you’ll dream yourself to death
building kingdoms on
ruins of your memory


keywords : cursed child; chiaroscuro; insomnia; split lip; no future; white lies; n a p a l m   h e a r t; indifference;  a kid with no name;  neon lights; althazagoraphobia; a sky of scars; lost cogs; who's the dream and who's the dreamer?; buried in one's skin; Epimêtheús; bloody knuckles;  tragisk helt; and if i could give you the moon, i would give you the moon; dream walker; blurred reflection; no past; books with broken spines; the atlas of his skin; the dream made flesh, the flesh made dream; the neverending story at the heart of the world; what is real; what is made up;  




14.06.98 (0yo) ━ L’histoire commence quelque part en deçà de la première ligne, hors de leurs pages. Elle s’achève aux prémices, s’évite un énième supplice. Pourtant, déjà, le garçon est conjugué au passé sous l’égide d’un futur avorté. Abandonné à même le pavé d’une histoire que personne ne voulut raconter. Il se retrouve à quémander la grâce des astres en un quartier où la misère est mère de tout un chacun. Mais personne ne veut de cette histoire-là. Le trait grossier d’un destin que trop de hères partagent piteusement, le grotesque de leur détresse mutuelle. Il ne sait pas le gamin, il n’a jamais su le misérable, où il va, d’où il vient. Arraché aux entrailles fétides d’une mère au relent d’abandon, répudié par un père qui ne sera jamais sien, trop de fois déjà Haru contempla l’abysse. Affronta l’ossuaire de sa genèse condamnée, mélancolique. Il ne sait pas le Sakai. Il n’a jamais véritablement su. Peut-être qu’il ne saura jamais où l’histoire commença, où elle est vouée à s’achever.
22.11.02 (4yo) ━ Au commencement du monde, il y avait ses bras. L’assurance de son étreinte, le confort émanant de sa fragrance. Puis les glaces. Le froid, cinglant. Le givre, mordant. Il y avait ces heures passées pendues à son cou, passées à geindre devant de pauvres manants désintéressés. Il n’y avait qu’elle, qu’elle et ces psaumes qu’elle répétait inlassablement : “Could you spare us a coin, sir? Please. My brother’s hungry.” Puis il ne restait que lui, ankylosé, fatigué par cette faim qui ne les quittait jamais véritablement. Lui qui avait oublié où se trouvait véritablement le commencement. Lui qu’elle avait fini par nommer un jour de printemps, à l’aurore. Lui qui était enfin plus qu’une chose, à peine quelqu’un. Haru. Un enfant qu’on traînait à même le bitume glacé de ces ruelles plus distinguées pour qu’il ramène de quoi justifier son existence. Un frère qu’on lui avait imposé dans l’espoir de détrousser plus d’idiots au coeur trop bon. Il y croyait le gamin. Il a toujours trop cru l’idiot. Au point d’en oublier parfois que l’histoire n’avait pas commencé au creux de ses bras.
10.07.05 (6yo) ━ Créature douloureusement ingénue, Haru était destiné à se perdre dans le dédale de ces contes que sa sœur tissait à même l’éther de ses songes. Observant l’héritière de Clotho filer son histoire, l’enfant en oubliait parfois qu’en dehors des murs qu’elle avait érigés autour de lui le monde continuait à tourner. Thésée exempt de son Ariane, le gamin était piégé dans ce labyrinthe édifié à la mémoire de son innocence perdue. Au point qu’il en oublia pourquoi il couvrait en permanence son cou quand bien même l’air était igné. Pourquoi il dormait toujours à portée de son aînée malgré les années s’étant écoulées. Ou comment il pouvait garder autant de secrets entre ses molaires comme tant de vipères en sa trachée. Il ne se remémorait pas comment iels avaient trouvé cette montre au détour du marché ni comment il s’était fait cette cicatrice à la base de sa colonne. Haru ne se rappelait que de ces demi-vérités, ces faux mensonges qu’elle murmurait à son oreille sans jamais ciller. Il y croyait. Il voulait y croire. Peu importait ce que sa sœur pouvait dire à l’écorcheur venu réclamer son dû, le Sakai acquiesçait inlassablement. Quand bien même le rire gras de l’homme le dépeçant venait enrayer les rouages en son buste. “Attaboy, keep on listening to your sister and bringing money to your Da', okay?” Il étouffait le gamin, sous son col roulé, sous la vie qui parfois le rattrapait. Il étouffait et il oubliait. Il ne savait pas pourquoi le monde était fait comme ça et pourtant il continuait à suivre ces règles qu'on lui avait toujours imposées.
18.10.08 (10yo) ━ Au fil du temps, le trait deviendra incertain, sa silhouette perdra de sa clarté. Le souvenir évanescent finira par s’étioler et le garçon n’aura plus entre les doigts que le cliché jauni d’une absence qu’il ne peut nommer. Quand bien même tout finira par s’évaporer, l’essence même de ses souvenirs, Haru se remémore encore le silence suivant ses derniers mots. La douleur de ses paupières pressées fiévreusement l’une contre l’autre comme pour ignorer le monde grondant en dehors. Ses doigts entrelacés contre son crâne qu’il pressait à même le bois du plancher. Et l’odeur, nauséeuse de cette poussière de charbon qui s’infiltrait partout. Partout jusqu’en ses narines, jusqu’au plus profond de ses poumons. Puis ses lèvres closes, ses crocs serrés pour retenir le râle d’agonie menaçant de sortir de ses lippes fendues à tout instant. Le myocarde s’écrasant contre ses côtes avec fureur tandis que leurs jeux d’enfants perdaient de leur saveur. Tandis que les secondes se muaient en minutes et les minutes se métamorphosaient en heures. Le souvenir de cette attente, caché sous un tas de charbon, cette attente qu’elle ne vint jamais rompre d’un de ses sourires qu’il aura vite fait d’oublier. Puis sa mine déconfite quand, traînant le pas, il retourna à l’homme qu’il appelait Da’. Sans elle. La clarté de sa voix et l’odeur de sa sueur quand l’homme laissa tomber la sentence. Elle était partie, elle s’était évaporée. Comme tant d’enfants avant elle. Elle était de ces ombres qu’on se résignait à oublier.
01.01.09 (10yo) ━ Désarmé face à un quotidien dont il n’appréhendait que trop peu le trait, le monde força le galérien à se conjuguer au singulier lui qui ne connaissait que la pluralité de leur présent pluriel. Et, soudain, Haru s’attrapa à conjuguer au passé le souvenir d’une ombre qui pourtant l’avait élevé. C’était les jours qui continuaient à s’écouler sans que jamais il ne retrouve son mirage au détour des ruelles de leur enfance partagé. C’était les mois qui filaient sans que le Sakai ne sache par quel bout les agripper, la bête fébrile en son buste ne demandant qu’à s’effondrer. Rongé par la faim, le froid, ses jours s’écoulaient sous l’injonction fiévreuse de ses aînés, ce besoin impérieux de trouver toujours plus d’écus et la peur de se présenter sous leurs prunelles les mains vides. C’était l’effroi de ses nuits plus réelles que ses jours, de ce corps se faisant prison au réveil. C’était son monde qui s’étiolait inlassablement sans que l’enfant ne comprenne pourquoi en dehors de sa fenêtre il continuait pourtant à tourner. Puis, vint l’effroi, la peur liée à l’endormissement. Ces nuits passées à contempler les néons pour se rêver éveillé. Et ces heures, insidieuses, illicites, où - épuisé - il s’assoupissait un instant. Le rêve qui, comme un serpent, s’enroulait autour de sa trachée, se nouait à ses poignets, l’empêchait de respirer. Le rêve qui, maculant sa carne, continuait de bouger au fil d’un soleil levant. Le reptile monochrome tatoué à même le derme refusant l’immobilité, dansant à même son buste avant de serpenter jusqu’à ses omoplates. Et le gamin qui lui implorait de se lover entre ses épaules, qui sous l’étoffe de ses haillons continuait à lui parler au fil du jour mourant. Enfin existait une créature qui jamais ne pourrait l’abandonner.
24.03.15 (17yo) ━ Le gamin n’avait jamais eu le cœur à la violence de ces artères où les hommes s’éteignaient d’un cri inachevé. Il n’avait pas l’adresse de ces enfants ne connaissant d’interdit. Haru avait la carne trop tendre, les mains trop maladroites. Il n’arborait à ses poings que trop peu de hargne pour subsister en ce monde-là. Pourtant, comme ces égarés qu’on ne prenait la peine de nommer, il avait longé les murs, s’était évanoui au gré de ces ombres projetées par les néons d’enseignes décatis une fois le larcin commis. Ses doigts s’étaient invités en des poches qui ne voulaient de lui, son sourire n’avait gardé de sa grâce infantile que le tranchant. Clébard trop bien éduqué, il ramenait toujours son dû à ceux auxquels il devait la vie, entassant les pièces sous son lit jusqu’au jour où il se rachèterait une liberté. Patient, l’adolescent laissa les années lui filer entre les doigts. Méticuleusement, le Sakai emplissait sa bourse, ignorait les plaisirs volatiles condamnant ses adelphes d’armes. Il rêvait. Parfois. Souvent. Malgré lui. Quelques rouages prisonniers de ses doigts au réveil, une étoffe calcinée brulant sans chaleur au creux de sa main. Tant de secrets qu’il enfermait dans la malle au pied de son lit. Une partie de sa vie qu’Haru ignorait volontairement, à croire qu’il ne finirait pas consumé par l’étoffe de ses songes. “You’ll come back, kiddo. Once you’re done starving out there, you’ll come back to your Da’.” Comme tant d’enfants avant lui, Haru aussi était de ces ombres qu’on se résignait à oublier.
10.08.18 (20yo) ━ Sans un bruit, l’hiver s’était abattu en lui. Les nivéales bourgeons de ses douleurs, piégés au bord de l’éclosion. Acariâtre, peu prolixe, le temps ne sembla délaver que son sourire tandis que ses rêves l’étiolaient en dedans. Fourré dans son atelier de peur de frôler le monde de ses os en papier mâché, Haru en oublie parfois ce que ça fait d’être vivant. D’être pleinement conscient de l’univers qui gronde hors des murs de sa prison volontaire. Loin de cet établi où ses croquis de prothèses se mélangent aux traits de plus en plus brouillons de ses propres portraits. Comme si c’était son visage qui se délitait au plus il s’oubliait en faveur de ses rêves. À se parler à lui-même, la vipère lovée contre son cœur ne prenant même plus le temps de lui répondre d’un hochement, à se demander qui du rêveur ou du rêve émergea en premier hors du temps. Au point d’en oublier le souvenir de celle qu’il chassait aux confins de ses rêves, de la fièvre de ses nuits au givre couvrant ses jours. À retoucher les prothèses saccagées d’individus peu fréquentables contre quelques miettes d’information sur une femme qui n’a probablement pas même survécu. "You're looking for the dead, man. You should save your money."

this was always going to happen. she's been dead since the beginning