butterfly effect
JANVIER 2023

❝You tell me that i'm complicated and that might be an understatement. Anything else? You tell me that i'm indecisive. Fickle, but I try to hide it. Anything else? You tell me that i overthink, 'til i ruin a good thing. Anything else? You tell me that you'd rather fight than spend a single peaceful night with somebody else.

Ça fait quelque temps que la situation a changé mais qu’ils sont restés les mêmes. Il continue de répondre à ses appels à l’aide dans la minute, il se fait taquiner pour ça et il insiste à jouer l’indifférence. Sauf que maintenant le jeu est risqué, à l’époque il mentait pour ne pas se trahir, aujourd’hui il ment pour se protéger.
Le progrès dans leur rapprochement n’a rien bouleversé dans le coeur de Jazz et maintenant qu’il a la tête froide, il se dit que c’était peut-être une erreur d’avoir pensé « tant pis, on verra plus tard. » Il est plus tard et il voit bien que même une confession n’aiderait pas à faire évoluer ses sentiments vers les siens.
L’amour ne se provoque pas, il s’impose de lui-même.

Il franchit la porte de la boutique qui n’a pas changé de nom depuis un moment, il se fait la réflexion que c’est étrange, qu’elle doit déjà être en train de se lasser de son affaire.
Il pose son sac à dos près de la caisse enregistreuse qui contient plus de produits de cosmétique que d’argent.
« Jazz ? » Ils ne se disputent plus lorsqu’elle est en retard, il l’a accepté. Il s’est aussi habitué à "ses excuses", toujours des petits mots charmants comme pour le récompenser de ne pas faire ce qu’elle appelle, son rabat-joie.
Il jette un coup d’oeil à l’escalier qui mène à chez elle, il pourrait les monter ces marches. Elles sont devenues familières, tout comme ce qu’il se cache derrière mais il ne le se permet pas. Ils n’ont pas le genre de relation qui, il le juge en tout cas, lui autorise un accès sans invitation.
Il ne la voit pas mais il l’entend se préparer à l’étage, il en profite pour passer dans son arrière-boutique pour y déposer ce qu’elle lui a demandé : de la sauge rose, une plante difficilement accessible de par sa rareté.
Sur l'étagère où sont disposés tout un tas d'ingrédients floraux, il trouve un stock de la fameuse sauge rose dont elle avait tant besoin.
Il retourne à la caisse avec une douce humeur au regard. Lorsque l'escalier grince, il anticipe sa venue en remettant la plante dans son sac.
« Je te la mets là. » Il la ressort comme si c'était la première fois puis lui pose sur le comptoir. « Tu caches quelque chose ? » Demande-t-il en la voyant croiser les bras dans son dos avec un petit air de complot malicieux aux yeux.
Elle a un sourire enchanté qui dégèle la raideur de sa bouche. Le réflexe est impulsif, comme un je t'aime qui a échappé à sa vigilance. Au quotidien, rares sont ceux qui fuient de son comportement. Il n'y'a que dans une seule circonstance que son coeur devient transparent et ce n'est pas parce qu'il le veut mais parce qu'il ne sait pas faire autrement.

Jazz est radieuse dans sa robe bleu pastel, trop courte pour la saison. Il peut déjà l’entendre se plaindre du froid et de ses talons hauts qui la feront souffrir. Et il se voit lui poser sa veste sur les épaules avec une toute nouvelle source de chaleur sur le dos, parce qu’il la portera pour lui éviter de marcher. Il a même l’odeur de son shampoing dans la mémoire olfactive, ils sont si longs que toujours ils finissent par lui chatouiller le visage.
Il s’imagine qu’ils vont passer ce genre de soirée, parce que parmi leurs nombreuses habitudes il y’en a des récentes. Et dernièrement, elle adore l’inviter en tête à tête en trouvant un prétexte quelconque pour cacher son intention.
Peut-être qu’au final, les choses commencent à changer.

butterfly effect
JANVIER 2023

❝ You tell me that i'm complicated and that might be an understatement. Anything else? You tell me that i'm indecisive. Fickle, but I try to hide it. Anything else? You tell me that i overthink, 'til i ruin a good thing. Anything else? You tell me that you'd rather fight than spend a single peaceful night with somebody else.

— Tu es assurément en avance ! siffle-t-elle en surgissant dans son dos, elle sait bien qu'elle ne surprendra pas v r a i m e n t, c'est une valse bien connue d'eux seuls, où il prétend qu'elle n'est pas en retard, où elle fait semblant de ne pas savoir. Il a sans doute entendu ses talons claquer de l'étage, mais chaque fois il la laisse s'approcher suffisamment de lui pour glisser à son oreille qu'elle est enfin là.  Du bout de l'index, elle suit doucement la ligne de ses épaules avant qu'il ne se tourne vers elle, un toucher si ténu qu'il lui donne l'envie de plus. Alors, avec d'infimes précautions, elle se rapproche de son corps jusqu'à ce que sa poitrine soit totalement en contact avec les courbes de son dos, et là elle ferme les yeux rien qu'une seconde, pour mieux écouter le dialogue silencieux de leurs cellules. C'est un instant de presque tendresse qu'elle s'autorise sans en prendre conscience, une quintessence de sensualité qui, à dire vrai, relègue très loin les acrobaties érotiques.



c'est sûrement ça le véritable génie de cet homme
savoir sublimer la plus simple des caresses


C'est ce qu'elle a raconté à Désirée et Imogen lorsqu'elle a évoqué leurs tout premiers ébats, cette science presque magique avec laquelle il l'a trouvé, l'a poussé à s'abandonner. C'est cette d r ô l e d'alchimie sur laquelle elle ne s'interroge plus, qui a rendu leurs rapports hebdomadaires presque quotidiens, elle ne sait plus quand elle s'est habituée à le voir si souvent en dehors de leur collaboration professionnelle. Les gems ne l'intéressent plus, depuis Ozela Place son petit commerce illicite n'est plus tout à fait rentable, ne l'amuse plus non plus. Si elle se laissait s'interroger, elle se rendrait bien à l'évidence, Shade n'était pas destiné à s'attarder, leurs chemins auraient dû déjà se séparer. — Ne cache-je pas toujours quelque chose ? Un gloussement s'amarre à ses lippes tandis qu'elle tente de maintenir le paquet à l'écart de ses yeux, elle fait mine d'hésiter à lui remettre avant de le secouer juste sous son nez. Les paillettes du ruban d'or qui l'attache cascadent partout autour d'eux, elles s'éparpillent de la veste de Shade jusqu'au plancher, ça la fait rire de plus belle quand elle se hisse sur le comptoir pour mieux l'observer l'ouvrir. — Qu'est-ce que tu attends ? Ouvre-le donc ! insiste-t-elle toute excitée, Shade n'est guère friand des surprises, elle en a conscience et c'est peut-être bien ce qui l'amuse. L'expression toujours égale, il n'a pas besoin de dire quoi que ce soit, son langage n'est pas vocal, il passe par le regard, une infime différence qu'elle peine parfois à saisir tant elle est fugace, il a appris à la maquiller.

— Joyeux Anniversaire ! L'exclamation est claironnée à la seconde même où il déchire le papier cadeau, découvrant un petit ouvrage à la reliure de cuir usée par le temps, les pages d'or produisent ce son si particulier des livres qui sont nés et ont vécu à une époque dont on se souvient à peine. Certaines illustrations ont été effacées, quand d'autres demeurent trésors regorgeant de détails dont la subtilité lui échappe. Elle a eu beau l'observer des dizaine de fois réparer et améliorer des objets, dans son atelier comme chez elle (ce qu'il ne parvient pas à s'empêcher de faire) elle n'a jamais compris un mot de ses explications – assurément car ça ne l'intéresse pas beaucoup. — Il aurait appartenu à Razar Hedrose en personne- elle se souvient vaguement de son père évoquant l'inventeur avec Victorin Wicke durant certains brunchs interminables, discussion qu'elle s'était aussitôt empressée de fuir laissant volontiers sa place à sa sœur. — Il y'a même certains de ses croquis originaux. Elle se penche un peu plus vers lui, ses cheveux venant frôler délicatement l'arête de son nez, lui chuchotant tu vois ? rien que de la façon dont son corps s'aimante au sien, sans le moindre effort. Elle ne lui demandera pas si le présent lui plait, elle sait qu'elle a vu juste, perçoit un semblant de sourire au coin de ses commissures, un genre de smirk presque grimace que la plupart des gens ne notifieraient même pas. Elle y dépose un baiser, comme pour lui démontrer qu'elle seule parvient à capter ces détails qu'il laisse échapper sans le vouloir. — Alors ? J'ai trouvé n'est-ce pas ? Impossible de s'être trompée cette fois, elle en est certaine.