C'est seulement quand on a tout perdu qu'on est libre de faire tout ce qu'on veut.
« me, i'm gonna do it ! » les regards se tournent d'un même élan vers la silhouette du gosse qui se détache des ombres. jusqu'ici, il n'avait pas encore été remarqué, et si quelques-uns l'avaient vus, ils ne lui avaient accordés aucune importance comme à n'importe quel orphelin des rues dont la misère n'émouvait plus personne ici. une bouche à nourrir, un corps trop frêle pour le dur labeur, qu'il crève, ce sera mieux, un cadeau pour tout l'monde au lieu d'être un fardeau. il sait, yukio ; il a compris depuis longtemps que sa vie ne valait rien et que pour survivre, il allait devoir prendre et savoir provoquer, puis saisir sa chance. c'est clairement ce qu'il fait là, à ce moment précis où, au beau milieu de la taverne, sous le regard des vieux croûtons ayant résisté à l'affront des Seadandas, il s'avance. après la stupéfaction, ce sont les moqueries hilares de l'assemblée qui accueillent son élan de courage, et le gosse serre les poings devant la frustration. encore une fois, il n'est pas pris au sérieux. les railleries s'entassent, il essuie les coups jusqu'à ce qu'une voix plus grave s'élève et fasse taire toutes les autres. « let him go if that what he wants. I'll watch after him. » la surprise, puis le soulagement viennent à tour de rôle envahir l'enfant ; quand la méfiance se fait reine par la suite. il n'est pas bête, yukio, il comprend bien qu'intégrer le terrain de jeu des mafieux ayant la main mise sur les ventes de drogues ne peut se faire facilement. il y a trop d'argent en jeu. mais il est déterminé, et sur ses gardes. prêt à tuer s'il le faut et à montrer les crocs. car, sans mauvais jeu de mots, le gosse a les dents longues. alors que les voix s'élèvent pour contester la décision qui semble irrationnel, l'homme lui fait signe de sortir. yukio s'engouffre alors dans la faille.

« your job is to meet K., to tell him that his mule died and that you're going to replace it from now on. then you take the drugs, and bring it to me right away. »
les consignes semblent simples. faire la mule pour un petit trafiquant qui refourgue à zaun, nourrit la population d'illusions pour les aider à vivre, leur vole tout leur argent et leurs biens pour les remplacer par des chimères. la drogue, ce n'est pas quelque chose qu'il a envie de tenter, yukio, surtout quand il voit les dommages causés par celle-ci. mais c'est le  moyen le plus efficace pour se remplir les choses par ici et il ne peut plus l'ignorer ; pas quand sa cabane s'est effondrée, pas quand il voit les bras et les jambes de ses compagnons parsemés d'engelures et autres boursouflures causées par le froid horrible, pas quand la misère les frappe constamment sans aucun moyen de s'en sortir. non, il a du se faire une raison. après les disparitions de max, puis de nova, il a fait un choix. devenir le bad guy ; car il n'y qu'ainsi qu'il pourra les sortir de l'enfer où il les a placé, qu'ainsi qu'il pourra transformer ses regrets en sourires apaisés, qu'ainsi qu'il réglera tout, il en est persuadé.

concentré sur sa mission, il se fond dans les ombres, joue avec elles et devient ainsi, presque invisible à qui ne sait pas regarder. au point de rendez-vous, il guette avant d'oser se montrer, et c'est avec maladresse qu'il demande, d'une voix qu'il aurait souhaité un peu plus assurée : «  are you K ? » ruelle malfamée, aux bouches d'égouts qui fument et brouille la vision, les néons d'une vieille enseigne clignotent d'une lueur rougeâtre, font froid dans l'dos. en terrain inconnu, yukio sent la peur lui ronger les entrailles et lui donner des sueurs froides. quelle folie l'a pris ? à deux doigts de céder à la panique, il tente de se ressaisir. car il doit garder la tête froide, à tout prix. il en va de sa survie.