Dans la matinée un de leur voisin a eu le malheur de hausser le ton sur Dawn pour une histoire absurde d’arcane qui a « miraculeusement » disparu. Il tient à préciser qu’il y est pour rien dans cette affaire mais pour ce vieux débris il est le suspect numéro un. C’est pas une flèche mais quand même, s’il avait dû piquer de l’arcane il aurait pas tapé dans les stocks du voisinage ! Sa soeur a pris sa défense, a encaissé un lot d’insultes et de remontrances car c’est ce que ce croquemort sait le mieux faire. Dès qu’il a une brèche pour se plaindre de leur famille, c'est l'exaltation ! Il va boiter jusqu'à la cave de son cerveau moisi pour leur sortir tout un historique de contrariétés accumulées sur l'année. La dernière fois c’est Karma qui a dû se le coltiner et avant ça, c’était lui. Il a pas eu leur patience, ça s’est terminé en fenêtres brisées et en boîte aux lettres éclatée. Elle est d’ailleurs toujours toute biscornue, le peu de courrier qu’il reçoit doit être plié d’une certaine manière pour pouvoir y entrer.
Comme il n’a pas pu être là pour la défendre, il a décalé sa vengeance à plus tard dans la journée. Dès que Dusk a passé la porte, il l’a embarquée dans sa mission.
Ils ont rasé les murs, à moitié accroupis pour ne pas se faire repérer avant d’arriver jusqu’à sa camionnette. Quelques fils à couper puis à souder entre eux et magie ! Le moteur tourne.
Franchement cette altercation ne pouvait pas mieux tomber ! C’est comme si pour une fois l’univers s’accordait à faire un truc sympa pour lui. ( Est-ce qu'il se serait empêché d'utiliser la caisse dans son dos sans cette embrouille ? Non. Mais c'est pas la question.)
« Regarde pas ça. » Alors qu'ils sont sur la route d'une destination qu’il garde secrète, sa cadette se met à fouiller dans la boite à gants et au milieu de petites bouteilles d’alcools ( la plupart vides ), des emballages de nourriture et de fioles au contenu mystérieux elle tombe sur une revue pornographique. Il balance sur le siège arrière le journal avec en couverture deux hommes torse nu, dont un enfant du fléau sous sa forme de shymer en bas résilles roses. « Il est cramé l’ancêtre. »
Après un blind test, une longue série de « devine à quel animal je pense ? » et les prémices d'une discussion sur « qui est celui des deux qui souffre le plus des leçons du dictateur en chef. » ( Qui n'est d'autres que KARMA, pour ceux qui suivent pas ) Ils parviennent à l’orée d’un bois qu’ils connaissent bien pour y avoir perdu Dusk lors d’une partie de cache-cache. C’était à une époque où leurs parents étaient encore là pour pouvoir les aider à la retrouver, de mémoire, ils n’y sont pas retournés depuis.
« Si jamais t'étais pas encore sûre, c'est le moment où tu vas m'élire "frère le plus fun." » C'est pas comme s'il avait une grosse concurrence dans ce domaine. Quand on sait qu'un des jumeaux est un rabat-joie et l'autre un corbac c'est pas très difficile de les écraser sur le podium de la popularité. ( Ils seront sans doute pas d’accord là-dessus mais flash info, il s’en fout. )
« On va aller chercher un épicéa ensemble, tu vas le choisir et je m’en occupe. » C’est une idée C A N O N. Elle va faire plaisir à tout le monde, en tout cas il espère. C’est vrai que dernièrement il a un peu ( beaucoup ) foiré avec ses aînés, c’est un peu sa façon à lui de se racheter. Puis il est persuadé que ça plaira à Dusk, avec ses entraînements et ses cours ils n'ont pas pu passer beaucoup de temps ensemble dernièrement. C’est l’occasion rêvée de se faire de nouveaux souvenirs rien qu'à eux.
Et sérieux, leur arbre il aura de la gueule dans leur salon pourri. Ça va être nickel, pour une fois il voit vraiment pas comment il pourrait se rater.

Quand locke lui a parlé d'une mission, elle a tout de suite su que c'était une mauvaise idée. quand locke s'est mis à traficoter les fils du camion du voisin, elle a tout de suite su que c'était une mauvaise idée. et quand elle est montée dedans puis s'est retrouvée à fouiller dans la boite à gants, elle a encore tout de suite su que c'était une mauvaise idée. "alcool... sucreries... déchets... oh ! un magazine ! — regarde pas ça." locke le lui prend des mains et le jette à l'arrière — malheureusement elle a le temps d'en voir la couverture. "bEuRk ! — Il est cramé l’ancêtre" confirme son frangin. avant, quand elle était plus petite, elle voulait toujours parler comme lui. utiliser les mêmes mots que lui avec les mêmes intonations que lui. mais locke a une manière de parler qui lui est si particulière qu'elle n'est jamais parvenue à parfaitement l'imiter. dans la cour de l'école elle répétait les insultes et les images inventives qu'il utilisait, mais maintenant qu'elle est grande elle imite l'accent midriais.

ça aurait pu les séparer, maintenant qu'elle y pense.

mais rien ne peut séparer dusk et locke. rien ne peut séparer les gamins qu'ils étaient et qui voulaient, comme karma et raven, fonctionner en duo, être jumeaux. parfois ils mentaient et disaient aux inconnus ou aux connaissances qu'ils l'étaient. maintenant ils mentent toujours, mais en mieux, ou en pire ; sur des trucs plus gros, comme ils respirent.

"Si jamais t'étais pas encore sûre, c'est le moment où tu vas m'élire frère le plus fun. — j'attends de voir ton plan avant de me prononcer" qu'elle répond prudemment, car ils approchent d'un bois qu'elle connaît bien, pour y être restée cachée pendant des heures dans un tronc, avec les limaces, la mousse et les araignées, attendant que sa fratrie ne la retrouve à l'issue de cette partie de cache-cache interminable, s'affolant à la tombée de la nuit. ce jour-là elle avait stupidement cru qu'elle avait été abandonnée, car ils n'avaient pas assez d'argent pour se nourrir tous et qu'elle était la dernière arrivée — et elle s'en était voulu de ne pas avoir jeté des cailloux derrière elle pour retrouver son chemin, comme les enfants d'un conte que dawn lui lisait parfois avant d'aller dormir.

"et donc, ton plan ? — On va aller chercher un épicéa ensemble, tu vas le choisir et je m’en occupe." un épicéa. dont les aiguillent piquent les doigts et qui prendra une place folle dans leur maison minuscule. "t'es sur que c'est une bonne idée ?" locke est sur à 100%. sur comme dans "cette fois-ci c'est la bonne". sur comme dans "t'inquiètes pas". ils se garent au bord de la forêt, descendent du camion et inspectent les arbres en levant la tête vers les cimes, leurs souffles faisant un nuage devant leurs lèvres. "ok" elle donne l'impulsion, marche droit devant au milieu des troncs. le temps est presque neigeux, on croirait y voir des flocons. "celui-là." qu'elle se décide finalement après quelques minutes, pointant du doigt un arbre qui, selon elle, à la forme parfaite. "c'est pas un épicéa" lui fait remarquer locke. "ah." elle se remet en quête du bon, du seul, de l'unique arbre de leur prochaine fête de famille.

quelques mètres plus loin, il y en a un qui lui plaît. "lui" qu'elle dit, le pointant du doigt lui aussi. il est bien touffu, bien vert, bien grand. un peu trop grand peut-être. peut-être. "tu sais comment le couper, bien sur ?" oh, ils pourraient l'acheter, ce foutu tas de branches. ils pourraient, s'ils avaient l'argent pour. "tu crois qu'il y a une scie dans le camion ? tu crois qu'on y arrivera à deux ? tu crois que karma et dawn seront contents ?" ce n'est pas son frère qu'elle regarde pendant l'avalanche de questions, c'est leur nouvel arbre, un peu comme s'il était bien vivant et que c'était à lui qu'elle parlait.

Jattends de voir ton plan avant de me prononcer. — Tu causes comme une duchesse. » Comme Misty, pense-t-il très fort. Il n'a pas vu les changements de ses manières au fur et à mesure du temps. Non, lui ça l’a frappé un matin, quand elle a utilisé un mot savant pour une banalité. C’est là qu’il s’est dit — Elle a changé.
Ou en tout cas, elle essaie. Qui de mieux que lui pour la comprendre ? Leur vie de misère donne envie de changer de peau, d’être quelqu’un d’autre. C’est pour ça ces mensonges précoces, ces histoires qu’ils s’inventaient petits et qu’ils continuent de se conter en grandissant.
Dawn, Karma et Raven ça ils ont jamais compris. Eux, ils ont besoin de s’ancrer dans le monde réel pour l’affronter. Alors qu’au contraire, Dusk et lui s’en sortent mieux dans le pays imaginaire. S’adapter en étant une nouvelle personne, ça leur a toujours réussi.
Locke et Dusk Savage, n’ont pas grand chose. Mais leur alter ego lui, il sait s’adapter au royaume des grandeurs, celui qui a de hautes barrières d’or pour repousser les gens de leur acabit.
Comme il lui a toujours dit « si t’as pas la clé, fais sauter le verrou. »
« T’es sûr que c’est une bonne idée ? — Prépare-toi à te prononcer, c’est tout ce que j’ai à dire. »
Il coupe le moteur, embarque le sac a dos qu’il avait posé aux pieds de sa soeur le temps du trajet avant de progresser ensemble dans cette forêt qui ressemble à une boule à neige. La féerie en moins, Zaun reste décevant. À Celestia chaque arbre doit avoir sa propre parure de lumières, ici, si un arbre tient debout et qu’il a assez de branches pour pouvoir y mettre plus d’une guirlande on estime que c’est un miracle de l’Aurore.
« Tu sais comment le couper, bien sûr ? — J’pensais grimper jusqu’au sommet jusqu’à ce que mon poids le penche et qu’on entende un « crac. » » Ils se regardent, se comprennent. « C’est toi qui a commencé ! Faut couper là. » Il tape du pied sur le tronc. « Puis je cogne deux trois fois, je le traine, on l’embarque. Basta ! — Tu crois qu’il y’a une scie dans le camion ? — Je lui ai piqué sa hache pendant que je t’attendais. Et Karma qui dit que j'fais rien de mon temps. Bah il serait surpris ! » Il est jamais là pour le voir accomplir des prouesses, au moins il a un témoin cette fois-ci.
Il ouvre son sac à dos, en ressort l’outil volé et se met à l’ouvrage. « Ça coupe pas sa merde. — Tu crois que Karma et Dawn seront contents. — Tout le but est là, je fais ça pour eux. » Cinq coups plus tard, il s’interrompt pour lui demander. « Pourquoi tu penses que ça leur plairait pas ? » Y’a rien dans cet épicéa qui pourrait ne pas leur plaire… Si ?
Non.
Si ?
« Moi je le regarde, j’suis en kiffe. Pas toi ? » Il met sa moue peu convaincue sur le compte de la gifle de vent glacée qu’ils se prennent en pleine tête depuis qu’ils ont foutu le pied dehors. « Imagine. C’est la fête, on a passé l’après-midi à mettre les décos de maman sur les branches. Toi. » Il la prend par le bras et tous les deux, ils mettent les genoux dans la neige pour voir l’arbre sous un angle qui l’étoffe et le grandit. « T’es là et tu bois un vrai chocolat chaud, pas un qui a un vieux goût amer. Un qui est sucré comme il faut et là, y’a Dawn qui respire le parfum du sapin. Raven qui a le sourire parce qu’ils nous voit sourire et Karma qui nous dit qu’on a eu une idée géniale parce que ça lui rappelle des bons moments. » Avant c’était leur père qui leur faisait cette surprise, ils se réveillaient le premier décembre avec la joie de découvrir le nouvel ami qui allait les accompagner jusqu’à la fin de l’année. Avec son départ, la tradition s’est perdue.
« Et y’aura moi qui vous dira à tous. » Il se lève avec le début d'un rire aux lèvres en prenant une inspiration qui annonce un show sans précédent. «J’AVAIS RAISON ! Alors Karma, t’as dit quoi déjà ? Moi, j’ai des idées géniales ? Ouais, je sais. Ça me fait plaisir de te régaler aussi. Allez, sans rancune frangin. » Il fait semblant de taper le Karma imaginaire sur l’épaule. « Ça va se passer exactement comme ça. Bon je m’y remets, te mets pas trop derrière moi, j’ai peur de te faire mal. » La progression est lente et fastidieuse, il faudra bien plus que « deux ou trois coups » pour enfoncer la lame dans le tronc. Il s’y prend mal, ne plante pas la hache toujours au même endroit, ce qui lui fait perdre un temps considérable. Il y va pourtant de toutes ses forces mais l’outil n’est pas affuté et il commence à perdre patience. « TU VAS TOMBER !!!! » Si l'arbre pouvait répondre il dirait quelque chose comme : ah ah, non.

Jpensais grimper jusqu’au sommet jusqu’à ce que mon poids le penche et qu’on entende un « crac. »" ils se regardent en chiens de faïence. elle sait qu'il est sarcastique, elle sait qu'il lui répond un truc bête parce qu'elle lui a posé une question bête. "j'aimerai bien voir ça, cela dit" qu'elle répond pensivement, "ce serait drôle. toi perché tout en haut comme un chat égaré, hurlant que tu peux pas redescendre parce que soudainement tu t'apercevrais que tu as le vertige et moi, en grande héroïne, qui viendrait- bref." tous les deux, ils ont toujours eu une imagination débordante. une immense facilité à inventer des conneries, des mythos pour se couvrir l'un l'autre, des histoires abracadabrantesques à partir de rien. "c'est toi qui a commencé !" se justifie locke, et il a raison. ensuite c'est à son tour de conter toute une scène, et il ne lésine pas sur les moyens : chocolat chaud, décorations, karma conquit, dawn touchée, raven émerveillé et bien sur, bien sur, félicitations générales pour locke à la fin. il en a beaucoup rêvé, ça elle n'en doute pas, mais elle ne se rappelle plus de la dernière fois où c'est réellement arrivé. "Et y’aura moi qui vous dira à tous : J’AVAIS RAISON !" qu'il jubile, théâtral, ils jouent une pièce en full impro dans cette forêt enneigée, ça doit être ça, la magie de noël. la magie de noël voudrait aussi que l'arbre se coupe tout seul, se fasse pousser deux petites jambes pour aller jusqu'au camion de lui-même, s'y installe confortablement et y rentre parfaitement, sans dépasser par la porte parce qu'il est trop grand. "Ça va se passer exactement comme ça." insiste locke. "ouais, exactement." reprend dusk, "si on arrive à l'avoir, ton épicéa."

l'épicéa n'a pas vraiment l'air de vouloir tomber. locke s'acharne sur lui, lui entame le tronc, c'est la guerre et il se bat férocement, mais l'arbre ne bronche pas. alors il en vient aux menaces, hurle : "TU VAS TOMBER !!!!" au bout d'un moment, dusk propose : "attends, laisse-moi faire. peut-être qu'il faut lui parler gentiment et avec une jolie voix." elle prend la hache volée des mains de son frère, se tourne vers l'épicéa récalcitrant, et lui ordonne poliment : "maintenant tu vas tomber, ok ? tu vas tomber juste là, sur le côté gauche, voilà, pas sur nous. ensuite on ira jusqu'au camion tous les trois. chez nous c'est beau et il fait chaud, c'est la grande classe (c'est faux). tu tombes pas dans une famille de merde, jte le jure. on se dispute jamais et on mange des plats abondants de gens riches en se racontant des énigmes intellectuelles." tout en parlant, elle continue de lui donner des coups de hache, avec une force un peu ridicule mais le principal, c'est d'essayer. "t'auras des décos de folie. de la couleur que tu veux." qu'elle dit encore, pour le convaincre.

soudainement, quand il entend décos de folie, l'arbre chancèle. "voilà, c'est bien. maintenant tu tombes à gauche. oui- non, non, PAS PAR LÀ, LOCKE COURT!!!!!" ils esquivent l'arbre de peu, il s'affale sur le sol dans un grand bruit tout en faisant voler de la neige autour de lui. "bon. à part sa tentative d'assassinat, je dirai que c'est plutôt un bon arbre." commente dusk, s'époussetant comme elle peut. elle meurt de froid, qu'est-ce qu'elle aimerait avoir des gants. peut-être qu'elle en recevra à noël, elle espère. en attendant elle se penche pour attraper l'épicéa, qui n'a pas de jambes pour aller jusqu'au camion, et les épines lui piquent les doigts. "aide-moi" qu'elle demande à son grand frère, et à deux ils empoignent la bête pour la trainer dans la neige jusqu'au camion. "c'était pas la chance du débutant" qu'elle précise, sur le trajet, "s'il est tombé à mon troisième coup de hache." c'était parce que locke avait déjà fait tout le boulot, en fait. comme quand on s'acharne sur un pot de confiture pendant quatre ans, qu'on abandonne, puis que le premier venu qui passe arrive à l'ouvrir en un geste et qu'ensuite il peut flex toute la journée sur sa prétendue force de dingue. c'est généralement karma, le premier venu. "c'est juste que je suis héroïque, c'est tout." elle préfère cette version-là.

ils galèrent un peu, elle finit par lui dire : "on va changer de méthode. toi tu tires, et moi je pousse au niveau du tronc." ça marche beaucoup mieux comme ça, et bientôt ils arrivent au camion. reste à le hisser dedans, ce qu'ils arrivent à faire avec peine, pour ensuite découvrir qu'il est beaucoup trop grand, forcément. "on peut en caler une partie entre nous deux." ses branches du haut touchent le pare-brise, et son tronc dépasse encore au niveau des portes arrières qu'ils ne peuvent pas fermer. rouler comme ça est tout sauf sécurisé, par conséquent dusk dit avec aplomb : "on peut rouler comme ça. je le tiendrai pendant que tu conduis. il faut juste croiser les doigts pour pas croiser les keufs." elle ne pourra pas croiser les doigts puisqu'elle sera occupée à tenir l'arbre, et locke ne pourra pas croiser les doigts non plus puisqu'il sera occupé à conduire. elle se fait la remarque que du coup, la probabilité qu'ils se fassent arrêter par des pacifieurs sur la route est assez élevée.