There's obsession through research



Une certaine impatience mêlée de frustration contenue commençait à s’embrouiller en lui devant les refus. Il n’était pas de ceux à se précipiter, Aedhan. Ni de ceux à se contrarier facilement. Il savait prendre son temps, attendre que l’opportunité idéale se présente. Mais parfois, la patience commençait à s’épuiser. Particulièrement lorsque les raisons ne lui semblaient pas valables. Dans ses recherches, dans ses travaux, il avançait d’un rythme tranquille, mais soutenu. Et ce frein soudain dans ses plans avait été un léger inconvénient. Rien qui ne paraissait insurmontable. Tout ce qu’il avait dû faire était d’attendre le retour de cet ouvrage désiré sur les étagères de la bibliothèque. Sauf que chaque fois qu’il était repassé, le livre était absent. Et Aedhan avait beau s’informer auprès de la bibliothécaire, celle-ci ne répondait que de quelques mots, regard sévère qu’elle posait sur lui, comme s'il la dérangeait profondément dès qu’il lui adressait la parole. Et c’était la même réponse entrecoupée de soupirs qu’il recevait. C’était toujours la même personne qui détenait le bouquin. Toujours la même qui l’empruntait. Devant cette attente qui ne prenait pas fin, le jeune rêveur se disait qu’il devrait se pencher sur une manière différente de se le procurer. Et s’il ne pouvait compter sur l’aide du personnel de la bibliothèque, il s’arrangerait lui-même. Car ce qui influençait ses recherches méritait qu’il s’y attarde davantage. Il était hors de question d’abandonner.

De retour à la table sur laquelle il s’était installé — éparpillé selon une certaine logique —, il se laissa tomber sur la chaise. Léger soupir contre les lèvres. Le crayon trouvait sa main alors qu’il observait ses notes. Les livres qui l’entouraient ouverts sur les pages lui ayant été utiles quelques minutes auparavant. Il relisait, tout en laissant ses réflexions filées, crayon qui tapait posément contre la table d’un mouvement régulier. Roulée en boule près de lui, Csilla ronronnait doucement. Inattentive et cachée à la vue de la vieille bibliothécaire aigrie. Le chat qui ne quittait jamais ses côtés, qui le laissait se perdre des heures durant dans les vieux ouvrages de la bibliothèque, mais qui était toujours là pour lui rappeler l’heure de quitter. Qui arriverait bien vite, mais qui n’était pas tout à fait là encore. Les pensées continuaient de tournoyer, jusqu’à ce que l’idée se fraye un chemin dans son esprit débordé. Celui qui avait emprunté l’ouvrage qu’il souhaitait devait avoir un sujet de recherche similaire au sien. En toute logique, il devait s’intéresser de près ou de loin aux mages célestiens. Pour quelles raisons, il l’ignorait, mais si c’était bien le cas… Il attrapa un des livres qui reposait sur la table, le feuilletant rapidement. Si ses conjectures étaient exactes, les thèmes de ce livre pourraient l’intéresser tout autant. Un bout de papier trouva sa main, quelques mots qu’il écrivît d’une calligraphie soignée avant de le glisser entre deux pages du début, là où il y avait la table des matières. Il ne lui restait qu’à ranger le bouquin sur l’étagère en espérant que ce serait bien le prochain que l’inconnu choisirait. Qu’il puisse lui apporter cet ouvrage qu’il recherchait.

Satisfait, il commençait à ramasser le reste de ses effets, à replacer les autres livres qu’il avait empruntés. Csilla qui l’observait avec calme. Sans se presser, prête à le suivre dès qu’il lui ferait signe. Il serait de retour dans quelques jours à la date et l’heure précise qu’il avait indiquée sur le mot. Et il espérait vivement que celui auquel était adressé le message le verrait à temps et surtout, qu’il lui apporterait l’ouvrage demandé poliment. Pour faciliter le tout, il avait aussi laissé son nom, au bas de la note. Au cas où cela pourrait s’avérer utile.

Les jours qui défilaient avec rapidité et lenteur tout à la fois. Avant de rejoindre la bibliothèque une nouvelle fois, s’installer là où il avait indiqué pour être aisément retrouvé. Et l’attente qui commençait, avec l’espoir qui ne démordait pas. Le regard perdu entre les pages qui se levait régulièrement vers l’entrée, avec curiosité sur la personne qu'il attendait.

There's obsession through research



Même si ses camarades d'aventure avaient vite repris l'habitude de se moquer de son côté rat de bibliothéque, Atlas n'avait en aucun cas perdu sa passion pour les livres. Après deux ans de survie dans une dimension étrangère et sauvage, il n'avait pas mis longtemps à retourner à la bibliothéque. Toujours la même section, les mêmes livres, encore et encore pour parvenir à comprendre ce qui coince dans son pouvoir. Une obsession presque maladive que Neela trouvait fortement ridicule. Un jour, il se reposerait et prendrait des vacances dans ses recherches, mais ce jour semble très lointain pour le moment.

Atlas fut surpris de retrouver récemment une note qui lui était adressé dans un des livres qu'il avait emprunté. La note s'était écrasée sur le sol et il l'avait ramassé pour la lire.  Atlas ne put s'empêcher de sourire durant la lecture du mot. En effet, il gardait ce livre précieusement depuis plusieurs semaines malgré les multiples relances de la bibliothéque ainsi que de la vieille peau derrière son bureau. Atlas n'était clairement pas le plus assidus quand il s'agissait de rendre les livres qu'il empruntait. Il se justifiait souvent en argumentant que s'il n'avait pas finis le livre en question, il lui était impossible de le rendre. Une excuse des plus bidons qui lui valait bien souvent une remontrance de la bibliothécaire qui le connaissait par cœur désormais.

Toujours est-il qu'Atlas avait lu toute la nuit ce livre pour le finir avant de le rendre à ce correspondant mystérieux qui répondait au nom d'Aedhan. Le matin même, après avoir dormis pas plus de deux heures, il se rendit à la bibliothéque pour retrouver son admirateur secret. Seulement, au milieu de la foule silencieuse de la bibliothéque, Atlas ne parvenait pas à repérer le jeune homme qu'il cherchait. Frustré, il finit par gueuler au milieu de la bibliothéque:

" Aedhan ? Est-ce que quelqu'un s'appelle Aedhan ici ?"

There's obsession through research



Du genre attentif, Aedhan. À pouvoir se plonger dans ces épais bouquins qu’il aimait lire, concentrer son esprit sur les recherches qui occupaient sa vie, en oublier la réalité qui existait tout autour. Ne pas voir les heures passées, trop absorbé par ce qu’il avait sous les yeux, par ce qu’il écrivait et copiait. Jusqu’à ce que le miaulement de Csilla ne le ramène au présent, ne lui fasse prendre conscience du soleil qui disparaissait et qu’il fallait rentrer à Célestia. Des journées durant à se perdre entre les allées de la bibliothèque, dans les théories de scientifiques qui étaient passés avant lui. Mais aujourd’hui était différent. Aujourd’hui, son attention se reportait bien souvent sur les grandes portes de la bibliothèque, son regard s’évadait sur les fenêtres en questionnant sur la personne, en espérant qu’elle se présenterait bien. Les lectures sous ses yeux n’étaient que parure, car ses pensées s’éloignaient des phrases théoriques présentes devant lui. Il attendait avec cette certaine impatience, cette pointe d’effervescence, le fameux recueil.

Et finalement, son nom s’éleva dans cet espace silencieux. Résonnant fort entre les étagères de bois comblées de livre. S’en suivit les murmures curieux sur ce qui se passait, les marmonnements de jugement devant l’irrespect qu’était de parler à voix haute à cet endroit, et les coups d’œil qui se levait dans la direction du rêveur — pour ceux qu’il l’avait reconnu. Surpris par la voix soudaine, il avait relevé le visage du livre sur lequel il tentait de concentrer vainement son esprit. Son regard scrutateur se posa sur celui qui détenait l’attention. Et entre les bras de l’inconnu, il remarqua un ouvrage épais qui devait être celui qu’il désirait tant. Il se leva, fermant ses notes, mais laissant ses effets à leur place, sur cette table qu’il avait choisie pour la journée — celle qu’il choisissait bien souvent, pour être tout à fait honnête. Il avait quelques habitudes qui le rassuraient, Aedhan. Puis il s’avançait entre les chaises, entre les bureaux. Les chuchotements sur son passage ne le préoccupaient pas, ni même les regards qu’on lui lançait.

« C’est préférable de ne pas trop se faire remarquer dans une bibliothèque, surtout avec celle présente à l’accueil. » Il devinait déjà le regard sévère de la bibliothécaire et s’imaginait entendre ses petits talons claquer le sol pour s’approcher et leur dire de se taire. Mince sourire qui flottait maintenant sur ses lèvres alors qu’il se présentait. « Aedhan Erindel, enchanté. Vous êtes ? » Il tendait une main, respectueux et sérieux, mais la lueur intéressée dans ses pupilles ne s’effaçait pas. Son regard se posait de suite sur le bouquin qu’il tenait entre ses bras. « C’est rare de tomber sur un autre faisant des recherches semblables aux miennes. Les histoires de magie sont aussi complexes qu’elles sont mystérieuses, n’est-ce pas ? Et cet ouvrage semblait détenir des mentions intéressantes. Avez-vous trouvé ce que vous cherchiez ? En vue du temps où vous l’avez gardé, je me dis qu’il se doit d’être passionnant. » Toujours posé dans ses discours. Calme et discipline qui l’entouraient. Mais aussi une passion évidente et une curiosité sans fond. Pupilles brillantes sous les possibles connaissances à découvrir et la langue qui se déliait lorsque le sujet frôlait ses intérêts.

Son regard qui détaillait l’inconnu avec curiosité. Le visage ne lui disait rien et il se questionnait sur ce qu’il cherchait, sur ce qu’il avait voulu de ce bouquin. Car ce n’était pas tous les jours qu’il se trouvait devant une personne qui empruntait presque les mêmes livres que lui. Ça l’intriguait. Et le poussait à s’interroger davantage, à instaurer discussion pour en comprendre les raisons. Car s’il parlait peu, Aedhan, il n’était pas timide. Il y avait surtout un désintérêt envers ceux qui ne piquaient pas son attention. Et celui qui lui faisait face avait réussi à le faire. Simplement en l’empêchant de facilement se procurer l’ouvrage désiré. Et maintenant, il devenait objet de sa curiosité tout autant que les pages jaunies du vieux recueil.