, mais Mads ne réfléchissait plus correctement. Même s’il savait que Mazikeen, avec les vœux qui lui demandaient, ne pouvait pas forcément connaître la contrepartie, elle savait qu’il y en avait eu et si au début, c’était mignon, maintenant, il souffrait le martyr. Il ne pouvait donc pas se permettre de passer la nuit ainsi. Mads savait qu’il ne dormirait pas et qu’il finirait par faire une connerie tellement la souffrance que ce mal de tête lui infligeait. Il n’y avait qu’une seule et unique solution, aller voir Key.

Madden prit donc la direction du lieu où il était sûr de la trouver. Le cabaret n’était pas réellement loin de là où il se trouvait, et donc en chancelant légèrement, ce qui lui donnait une allure de mec bourré, le jeune homme continua son chemin, gémissant presque de douleur. C’était rare qu’il laisse échapper quand il avait mal, mais là, il n’avait clairement pas le choix. La douleur le faisait grimacer et il ne pouvait faire autrement que de laisser s’échapper de n’importe quelle manière la souffrance qu’il ressentait. Ce n’était clairement pas efficace mais ça l’aidait légèrement à avoir moins mal. Effet placebo.

Arrivant enfin devant les portes du cabaret, il entra, ne se souciant même pas du fait que ce n’était pas ouvert. Il devait LA voir, qu’importe s’il devait par la même occasion en foutre plusieurs au tapis. Mads était peut-être diminué à cause de la douleur, mais ça ne l’empêcherait pas de les battre. Il était quand même un witcher et un pacifieur avec de l’entrainement alors, qu’ils n’étaient que des videurs et potentiellement des gardes du corps. Ils ne feraient pas le poids face à lui, il en était persuadé. Ce fut pour cette raison qu’il ne fut absolument pas délicat et se moqua bien des avertissements qu’ils pouvaient lui donner. Ça ne l’intéressait pas. Il ne donna pas la raison de sa présence en ces lieux mais quand il la vit arriver, il se redressa, ne souhaitant pas qu’elle le voit diminué. Il grimaça à ses mots et la fusilla du regard en voyant son sourire supérieur.

« Faites disparaître la douleur Key ! » Elle utilisait son nom de famille, il faisait la même chose et ce n’était pas son apparence qui lui ferait peur. Madden avait vu des choses plus effrayantes dans le Fold. « J’ai pas signé pour les visions et la douleur. Faites quelque chose pour ça ! » Mais que pouvait-elle bien faire ? Ça c’était quelque chose qu’il ne savait pas.

le Tarot