When we were young



La main gantelée de Demyan pose sa plume, observant avec satisfaction la lettre écrite soigneusement. Sa montre de poche soulevée pour qu’il puisse y lire l’heure. Sa moustache se fronce un bref instant, avant qu’il entreprenne de plier la lettre en deux et de la glisser dans une enveloppe. Sur le dessus de la délicate et parfumée enveloppe rectangulaire, le milliardaire vient y écrire trois mots :


La lettre parvient au jeune étudiant le lendemain matin, offerte à sa porte par le majordome âgé à l’emploi du manoir Zverev. Aussi mystérieusement qu’il est apparu, le facteur improvisé disparaît pour rentrer afin d’aider pour les préparatifs du très grand domaine. Il est rare qu’un invité hors du cercle de bourgeoisie de Demyan soit reçu au manoir. Tout doit être prêt pour le soir même. Il y a donc beaucoup à faire pour satisfaire le maître de maison. Dans sa chambre, Narcissa n’éprouve aucun stress. L’adolescence l’a transformé en la princesse que Demyan a toujours voulu chouchouter. Bien qu’elle possède un style plutôt punk et garçon-manqué par moment, elle se prête volontiers aux idées conservatrices de son mécène. D'ordinaire, du moins. Ainsi, elle se montre intéressée par la robe qu’il fait livrer spécialement pour l’occasion à sa chambre. Les hormones et la rébellion prospèrent librement dans son cerveau de jeune femme. Elle aura dix-huit ans cette année, hors la vie d’adulte est encore bien loin dans son esprit en pleine transformation. Narcissa rejette au final la robe trop classique, trop sage. Ce qu’elle finit par choisir est loin d’être aussi conventionnelle : un pantalon à taille haute et une bralette, tout deux aussi noir que sa chevelure qui caresse le creux de son dos. Du mascara et une ligne de eyeliner bien foncée complète le look. Lorsqu’elle descend au rez-de-chaussée pour voir où en sont les préparatifs, l’expression sur le visage de Demyan change. Il observe sa pupille ainsi vêtue, mais choisi d’ignorer ses caprices d’adolescente. Il ne peut rien lui refuser, c’est bien connu.

Le soir arrive bien assez tôt. En cuisine, le festin vient d’être approuvé par Demyan qui a goûté chaque élément. Son complet gris, son chapeau de forme et sa canne en main, le voilà qui attend dans le salon de thé l’arrivée imminente de Levi. Il ne cesse de venir cueillir sa montre de poche et de l’ouvrir, lâchant de temps à autres des petits soupires sonores. « Il sera à l’heure. » Narcy le rassure en venant lui tapoter les omoplates tandis qu’elle passe derrière lui. « J’espère bien, sinon il ne passera aucunement le pas de la porte. » Narcissa est à la fenêtre afin d’observer à l’extérieur. À peine une minute plus tard, une voiture se stationne lentement près de la fontaine qui orne l’entrée du manoir. La jeune médium se précipite vers le vestibule. « Quel effet il peut avoir sur toi, Cissy. Même moi je n’ai pas droit à autant d’enthousiasme dès que je rentre de mes encans. » Le milliardaire se lève lentement, arrivant juste à temps pour voir Narcy déposer un petit baiser d’accueil sur la joue du jeune homme. « Levi, je vous remercie d’avoir répondu présent à mon invitation de dernière minute. J’aime la spontanéité. Mais j’apprécie encore plus la ponctualité. » Et heureusement, le jeune Hunter n’est pas en retard pour le souper. Narcy s’est accrochée à son bras, visiblement heureuse de voir le visiteur présent au manoir. « Je te fais visiter! » Puis, sans attendre une réponse, elle le tire par la main afin qu’ils s’isolent avant l’heure d’aller à table.

Leur première destination est l’un des très nombreux salons du manoir. Les murs sont couverts complètement d’œuvres d’art, de têtes d’animaux dont la taxidermie est si réelle qu’on pourrait croire qu’ils sont sur le point de reprendre vie ainsi que d’innombrables objets hétéroclites. Il y a une ambiance particulière qui se dégage de la demeure. Presque comme si elle capturait les âges ainsi que le surnaturel. Il y a aussi une odeur forte d’encens et de tabac qui se mélange dans l’air. La main de Levi est relâchée que lorsque Narcy a besoin de la sienne pour fouiller dans ce qui semble être un scriban et d’en sortir une bouteille d’alcool. « Demyan n’approuverait pas, mais comme c’est notre premier rencard, je me suis dit qu’on pourrait célébrer ça entre nous avant de bien se tenir. » Un sourire visiblement malicieux arbore les lèvres de la Seer qui n’a pas l’habitude de désobéir aussi ouvertement avec quelqu’un d’autre. Cela est d’autant plus tentant de la sorte, en sachant qu’ils peuvent se faire prendre à tout instant si un adulte passe la porte et les surprend.

When we were young



Il referme la porte sur cet homme discret déjà disparu après qu’il ait saisi l’enveloppe où se trouvait son nom. Finement écrit à l’encre, il détaille l’enveloppe, curieux, avant de reconnaître le sceau du mécène de Narcissa qu’il avait déjà observé ici et là. Il mentirait s’il disait ne pas sentir son coeur battre un peu plus vite alors qu’une bouffée de chaleur se disperse dans sa poitrine. La tête de sa sœur apparaît en haut de l’escalier, elle reconnaîtrait entre mille les signes d'excitation de son jumeau. “C’est elle avoue !” rit-elle avant de dévaler les marches pour le rejoindre. “N’importe quoi !” s’offusque-t-il les joues bien trop rougies pour paraître naturel. “C’est son tuteur …” corrige-t-il comme si la nuance pouvait faire la différence. Il ne savait jamais vraiment comment présenter l’homme qui l’avait pris sous son aile et pour éviter toutes questions il préférait faire un raccourci rapide. Il déplie le courrier, tente d’échapper au regard curieux de sa sœur qui lit par-dessus son épaule et avise l’invitation avec un sourire aussi ravi que paniqué. “Je ne sais pas quoi mettre !” Quand bien même leur famille était connue à Célestia et dans tout Valeris, il n’en restait pas moins qu’il manquait cruellement de goût pour s’habiller dans les soirées mondaines et importantes de la bourgeoisie. Heureusement que sa sœur était là et qu’elle saurait se prêter au jeu pour le rendre attirant ce soir. fils de bonne famille, il saurait plaire, tout du moins par son apparence.

Il s’est laissé faire comme un pantin docile, acceptant même de coiffer ses cheveux rebels pour leur donner un aspect plus … dompté. Un costume noir pour souligner la couleur de ses yeux et une touche de parfum pour le rendre plus homme, moins enfant. Jeune adulte en devenir, il possède déjà une carrure qui le prédispose au combat. Agréable silhouette qu’il peine à mettre en avant, Levi n’est pas un garçon qui sait comment se comporter en dehors des zones de combats. Brusque et tête brûlée, il prend le temps de réfléchir après avoir agi. Mais ce soir il veut impressionner, il veut surtout faire bonne impression, il ne veut pas décevoir Narcissa. Se tenant devant la porte, il attend que la grande aiguille indique l’heure du rendez-vous pour sonner. En attendant qu’on vienne lui ouvrir la porte, il répète inlassablement les conseils de sa sœur. Tout irait bien.

Il entre rapidement dans le manoir, impressionné (avouons-le) par la beauté des lieux. tout est différent de ce qu’il a déjà pu déjà voir. Un brin décalé et … étrange, il y trouve malgré tout un attrait sincère. Il entre, rapidement enveloppé dans le tourbillon que représente Narcissa. Il salue l’homme avec un respect sincère et lui sourit presque intimidé, lui qui perd de sa fougue de jeune homme, il tend une bouteille de vin qu’il avait pris de la cave de son oncle (fin connaisseur) et s’applique à mettre en œuvre les usages de bienséances.Emporté en un clignement d’oeils vers un salon tout aussi fantasque que le reste de la maison, il arbore un sourire devant le jeu malicieux que lui offre Narcissa. Il aurait sans mal désobéi mais ce soir l’adrénaline de le faire dans un tel contexte le rend aussi nerveux qu’impatient. Il contient un rire et tente de paraître naturel à ce rencard qui roule sur les lèvres de sa cadette. Si quelqu’un les surprend, quelle image cela donnerait-il de Levi ? Pourtant, s’il possède bien une chose en commun avec le mécène de son … amie c’est qu’il ne peut rien lui refuser. Depuis trop longtemps sous le charme de la jeune femme, il accepte sans broncher de déroger à toutes les règles si cela lui attire les bonnes grâce de la jeune brune. “Est-ce que je peux déjà commencer par te dire à quel point tu es belle ce soir ?” souffle-t-il en prenant place devant elle pour attraper la bouteille entre ses doigts délicats et l’ouvrir pour eux.

Son regard parcourt un instant son visage qu’il trouve sublime et se concentre alors sur l’alcool qu’il tient entre ses mains pour ne pas être trop intrusif. Il est heureux, et cela se voit au sourire qui ourle ses lèvres. Si Levi savait … Mais l’instant présent est trop doux pour qu’il puisse se soucier de l’avenir. Parce que l’avenir lui parait loin, si loin. trop loin. A cet instant il n’y a que Narcissa qui importe, elle et ce sourire mutin qui ne quitte pas ses lèvres d’enfant peu sage.

When we were young



Demyan observe silencieusement les deux adolescents s’éloigner à l’intérieur du manoir. L’un des majordomes est déjà à la porte, la bouteille de vin en cadeau dans une main, nettoyant précautionneusement le tapis de l’autre bien qu’il n’y ait pas une seule trace de saleté. N’importe quel nouvel arrivant active la petite armée d’employés du maître de maison qui affiche progressivement un air impatient. Un claquement vif des doigts pour appeler le vieux majordome à lui. Sans un mot ni un regard, ce dernier lui transmet un bout de papier. Demyan le lit tout en se dirigeant vers son bureau privé. Sur le papier, se trouve des informations sur Levi ainsi que la famille Hunter. Leur pouvoir et ces variantes selon le membre de la famille qui le porte l’intrigue beaucoup. Se lissant sa moustache, Demyan saisit sa plume et commence à écrire quelques notes dans son journal personnel. Il encercle ensuite un mot en particulier : Levana

De l’autre côté du manoir, Narcissa lâche un petit rire sous les paroles flatteuse de Levi. « Tu peux. » Bien qu’il l’ait déjà complimenté, elle l’autorise tout de même puisque jamais personne encore ne lui a dit une telle chose. Cela vient empourprer légèrement ses joues et agrandir son sourire. Elle a du mal à demeurer sagement assise, son regard passant des lèvres de Levi à la bouteille d’alcool qu’il est en train d’ouvrir. Les hormones sont forts, encore plus alors qu’il y a une impression d’interdit. Son cœur bat bien plus rapidement qu’à la normale. Une fois la bouteille ouverte, elle se permet de l’orienter vers la bouche de son rencard pour qu’il goûte le premier. Si cela avait été un piège, Levi serait mort dans les minutes qui suivent. Rieuse, Narcy vient prendre à son tour la bouteille pour en avaler une lampée brûlante lors de la descente. L’habitude de l’alcool n’est pas là, faisant en sorte qu’elle tousse quelques coups tout en trouvant la situation amusante. Comme il y a du bruit dans le couloir, la bouteille se retrouve vivement dissimulée sous une chaise. Instant de silence en suspension avant de pouvoir appeler cela une fausse alerte. Narcissa observe son congénère avant de venir doucement toucher ses lèvres comme pour évaluer leur douceur. Il faut croire que ça lui plait car elle y dépose ensuite un tout petit baiser. « Tu es très beau toi aussi. » La Seer le complimente à proximité de son visage. La notion de beauté demeure encore incertaine chez la Zaunarde. Son œil a été entraîné pour apprécier les œuvres d’art, les bijoux et les vêtements qui plaisent à son mécène, hors les corps, les autres humains, c’est beaucoup trop nébuleux encore. Mais selon les standards de bonne conduite dont elle est familière, Levi est parfaitement correct et élégant. Peut-être un peu trop? « Mademoiselle Narcissa? » La voix d’un autre majordome traverse la porte afin de glisser dans les oreilles des adolescents cachotiers. « Maître Zverev souhaite votre compagnie ainsi que celle de Monsieur Hunter dans le salon de thé. Le souper sera servi dans vingt minutes précises. » Puis, quelques pas très légers qui indique que l’employé de son mécène s’est éloigné. « Tu es prêts? » Elle demande à Levi bien qu’il n’ait pas réellement le choix, désormais.

Demyan est assis parfaitement droit, une tasse de thé à la main. Son œil vif identifie sa pupille en compagnie de leur invité dès qu’ils pénètrent dans la pièce décorée de rouge, de rose et de vert. Narcissa vient prendre place à côté de l’adulte, offrant une barrière physique entre lui et Levi. Comme il est coutume dans le salon, Narcy leur verse à tous les deux une tasse de thé pendant que Demyan attend qu’ils s’exécutent. Une fois que le trio est armé de leur tasse et sous-verre, l’étrange personnage excentrique qu’est le maître de maison s’anime enfin afin de s’avancer légèrement vers eux. « Quel moment surprenant que celui où le père rencontre le premier prétendant de sa fille. Levi, à quel point vous êtes sérieux, dites-moi? Je ne peux ignorer votre potentiel très intéressant, beaucoup d’arguments positifs en votre faveur. Mais serez-vous le premier à lui briser le cœur, voilà ce qui m’inquiète d’abord et avant tout, vous voyez? » Narcy s’est tendue à mesure que les mots se sont accumulés. « Tu ne me fait pas confiance? Je ne choisirais pas n’importe qui. » Sa réplique est assez tranchante. Personne ne répond en effet à Demyan Zverev de cette manière et pouvoir espérer s'en sortir vivant. « Là n’est pas la question, Cissy. Je dois m’assurer qu’il est un excellent partie pour toi ainsi qu’un homme de parole. De plus, je pense qu’il peut répondre par lui-même, n'est-ce pas? » Ainsi, Narcissa et Demyan se retournent de concert vers Levi afin d’attendre sa réponse.