dream a little dream


l'obscurité quasi omniprésente de zaun offre sans cesse une impression de nuit éternelle. elle a beau y avoir mis les pieds pour la première fois à l'âge de dix ans, maddox, elle ne s'y fera jamais. bien loin des rues ensoleillées midriaises, c'est pourtant fréquent qu'elle ère dans le quartier, après avoir été veiller sur niamh, ou tout simplement pour s'assurer qu'il n'y a rien à signaler. rien que d'autres auraient ignoré. elle porte toutefois rarement sa tenue de pacifieur ici, préfère troquer son attirail contre quelque chose de plus sobre, dagues soigneusement rangées à l'intérieur de la veste en cuir faite spécialement pour tenir ses armes. elle garde également sur elle une arme à feu, consciente que rôder autour du quartier oublié comporte des risques demandant parfois de combattre à distance, quand bien même est-elle loin de privilégier ce type de combat.

à mesure qu'elle s'enfonce dans les rues plus escarpées qui mènent au quartier désertique, elle ralentit, constate un silence presque dérangeant. les yeux se lèvent en direction du fold qui semble aussi loin que trop proche, semble parfois prêt à engloutir le quartier en un battement de cils. puis, un mouvement. elle fronce les sourcils, croit entendre un bruit de course. des enfants ? s'aventurer ici si tard est bien trop imprudent, et rare, surtout. elle se dirige alors vers le bruit, slalome entre les débris et autres bâtisses curieusement intactes. puis, dans une de ces rues qui remonte vers les quartiers plus peuplés, elle les voit : deux silhouettes en train de se battre, l'un.e prenant l'avantage sur l'autre, arme braquée sur la silhouette en position de faiblesse. maddox n'hésite pas une seule seconde, arme braquée en direction de l'individu : on ne bouge plus ! et si l'un.e semble avoir compris... l'autre, semble toujours agité sans qu'elle ne saisisse vraiment ce qui se passe, la brune remplissant déjà à grande foulée l'espace la séparant du groupe.

dream a little dream


Cette maudite nuit n’aurait pas pu être pire.
C’est ce que Tarih rumine alors qu’iel tente de s’orienter dans le labyrinthe des ruelles de Zaun. La dernière demi-heure a été particulièrement pénible, et lae jeune Dreamer voudrait arranger les choses au plus vite. Quelle idée aussi de laisser une créature issue de ses rêves décamper par la fenêtre restée ouverte ? Les courses poursuites nocturnes ne possèdent qu’un charme limité ! Surtout quand la créature en question, une espèce de kappa humanoïde, semble déterminée à causer autant de dégâts que possible.

Mais ce qui est fait est fait, et il faut maintenant réparer ses erreurs. C’est dans ce genre de moment que Tarih sent les enseignements de son enfance lui revenir ; quand l’instinct se réveille et lui indique imperceptiblement la piste empruntée par le monstre. La chasse peut enfin commencer et iel s’élance enfin dans les rues.
Rattraper le kappa n’est que la première étape, rendue facile car ce dernier est loin d’être discret. Grognant et grondant, il renverse tout sur son passage, pulvérisant les obstacles qui osent apparaître devant lui, et il ne faut que quelques minutes pour que Tarih l’aperçoive à l’autre bout de la rue.
Mais la reconnaissance est réciproque, et désormais la bête se sait traquée. C’est un combat qui s’engage. Qui rusera le mieux : poursuivant·e ou poursuivi ? Peu importe que Tarih l’ait presque rattrapée, la créature double la cadence. Peu importe que le monstre bifurque sans cesse dans une nouvelle ruelle, lae Dreamer connait le quartier comme sa poche.

Finalement, au détour d’un énième carrefour, c’est un coup de chance qui donne l’avantage à lae poursuivant·e. Emportée par son élan, le kappa trébuche, chancelle, et se retrouve coincé, acculé dans un recoin sombre. Tarih s’élance. Il est temps de maîtriser et de se débarrasser de ce rêve importun.
Il n’y a aucune manière de faire ça ‘bien’. Proprement, comme on dirait dans les beaux quartiers de Velaris. Alors Tarih ne fait pas de quartier, iel sait que le monstre n’en fera pas non plus… Les coups de poings pleuvent, faisant barrage aux crocs et aux griffes. La bataille est courte, lae Dreamer a largement le dessus sur son adversaire. Après l’avoir dompté, iel peut même s’octroyer un bref instant de lucidité pour reprendre son souffle et ses esprits malgré l’agitation croissante de sa future victime.

Tarih ne rechigne pas à la tâche, après tout c’est sa responsabilité de faire disparaître ce qu’iel a créé. Mais malgré le nombre de fois où iel s’est retrouvé·e dans cette situation, l’anticipation lae saisit toujours. Supprimer une étincelle de vie n’est pas aussi simple qu’il y paraît.

Tout est sous contrôle. Ce simple mantra suffit à l’apaiser et à lae rasséréner. Armer, mettre en joue, tout se déroule dans une fluidité irréelle.
Désormais, la situation ne peut plus s’aggraver.

« On ne bouge plus ! »

Ah si.

Ce n’est qu’une silhouette que Tarih aperçoit dans l’obscurité, mais iel reconnait le péril. La stupéfaction laisse vivement place au réflexe : il ne faut pas laisser de témoins. Discrètement, sans se faire voir de ce spectateur inattendu, lae jeune mage porte la main à son cou, cherchant la fiole miraculeuse qui pourrait lui épargner bien des explications.
Mais iel ne rencontre malheureusement que le vide : dans la petite chambre de son appartement secret de Zaun, la fiole de sable en question gît abandonnée sur le lit, oubliée dans la précipitation.

Tarih tente par tous les moyens de ne pas céder à la panique. Entre le kappa qui se débat toujours plus sous ellui, et l’inconnu qui se rapproche rapidement, la tension est de plus en plus difficile à gérer.

C’est à ce moment que la bête trouve la faille : grâce à un puissant coup, elle parvient à se redresser et à rejeter Tarih vers l’arrière. Iel sent son dos heurter rudement le sol, avant de voir un tourbillon vert s’enfuir à nouveau à toute vitesse.

Cette nuit ne peut décidément pas être pire…

dream a little dream


un jour, sa témérité la perdra. mais pas ce soir. instinct de pacifieur mais également désir de justice aiguisé, c'est sans réfléchir qu'elle pointe de l'arme à feu en direction de l'inconnu.e. loin de se trouver inquiété.e par la situation, la main est portée autour de son cou, et en conséquence, maddox ne fait qu'activer le cran de son arme, renforçant la prise de ses doigts autour de celle-ci. j'ai dit on ne bouge plus ! prête à parer la moindre attaque venant de l'individu.e armé.e... se retrouvant soudainement renversé.e par son opposant avec une force tout sauf humaine. et c'est là que maddox saisit qu'elle faisait face à une situation dépassant le cadre habituel de son travail, précipitation soudaine à venir rejoindre les lieux du drame tandis que l'individu désormais considéré dangereux s'éloigne d'une manière tout aussi suspecte. qu'est-ce que c'était que ce truc ? bien que les pacifieurs ne s'occupent généralement que des dossiers humains, une formation touche aux créatures du fold pour les préparer à une confrontation éventuelle. et une créature comme ça, mad n'en avait jamais vu. je vous parle. qu'elle répète en se tournant vers l'inconnu.e pour finalement lui tendre une main et l'aider à se redresser. en temps normal, elle l'aurait simplement pris.e pour une victime, mais la présence d'une arme indique que cette rencontre n'était probablement pas le fruit du hasard, mais bien davantage celui d'une poursuite. que les choses soient claires : soit vous m'expliquez la situation, soit je vous emmène au poste de pacifieur les plus proches et vous vous expliquerez auprès de mes supérieurs après quelques heures derrière les barreaux. inutile de préciser que l'une des deux situations pouvait potentiellement se tourner à son avantage, et l'autre un peu moins.

dream a little dream


Le monstre n’y est pas allé de main morte pour lae repousser. N’importe qui d’autre aurait souffert de graves blessures à tomber ainsi sur le dos. Mais pas Tarih ; iel s’en sort avec juste un bref état de choc. Après tout, dans son boulot actuel, iel en voit d’autres physiquement parlant, et de bien pires…

C’est dans son esprit que tout se complique. Les imprévus successifs de la soirée l’empêchent de réfléchir correctement à sa situation. Il n’y a pourtant pas de droit à l’erreur ce soir.
Le kappa s’est de nouveau enfui. Vu la violence dont il a fait preuve jusqu’ici, il pourrait très bien blesser ou tuer quelqu’un. Sans compter les potentiels dégâts matériels causés ici et là. Il est donc impératif de le faire disparaître au plus vite !
Dans le même temps, il faut régler le compte de ce témoin gênant. Sans fiole de sable, Tarih ne peut faire usage de sa magie d’endormissement. Avouer la vérité serait peut-être la meilleure solution… Mais comment faire confiance à une pacifieuse ?
Malgré sa main tendue et l’aide qu’elle lui propose pour se relever, la menace proférée est claire. Au moindre faux pas, la case prison ouvrira grand ses barreaux.
Toutefois, si Tarih révèle sa nature et celle de la bête, c’est l’Ordre des Dreamers qui risque de se lancer à sa poursuite. Se retrouver privé·e de liberté n’est pas concevable pour cellui qui a grandi au milieu des vastes espaces des Badlands.

Il va falloir faire un choix, et le bon. Mais lequel ?

Un cri résonne au loin.

Et dans un mouvement inattendu, Tarih se redresse grâce à la main qu’on lui tend. Ce cri lui a fait l’effet d’un coup de fouet. Iel ne peut plus se permettre de tergiverser ; quelqu’un pourrait se retrouver mutilé (ou pire !) par sa faute. La nécessité d’arrêter le monstre prend le pas sur le besoin de garantir sa propre sécurité.

« Cette… bête que vous avez vue, c’est un cauchemar. Je suis Dreamer, et par mégarde, je l’ai laissée s’échapper de mon appartement. Vous savez de quoi elle est capable, je dois la supprimer avant qu’elle ne blesse quelqu’un ! »

Alors qu’iel parle, l’affolement se lit dans ses yeux. Tarih sait qu’iel ne se le pardonnerait pas si un accident devait se produire.
Ce hurlement lointain qu’iel vient d’entendre a réveillé le vieux souvenir de son tout premier cauchemar et des cris perçants de ses frères dans leur chambre commune. Les regards terrorisés échangés cette nuit-là se sont gravés pour toujours dans son esprit, ainsi que la promesse qu’iel s’était faite de ne jamais revivre ce genre de situation.

Et pourtant, c’est bien ce qui se produit ce soir encore, par sa faute et sa négligence. Un monstre sanguinaire se balade au hasard des rues ; il est plus que temps pour Tarih d’assumer ses responsabilités.