I'll show you my shadows if you show yours
Let's get it right dear, give a good fight dear
We'll keep it all up behind closed doors

Les pupilles dilatées et les veines salies de violet, le daemonis rit. Il se sent puissant, et d’excellente humeur ; tant pis si ce bonheur est artificiel, c’est avec délice qu’il admire sa nouvelle demeure à travers ses larmes pailletées. Et puis ce n’est pas si faux - il est bien heureux de pouvoir s’acheter une maison quand iel le veut, simplement parce que l’envie lui prend. Comme il peut tout acheter, maintenant, enfin… presque tout. Mais ça Amore refuse de se l’admettre ce soir, et son esprit gorgé d’Off et d’Euphoria n’a pas de mal à être persuadé qu’il n’y a plus rien qu’iel ne pourrait pas acheté, et que peu importe ce qu’il veut alors il pourra l’obtenir. Tant qu’il ne regarde pas trop vers le haut, en direction du ciel et des tours de verre qui transperce son obscurité de leur scintillement ; discret, mais toujours présent pour mieux lui écorcher la vue.

Plutôt que de lever les yeux dans cette direction il préfère bien les baisser pour admirer ce qu’il possède déjà, observer les mets de luxe, les pilules scintillantes et les sachets déjà vide éparpillés sur la table en bois gravé ornée de dorures. Il s’est installé au bout, sur la plus grande des chaises, tel le roi d’un monde qu’il est seul à habiter maintenant que toute compagnie a déserté ; assis précieusement sur le velour pourpre de ce trône solitaire qui ne lui suffira jamais. Car tout ce qu’il a et tout ce qu’il a eu, ça n’est pas assez - son sang est chargé d’autant d’envies que de drogues, malgré ces dernières. Il en veut plus, Amore, se perds toujours plus profondément dans ses appétits et s’il a renvoyé tout le monde ce n’est certainement pas parce qu’il en manque. C’est parce qu’il veut quelqu’un, et qu’il l’aura.

La dernière entrevue avec Asphodel ne s’est pas exactement terminée comme il le souhaitait, ce serait peu de le dire. Pourtant les frissons n’ont pas cessé depuis, qu’ils viennent d’une excitation féroce ou d’une rage rampante pour les derniers mots que le shymer a murmurés. You will always be that poor kid from Zaun like me, gravé en lettre de feu dans son esprit. S’il est faux que tout le monde est au courant, le baron a dû vérifier pour s’en rassurer, c’est dans une colère noire que la phrase l’a plongé.

Amore déteste qu’on lui rappelle ses origines. Il déteste se souvenir de la boue et la poussière, du goût âcre de la faim et du peu de nourriture qu’ils pouvaient se permettre, du manque d’intimité de la pièce où ils devaient s’entasser à sept, de l’inconfort des vêtements rapiécés de ses grands frères parce qu’ils n’allaient pas en racheter de nouveau juste pour lui. Il n’avait supporté que parce que Maria lui avait toujours répété qu’il s’en sortirait, qu’il valait mieux que ça ; et elle avait fini par avoir raison. Il n’avait jamais eu l’impression d’avoir fait partie de ça, ne s’était jamais considéré comme un zaunard à part entière : parce que ce n’était pas là où il finirait, ce n’était pas là son destin.

That’s why it’s not true. I’m not like you, Asphodel, and I’ll show you.

Vu l’heure qu’il est, le blond ne va sans doute pas tarder à arriver, et le daemonis se sent déjà fébrile d’impatience. Sa fureur s’est dissipée pour le moment sous les effets des psychotropes, mais elle n’attends qu’une occasion pour poindre. Peut-être de voir son visage, ses lèvres assassines et ses mains qui l’ont immobilisé de leurs griffes, comme s’il n’avait pas envie de les sentir de nouveau parcourir sa peau.

Iel ne bouge pas, quand du bruit se fait entendre et que le danseur est conduit dans la salle où se tient le maître des lieux ; tout est prêt, de la musique aux lumières centrées sur la barre métallique qui vient se planter dans le plafond, pour la danse privée que le Midriais a commandé ce soir. Asphodel ne connaît pas cette villa trop récemment acquise, n’a aucune idée d’où il met les pieds ni de pourquoi il est là.

-Hello, darling…

Amore attire son attention et lui adresse un sourire morgue lorsque son ancien amant pose enfin son regard sur ellui, et se fige en le reconnaissant. Combien de temps avant que son masque ne se craquelle, aujourd’hui ? Combien de temps avant qu’il se rende compte que c’est Amore qui a le contrôle, ici, qu’il ne peut pas fuir cette fois-ci ?

La vérité, c’est que rien ne l’empêche vraiment de se déchaîner. Le baron ne s’est pas réellement protégé de lui, à la fois parce qu’il n’a pas peur mais aussi parce qu’il a envie de voir jusqu’où le shymer peut vraiment aller. Et puis malgré son humiliation la dernière fois, il a tout de même bien trop confiance pour penser qu’il pourrait perdre - après tout, ses illusions peuvent fonctionner même lorsqu’il est paralysé.

-What a delight to see you here.

De délices à désirs il n’y a qu’un pas, et la silhouette pâle réveille chez le brun des instincts qu’il n’a pas l’habitude de faire taire. Mais il a toute la nuit pour y laisser court, il a le temps de laisser durer le plaisir, de tisser sa toile et hypnotiser sa victime jusqu’à ce qu’elle se glisse de son plein gré entre ses doigts.

Il s’installe plus confortablement sur la chaise, étendant les jambes tout en appuyant son coude sur l’accoudoir et ses doigts sous son menton. Et d’un geste, lui indique qu’il peut commencer à danser.

-You may proceed, now.

Dance for me, Asphodel, because you don’t have a choice.