See you... again

février 2023 ↠ Cabaret de Ketterdam

with / @Dash Parkshilin Le stress est une maladie pernicieuse qui bouffe les entrailles et paralyse les personnes les plus douées. A ce stade, Kova n'arrive pas à détacher ce sourire niais, collé sur sa face, tandis qu'il lit et relit encore les derniers échanges sur son téléphone neuf. Il va vraiment venir et ce sera la première fois qu'il se déplace, pour venir admirer cette œuvre éphémère, ce décor fantasmagorique, conçu pour exister quelques soirées, avant d'être détruit. Est-ce que l'artiste n'a pas un peu trop gonflé ses plumes, tel un jeune paon vantard en mal d'attention ? La honte le prend par surprise tandis que Kova bondit jusqu'à la salle des spectacles, pour vérifier de ses yeux si le décor qu'il a lui-même conçu en vaut la peine. Sur le moment, c'est comme s'il avait tout oublié, y compris à quoi ressemble sa propre création. Il est extrêmement difficile d'être objectif dans de pareilles circonstances et tout à coup, c'est comme si les défauts lui sautaient au visage les uns après les autres. C'est stupide ça, Kova. C'est ta carcasse que tu devrais décorer. Tu t'es vu ?

Pour son bonheur, les derniers vœux qu'il a réalisé lui ont rendu une peau lisse, telle qu'elle aurait dû être s'il avait été humain à cent pour cent. Le Shymer vérifie néanmoins dans son miroir si ses crocs monstrueux n'ont pas trop repoussé et si ses cornes sciées ne sont pas trop visibles sous sa chevelure bouclée. En définitive, il ne lui reste que sa queue léonine qui bat la mesure de sa nervosité tandis qu'il monte et descend les étages, un œil sur l'écran de son téléphone. Un dernier texto l'achève : il arrive. Est-ce vraiment la peine de sautiller comme un cabri pour rejoindre la porte de service ? Kova se concentre pour l'ouvrir de manière plus mesurée bien que son esprit soit en ébullition. Une silhouette encapuchonnée se détache dans la pénombre de la ruelle. Il le salue. Il lui sourit. Et Kova oublie instantanément sa résolution. D'un pas enthousiaste, il rejoint son visiteur pour mieux l'étreindre, entourant ses épaules de ses bras, dans un rire chaleureux. Adieu la modération.

- Butterfly ! J'suis trop content que tu sois venu ! Hey... t'as pris du muscle, non ?

C'est la première chose qu'il remarque, en le palpant, Dash n'a pas menti quand il lui parlait de la rigueur de ses entraînements. On dirait bien que ça paie. Mais tu fais quoi, Kova, comme un pot de glu, collé à Lui ? La question le terrorise trop pour qu'il y réponde. Koba recule pudiquement pour mieux céder le passage à son invité, le priant d'entrer d'un geste large. Face à eux, se trouve un long couloir au travers duquel les bourrasques venteuses du dehors s'engouffrent. C'est qu'il fait plutôt froid dehors, mais Kova ne l'a pas remarqué, pas plus qu'il n'a encore aperçu les profondes cernes sur le visage de son ami, encore masquées par l'ombre de sa capuche.

See you... again

février 2023 ↠ Cabaret de Ketterdam

with / @Dash Parkshilin Il y a bien longtemps, lorsque Kova et Dash n'étaient que des enfants malmenés par la vie, ils s'attrapaient par les épaules ou se tenaient la main sans éprouver la moindre gêne. Tout ça paraissait normal, naturel et simple. C'était des marques de camaraderie innocente, des gestes spontanés, un besoin sans doute de se rassurer face aux multiples dangers de Ketterdam. Si le jeune witcher n'avait jamais été spécialement tactile, Kova, orphelin en manque de chaleur humaine, ne s'en rendait pas compte mais, à  bien y réfléchir, c'était peut-être souvent lui qui en prenait l'initiative. Ce soir pourtant, même s'il n'en est pas bien sûr, il a cru déceler un genre de tension de la part de Dash. Il a pourtant réagi à son accolade, tout à fait fraternellement, sans le moindre mouvement de recul – et Kova ne connaît que bien ce genre de mouvement réflexe de dégoût de la part des autres – ce qui ne laisse donc pas de place à l'inquiétude. Ces impressions traversent les pensées de Kova très rapidement, comme des nuages en arrière fond, dans la toile de son esprit. Il rigole un peu, face à la surprise de son ami et il hésite à insister avant de se retenir dans un rire un peu plus nerveux. Pourquoi une telle nervosité d'ailleurs ? Il n'a aucune raison de l'être a priori.

- Ah merci ! Moi je l'avais un peu remarqué, par contre ! Je veux dire, j'ai remarqué tes changements et les miens. J'ai l'oeil pour les détails. Et puis faut dire que c'était travaillé pour les miens, j'ai pas mal bossé là dessus, pour avoir l'air moins... moins spécial.

Les mots de Kova sont emportés par le vent. Tant mieux, se dit-il. Il a l'impression d'avoir bafouillé  en formulant ses explications foireuses mais il essaie de se raccrocher au positif : ce compliment qui vient de lui être adressé. Il faut qu'il se concentre là-dessus et qu'il surmonte ce stress ridicule qui fait battre son cœur un peu trop vite. C'est ce qu'il essaie de faire, tout en suivant Dash à l'intérieur, dans ce petit vestiaire, non loin des casiers des membres du personnel qui ne logent pas au Cabaret. Ils se trouvent dans les parties privées, inaccessibles au public et c'est bien grâce à la carte magnétique de Kova, qu'ils peuvent ouvrir les portes, censées protéger l'intimité des artistes. Il prend soin de refermer derrière eux, attentif aux règles de l'établissement, qui n'ont pour objectif que la sécurité de sa nouvelle famille. Quand il se retourne, il aperçoit son ami, capuche descendue et casquette ôtée, qui lui fait face avec son regard si intense. La lumière blanche lui permet enfin d'observer ce visage, qu'il n'a pu contempler que sur l'écran de son téléphone, depuis ces derniers mois. Cette fois, il ne peut pas nier ce qui se passe en lui, ni rationaliser en se cachant derrière de faux prétexte : la simple présence de Dash, si proche de lui le fait chavirer. C'est compliqué d’affronter la réalité de ces sensations, parce que ça le ramène à beaucoup trop d'incertitudes, au point où il en néglige la question posée, pendant une bonne poignée de secondes.

- Quoi ...? Oh euh oui...

Comme il parait pâle, le visage de Dash, sous la lueur crue de la lampe. Des cernes creusent ses traits juvéniles, comme s'il n'avait pas dormi depuis des lustres. Kova se souvient du contenu de ses messages, de sa façon d'évoquer sa fatigue, après un entraînement sans doute fort long. Une pointe de culpabilité l'égratigne tandis qu'au même instant, un plaisir diffus l’inonde. Il a beau être très fatigué, il s'est déplacé quand même et Kova n'est pas sûr de savoir quoi en penser. Il ne va pourtant pas rester planté là, à balbutier, alors qu'il a réussi – sans qu'il ne comprenne comment – à inviter Dash à venir le voir, de manière complètement inattendue. Alors, il se reprend, sur un ton plus enjoué.

- Que les Grâces me pardonnent mec, t'as vraiment l'air crevé. Désolé, c'était peut-être pas le bon soir pour toi, mais on démonte les scènes tous les mercredi alors c'était la dernière occasion. T'as mangé au moins ? T'as besoin d'un café, pour commencer. On peut aller dans la salle mais le spectacle a déjà commencé, y'a plein de monde ! Si ça ne te dérange pas, on peut y aller tout de suite, et en profiter pour prendre un verre !

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février 2023 ↠ Cabaret de Ketterdam

with / @Dash Parkshilin

Bien-sûr que non, Dash n'a rien d'horrible, c'est même plutôt le contraire. Debout dans la pénombre, face à lui, Kova tente de dissimuler des émotions mal gérées, sous un flot de paroles. Il parle trop, bien souvent, il parle pour meubler, il parle pour cacher son trouble, il parle pour donner le change. La remarque amusée de son ami tempère un peu ses inquiétudes mais il sait que Dash n'aime pas se faire plaindre. N'empêche, il se damnerait pour son sourire et c'est plutôt ça qui le pousse à se taire, déstabilisé encore une fois, par les émotions qui papillonnent en lui.

- Bourreau de travail, va.

Reproche moqueur dans le ton de sa voix, tandis qu'il le couve du regard. Il suppose que le compositeur a enduré une nuit blanche pour bosser sur ses textes, ça lui ressemblerait bien.

- T'as raison. Si les gens te voient comme ça, t'auras un nouveau surnom dès demain dans la presse : Dash le panda. T'imagines le scandale ?

Kova mime un air choqué, avant d'esquisser un sourire. Il a beau déconner, il se doute que la popularité doit être parfois pénible au quotidien et il n'a aucune envie de contraindre le chanteur à une situation malaisante. Ce qu'il espère en revanche, c'est parvenir à lui offrir un moment de paix et de tranquillité. Difficile d'éviter la foule en pénétrant dans la salle, c'est l'heure où le public se presse au bar, pour siroter des shots, en admirant le freak show. Un plongeon dans l'ambiance lui aurait plu mais certainement pas autant qu'une conversation plus intime avec Dash. Les mains dans les poches, Kova évalue la situation. C'est l'insouciance qui chante dans son crâne, le désir sincère de réconforter un camarade et puis tout bas, il y a ce murmure qui lui chuchote des pensées moins platoniques.

- Viens, on monte. - et pourquoi ça lui parait salace de dire ça ? Kova se mord la langue. - Y'a un balcon qui fait le tour de la salle, si tu veux jeter un œil discrètement. Et j'pense qu'il me reste une bouteille de Rhum dans ma chambre. Ça t'irait ?

L’escalier de service est raide et étroit, ce qui contraint Kova à prendre les devants et montrer ainsi le chemin. Les musiques et le brouhaha de la foule se font entendre, c'est un joyeux vacarme qui envahit tout le bâtiment jusqu'à pas d'heure. Dans le hall de l'étage, une porte s'ouvre sur le balcon qui surplombe la salle des spectacles et permet ainsi d'apercevoir les nouveaux décors qui agrémentent l'ambiance : une atmosphère majestueuse encadrée de rideaux lumineux, de faux escaliers monumentaux et de paillettes. Les mains dans les poches, l'Artiste désigne son œuvre, d'un modeste mouvement de menton.

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février 2023 ↠ Cabaret de Ketterdam

with / @Dash Parkshilin

Comme souvent, Dash rentre naturellement dans son délire, avec le sens de la répartie qui lui est habituel. C'est courant entre eux, de se lancer des vannes, de s'échanger des conneries avec de faux airs sérieux. Sauf que d'ordinaire, ça se passe par texto. Ils n'ont eu que ça, à vrai dire, pour garder un semblant de contact, malgré tout ce qui les sépare, et c'était déjà pas si mal. Un contact léger, parfois superficiel, souvent teinté de mystère mais n'est-ce pas mieux que rien ? Ça les aide sûrement à briser la glace ce soir, même s'ils ne se sont pas vu en vrai depuis trop longtemps. L'habitude de déconner, de ne jamais rester sérieux, comme si la vie n'était qu'une funeste blague.  Kova plisse les yeux devant la fausse menace. "T'es trop flippant pour que j'te vende." Le visage de Dash est si proche. Il en a des frissons, pour de bon. Un verre de rhum ne sera pas de trop pour lui remettre les idées en place. Si ça inspire son pote tout autant, c'est une bonne nouvelle.

Son pote. Vraiment, Kova, c'est comme ça que tu le perçois ? Les pensées confuses, l'Ariste prend néanmoins plaisir à présenter sa dernière œuvre. Le suivant sur le balcon, il se pose aux cotés du chanteur qui s'y connaît bien sûr en matière de scène. L'attention d'un connaisseur ne peut que le toucher et Kova s'accoude dans la même posture, pour se remplir les yeux du spectacle. Un sourire aux lèvres et le cœur léger, il s'autorise à accepter le compliment, une chose qu'il a encore tant de mal à faire. "Haha ! C'était du boulot, mais oui, j'ai tout fait de a à z !" C'est une fierté, surtout pour un gosse des rues comme lui, et Kova réalise combien il est heureux de pouvoir partager ce moment de bonheur avec Dash. Pourtant, son dernier commentaire a le don de le troubler.

Il se mordille les lèvres, évite le regard malicieux qu'il sent posé sur lui. "T'imagine même pas... " Le ton de sa voix était trop sérieux, il s'en rend compte trop tard mais il a réellement prononcé sa réponse de l'air grave d'un mec qui cache réellement un gros secret. Kova fronce le nez, prétend se perdre dans l'observation de la salle, mais il sent que son cœur s'emballe. Vite, il faut se reprendre. "C'est pas moi, le plus mystérieux de nous d'eux, j'espère que t'en as conscience. Y'a plein de trucs que j'ignore sur toi." Tandis qu'il s'efforce de retrouver le contact visuel, Kova se compose un air mutin. "Au fait, tu m'avais promis de me faire une démonstration de danse. Alors ?" Quoi de mieux pour se distraire du fameux secret qu'il refoule ? Le balcon est dans l'ombre et les projecteurs attachés juste en dessous empêchent le public d'apercevoir ceux qui s'y trouvent. Dash sera-t-il inspiré par la musique qui résonne autour d'eux ?

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février 2023 ↠ Cabaret de Ketterdam

with / @Dash Parkshilin

C'est difficile de soutenir le regard doré qui le fouille, à l’affût des secrets cachés. Heureusement que Dash ne possède pas le don de télépathie, il serait trop choqué de découvrir les désirs inavouables qui s'enflamment dans le crâne cornu du shymer. Ce dernier se tient droit, un sourire narquois accroché aux lèvres, bien que son regard ne soit que caresses. Lui-même est décontenancé par le ton trop sérieux vers lequel leur conversation se dirige alors il préfère lâcher prise et se perdre un instant, au seuil de leurs secrets. S'ils étaient dévoilés, tout changerait entre eux, tout serait transformé et sans doute pas pour le meilleur mais Kova n'a pas envie de se laisser dériver vers ces craintes. Il préfère naviguer dans le flou, à l'aube d'une confession, dans ces quelques instants de brouillard où il peut encore imaginer ce qu'il souhaite. Cette phase d'espoir et de doute, il n'a pas envie de la franchir, il préfère se bercer d'illusion plutôt que d’affronter une vérité trop cruelle. Dash n'aime pas parler de lui. « J'avais cru remarquer ouais. » Mais pourquoi ça, Dash ? Par pudeur, par modestie, par méfiance, par timidité ? Que veut-il savoir Kova ? « Des trucs croustillants ? » Il déconne, ou à moitié, il veut réellement savoir plein de choses sur lui, tout ce qui lui cache, tout ce qu'ils ont perdu durant ces années de séparation, quels sont ses rêves, ses désirs, ses envies, il veut tout savoir pour mieux les lui offrir, il veut connaître ses fragilités, ses angoisses et ses peurs, pour mieux l'en protéger, pour mieux se battre pour lui.

Sa réponse anime le sourire de Dash, ce sourire qu'il aime tellement voir et ça lui donne envie de rire doucement. Il ne pensait pas qu'il allait le prendre au sérieux et pourtant, le voilà qui recule vers le centre du balcon, le voilà qui se concentre ! Si beau quand son visage se détend, comme s'il était seul au monde. Les yeux de Kova scintillent tandis qu'il retient son souffle. Dos à la balustrade, il s'y raccroche pour se donner une contenance alors qu'il le dévore d'un regard un peu trop appuyé. Il voudrait paraître nonchalant mais les mouvements de Dash sous la musique qui les inonde sont beaucoup trop sexy. Et Kova ne peut qu'être conscient de cette attirance qu'il a voulu étouffer mais qui n'a fait que croître jusqu'à ce que ce soit impossible à ignorer. A mesure que le danseur se rapproche de lui, la chaleur l'envahit et les papillons exécutent des cabrioles dans son estomac.

Kova ne réfléchit plus, il ne pense plus, son cerveau est incapable de fonctionner. Les battements de son cœur résonnent trop fort dans sa tête, il entend à peine la question de Dash. Il s'est assez rapproché pour qu'il perçoive son souffle plus rapide. Il réalise à cet instant à quel point il aime tout en lui, jusqu'aux détails les plus fous. Sa façon de respirer plus vite, son torse qui se soulève, les cernes plus sombres sous ses yeux d'or... Kova se détache de la balustrade, il avance son visage vers lui, sans le relâcher du regard. Dash est tellement grand, il a au moins dix centimètres de plus que lui, alors il capture sa nuque pour ramener ses lèvres vers lui. Le baiser n'est pas long, juste assez pour lui insuffler quelques bribes de ce qu'il ressent. Impulsivité désastreuse. Peut-être que Dash va le pousser par dessus la balustrade mais... « C'était mon secret… » Et peut-être que c'est mal. Peut-être que Dash n'est pas attiré par les garçons. Peut-être qu'il sera fâché. L'incertitude dans les yeux, Kova se prépare à s'excuser de toute ses forces. Ne m'en veux pas, s'il te plaît.