le rituel
La famille Kayn a toujours vécue en harmonie avec la magie et les pouvoirs se sont transmis de génération en génération. Le père de Marlowe n'a pas échappé à la règle et lorsque son huitième anniversaire pointa le bout de son nez, il prit la Lanterne Kayn, artefact de la famille depuis des générations pour qu'elle le guide vers son pouvoir. Dans la forêt d'Iserolde, la ville où s'était installé son arrière arrière arrière arrière grand père après avoir fuit son pays natal, le rituel voulait que les membres de la famille allument la Lanterne et partent pour une expédition dans la forêt à 23h30, la veille du huitième anniversaire de l'enfant. Guidé par la lumière de la lanterne, l'enfant ne devait faire qu'un avec la nature lorsque les coups de minuit sonneront, dévoilant alors le pouvoir destiné à solidifier le clan familial. Passionné par l'écriture et la poésie, le père de Marlowe obtint alors un pouvoir qui lui ressemblait : celui d'agir sur les actions des gens en l'écrivant sur un simple bout de papier. Un pouvoir à ne pas prendre à la légère, bien sûr, mais qui lui donna une place de choix dans la vie et la société Iseroldienne.

la famille Kayn
Famille respectée et influente à Iserolde depuis des décennies, comblée par des pouvoirs qui forcent l'admiration, mais également la peur. Marlowe est née d'un père baignant dans la vie politique et sociale agitée de la ville et d'une mère humaine, parfois un peu dépassée par les histoires de pouvoirs et de rituels mais qui a toujours fait de son mieux pour s'intégrer à ce monde qui n'était pas le sien avant d'épouser un Kayn. Leurs différences ont d'ailleurs amené à bien des disputes après le septième anniversaire de Marlowe : avec la révolte et la réticense de plus en plus grande des humain·e·s envers la magie, la mère de Marlowe avait la sensation que présenter la Lanterne Kayn à la petite fille lors de son huitième anniversaire n'était pas une bonne idée. "Et si son pouvoir ne pouvait pas être caché, mh ?", demandait-elle à son mari, affolée quand l'anniversaire approchait et que les actes de terreur envers les familles magiques et les gifted augmentaient. Mais c'était tout le clan Kayn qu'elle avait à dos : il était impensable qu'un enfant Kayn n'ait pas de pouvoir et le père de Marlowe n'en démordrait pas. "La magie l'aidera et la sauvera, comme elle l'a fait pour notre famille depuis des siècles", affirmait-il d'un air confiant.

la guerre d'Iserolde
Il est temps pour les humain·e·s de reprendre ce qui leur est dû. La peur. C'est ce qui a mené à la guerre d'Iserolde ; cette même peur qui a commencé toutes les guerres de l'histoire, d'ailleurs. Cette sensation que les humain·e·s étaient le maillon faible, cette envie de reprendre le contrôle. La guerre d'Iserolde commença réellement le 30 août 2006, bien que celle-ci commençait déjà à gronder depuis environ un an. Si les familles dotées de pouvoirs et les gifted se pensaient en supériorité numérique, la guerre d'Iserolde prouva que ça n'était pas le cas. Une véritable chasse aux sorcières fût déclarée par les humain·e·s et les familles influentes ont bien sûr été les premières visées ; la famille Kayn ne fût pas une exception. Le plus gros soulagement de la mère de Marlowe fût d'apprendre que le pouvoir de sa fille n'était pas visible et qu'elle pourrait probablement le cacher. "Il faut qu'elle comprenne qu'elle ne doit pas parler des gens qu'elle voit.", chuchota la mère, tendrement enlacée dans les bras de son mari le matin du 1er novembre 2006 - premier réveil après le rituel de la petite fille. L'homme poussa un long soupire et se dirigea vers le bureau faisant le coin de la chambre parentale. Les doigts glissant sur une feuille vierge, il attrapa un stylo et d'un air sérieux, commença à écrire : Marlowe ne pourra pas développer son pouvoir. Marlowe fera tout son possible pour le cacher, l'oublier. Il s'agira là de son plus grand secret.

la chute des Kayn
Officiellement, la fille Kayn n'a pas reçu de pouvoir de la Lanterne Kayn. Une surprise, pour les habitant·e·s de la ville. Une honte, pour la famille tant respectée. Une occasion, pour les humain·e·s de s'attaquer à une des familles les plus influentes de la magie à Iserolde. La grand-mère et le grand-père paternel·le·s de Marlowe furent retrouvé·e·s mort·e·s le 21 décembre 2006. Des centaines de gifted et membres de familles à pouvoirs disparaissaient tous les mois dans la ville. Une rumeur circulait dans les rues d'Iserolde, affirmant que certain·e·s enfants du Fléau s'étaient associé·e·s avec les humain·e·s pour faire tomber les gifted et les familles à pouvoirs. Le 12 février 2007, des intrus forcèrent l'entrée de la demeure des Kayn. Marlowe et ses parents s'enfermèrent dans la chambre parentale et une décision fut prise. L'encre coulera une dernière fois sur le bureau du père Kayn, ce soir-là. L'espoir de donner à sa fille une chance d'échapper à cette persécution contre la magie, un espoir que la flamme de la Lanterne qui avait autrefois guidée la famille se rallumera à nouveau pour offrir des pouvoirs à une future génération de la famille afin que la magie gagne. Marlowe sera épargnée et envoyée chez sa tante à Velaris.

Marlowe Kayn
"Réveille toi !"
Le cuchottement semblait fantomatique et pourtant, Marlowe aurait jurée avoir sentie le souffle froid de la voix qui venait de la réveiller en sursaut au creux de son oreille. Les sourcils froncés, elle tourne la tête vers la vitre du train à travers laquelle défile les paysages maussades de ce mois de février pluvieux. C'était comme se réveiller d'un mauvais rêve. Un rêve, qui avait duré des mois. Elle sentait qu'on l'observait et quand elle tourna le regard vers la banquette vide à droite de la sienne, elle découvrit avec horreur cette vieille dame légèrement penchée en avant, appuyée sur sa canne qui l'aidait à ne pas complètement basculer à terre malgré les tremblements du train en mouvement. Cette légère lueur grisâtre autour de son corps n'était pas une vision inconnue pour Marlowe ; cependant, elle lui donnait plus une sensation de déjà vu, comme si elle avait constatée cette anomalie sur les quelques personnes qu'elle avait pu croiser depuis des mois sans pour autant les relever. Comme si elle avait été somnambule depuis la nuit du rituel, quand on lui a découvert son pouvoir. La vieille dame tapa avec impatience sa canne sur le sol, observant Marlowe avant de répéter d'un air grognon :
"Réveille toi, Marlowe !"
Tout lui revint alors, comme un film qui se rejoue dans son esprit en version accélérée. Un film dont elle était la star et la spectatrice en même temps. Un film, dont le scénario avait été écrit par son père le soir de son rituel pour la protéger de la rébellion. Le visage de tou·te·s les mort·e·s qu'elle avait vu depuis des mois sans s'en rendre compte défile avec frénésie dans sa tête et tou·te·s, continuent de murmurer à l'unisson à la petite fille :
"Réveille toi, Marlowe !" "Marlowe !" "Marlowe, réveille toi !" "Réveille toi" "REVEILLE TOI"
Prise de panique, la jeune Kayn se leva, la tête entre les mains, en direction du wagon suivant mais les voix continuent de la suivre et les visages de plus en plus nombreux et parfois horrifiants ne faisaient qu'hanter son esprit. Les larmes lui montèrent aux yeux alors qu'elle affrontait la dure réalité. Il n'y avait qu'un moyen de se défaire du sort de son père, lorsqu'il écrivait quelque chose sur un papier : la mort. La mort de la personne concernée par le sort, ou la mort de l'écrivain lui-même.
A la sortie du train, sur le quai de la gare de Velaris, Marlowe fondra en larmes dans les bras de sa tante venue la chercher après avoir reçut un message de sa soeur lui demandant de prendre soin de sa fille le temps que les choses se calment à Iserolde.

Mais les choses ne se sont jamais calmées, là-bas. Marlowe savait que son père était mort à la minute où elle reprit conscience de son pouvoir. Quant à sa mère, plus personne n'eut jamais de nouvelles d'elle. Aux yeux de tout·e·s, ainsi qu'aux yeux de sa tante, Marlowe est humaine et n'a pas eu de pouvoirs. Aux yeux de tou·te·s, car leurs yeux ne voient pas ce que Marlowe voit. Terrifiée par son pouvoir, elle continue encore à l'heure d'aujourd'hui à vivre dans le dénis et le rejet de ces derniers. La Lanterne Kayn quant à elle, séjourne dans le musée de la révolution anti-magique d'Iserolde, telle un trophée des humain·e·s qui pensent que la flamme des Kayn est éteinte à tout jamais alors qu'en réalité, elle ne fait qu'attendre patiemment de pouvoir briller à nouveau pour la famille qu'elle a guidée pendant des siècles.